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L’OFFRE SUBORDONNÉE À DES CONDITIONS

IV. Les conditions exclues

A. Casuistique

1. Condition tendant à une due diligence de la société visée

Cette condition fait l’objet d’une analyse distincte dans le chapitre qui lui est consacré. Il y est par conséquent renvoyé 371.

2. Condition tendant à contraindre le conseil d’administration de la société visée à inscrire l’offrant au registre des actions

L’offrant ne peut pas subordonner l’offre à la condition que le conseil d’ad-ministration de la société visée accède à sa requête de l’inscrire au registre des actions en qualité d’actionnaire avec droit de vote nonobstant une

du 14 février 2017 dans l’affaire Actelion Ltd., consid. 7.4 ; décision 0639/01 du 28 sep-tembre 2016 dans l’affaire Looser Holding AG, consid. 9.7 ; décision 0638/01 du 9 sep-tembre 2016 dans l’affaire Charles Vögele Holding AG, consid. 2.3 ; décision 0630/01 du 19 mai 2016 dans l’affaire gategroup Holding AG, consid. 6.6 ; décision 0623/01 du 25 février 2016 dans l’affaire Kuoni Reisen Holding AG, consid. 6.3 ; décision 0624/01 du 2 février 2016 dans l’affaire Syngenta AG, consid. 3.4 ; décision 0576/01 du 29 sep-tembre 2014 dans l’affaire Nobel Biocare Holding AG, consid. 6.2 ; décision 0463/01 du 21 décembre 2010 dans l’affaire Winterthur Technologie AG, consid. 7.4 ; décision 0450/01 du 20 août 2010 dans l’affaire Day Software Holding AG, consid. 6.6 et 6.7 ; décision 0422/03 du 8 septembre 2009 dans l’affaire LO holding Lausanne-Ouchy S.A. / JJM Participations SA, consid. 8.8 ; décision 0416/01 du 13 juillet 2009 dans l’affaire Jelmoli Holding  AG, consid.  7.6 ; décision 0410/01 du 29  mai 2009 dans l’affaire Quadrant  AG, consid.  6.3 ; recommandation 0382/01 du 26  septembre 2008 dans l’affaire Ciba Holding AG, consid. 5.7 ; recommandation 0260/01 du 13 décembre 2005 dans l’affaire Berna Biotech AG, consid. 4.10 ; recommandation 0249/01 du 15 juillet 2005 dans l’affaire Saia-Burgess Electronics Holding AG, consid. 2.3.

371 Voir chapitre 3 : L’accès de l’offrant aux informations concernant la société visée, p. 198 ss.

clause statutaire d’agrément ou une clause limitative des droits de vote 372. Un telle condition est jugée déloyale et donc illicite par la COPA parce que contraire à la répartition des compétences entre le conseil d’administra-tion et l’assemblée générale de la société visée 373. Abroger une clause statu-taire relève de la compétence exclusive de l’assemblée générale 374 ; le conseil d’administration n’y est pas habilité 375. Si le conseil accédait à la requête de l’offrant, il adopterait un comportement contraire au droit de la société anonyme, incompatible avec les devoirs de diligence et de loyauté que lui impose l’art. 717 al. 1 CO 376.

3. Condition tendant à protéger l’offrant contre une modification du prix de l’offre

A ce jour, une condition protégeant l’offrant contre une modification im-posée du prix de son offre n’a encore jamais été admise. La COPA a mani-festé sa réticence à ce sujet dans un obiter dictum à l’occasion de l’affaire Pretium AG 377. Dans le chapitre consacré à la protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre, nous analysons cette problématique et dé-montrons que la position de la COPA, selon laquelle une pareille condition transférerait injustement les risques de l’acquisition sur les destinataires

372 Recommandation 0107/01 du 16 juillet 2001 dans l’affaire Baumgartner Papiers Hold- ing SA, consid. 2.

373 Recommandation 0107/01 du 16 juillet 2001 dans l’affaire Baumgartner Papiers Hold- ing SA, consid.  2.3 ; recommandation 0107/02 du 27  juillet 2001 dans l’affaire Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 1.2 ; décision de la Chambre des offres pu-bliques d’acqui si tion de la CFB du 12 novembre 2001 dans l’affaire Multipapiers SA / Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 4 et 6 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaber-thüel (2014), p. 264, no. 464 et p. 293, no. 530 ; Peter / Bovey (2013), p. 237 s., no. 533 ; Schenker (2009), p. 315 ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 112 ad art. 131 LIMF.

374 Art. 698 al. 2 ch. 1 CO.

375 Recommandation 0107/01 du 16 juillet 2001 dans l’affaire Baumgartner Papiers Hold- ing SA, consid. 2.3 ; décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de la CFB du 12 novembre 2001 dans l’affaire Multipapiers SA / Baumgartner Papiers Hold- ing SA, consid. 4 et 6.

376 Décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de la CFB du 12 novembre 2001 dans l’affaire Multipapiers SA / Baumgartner Papiers Holding SA, consid. 4b.

377 Décision 0569/01 du 24 juin 2014 dans l’affaire Pretium AG, consid. 7.2 ; voir égale-ment Bovey / Thévenoz (2015), p. 263.

de l’offre 378, ne se justifie pas. Le lecteur est par conséquent renvoyé aux développements correspondants 379.

4. Condition tendant à empêcher l’aliénation d’actions propres ou la violation de la règle du meilleur prix (Best Price Rule)

D’après la COPA, l’offrant n’est pas autorisé à subordonner son offre à la condition que la société visée avec laquelle il a conclu un accord de transaction 380 s’abstienne d’enfreindre les termes de cet accord, notam-ment en ne disposant pas d’actions propres ni en contrevenant à la règle du meilleur prix (Best Price Rule) 381. La COPA considère que le risque d’une violation de l’accord de transaction doit être assumé par l’offrant, et que ce risque ne peut pas être transféré aux destinataires de l’offre par l’effet d’une condition 382.

L’attitude restrictive adoptée dans l’affaire Leica Geosystems Hold­

ings AG se distingue de celle plus libérale précédemment adoptée dans l’affaire Forbo Holding AG 383. La COPA avait alors admis une condition par laquelle l’offrant se réservait le droit de retirer l’offre si la société vi-sée ne détenait pas un certain nombre d’actions propres ou aliénait ses

378 Décision 0569/01 du 24 juin 2014 dans l’affaire Pretium AG, consid. 7.2.

379 Voir chapitre 4 : La protection de l’offrant dans la fixation du prix de l’offre, p. 260 ss.

380 A ce sujet, voir chapitre 6 : La protection de l’offrant contre des offres concurrentes.

381 La condition jugée illicite par la COPA se lisait comme suit : “Leica n’a ni disposé des Actions qu’elle détient à titre d’actions de trésorerie ou grevé ces Actions de droits quelconques au profit de tiers, ni acquis directement ou indirectement des Actions supplémentaires ou d’autres titres de participation dans des circonstances qui obli-geraient autrement Edelweiss à augmenter le Prix Offert conformément à l’article  10 ali néa  6 de l’Ordonnance sur les OPA.” ; voir le prospectus de l’offre d’Edelweiss Hold ings ApS aux actionnaires de Leica Geosystems Holdings SA, du 28 juillet 2005, ch. 2.6, c) ; recommandation 0243/06 du 9 août 2005 dans l’affaire Leica Geosystems Holdings  AG, consid.  7.6.2 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  293, no. 532 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 64 ad art.  28 LBVM ; CR CO II- Bahar, no. 22 et 25 ad art. 131 LIMF ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 118 ad art. 131 LIMF.

382 Recommandation 0243/06 du 9 août 2005 dans l’affaire Leica Geosystems Holdings AG, consid.  7.6.2 ; Peter / Bovey (2013), p.  239, no.  536 ; Schenker (2009), p.  308 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 64 ad art. 28 LBVM.

383 Recommandation 0225/01 du 7  mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding  AG, consid. 6.2.6.

titres 384. Les situations de fait étaient comparables, l’offrant ayant dans les deux affaires conclu un accord de transaction avec la société visée.

Dans l’opération Forbo Holding AG, l’accord de transaction conclu entre l’offrant AFB Investment S.A. et la société visée prévoyait notamment que la seconde s’engageait à ne pas acheter ni vendre d’actions propres ni de dérivés sur actions propres sans l’accord de la première, cela jusqu’à l’échéance d’un délai de six mois après l’expiration du délai supplémentaire d’acceptation 385. La COPA estima que l’intérêt de l’offrant à ne pas être lié par son offre pour le cas où le contrôle qualifié de la société visée (soit 66,67% des droits de vote, conformément à une condition de l’offre) lui échapperait par suite de la vente d’actions propres, en violation de l’accord de transaction, primait clairement les inconvénients imposés aux desti-nataires de l’offre 386, soit les inconvénients de la caducité de l’offre. Elle autorisa dès lors l’offrant à se protéger contre le risque que la société visée n’honore pas ses engagements envers lui.

Cinq mois plus tard, la COPA opéra un changement de pratique, en contradiction avec la position auparavant adoptée, et elle exclut que l’of-frant pût se réserver la caducité de l’offre dans l’hypothèse d’une viola-tion de l’accord de transacviola-tion passé avec la société visée 387. Désormais, le risque que la société visée aliène des actions propres en violation de l’accord de transaction était attribué à la “sphère de risque” de l’offrant et celui-ci n’était plus autorisé à y parer au moyen d’une condition. Nous ne comprenons pas ce changement d’approche. Le risque d’une violation de l’accord de transaction relevait autant de la sphère de risque de l’of-frant dans l’affaire Leica Geosystems Holdings AG que dans l’affaire Forbo Holding AG. Au-delà d’une pratique peu claire, ce raisonnement ne satis-fait pas aux impératifs de la neutralité de la réglementation des OPA et de l’égalité des armes 388. Pour autant que son libellé soit clair, la condition

384 La condition admise se lisait comme suit : “Forbo détient au moins 71 500  actions propres et n’a ni disposé de ces titres ni ne les a grevés de droits quelconques au profit de tiers.” ; voir le prospectus de l’offre d’AFB Investment S.A. aux actionnaires de Forbo Holding SA, du 8 mars 2005, let. A, ch. 6, (f).

385 Recommandation 0225/01 du 7 mars 2005 dans l’affaire Forbo Holding AG, let. G.

386 Id., consid. 6.2.6.

387 Recommandation 0243/06 du 9 août 2005 dans l’affaire Leica Geosystems Holdings AG, consid. 7.6.2.

388 Voir supra p. 96 s. et chapitre 1 : Le rôle de l’offrant dans le fonctionnement régulier du marché des OPA, p. 24 ss.

dont nous discutons devrait être autorisée parce qu’elle répond à un in-térêt légitime de l’offrant, celui-ci entendant se protéger du risque d’une violation de l’accord conclu avec la société visée ; parce que l’événement envisagé ne se trouve pas dans la sphère d’influence de l’offrant et que la condition n’est donc pas potestative ; enfin, parce qu’elle n’est pas déloyale car elle ne force pas la société visée à adopter un comportement illicite. Le risque que la société visée n’honore pas ses engagements contractuels fait partie des risques que les actionnaires de cette société devraient assumer aussi longtemps qu’ils n’ont pas effectivement vendu leurs titres de parti-cipation. En cas de violation de l’accord de transaction et si l’offrant ne re-nonce pas au bénéfice de la condition, les destinataires qui avaient accepté l’offre devenue caduque peuvent réclamer aux membres du conseil d’ad-ministration la réparation du dommage qu’ils subissent, correspondant à la différence entre le prix de l’offre et le cours de leurs titres au moment où l’offre aurait dû être exécutée.

5. Condition tendant à empêcher des mesures de défense illicites Comme examiné précédemment 389, la COPA exclut en principe que l’of-frant puisse au moyen d’une condition se protéger contre des mesures de défense illicites 390, au motif qu’il est déjà suffisamment protégé par la nul-lité de ces mesures 391. A notre avis toutefois, et comme nous l’avons indi-qué plus haut 392, la nullité des mesures illicites ne diminue en rien l’intérêt de l’offrant à se protéger du risque de devoir acquérir une société forte-ment dévaluée depuis le lanceforte-ment de l’offre. Il peut advenir que les actes juridiquement nuls soient déjà exécutés au moment où l’offrant prend le contrôle de la société visée, et que ces actes se révèlent alors irréversibles pour des motifs de fait ou de droit 393. De toute évidence, une condition devrait être autorisée. Elle se justifie d’autant plus lorsqu’elle porte sur des

389 Voir supra p. 141 ss.

390 Art. 132 al. 2 et 3 LIMF ; art. 36 et 37 OOPA.

391 Recommandation 0243/06 du 9 août 2005 dans l’affaire Leica Geosystems Holdings AG, consid. 7.8.

392 Voir supra p. 144 ss.

393 Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p. 290, no. 523 et p. 294, no. 535 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 66 ad art. 28 LBVM. Contra : Peter / Bovey (2013), p. 238, no. 534.

actes juridiques qui ne sont pas illicites selon les art. 36 ou 37 OOPA parce qu’ils ont été adoptés avant le lancement d’une offre et hors tout contexte avec elle, ou parce qu’ils ont été approuvés par l’assemblée générale de la société visée 394.

6. Condition tendant à protéger l’offrant contre une extension du cercle des destinataires de l’offre

La COPA exclut que l’offre soit subordonnée à une condition résolutoire par laquelle l’offrant se protège contre une éventuelle décision – notam-ment d’une autorité étrangère telle la U.S. Securities and Exchange Com­

mission (“SEC”) – lui ordonnant d’étendre l’offre à des actionnaires de la société visée qui n’en sont d’abord pas les destinataires 395. D’après la COPA, en vertu du principe de l’égalité de tous les détenteurs de titres de participation, l’offrant doit assumer le risque de devoir étendre son offre à tous les actionnaires, même s’il en avait exclu certains pour des raisons de territorialité 396. En d’autres termes, l’offrant ne peut pas se délier d’une offre à certains des actionnaires au motif qu’une décision étrangère l’oblige à étendre cette offre aussi aux autres actionnaires. Cette pratique est adéquate.

7. Condition tendant à protéger l’offrant contre l’invalidation d’autres conditions énoncées dans l’offre

La COPA n’autorise pas une condition résolutoire subordonnant l’offre à ce qu’aucune de ses autres conditions ne soit jugée illicite 397. Selon cette auto-rité, une telle condition permettrait à l’offrant de stipuler délibérément une

394 Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  288, no.  518 note 1258, p.  290, no. 523 et p. 294, no. 535.

395 Recommandation 0243/08 du 24 août 2005 dans l’affaire Leica Geosystems Hold-ings  AG, consid.  1.2.3.3 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  295, no. 537 ; Peter / Bovey (2013), p. 239, no. 538 ; Schenker (2009), p. 316 ; BSK BEHG- Tschäni / Iffland / Diem, no. 67 ad art. 28 LBVM ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 117 ad art. 131 LIMF.

396 Art. 127 al. 2 LIMF ; Peter / Bovey (2013), p. 239, no. 538.

397 Recommandation 0107/01 du 16 juillet 2001 dans l’affaire Baumgartner Papiers Hold-ing SA, consid. 6.

condition illicite, puis de se départir de l’offre si cette condition est contes-tée ; ce procédé équivaudrait à grever l’offre d’une condition potestative inadmissible 398. L’approche de la COPA est opportune, même si, à notre avis, le risque d’un abus ne doit pas être surestimé. La publication d’une offre illégale expose l’offrant à des risques importants, en particulier finan-ciers. De plus, l’interdiction de l’abus de droit serait opposable à l’offrant qui lancerait une offre délibérément illégale 399. Ainsi, l’offrant ne pourrait pas se soustraire à l’effet obligatoire de son offre en invoquant l’invalidité de l’une de ses conditions s’il en connaissait le vice ou devait le connaître.

L’offrant peut être réputé de mauvaise foi si une condition se révèle illégale et qu’il n’a pas soumis l’offre à un examen préalable selon l’art. 59 OOPA. Il n’en reste pas moins que la solution à tirer d’un abus de droit n’intervient qu’a posteriori et qu’elle est empreinte d’insécurité juridique, de sorte que l’approche défendue par la COPA doit primer.