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L’ACCÈS DE L’OFFRANT AUX INFORMATIONS CONCERNANT LA SOCIÉTÉ VISÉE

A. Absence de droit de conduire une due diligence sur la société visée

l’intégration.

En conclusion, les informations recueillies dans le cadre de la due diligence d’une société sont autant d’éléments majeurs pour estimer les avantages et les risques de l’acquisition envisagée, et permettre à l’offrant d’arrêter les termes, en particulier financiers, de son offre.

III. Accès de l’offrant aux informations concernant la société visée

A. Absence de droit de conduire une due diligence sur la société visée

Compte tenu de l’importance que revêt généralement l’examen de la so-ciété visée avant le lancement d’une offre, la question de savoir si, et dans quelles circonstances, un acquéreur potentiel peut procéder à une due dili­

gence est décisive.

Le droit des OPA ne confère pas à tout offrant le droit de procéder à une due diligence de la société visée 36. D’après les autorités de

sur-35 Voir notamment Lovallo / Viguerie / Uhlaner / Horn (2007), p.  4  s. Contra : Morosini / Shane / Singh (1998), p. 137 ss, qui soutiennent que les différences cultu-relles augmentent les performances d’une acquisition transfrontalière. En substance, les performances post-acquisition seraient d’autant plus élevées que l’écart culturel entre l’offrant et la société visée serait important. Cependant, cette étude est isolée et les conclusions de ses auteurs ne nous semblent pas statistiquement significatives.

Outre que leurs analyses soulèvent des problèmes méthodologiques, leur étude n’est pas suffisamment large et le périmètre géographique est trop limité. A l’exception des Etats-Unis, représentant 13,46% de l’étude, celle-ci se focalise sur des entreprises ayant leur siège en Europe, caractérisée par un faisceau de règles politiques, juri-diques, économiques et culturelles communes.

36 Recommandation 0249/01 du 15 juillet 2005 dans l’affaire Saia-Burgess Electronics Holding AG, consid. 2.11.3 ; recommandation 0294/01 du 26 octobre 2006 dans l’af-faire SIG Holding AG, consid. 5.2.2.1 ; recommandation 0171/01 du 25 juillet 2003 dans l’affaire EIC Electricity SA, consid. 1.3 (affaire dans laquelle le projet de

liquida-veillance des OPA, aussi longtemps qu’aucune offre n’est formellement présentée et que l’offrant n’est pas lié par un engagement contraignant et en principe irrévocable, la société visée ne doit pas être forcée de divul-guer des informations sensibles, propres à perturber la bonne marche de ses affaires et porter atteinte aux intérêts de ses partenaires contractuels, tels ses créanciers et ses travailleurs 37. Aussi, un acquéreur potentiel ne peut pas contraindre le conseil d’administration de la société visée à lui transmettre des informations confidentielles 38. Il en va de même après la publication d’une offre 39. A cet égard, il importe peu que le prix de l’offre soit augmenté d’une prime substantielle par rapport au cours de bourse 40.

En 2015, la société américaine Monsanto Corporation, sise à St-Louis dans le Missouri, en a fait l’amère expérience. Le 18 avril 2015, elle sou-mettait aux administrateurs de la société bâloise Syngenta AG une pro-position de rachat, d’un montant provisoire de CHF  449.-- par action, dont 45% en espèces, sous réserve de pouvoir conduire une due diligence

tion ne fut pas qualifié d’offre concurrente au sens de l’art. 30 aLBVM, de sorte qu’il ne fut pas reconnu de droit à une due diligence) ; Schärer / Gericke / Fankhauser (2016), p.  203 ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  81, no.  142 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 416, no. 92 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 68 ad art. 28 LBVM ; Peter / Bovey (2013), p. 237, no. 531 ; CR CO II-Bahar, no. 12 ad art. 133 LIMF ; Iffland (2008), p. 63 ; Schenker (2008), p. 137 ; Bilek (2011), p. 125 s. ; Meier (2010), p. 341 ; Epper (2008), p. 129 ss ; Romerio / Gerhard (2007), p. 5 s. ; von der Crone (2005), p. 14 ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 113 ad art. 131 LIMF.

37 ATF 133 II 232 (arrêt SIG), consid. 3.3.3 ; recommandation 0171/01 du 25 juillet 2003 dans l’affaire EIC Electricity SA, consid. 1.3 ; recommandation 0294/01 du 26 octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding AG, consid. 5.2.2.1 ; décision 0651/02 du 28 mars 2017 dans l’affaire LifeWatch AG, consid. 2 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 18 ad art. 49 OOPA ; Epper (2008), p. 101 s. ; Iffland (2008), p. 66.

38 Dans l’affaire EIC Electricity SA, la COPA a en particulier refusé de contraindre la so-ciété visée à autoriser l’offrant à conduire une due diligence avant que celui-ci ne présente une offre. Voir recommandation 0171/01 du 25 juillet 2003 dans l’affaire EIC Electricity SA, consid. 1.

39 Recommandation 0294/01 du 26  octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding  AG, consid.  5.2.2.1 ; décision 0651/02 du 28  mars 2017 dans l’affaire LifeWatch  AG, consid.  2 ; Schärer / Gericke / Fankhauser (2016), p.  203 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 9 ad art. 49 OOPA ; Epper (2008), p. 129 ss ; von der Crone (2005), p. 14.

40 Recommandation 0171/01 du 25 juillet 2003 dans l’affaire EIC Electricity SA, consid. 1 ; Iffland (2008), p. 64.

de Syngenta AG 41. Le conseil d’administration s’opposa à cette proposi-tion, estimant qu’elle sous-estimait tant la valeur de Syngenta AG que les risques réglementaires, notamment en matière de concurrence, et allait à l’encontre des intérêts de la société, de ses actionnaires et de ses princi-paux partenaires contractuels 42. Le 6 juin 2015, Monsanto Corp., convain-cue de l’intérêt d’un rapprochement avec Syngenta AG, réitéra son offre auprès des administrateurs de la société bâloise et offrit le paiement d’une indemnité de USD 2 milliards en cas d’échec de la transaction pour défaut d’obtention des autorisations réglementaires nécessaires 43. Les adminis-trateurs de Syngenta AG maintinrent leur position et leurs arguments. La proposition d’offre de Monsanto Corp. fut augmentée une dernière fois le 18 août 2015 à CHF 470.--, dont CHF 245.-- en espèces, et assortie de la promesse d’une indemnisation inverse (“reverse break­up fee”) 44 de USD 3 milliards, en vain toutefois 45. Le conseil d’administration de la so-ciété bâloise persista à refuser toute négociation avec la soso-ciété américaine et il l’empêcha de conduire une due diligence. Monsanto Corp. ne pré-senta jamais d’offre et, alors que le président du conseil d’administration de Syngenta AG avait déclaré dans les médias que celle-ci “n’[était] pas à

41 Voir la lettre du président-directeur général de Monsanto Corp., du 18 avril 2015, au conseil d’administration de Syngenta AG, publiée par cette dernière et disponible à

l’adresse : <www4.syngenta.com/~/media/Files/S/Syngenta/media-releases/

monsanto-letters-2015.pdf> (consulté le 30 septembre 2017). Voir également le com-muniqué de presse de Monsanto Corp., du 8 mai 2015, disponible à l’adresse : <news.

monsanto.com/press-release/financial/monsanto-comments-proposal-syngenta>

(consulté le 30 septembre 2017).

42 Ibid.

43 Voir la lettre du président-directeur général de Monsanto Corp., du 6 juin 2015, au conseil d’administration de Syngenta AG, publiée par cette dernière et disponible à l’adresse : <www4.syngenta.com/~/media/Files/S/Syngenta/media-releases/

monsanto-letters-2015.pdf> (consulté le 30 septembre 2017). Voir également le com-muniqué de presse de Monsanto Corp., du 7 juin 2015, disponible à l’adresse : <news.

monsanto.com/press-release/corporate/seeking-constructive-engagement-syngenta-monsanto-reaffirms-highly-compellin> (consulté le 30 septembre 2017).

44 A ce sujet, voir chapitre 6 : La protection de l’offrant contre des offres concurrentes, p. 445 ss.

45 Voir le communiqué de presse de Monsanto Corp., du 26 août 2015, disponible à l’adresse :

<news.monsanto.com/press-release/corporate/monsanto-reaffirms-opportunity- standalone-growth-plan-and-ability-lead-next-> (consulté le 30 septembre 2017). Voir également Pollack/de la Merced, “Monsanto Abandons $47 Billion Takeover Bid for Syngenta”, N.Y. Times DealBook (August 26, 2015).

vendre” 46, le groupe chinois China National Chemical Corporation publiait quelques mois plus tard, le 3 février 2016, l’annonce préalable d’une offre (amicale) sur toutes les actions nominatives Syngenta AG en mains du pu-blic, au prix de USD 465.-- plus un dividende spécial de CHF 5.-- 47.

Le principe selon lequel le droit suisse ne reconnaît pas à un acquéreur potentiel le droit de conduire une due diligence connaît une exception en cas d’offres concurrentes 48, ou lorsque la société visée fait savoir publique-ment qu’elle en autorise une 49. Par ailleurs, le conseil d’administration de la société visée peut être tenu, de par son devoir de diligence découlant du droit des sociétés 50, d’autoriser une due diligence à un offrant potentiel qui n’a pas encore publié d’offre ou d’annonce préalable, moyennant certaines conditions 51. Enfin, un tel droit peut éventuellement résulter de l’effet

46 Voir l’article du quotidien Le Temps du 23 juillet 2015, “Syngenta n’est pas à vendre”, dis-ponible à l’adresse : <www.letemps.ch/economie/2015/07/23/michel-demare- syngenta-vendre> (consulté le 30 septembre 2017).

47 Voir l’annonce préalable de l’offre de China National Chemical Corporation aux action-naires de Syngenta AG, du 3 février 2016.

48 Art. 49 OOPA. Voir recommandation 0067/04 du 11 août 2000 dans l’affaire Inter-sport PSC Holding AG, consid. 1.2 et 2.3 ; décision de la Chambre des offres publiques d’acquisition de la CFB du 19 septembre 2000 dans l’affaire Intersport PSC Holding AG / Stancroft Trust Limited, consid. 4 ; décision 0651/02 du 28 mars 2017 dans l’affaire LifeWatch AG, consid. 2 ; Schärer / Gericke / Fankhauser (2016), p. 204 ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 9 ss ad art. 49 OOPA ; Tschäni / Diem / Iffland / Gaberthüel (2014), p.  81, no.  143 et p.  417-419, no.  762-764 ; Tschäni / Diem / Wolf (2013), chapitre 8, p. 444, no. 147 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 16 ad art. 30 LBVM ; Epper (2008), p. 98 ss et 129 s. ; Watter / Maizar (2005), p. 28 ; SK FinfraG- Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 113 ad art. 131 LIMF.

49 Recommandation 0294/01 du 26  octobre 2006 dans l’affaire SIG Holding  AG, consid. 5.2.2 ; Schärer / Gericke / Fankhauser (2016), p. 204 ; BSK BEHG-Tschäni / Iffland / Diem, no. 16 ad art. 30 LBVM ; Gericke / Wiedmer (2011), no. 13 ad art. 49 OOPA ; Schenker (2009), p.  687 ; Schenker (2008), p.  137 ; Romerio / Gerhard (2007), p. 5 s. ; Blaas / Barraud (2008), p. 336 ; SK FinfraG-Luchsinger Gähwiler / Ammann / Montanari, no. 20 ad art. 133 LIMF.

50 Art. 717 CO.

51 Dans ce sens, Schenker (2009), p. 414, 563 et 688 ; Schenker (2008), p. 166 s.

D’après cet auteur, dans l’hypothèse où le conseil d’administration de la société visée recommande aux actionnaires d’accepter l’offre qui leur est présentée (art. 132 al. 1 LIMF et art. 30 al. 3 OOPA), il doit donner à un offrant concurrent potentiel la possi-bilité de procéder à une due diligence de même ampleur que celle en faveur de l’offrant initial, pour autant que l’offrant concurrent potentiel envisage avec un haut degré de vraisemblance de lancer une offre plus avantageuse et qu’il ait garanti le finan-cement de cette offre. Romerio / Gerhard (2007), p. 6 et 12, partagent l’avis que

obligatoire d’un engagement contractuel consenti par la société visée dans le cadre de négociations avec un offrant potentiel (lettre d’intention, “ letter of intent” ou accord-cadre de négociation, “Vorfeldsvereinbarung”) 52.