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Partie 1. Les enquêtes de débarquements

II. Résultats des enquêtes lors des débarquements

II.1. La place de la pêche dans la vie quotidienne des pêcheurs amérindiens du HM et aluku

II.1.2. Les zones de pêche des villages

Comment les pêcheurs du HM se répartissent-ils spatialement les zones de pêche ? Exploitent-ils les mêmes zones ou répartissent-ils la pression de pêche ?

II.1.2.1. Des zones de pêche maximales qui se superposent

Les zones de pêche à la journée par village ont pu être circonscrites en considérant tous les lieux de pêche fréquentés indiqués par les pêcheurs, même une seule fois, en reportant le toponyme annoncé sur une carte carroyée (cf. § Partie 1.I.5.4. et annexe 6). Nous obtenons ainsi les zones de pêche maximales exploitées à la journée (figure 9).

Les distances maximales parcourues vers l’amont ou l’aval, dans le cadre de ces sorties à la journée se situent globalement à 16,5 km à vol d’oiseau pour les Amérindiens du HM (plus ou moins 45 mn de trajet selon la hauteur de l’eau et le moteur) et à 32.5 km pour les Aluku (plus ou moins 1h30 selon la hauteur de l’eau ou le moteur). La carte montre que ces derniers n’approchent pas les zones exploitées par les Amérindiens du HM lors de pêches à la journée61. Chez les Amérindiens du HM, trois villages se trouvent en périphérie (Elahé, Kayodé et Pidima) et deux au centre du grand bassin de vie amérindien du HM (Twenké et Antecume-Pata). La zone de pêche d’Elahé descend jusqu’à Assakopo Soula en aval, tandis qu’en amont, elle ne dépasse pas Twenké sur le Lawa et ne pénètre que peu sur le Tampok. La zone de pêche de Kayodé s’arrête au Tampok en aval sans même aller jusqu’à la confluence avec le Lawa.

Finalement ce sont les pêcheurs des villages en position centrale sur la figure 9 qui vont étendre leurs zones de pêche au-delà des villages de la périphérie. Ainsi la zone de pêche d’Antecume-Pata sur le Litani dépasse Pidima et crée une zone de superposition à ce niveau-là. Il reste à Antecume-Pata la rivière Marouini, sur laquelle les pêcheurs ne vont pas très loin dans le cadre de ces sorties à la journée. Le cas de Twenké est le plus marquant. Les pêcheurs de ce village central sont obligés de s’aventurer sur les mêmes zones que ceux des villages périphériques. Ainsi, ils partagent presque entièrement leur zone de pêche avec celle d’Elahé, vont également sur le Tampok et s’approchent assez près d’Antecume-Pata.

Chez les Aluku, nous voyons que la zone de pêche de Loca s’imbrique complétement dans celle de Papaïchton et ces deux villages ont une bonne partie de leur zone de pêche respective en commun. C’est l’attrait pour la zone des Abattis Kotika qui induit cette situation de superposition de zone de pêche et qui incite les pêcheurs à parcourir des distances doubles de celles des Amérindiens du HM. Si nous regardons l’amont de chacun de ces villages, où le fleuve est moins accidenté, la zone de pêche de Loca s’arrête à 5 km environ, en aval de Papaïchton, tandis que celle de ce dernier s’arrête à 16,5 km au niveau du Saut de nouveau Wakapou. Nous retrouvons-là des distances similaires à celles des Amérindiens du HM.

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Au niveau des sorties de plus de 24 heures, les enquêtes-chasse nous montrent que les Aluku des villages étudiés dans cette étude ont réalisés 24 expéditions sur 18 mois, mais que parmi elles, seules 8 % (2) se sont effectuées dans les zones exploitées par les Amérindiens du HM, dont 100 % (2) sur le Tampok, zone privilégiée de Kayodé. Par contre, si nous rajoutons les expéditions aluku de Maripa-Soula, nous en obtenons 74, parmi lesquelles 40 % (21) effectuées en zone d’exploitation amérindienne du HM, dont 71,5 % (15) sur le Tampok. Nous voyons que les incursions aluku en zone exploitées par les Amérindiens du HM restent relativement faibles, mais qu’elles se concentrent surtout sur le Tampok. Les autres expéditions ont lieu sur des zones non fréquentées par les Amérindiens du HM (Inini, Abattis Kotika, Crique Assici).

Figure 9. Les zones de pêche de chaque village pour les sorties de moins de 24 heures

En conclusion, chaque village a bien une zone de pêche à la journée spécifique, en particulier pour les villages de périphérie. Une superposition est pourtant inévitable avec les villages de l’intérieur, qui se retrouveraient avec une zone d’exploitation trop restreinte dans le cas contraire. Cette superposition de zone de pêche est pourtant toute relative si nous regardons d’un peu plus près le degré de fréquentation de chaque lieu.

II.1.2.2. Des lieux de pêche plus ou moins fréquentés

La fréquentation des lieux de pêches peut être précisée par la construction d’une collection de cartes (figure 10) où nous voyons qu’en réalité une partie très restreinte de la zone de pêche maximale de chaque village est fréquemment exploitée. Le cas de Loca mis à part, les pêcheurs se cantonnent généralement dans une proximité de 5 km en aval et en amont de leurs villages respectifs (en moyenne 14 mn selon la hauteur d’eau et le moteur).

A Pidima, 95 % des sorties des pêcheurs se situent dans la zone de 5 km directement en amont de leur village. A Antecume-Pata, 58 % des sorties se trouvent directement dans les 5 km en amont du village, à cheval sur la confluence Litanie-Marouini et plus de 39 % des autres se pratiquent juste en aval du village. Cela fait un total de plus de 97 % des pêches directement aux abords du village. De ce point de vue, les zones de pêche à la journée de Pidima et d’Antecume-Pata ne se superposent plus, où seulement lors d’occasions rarissimes.

A Elahé plus de 62 % des sorties se font au niveau du village, situé à cheval sur la confluence du Lawa et du Tampok, 23 % juste en amont et 10 % juste en aval, ce qui nous fait un total de 95 % des sorties à la journée dans une proximité de moins de 5 km du village.

Dans une moindre mesure, le phénomène est aussi vrai à Kayodé où plus de 52 % des sorties se situent dans la zone aval jouxtant le village et 16 % directement dans la partie amont, soit 68 % à proximité du village. Pourtant, les pêcheurs de Kayodé exploitent plus volontiers l’amont de leur village puisqu’encore 21 % des sorties se trouvent au-delà des premiers 5 km, jusqu’au niveau de la confluence entre la Waki et le Tampok. Là encore, nous voyons que la zone de superposition des lieux de pêche de Kayodé et d’Elahé n’est en fait que rarement exploitée par Kayodé.

Twenké n’échappe pas à la règle, 45 % des sorties se situent juste en amont du village et 43 % juste en aval, soit 88 % des sorties en tout dans un rayon de moins de 5 km. De cette manière, à de rares exceptions près, les zones de pêche à la journée de Twenké ne touchent plus celles d’Antecume-Pata en amont ou d’Elahé en aval.

Chez les Aluku, la situation diffère de celle des Amérindiens du HM. Les pêcheurs de Papaïchton répartissent mieux leur pression de pêche, puisque 47,7 % seulement de leurs sorties se trouvent directement à proximité du village. Par ailleurs 12,3 % des sorties se réalisent dans la crique Assici et 15,4 % dans la zone des Abattis Kotika. La zone d’exploitation de pêche à la journée de Papaïchton est en réalité discontinue et dépasse la zone de proximité. En effet, les pêcheurs de ce village n’hésitent pas à pousser plus loin pour atteindre des zones plus poissonneuses. Nous observons le même phénomène chez les pêcheurs de Loca, dont la pêche à proximité du village ne représente que 10 % des sorties, tandis que celle sur les Abattis Kotika cumule 91 % des sorties, en particulier dans sa partie amont, la plus proche des zones de vie (69 %). Le caractère discontinu des zones d’exploitation de Loca et de Papaïchton fait que nous pouvons considérer que chaque village a bien sa zone de pêche propre à proximité du village, mais qu’ils partagent et exploitent ensemble la zone des Abattis Kotika et de la crique Assici.

Figure 10. Répartition en % du nombre de sorties de pêche de moins de 24 heures, par zone de pêche définies selon des carreaux de 5 km de côté, pour chaque village du HM, sur l’ensemble de l’étude. n = nombre total de sorties de pêche de moins de 24 heures

En conclusion, dans le cadre des pêches à la journée, les pêcheurs amérindiens du HM concentrent leur activité à proximité de leur village, ce qui laisse des zones tampons peu exploitées entre chaque village et limite ainsi la concurrence. Les Aluku préfèrent pousser leur activité dans des zones plus éloignées, en particulier sur la zone des Abattis Kotika qu’ils partagent en bonne entente entre Loca et Papaïchton.

Les zones de pêche liées à cette enquête ayant été caractérisées, nous allons chercher à caractériser la façon dont elles sont exploitées.

II.2. La sortie de pêche en tant qu’indicateurs de l’effort de pêche

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