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Partie 1. Les enquêtes de débarquements

II. 2.3.1.2 Variabilité des espèces les plus pêchées en nombre selon les villages

faisons notre analyse sont faibles. Sur l’ensemble de l’étude (4 X 15 jours sur les sept villages), il n’a été débarqué que 7447 poissons. En fonction des villages, du nombre de pêcheurs qui ont participé aux enquêtes et de leur effort de pêche, nous obtenons des nombres de captures très différents, avec une extrême basse (Loca, 577 captures) et une haute (Elahé, 1801 captures). Même si ces résultats nous indiquent des tendances, les conclusions que nous en tirons doivent être prises avec précaution.

La répartition générale du nombre de prises entre la saison des pluies et la saison sèche penche si légèrement en faveur de la saison sèche (52 %) que nous pouvons considérer qu’il n’y a pas de saisonnalité de ce point de vue en général. Nous observons néanmoins des différences entre les villages. Nous avons un groupe de trois villages où les prises sont plus importantes en saisons des

pluies (Kayodé, Elahé et Papaïchton) et un groupe de quatre villages avec un nombre de captures supérieur en saison sèche (Pidima, Antecume-Pata, Twenké et Loca). Comment expliquer cela ? Dans tous les villages, il faut au moins dix espèces pour atteindre les 80 % du nombre de prises, mais parfois un peu plus, avec Loca qui présente la plus grande variété (17 espèces). Mais dans l’ensemble, six espèces seulement se retrouvent dans tous les villages parmi les 80 % les plus pêchées en nombre. Il s’agit, dans l’ordre général décroissant, de Pseudancistrus barbatus, Platydoras costatus, Doras carinatus (excepté à Loca), Myloplus rubripinnis, Serrasalmus rhombeus et Prochilodus rubrotaeniatus (excepté à Antecume-Pata).

Nous voyons que ce sont essentiellement les deux premières espèces (Pseudancistrus barbatus et Platydoras costatus) qui sont de saison de capture et de biotope opposés qui font essentiellement pencher la balance saisonnière d’un côté ou de l’autre. Ainsi, pour les villages où les pêcheurs aiment pêcher dans les sauts, la présence de Pseudancistrus barbatus entraine une majorité de captures en saison sèche (Pidima, Antecume-Pata, Twenké, Loca), tandis que pour les villages où les pêcheurs aiment pêcher dans les eaux calmes et profondes en saison des pluies, la présence de Platydoras costatus entraine une majorité de captures en saison des pluies (Kayodé, Papaïchton). Elahé, pour qui les prises de l’une ou l’autre de ces deux espèces sont équivalentes et moindres, la différence saisonnière du nombre de captures est très faible. Il semble donc que sans les espèces Pseudancistrus barbatus et Platydoras costatus, les différences saisonnières en nombre de captures soient moins perceptibles.

Plus précisément, si nous prenons les cinq premières espèces les plus capturées par village, nous pouvons voir qu’elles correspondent généralement aux biotopes principaux de la zone la plus fréquentée (cf. figure 10 et § Partie 1.II.1.2.2.).

Pidima, Twenké et Elahé sont des villages aux biotopes de proximité assez variés. Ils ont parmi les cinq espèces les plus pêchées, des espèces pouvant se trouver dans des biotopes différents : Myloplus rubripinnis, Doras carinatus et Myloplus rhomboidalis aiment les eaux calmes à proximité des rapides, tandis que Pseudancistrus barbatus affectionne les rapides et les rochers et que Serrasalmus rhombeus s’adapte à la plupart des milieux (Planquette et al., 1996). A Twenké, Acnodon oligacanthus se trouve davantage dans des zones de sauts comme Hypostomus gymnorhynchus, tandis que Leporinus friderici « apprécie » les zones calmes de la berge à proximité des sauts. A Elahé, Geophagus harreri est une espèce qui habite les zones rocailleuses sans être forcément dans une zone de sauts.

Antecume-Pata est situé dans les sauts. Mis à part Platydoras costatus pêché en saison des pluies, principalement au lieu-dit Aliminaïme Enï (une zone calme) par le même pêcheur, les quatre espèces les plus abondantes sont des espèces rhéophiles qui vivent dans les sauts ou juste au-dessus comme Myloplus planquettei. Notons à propos de cette espèce qu’Antecume-Pata constitue une exception importante, puisqu’ il est le seul village où nous trouvons cette espèce parmi les 80 % les plus pêchées. Inversement, Doras carinatus ne se positionne qu’en dixième position à Antecume-Pata, alors qu’elle est généralement dans les quatre premiers rangs dans les autres villages (sauf Loca où elle est absente).

Kayodé est situé sur le bas-Tampok, grande crique calme. Platydoras costatus et Hemisorubin platyrhynchos sont des espèces capturées en eaux calmes près du fond. C’est aussi le cas pour Doras carinatus pêchée dans des eaux calmes et sablonneuses tandis que Myloplus rubripinnis réside davantage près des rives calmes surplombées par une végétation. Enfin, Serrasalmus rhombeus qui s’adapte à de nombreux milieux, est beaucoup capturé dans les eaux calmes des grandes criques

pêchées en saison des pluies, ce qui fait que Kayodé se distingue des autres villages amérindiens du HM avec 57 % du nombre de ses prises réalisées en saison des pluies. En comparaison des prises principales de l’ensemble des villages, il n’est donc pas étonnant de voir que Pseudancistrus barbatus qui se trouve en première place tous villages confondus, ne se positionne qu’à la neuvième à Kayodé, alors qu’elle est toujours dans les 6 premiers rangs dans les autres villages. Notons néanmoins pour Kayodé, que de l’avis de tous les pêcheurs de ce village, les eaux du Bas-Tampok ont été si basses cette saison sèche 2013, qu’ils ne trouvaient rien dans les filets et qu’ils avaient pour beaucoup renoncé à en poser. Ceci explique peut-être aussi, la prépondérance des captures en saison des pluies sur ce village.

Les deux villages akuku sont les seuls à avoir Prochilodus rubrotaeniatus parmi leurs deux ou trois premières espèces en nombre de prises. Ailleurs, cette espèce se situe en générale en 8e position et est même absente à Antecume-Pata. C’est seulement à Kayodé que cette espèce se rapproche de cette position (6e). Ce résultat tend à montrer que les pêcheurs aluku ciblent particulièrement cette espèce lors de ces périodes.

Hormis cette espèce, Loca se rapprocherait de la situation des quatre villages amérindiens du Lawa, avec 57 % de ses prises réalisées en saison sèche sur des espèces qui se trouvent dans les sauts ou à leur proximité (rappelons que 91 % des sorties ont lieux dans la zone des Abattis Kotika).

Papaïchton se distingue par la répartition de son nombre de prises plus important en saison des pluies (61 %) et se rapproche ainsi de Kayodé. Il faut ajouter aussi que c’est le seul village où les prises d’Hoplias aimara arrivent en seconde position, alors qu’il n’est qu’à la 7e place à Antecume- Pata, en 12e place à Pidima et à Kayodé et qu’il ne se trouve même pas parmi les 80 % des espèces les plus capturées en nombre dans les autres villages. Il semble pour ce village, que ce soit moins les biotopes que les motivations des pêcheurs qui influent sur la répartition du nombre des prises.

Figure 22. Répartition en % des espèces en valeurs décroissantes, du nombre de captures les plus pêchées (>= à 80 %) sur l’ensemble de l’étude, réparties entre saison sèche et saison des pluies. Présentation de l’ensemble des villages puis de chaque village d’amont en aval. Le calcul du pourcentage a été fait pour chaque espèce sur la base du N de 100 % des captures. n = Nombre total des espèces capturées comprises dans les >= à 80 % des captures.

En conclusion, nous ne pouvons pas dire qu’il y ait de grandes différences inter saisonnières en nombre de captures. Malgré tout, c’est la variété des biotopes et la plus grande diversité des espèces accessibles en saison sèche68 (notamment les gorets vivant dans les roches) qui favorisent souvent cette saison. Inversement, si certaines espèces de saison des pluies sont particulièrement ciblées (Platidoras costatus et Prochilodus rubrotaeniatus), la balance penche alors pour cette saison. Du point de vue du nombre des captures, les différences entre les villages sont plus marquées qu’entre communautés.

Ces résultats en nombre se confirment-ils au niveau de la biomasse pêchée ?

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