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Partie 1. Les enquêtes de débarquements

II. Résultats des enquêtes lors des débarquements

II.1. La place de la pêche dans la vie quotidienne des pêcheurs amérindiens du HM et aluku

II.1.1. La place de la pêche au sein des autres activités

Les pêcheurs associent-ils les temps de pêche à d’autres activités ? A l’examen du tableau 4, nous voyons que les sorties de pêche simples représentent l’essentiel des sorties à la journée, voire l’ensemble comme à Kayodé en saison sèche et à Pidima et Antecume-Pata en saison des pluies. Pour l’ensemble des villages présentés, la part des sorties de pêches conjointes à d’autres activités est extrêmement variable selon les villages et les saisons. En saison sèche, elle représente entre 0 et 33 % des sorties de pêche, en saison des pluies entre 0 et 8.6 % avec une exception à 20.8 % pour Papaïchton. En saison sèche, nous devons noter la part plus importante des sorties de pêche associées aux activités dans l’abattis sauf à Kayodé et à Papaïchton. L’association de la chasse à la pêche semble également plus importante en saison sèche, sauf à Kayodé une nouvelle fois.

Tableau 4. Répartition en % des sorties de pêche simples ou conjointes à une autre activité, selon les saisons et les villages. n = nombre total de sorties de pêche par village et par saison. Notons que dans ce tableau 4, nous ne trouvons pas de données pour Loca, les pêcheurs qui s’auto-enquêtaient n’ayant pas précisé ces informations.

sorties pêche simple en % Sorties pêche+abattis en % Sorties pêche+chasse en % Sorties pêche+autre en % Saisons sèche Pidima. n= 66 84,6 11,5 1,3 2,6 Antecume-Pata. n= 35 81,4 9,3 7,0 2,3 Twenké. n= 44 75,9 13,8 0,0 10,3 Kayodé. n= 72 100,0 0,0 0,0 0,0 Elahé. n= 102 96,2 0,9 1,9 0,9 Papaïchton. n= 20 66,7 0,0 33,3 0,0

Saisons des pluies

Pidima. n= 80 100,0 0,0 0,0 0,0 Antecume-Pata. n= 91 100,0 0,0 0,0 0,0 Twenké. n= 53 91,4 0,0 0,0 8,6 Kayodé. n= 108 93,9 0,9 5,2 0,0 Elahé. n= 113 98,3 0,9 0,9 0,0 Papaïchton. n= 33 79,2 8,3 12,5 0,0

Au vu de ces résultats, il apparaît que la pêche à la journée est relativement peu associée à d’autres activités ; elle n’occulte pourtant pas les autres activités journalières comme nous allons le voir maintenant.

II.1.1.2. Le temps consacré à la pêche comparé aux autres activités

Grâce à la fiche de suivi journalier des pêcheurs remplie par les enquêteurs (cf. § Partie 1.I.5.2. et annexe 5), nous avons pu estimer la part du temps consacré à la pêche par rapport aux autres activités journalières des habitants58. Nous n’avons pas de données sur ces autres activités pour Papaïchton et Loca : l’enquêteur de Papaïchton et les pêcheurs de Loca qui s’auto-enquêtaient n’ont pas rempli de fiches de suivi des activités autres que les informations décrivant la pêche.

Voici ce que nous pouvons retenir de la figure 8.

Pour l’ensemble des villages amérindiens du HM, la pêche seule ou conjointe à d’autres activités (chasse, abattis ou autre), représente en saison sèche 30 % des activités connues des foyers de pêcheurs et 38 % en saison des pluies. La part de la pêche est plus importante en saison des pluies pour tous les villages en particulier à Antecume-Pata, sauf à Elahé.

En ce qui concerne l’alternative de la chasse pour l’apport en protéines, sa part est très faible pour l’ensemble des villages (entre 2 % en saison sèche et 4,5 % en saison des pluies). Elle est même notée comme absente dans certains villages, comme à Twenké toute l’année et à Antecume-Pata en saison des pluies. Dans tous les autres villages elle est plus importante en saison des pluies.

Les sorties à l’abattis notées explicitement représentent une part de 13,3 % en saison sèche et de 9 % en saison des pluies sur l’ensemble des villages amérindiens du HM. Cette part est plus importante

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Toutefois, comme précisé dans le paragraphe (Partie 1.I.5.2.), les enquêteurs ont eu tendance à mieux renseigner l’activité de pêche que les autres activités dans cette fiche, ce qui peut avoir comme effet de la

en saison sèche dans tous les villages, sauf à Kayodé. Cependant la place de l’abattis ne peut pas être appréhendée à la lecture de cette seule donnée. En effet, pour les villages de Pidima et Twenké où la part des sorties à l’abattis apparaissent insignifiantes sur la figure 8, nous voyons dans le tableau 4 qu’elles représentent respectivement 11,5 % et 14 % des sorties associées à la pêche en saison sèche. Par ailleurs, il faut également s’appuyer sur la donnée concernant « absence du village > 24 H » (figure 8). Sans trop risquer de nous tromper, nous pouvons affirmer qu’une part importante de ces absences en saison sèche sont liées à l’abattis. A l’époque des gros travaux d’abattis qui démarrent en début de saison sèche (défrichage, abattage, brûlis et plantation), un certain nombre de familles préfèrent quitter le village quelques jours, voire quelques semaines pour s’installer sur leur campement d’abattis qui peut se trouver à plusieurs kilomètres. Ces villages peuvent ainsi être investis plusieurs fois dans l’année en fonction des travaux à réaliser sur l’abattis.

Les « absences du village » > 24 H » sont nombreuses (31 % en saison sèche et 21,5 % en saison des pluies) sur l’ensemble des villages. Le phénomène est peu marqué à Elahé (moins de 10 %), mais connaît des proportions importantes à Pidima et à Twenké. Si beaucoup de ces absences en saison sèche peuvent s’expliquer en lien avec l’abattis, elles peuvent aussi être imputées à d’autres raisons. Ainsi certains pêcheurs originaires d’un village apparaissent absents presque continuellement car souvent en déplacement ou allant habiter temporairement dans d’autres lieux. Des maladies graves ou des décès ont amené certains villages à se vider pendant plusieurs jours. De plus, le début de la saison sèche correspond aussi à l’approche de la rentrée scolaire. C’est une période où les familles amérindiennes du HM se déplacent sur Cayenne ou même Paramaribo pour acheter le nécessaire scolaire. En conclusion, ces absences font vraiment partie du système de fonctionnement du village et ont contribué à réduire le nombre d’enquêtes réalisées. Pour autant, elles ne signifient pas toujours une diminution de la pêche de ces pêcheurs absents, dont l’activité a pu simplement se déplacer dans d’autres lieux, sans qu’on puisse la caractériser.

Les sorties en ville font également partie d’une réalité de fonctionnement des villages amérindiens du HM. Sur l’ensemble des villages, leur part représente 16,5 % des activités en saison sèche et 12,5 % en saison des pluies. Elles sont peu visibles à Twenké, tandis qu’elles constituent un phénomène significatif dans certains villages comme Kayodé ou même Antecume-Pata en saison des pluies. Ces sorties à Maripa-Soula correspondent généralement à des démarches administratives récurrentes ou à la dépose ou la récupération des collégiens et lycéens en début et en fin des différentes vacances scolaires. Les périodes d’enquêtes ont pu être marquées par ces démarches, comme la première avec les vacances de la Toussaint, la seconde avec la CAF59 et les vacances de carnaval, la quatrième avec la rentrée de septembre et la CAF pour le cas particulier d’Antecume-Pata60. Ces sorties en ville occupent généralement toute la journée et sont peu conciliables avec une activité de pêche, bien que cela puisse être le cas si un filet est posé à l’aller et relevé au retour par exemple. Ces types de sorties peuvent apparaître sous la rubrique « sortie pêche + autre » (tableau 4).

Les « autres » activités ont un poids très différent selon les villages et celui-ci est très aléatoire. Sur l’ensemble des villages elles représentent entre 7 et 14 % des activités respectivement en saison sèche et saison des pluies. Ces « autres » activités sont souvent liées à la fête qui est très difficilement compatible avec la pêche.

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CAF : Caisse d’allocations familiales. A l’occasion du versement de la CAF (qui a lieu généralement le 5 ou le 6 du mois), les familles amérindiennes du HM entières se déplacent pour une journée ou deux à Maripa-Soula pour retirer en liquide leurs allocations et pourvoir ainsi à nombre de dépenses mensuelles. C’est l’occasion aussi de se distraire en ville.

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Pour des raisons personnelles, l’enquêteur d’Antecume-Pata a dû décaler d’une semaine la dernière campagne par rapport aux autres villages. Cela a pu avoir des conséquences sur les résultats, comparativement aux autres villages.

Figure 8. Répartition en % du temps consacré à tous types d’activités journalières, pour l’ensemble des villages amérindiens du HM, puis par village amérindien du HM, selon les saisons sèches et les saisons des pluies, sur l’ensemble des quatre campagnes d’enquêtes réunies. Les sorties pêche regroupent les sorties de pêches simples ou associées à d’autres activités comme indiquées dans le tableau 4. Les absences du village ont été notées quand elles étaient supérieures à 24 heures, mais sans que nous n’ayons beaucoup d’explications sur leur nature. Les sorties en ville correspondent aux déplacements sur Maripa-Soula de moins de 24 heures pour différentes raisons (démarches administratives, achats, santé, etc). La catégorie « Autres » correspond à toutes les activités réalisées au village autres que la pêche, la chasse ou l’abattis (artisanat, manifestation sportives ou culturelles, repos, etc), ainsi que les visites inter-villages. n = effectif total des différentes activités journalières.

En conclusion, la pêche dans son ensemble constitue l’activité principale des pêcheurs amérindiens du HM, au côté des autres activités vivrières qui la complètent telles que l’abattis et la chasse dans une moindre mesure. Par contre, elle semble concurrencée par des activités liées à d’autres aspects du fonctionnement en société, en particulier celles dérivant de changements culturels liés à la globalisation.

Nous verrons par la suite que ces changements culturels ont une incidence directe sur l’activité de pêche. Pour commencer, voyons comment l’exploitation de la pêche s’organise spatialement en

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