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METAMEMOIRE AUPRES DE SUJETS DYSEXECUTIFS

BADS 6 / MCST SET

4. E XPERIENCE 2b : M ETAMEMOIRE ET MESURES CONCOURANTES DE CONTROL

4.1. Matériel et procédure

Comme dans l’expérience 2a, nous avons utilisé notre protocole 2 dans lequel le temps d’étude en phase d’acquisition était libre et le jugement FOK était réalisé seulement pour les items non rappelés lors du rappel différé à 20 minutes.

Il nous est possible d’étudier la mesure d’allocation du temps d’étude pour évaluer la composante de control de la métamémoire. Comme indiqué dans le chapitre précédent, il était assez difficile, compte tenu du choix de notre protocole, d’analyser une autre mesure de control.

A partir de cette mesure, nous nous attendions à observer une prise en compte, par nos patients, du caractère difficile ou facile des items à traiter. De ce fait, nous ne devions pas trouver de différence significative entre nos 2 groupes de sujets au niveau de l’indice d’ajustement, qui concerne la prise en compte de la difficulté de la tâche (couple avec un lien sémantique fort versus un lien sémantique faible) par le temps alloué au traitement de l’information (Moulin et al., 2000a, 2000b). Nous pensions que la différence entre nos 2 groupes se situerait, non pas sur la capacité à moduler leur temps d’étude en fonction de la caractéristique de la tâche mais davantage sur la quantité de temps passée sur la tâche de façon globale, ce qui pour les patients se situerait par la mise en évidence de difficultés à gérer efficacement leur temps d’étude (Souchay et al., 2002a).

Les hypothèses spécifiques que nous avons souhaité mettre à l’épreuve des faits dans ce travail sont les suivantes :

1- La mesure d’allocation du temps d’étude ne devrait pas différer entre nos 2 groupes de sujets, les 2 groupes de sujets devraient prendre en compte le caractère difficile ou facile des items à traiter.

2- Les patients ne devraient pas prendre plus de temps que les sujets contrôles pour traiter l’ensemble des informations à apprendre.

3- Selon Norman et Shallice (Shallice, 1988), le control métacognitif serait une compétence des lobes frontaux. De ce fait, nous devrions trouver, chez nos patients, des liens significatifs entre cette mesure de control métamnésique et les mesures exécutives.

4.2. Résultats

4.2.1. Mesures de métamémoire

Les patients passent significativement plus de temps que les sujets contrôles pour étudier les couples de mots, que ce soit les couples présentant un fort lien sémantique ou un lien peu apparent (voir tableau 6.7). Par contre, on note que les patients passent significativement plus de temps que les contrôles pour les mots qu’ils rappeleront ultérieurement mais ce n’est pas le cas pour les mots non rappelés (autant de temps que le groupe de contrôles).

Tableau 6.7 : Performances (moyennes et écarts-type) des patients frontaux dysexécutifs et des contrôles aux mesures de métamémoire (Test U de Mann-Whitney)

Sujets contrôles Patients dysexécutifs Moyenne Ecart-Type Moyenne Ecart-Type

Valeur de p Allocation du temps d’étude

TE moyens Indice d’ajustement TE moyens mots liés TE moyens mots non liés TE moyens mots rappelés TE moyens mots non rappelés

8.0 -0.4 6.3 9.7 8.5 11.4 (4.9) (0.2) (3.8) (6.1) (5.3) (8.7) 16.20 -0.3 13.7 18.7 12.7 13.8 (15.7) (0.3) (13.1) (18.6) (8.6) (9.7) .004 ns .001 .01 .04 ns

Note : les données correspondent aux scores moyens et écarts-type pour chaque groupe. Les valeurs du p données ici sont celles obtenues avec le test U de Mann-Whitney ; (ns) = non significatif ; TE = Temps d’étude.

Il n’existe pas de différence significative entre nos 2 groupes de sujets en ce qui concerne l’indice d’ajustement, nos 2 groupes de sujets traitent de la même manière les informations. Ils ajustent leur temps d’étude à la difficulté de la tâche (fort ou faible lien

sémantique). En effet, lors de la réalisation d’analyses intra-groupe à l’aide du test de Wilcoxon, il existe une différence significative pour nos 2 groupes dans le temps de traitement des couples en fonction du lien sémantique (respectivement pour les patients et pour les contrôles : z = 4.53 ; p >. 0001 et z = 5.09 ; p >. 0001).

Il en est de même en fonction du temps passé pour les mots rappelés ou non rappelés à 20 minutes (respectivement pour les patients et pour les contrôles : z = 2.65 ; p = .008 et z = 4.18 ; p >. 0001).

Afin d’évaluer un lien éventuel entre le temps d’étude et les performances en mémoire, nous avons procédé à une analyse de corrélation entre le temps d’étude moyen et la performance des patients au test de rappel différé et au test de reconnaissance. Nous n’avons trouvé un lien significatif qu’entre cette mesure métamnésique et les performances en reconnaissance (respectivement patients et contrôles : Rhô = .34 ; z = 2.02 ; p = .04 et Rhô = .43 ; z = 2.49 ; p = .01).

4.2.2. Relations entre les mesures de control métamnésique et les scores exécutifs chez les patients dysexécutifs

Les relations entre les mesures métamnésiques et les scores exécutifs des patients frontaux ont été étudiées au moyen d’analyses de régressions linéaires multiples. Nous avons adopté la même procédure (procédure pas à pas ascendante) que dans le chapitre 6 partie 3.22. Les analyses de régression linéaire multiple entre les 2 séries de tests n’ont pas été productives, l’indice d’ajustement et le temps d’étude moyen ne corrèlent avec aucun test exécutif proposé.

Par ailleurs, nous nous sommes également assurés que nos résultats n’étaient pas liés à un ralentissement général. Pour cela, nous avons vérifié que chacune de nos mesures d’allocation du temps d’étude n’était pas corrélée significativement avec le score à la partie A du TMT (mesure de temps moteur) et également à la partie A du Hayling (mesure de fluidité verbale).

4.3. Discussion

Comme nous le formulions dans notre première hypothèse, nous nous attendions à ce que les patients dysexécutifs prennent en compte la difficulté de la tâche et ainsi adaptent leur temps d’étude en fonction de cette variable. C’est ce que nous avons confirmé avec l’indice d’ajustement. Ces résultats confirment ainsi les données de la littérature (Moulin et al., 2000a, 2000b) qui indiquent que les patients perçoivent correctement la difficulté intrinsèque de la tâche et ainsi adaptent leur temps d’étude sur celle-ci. Nous avons également mis en évidence

un lien significatif entre le temps d’étude moyen et les performances mnésiques évaluées par l’intermédiaire de la mesure de reconnaissance, mesure mnésique pour laquelle il n’est pas utile de mettre en place des stratégies de récupération des informations car il suffit de reconnaître le mot cible parmi plusieurs distracteurs. Nos sujets prennent en compte la difficulté de la tâche et ce temps semble être bénéfique dans la performance mnésique ultérieure (ceci ne fonctionne pas pour la mesure de rappel quel que soit le groupe évalué).

Souchay et al. (2002a) expliquaient les perturbations de mémoire épisodique de leurs patients parkinsoniens par une difficulté à gérer efficacement leur temps d’apprentissage alors qu’ils identifiaient correctement la difficulté de la tâche. Les différences observées avec leur groupe de contrôles âgés concernaient la quantité de temps passé et non pas la capacité à moduler le temps d’étude en fonction des caractéristiques de la tâche. Nous n’avons pas retrouvé ces phénomènes dans notre étude, ce qui invalide notre deuxième hypothèse. Nos patients passent significativement plus de temps que le groupe de contrôles pour étudier les mots proposés sans que cela soit lié à un ralentissement du temps d’étude global (absence de corrélation avec des mesures de temps cognitif). Il est vrai que la procédure expérimentale était différente puisque dans l'étude de Souchay et al. (2002a), il était proposé trois groupes de mots à apprendre avec un accroissement du nombre de mots en fonction de la condition expérimentale. Il est ainsi difficile de faire le lien avec nos résultats.

Par contre, dans nos résultats il apparaît que les patients ne passent pas plus de temps que les contrôles sur les items qu’ils ne rappelleront pas ultérieurement, cela peut suggérer que les stratégies qu’ils mettent en place ne sont pas efficaces et que pour ces mots ils ne tiennent pas compte de leurs troubles mnésiques et très certainement exécutifs. Ces données peuvent également s’expliquer par un abandon de la tâche par les patients. Devant la difficulté de la tâche, ils vont préférer interrompre l’apprentissage au risque de ne pas restituer l’information dans un test de rappel ultérieur. Il ne nous est pas possible de confirmer l’une ou l’autre des hypothèses explicatives. Seul le passage par la verbalisation des patients face à leur questionnement pourrait nous renseigner. Nous n’avons pas souhaité utiliser ce mode de recueil de données afin de ne pas induire un comportement qui n’aurait pas été initié spontanément par nos sujets. Toutefois, ces données témoignent de la préservation de l’effet appelé « Labor In Vain Effect » (Nelson & Leonesio, 1988) chez les patients dysexécutifs. Nelson et Leonesio (1988) suggèrent en effet que les sujets passent parfois beaucoup de temps sur certains items sans que cela engendre un rappel futur efficace. C’est ce que nous observons avec la différence de temps entre les mots rappelés et les mots non rappelés chez les 2 groupes.

Notre troisième hypothèse postulait l’existence d’un lien entre mesure concourante en métamémoire et fonctionnement exécutif. A l’aide des analyses de régression, nous n’avons retrouvé aucune mesure exécutive (parmi les 8 proposées) susceptible d’expliquer le temps d’étude moyen ou l’indice d’ajustement. Dans les travaux de Moulin et al. (2000a, 2000b) et Souchay et al. (2002a) il a été mis en évidence une corrélation significative entre un score composite du fonctionnement exécutif, calculé à partir des épreuves fluence FAS, WCST et TMT, et cette mesure du control métamnésique mais aucune analyse n’a été réalisée afin de rechercher une relation entre cette mesure métamnésique et une fonction exécutive spécifique. Nous pourrions ainsi rapprocher nos résultats de ceux avancés par les études réalisées en pharmacologie (Massin-Krauss, 1998) pour lesquels le processus de contrôle n’est pas perturbé sous lorazépam (dose de 0.038 mg/kg) alors que cette benzodiazépine engendre une levée des inhibitions et de ce fait, à cette dose, une éventuelle anomalie du fonctionnement exécutif.

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