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METAMEMOIRE ET FONCTIONNEMENT EXECUTIF

6. C ONCLUSION SUR LES LIENS ENTRE METAMEMOIRE ET FONCTIONNEMENT EXECUTIF

Comme le précise Isingrini (2004) dans son chapitre sur les « Fonctions exécutives, mémoire et métamémoire dans le vieillissement normal », « Il apparaît de plus en plus que la compréhension des processus métamnésiques est d’un intérêt majeur pour la compréhension du fonctionnement de la mémoire humaine et de ses altérations. Ainsi, certains auteurs admettent qu’un déficit des composantes métamnésiques (monitoring, contrôle ou relation monitoring-contrôle) puisse déboucher sur des dysfonctionnements de la mémoire aussi importants que ceux entraînés par un déficit touchant directement les opérations spécifiques

de la mémoire (Metcalfe, 1993). En ce sens, la métamémoire peut être définie comme un système de contrôle ou de régulation du fonctionnement mnésique (Fernandez-Duque, Baird et Posner, 2000 ; Souchay et al., 2000). Dans ce cas, il devient important de déterminer la relation que la métamémoire entretient avec les fonctions exécutives et, d’un point de vue neuropsychologique, avec le « système stratégique frontal » suggéré par Moscovitch (1992). »

Les fonctions exécutives sont définies comme les processus cognitifs qui contrôlent et régulent les autres activités cognitives (Shallice, 1988 ; Baddeley, 1993 ; Lezak, 1995). Leur fonction est donc principalement métacognitive. Selon la plupart des conceptions du fonctionnement exécutif, les activités nouvelles nécessitent plus de contrôle que les activités routinières avec la création d’un schéma d’action issu de nouvelles stratégies. Lors d’activités complexes, le système exécutif est sollicité et le contrôle intentionnel est volontaire. D’après Flavell (1979), les jugements métacognitifs interviennent dans les situations nouvelles. Les jugements métamnésiques, participant à la gestion des stratégies d’encodage et au contrôle de la récupération en mémoire (Souchay, 2000), auraient donc un rôle dans la gestion des processus mnésiques en lien avec des processus exécutifs. Des études répondent cliniquement à cette hypothèse opérationnalisable (voir Shimamura, 1996).

D’autres modèles laissent entrevoir les liens entre conscience de soi et fonctionnement frontal. Stuss et Benson (1986) et Stuss et Anderson (2004) placent le niveau « self awareness » ou « self reflectiveness » au sommet des fonctions exécutives, alors subordonnées, afin d’adopter un comportement efficace pour atteindre un but. Le modèle DICE de Schacter (1990) place la conscience de soi (Conscious Awareness System) au centre du fonctionnement et permet d’expliquer les tableaux anosognosiques, notamment l’anosognosie frontale (Priganato & Schacter, 1991 ; Croteau & Nolin, 1997). Ces modèles tiennent une place indéniable au sein de notre réflexion et s’accordent avec la conception de Fernandez-Duque et al. (2000) selon laquelle la métamémoire et le fonctionnement exécutif présenteraient des processus très similaires « In everyday life, metacognitive/executive control guides action when there is no adequate preestablished schema to achieve a particular goal, as in the cas of a novel situation. Thus, metacognitive/executive processes are required for decision making, troubleshooting, strategy selection, and performance of nonroutine actions ». Selon Pannu et Kaszinak (2005), «There is a substantial amount of evidence with the hypothesis that the frontal lobes are critically involved in initiating the higher order processes that are collectively assumed under the term « executive function » (Mega & Cummings, 1994). Because of the similarities between the Nelson and Narens (1990)

metacognitive framework and other theories of executive function, it is likely that the frontal lobes are involved in metacognitive tasks as well. ».

D’ailleurs, certaines composantes de la métamémoire sont similaires aux fonctions qui sont attribuées aux lobes frontaux, telles que la planification, le contrôle et l’organisation des fonctions motrices et cognitives. Ainsi, pour certains auteurs (Flavell, 1979 ; Brown, 1987 ; Nelson & Narens, 1990 ; Allal et Saada-Robert, 1992), la planification concerne la mise en place de plans d’actions permettant la réalisation de la tâche, tandis que le contrôle permet, durant la réalisation de la tâche, d’évaluer l’efficacité du plan adopté, et d’en changer si nécessaire. La gestion des stratégies mnésiques regroupe donc un ensemble pouvant intervenir lors de l’encodage et/ou de la récupération et offre la possibilité au sujet d’optimiser sa performance.

Dans le même ordre d’idées, les différentes notions de monitoring et control se rapprochent de certaines compétences des lobes frontaux. Plus particulièrement, Stuss et Benson (1986) considèrent que la région frontale est responsable de l’aspect monitoring de la métacognition. A l’inverse, Norman et Shallice (Shallice, 1988) ainsi que Das, Kirby et Jarman, (cités par Jarman et al., 1995), suggèrent que le control métacognitif serait une compétence du lobe frontal. Du reste, Jarman et al. (1995) proposent de distinguer ces 2 processus (surveillance versus régulation) lors d’études chez les patients frontaux.

En outre, les corrélats neurologiques renforcent l’idée d’un lien entre métamémoire et lobes préfrontaux. Nous savons que les lobes frontaux jouent un rôle central dans la précision des jugements métamnésiques et plus spécifiquement les zones préfrontales droites (McGlynn & Schacter, 1989 ; Mc Glynn & Kaszniak, 1991a, 1991b ; Shimamura, 1994 ; Kaszniak & Zak, 1996). Les patients présentant des troubles de la mémoire associés à un dysfonctionnement des lobes frontaux obtiennent des performances plus faibles dans des tâches de métamémoire.

D’autres liens pourraient être évoqués entre fonctions des lobes frontaux (ou du fonctionnement exécutif) et fonctions métamnésiques. L’intérêt de notre exposé réside dans une meilleure compréhension de ces liens et une meilleure compréhension des perturbations métamnésiques chez des sujets présentant des lésions des lobes frontaux associées à un dysfonctionnement exécutif. D’ailleurs, Pannu et Kaszniak (2005), dans leur revue de littérature sur la métamémoire, soulignent l’intérêt d’étudier la métamémoire chez des populations de patients cérébro-lésés dans l’optique d’aider à comprendre comment les sujets contrôlent leur mémoire et utilisent des stratégies pour retrouver des informations, et ce en observant comment ces stratégies sont différemment affectées après une lésion cérébrale. En outre, ils indiquent également que ce sont les recherches réalisées auprès de ces populations

de patients qui peuvent éclairer sur la présence de processus similaires dans toutes les tâches de métamémoire, et déterminer ainsi si certaines tâches métamnésiques ne sont pas aussi affectées par la maladie.

De plus, ces auteurs précisent que les tâches de métamémoire utilisées dans les diverses études de la littérature, diffèrent à bien des égards tout en prétendant mesurer les mêmes propriétés des processus de monitoring et de control. De ce fait, il apparaît nécessaire de s’interroger sur le fait de savoir si ces tâches mesurent les mêmes propriétés sous-jacentes et si les variations dans les protocoles changent significativement l’issue des résultats. C’est la raison pour laquelle, dans la présente étude, nous nous sommes attachés à : 1) évaluer plusieurs processus métamnésiques à partir d’un même test de mémoire épisodique et 2) à faire varier le temps d’étude des items afin d’évaluer les effets sur les processus métamnésiques. Dans le même ordre d’idées, pour le paradigme de jugement FOK, nous allons calculer les mesures de précision en tenant compte à la fois des items non rappelés mais également de tous les items, comme cela avait déjà été suggéré par Izaute et al. (1996).

Dans leur article, Pannu et Kaszniak (2005) ont également fait un inventaire des questions qui restent à investiguer dans les recherches futures sur la métamémoire. Ils évoquent, par exemple, l’intérêt d’étudier les composants spécifiques de la métamémoire et de leurs liens avec les processus exécutifs. Un certain nombre d’études confirme le lien entre métamémoire et lobe pré-frontal, comme nous avons pu en faire état précédemment, mais c’est la question des mécanismes spécifiques mis en jeu qui reste à confirmer. Ils s’interrogent également sur la relation entre la métamémoire évaluée par des questionnaires et les performances des sujets dans des tâches expérimentales évaluant cette même métamémoire.

Ce sont certaines de ces questions que nous allons nous efforcer d’éclaircir dans ce travail. Ainsi, dans le chapitre suivant, nous allons préciser notre problématique et proposer une série d’hypothèses à tester, considérant l’ensemble des dimensions de la métamémoire (connaissance du fonctionnement mnésique, surveillance de la mémoire et auto-évaluation personnelle) et ses relations avec le fonctionnement exécutif.

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