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METAMEMOIRE ET FONCTIONNEMENT EXECUTIF

4. N EUROPSYCHOLOGIE ET TROUBLES DE METAMEMOIRE DANS DES MESURES CONCOURANTES

4.1. Données des mesures de surveillance de la métamémoire (monitoring) 1 EOL

Nous n’avons pas retrouvé d’études sur les jugements EOL auprès de sujets présentant une altération des fonctions exécutives ou présentant une pathologie endommageant les régions frontales. Les rares travaux référencés ont été réalisés auprès de sujets adultes sains ou

auprès d’une population d’enfants. Nous avons fait le choix de ne pas utiliser cette mesure métamnésique dans les expérimentations présentées dans ce travail. En effet, son utilisation aurait pu engendrer un biais dans l’intégrité des autres mesures métamnésiques. Ainsi, nous n’avons pas souhaité que nos sujets traitent nos items (réalisation d’un jugement EOL) avant la réalisation de la tâche mnésique et les tâches de métamémoire (comme le JOL par exemple).

4.1.2. JOL

Les rares études réalisées auprès de sujets frontaux ou dysexécutifs à partir de mesures de JOL sont assez contradictoires en fonction de la méthodologie utilisée.

Un travail que nous avons réalisé (Pinon, Allain, Kefi, Dubas & Le Gall, 2005) auprès de 20 patients cérébro-lésés, cliniquement dysexécutifs et présentant des lésions frontales à l’imagerie cérébrale, n’a pas mis en évidence de perturbation des jugements d’apprentissage à partir de l’évaluation d’indices de précision de JOL (corrélation Gamma, JOL moyen des couples de mots liés sémantiquement, JOL moyen des couples de mots sans lien sémantique). Il était alors demandé à ces sujets de juger de leur capacité à rappeler ultérieurement un à un une série de 20 couples de mots (avec ou sans lien sémantique). Ce groupe de patients était comparé à une population contrôle appariée de 12 sujets.

A contrario, les études réalisées auprès d’une population de patients atteints d’une maladie d’Alzheimer (Moulin, Perfect & Jones, 2000a, 2000b) laissent apparaître un déficit de jugement d’apprentissage dans les groupes de patients. L’intérêt de vérifier les performances de sujets Alzheimer réside dans un rapprochement avec notre population d’étude. En effet, dans la littérature (voir Van der Linden et al., 2000), il est entendu que ces patients présentent un déficit de leurs fonctions exécutives. On retrouve le même type de résultats dans une étude de Bauer et al. (1984) qui a mis en évidence une moins bonne précision de JOL chez les patients Korsakoff en comparaison avec le groupe de sujets sains. Les auteurs ont alors suggéré que le déficit du contrôle métacognitif pouvait être dû à un déficit des lobes frontaux.

Kennedy et Yorkston (2000) ont proposé à un groupe de 18 patients traumatisés crâniens modérés ou sévères (seulement 40% de leurs sujets présentaient des lésions frontales objectivées par l’imagerie cérébrale) d’étudier 2 fois des listes de 40 couples de mots non liés. Lors de la deuxième présentation des items, les sujets sont invités à réaliser 2 jugements d’apprentissage, un immédiat et un différé (après la phase de rappel immédiat de tous les couples de mots) sur une échelle de Likert en 5 points (de 0% à 100% correspondant respectivement à « ne sera sans aucun doute pas rappelé » et « sera rappelé avec certitude »).

Il apparaît, dans cette étude, que les patients traumatisés crâniens sont moins précis que les sujets contrôles dans leur jugement d’apprentissage immédiat. Ils ont tendance à surestimer leurs performances mnésiques alors qu’ils ont des performances similaires pour les jugements d’apprentissage différé. Il est précisé également que le groupe de sujets contrôles présente un comportement de sous-estimation de ses performances en rappel que ce soit dans la mesure de jugement d’apprentissage immédiat ou différé.

4.1.3. FOK

Le paradigme de jugement feeling-of-knowing a été le plus étudié dans la littérature concernant des sujets présentant une perturbation des zones cérébrales frontales. Le principe du jugement FOK réside dans le fait qu’il a été montré que la conviction subjective est souvent prédictive des performances objectives de mémoire (Koriat, 1993). Ainsi, les sujets incapables de rappeler un item stocké en mémoire peuvent estimer avec un succès au-dessus du hasard s’ils seraient capables de le rappeler ultérieurement, de le produire si un indice leur était donné, ou de le reconnaître parmi des distracteurs (Hart, 1965, 1967a, 1967b ; Freedman & Landauer, 1966 ; Gardiner, Craik & Bleasdale, 1973 ; Gruneberg & Monks, 1974 ; Gruneberg & Sykes, 1978 ; Schacter, 1983 ; Leonesio & Nelson, 1990 ; Nelson & Narens, 1980).

Utilisant le paradigme F.O.K., développé à l’origine par Hart (1965), Shimamura & Squire (1986) ont évalué des sujets avec un syndrome de Korsakoff, des amnésiques ayant suivi une thérapie électroconvulsive, et des amnésiques aux étiologies diverses. Il est donné aux patients 24 phrases à apprendre (ex : le jardin de Pattsy est rempli de soucis). Après un délai de 5 minutes, un rappel indicé est évalué pour le dernier mot de chaque phrase (ex : le jardin de Pattsy est rempli de __ ). Si la réponse correcte ne peut pas être produite, alors les sujets doivent évaluer leurs sentiments de connaissance. Ils évaluent sur une échelle en 4 points s’ils pensent être capables de reconnaître la réponse si un choix leur était fourni. Pour évaluer l’exactitude des jugements FOK, ces jugements sont corrélés avec les performances à des tests de reconnaissance ultérieure. De tous les patients amnésiques testés, seuls les patients avec un syndrome de Korsakoff présentaient des déficits dans leur jugement FOK. Ces patients avaient des difficultés pour prédire leurs capacités futures à répondre correctement à un item dans un test de reconnaissance. Les autres patients amnésiques prédisaient avec autant de précision que les sujets contrôles leurs performances mnésiques de reconnaissance ultérieure (Mayes, 1988).

Les résultats des patients amnésiques montrent que l’altération de la métamémoire n’est pas un trait obligatoire de l’amnésie. Certains patients amnésiques peuvent présenter des connaissances sur ce qu’ils savent ou ne savent pas, en dépit d’une altération sévère des capacités à acquérir de nouvelles connaissances. Les patients avec un syndrome de Korsakoff présentent une altération de la métamémoire en plus d’avoir un déficit de mémoire antérograde. Le déficit en métamémoire observé chez les patients Korsakoff suggère une implication du dysfonctionnement des lobes frontaux.

C’est à partir de telles considérations que Janowsky et al. (1989a) ont évalué la métamémoire chez des sujets présentant des lésions frontales, des sujets avec un syndrome de Korsakoff, d’autres sujets amnésiques (patients avec une amnésie consécutive à une anoxie ou un accident vasculaire ischémique) et des sujets contrôles. Les patients frontaux sont testés après 2 délais différents (5 min et 1-3 jours, chaque condition impliquant des items d’étude différents). La longueur du délai était utilisée pour égaler les performances de rappel indicé des patients frontaux avec celles des patients amnésiques qui sont testés après un délai de 5 minutes. Il a été mis en évidence que, malgré des niveaux équivalents de performances de rappel indicé, les patients frontaux et les patients Korsakoff sont les seuls à montrer une altération du jugement FOK. Les autres patients amnésiques avaient des performances normales. Cependant, l’altération des jugements FOK, observée chez les patients frontaux, est différente de celle observée chez les patients Korsakoff. En effet, les frontaux ne montrent pas d’altération de leur jugement FOK quand la performance est évaluée après un court délai (5 min) ou lorsque les tâches de FOK sont utilisées pour des questions d’information générale (exemple de question : « Qui a inventé la radiotélégraphie ? » [Marconi]) alors que les patients Korsakoff présentent une altération significative dans ces 2 types d’épreuves. Une des possibilités est que l’altération de la métamémoire chez les patients Korsakoff est plus sévère, comme un résultat à la fois des déficits de la mémoire et de la métamémoire. Une autre interprétation possible est que les tests de rétention à 5 minutes et d’information générale sont trop faciles et peuvent ne pas avoir éprouvé suffisamment les fonctions de métamémoire pour engendrer une altération de l’habileté FOK chez les patients frontaux.

Schnyer et al. (2004) ont proposé à 14 patients présentant un large éventail de dommages au niveau du cortex frontal et des contrôles appariés de lire des phrases afin de procéder à un test de rappel différé sur le mot final de la phrase. Cette tâche comprenait une mesure de jugement de confiance et une mesure d’exactitude de jugement FOK. Les patients frontaux étaient déficitaires au rappel et à la reconnaissance. En outre, ils étaient également déficitaires dans l'exactitude de leurs jugements prospectifs de FOK.

4.1.4. Sentiment de confiance

Il existe peu d’études auprès de patients présentant des perturbations frontales qui ont utilisé la mesure de sentiment de confiance.

Ainsi, Kennedy (2001) a réalisé une étude comparative entre 18 sujets contrôles et 18 patients traumatisés crâniens (TC) modérés et graves. Les sujets ont été testés sur 2 listes de couples de non-mots. Ils devaient réaliser un jugement de confiance rétrospectif item-par-item sur une échelle de Likert en 6 points (de 0% correspondant à « absolument sûr que la réponse est incorrecte » à 100% correspondant à « sûr à 100% que la réponse est correcte »). Les corrélations entre le rappel et les estimations de confiance dans la réponse pour les 2 groupes sont très fortes, les TC étaient aussi précis que les sujets contrôles pour le jugement de confiance. Par contre, il a été constaté que le groupe des patients TC se surestimait quant à l’exactitude de ses réponses alors que les sujets contrôles se sous-estimaient, seulement lorsqu’ils étaient incertains.

Dans leur étude auprès de 14 patients frontaux (voir description de l’étude chapitre 3 partie 4.1.3), Schnyer et al. (2004) ont constaté que leurs patients pouvaient faire des jugements de confiance précis sur leur rappel attendu.

4.1.5. Prédiction de rappel global

Les études réalisées à partir des prédictions globales de performance ont été utilisées pour évaluer la connaissance des individus sur leurs compétences mnésiques.

Croteau et Nolin (1997) se sont intéressés à la métamémoire chez 30 patients traumatisés crâniens porteurs de lésions frontales (un tiers de leurs patients présentaient des lésions frontales isolées) en utilisant un questionnaire d'auto-évaluation de la mémoire (QAM) et une mesure de prédiction de performance. Dans la mesure de prédiction de performance, il était demandé aux patients de juger de leur performance au cinquième essai de l’épreuve de California Verbal Learing Test (CVLT, Delis et al., 1987). Ils étaient informés au préalable de la moyenne obtenue par des sujets sans lésion cérébrale. Cette épreuve était également proposée à un proche du patient et un thérapeute auquel il était demandé de juger des performances du patient au cinquième essai de cette épreuve de mémoire, tous les sujets étaient également informés de la moyenne obtenue par des sujets sans lésion cérébrale. Les résultats montrent que les prédictions des patients ne sont pas corrélées avec leurs performances réelles au test. A l’opposé, les prédictions respectives des parents et des thérapeutes sont significativement en relation avec la performance du sujet au test de mémoire. Les patients traumatisés crâniens présentaient donc des difficultés à prédire de façon adéquate leur performance réelle, ce qui supposait, pour les auteurs, qu’ils pouvaient

avoir une mauvaise conscience de leur performance mnésique alors que les parents ou les thérapeutes en avaient une perception plus juste.

Vilkki, Servo et Surma-aho (1998) ont comparé la précision des prédictions de performances de 30 patients présentant des lésions frontales focales (17 hémisphériques gauches et 13 hémisphériques droites), de 29 patients présentant des lésions non frontales (12 gauches, 17 droites) et de 21 sujets contrôles. La tâche des sujets consistait à prédire leur performance pour un rappel libre de 20 mots. Les mesures métamnésiques utilisées valorisaient la précision des prédictions. Les sujets étaient donc informés que leur prédiction devait être la plus proche possible de leur performance réelle afin d’obtenir le maximum de points pour l’épreuve. D’une manière générale, les patients avec lésions frontales gauches présentaient de moins bonnes performances en rappel que les patients avec lésions frontales droites ou les contrôles. Les prédictions des patients frontaux étaient moins précises que celles des sujets contrôles. Plus exactement, les patients frontaux gauches surestimaient leurs rappels de façon plus importante que les autres patients cérébrolésés ou les contrôles, spécialement lors du premier rappel. Les patients avec des lésions frontales droites étaient moins précis dans leurs prédictions de rappel (surestimation ou sous-estimation) que les patients avec des lésions postérieures droites ou les contrôles. Les résultats de cette étude appuient ainsi la conception selon laquelle les lésions des lobes frontaux perturbent la métacognition (Janowsky et al., 1989a ; Schacter, 1991 ; Vilkki & Holst, 1989, 1991).

Dans une étude réalisée auprès de 20 patients dysexécutifs frontaux (Pinon et al., 2005), nous avons pu noter que les patients prédisaient de façon identique aux sujets contrôles leurs performances de rappel de couples de mots dans un test de rappel différé à 20 minutes. Mais ces même patients présentaient des performances plus faibles dans cette épreuve objective de mémoire. Ainsi, nous avons pu proposer que la norme d’estimation serait une sous-estimation des performances alors que les patients frontaux auraient tendance à surestimer leurs capacités mnésiques (surestimation non significative statistiquement dans notre étude mais retrouvée par de nombreux auteurs : Croteau & Nolin, 1997 ; Vilkki et al., 1998 ; Becavin, 2005 ; Pinon, Allain, Etcharry-Bouyx & Le Gall, à paraître).

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