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Influence de la condition de temps d’étude sur les autres paradigmes métamnésiques

DE RECUPERATION DES SUJETS DYSEXECUTIFS

3.2. Influence de la condition de temps d’étude sur les autres paradigmes métamnésiques

Afin de vérifier les divers paramètres de notre étude, nous avons procédé à 2 types d’analyses. Premièrement, nous avons comparé les performances en mémoire épisodique et aux divers paradigmes métamnésiques de chacun de nos groupes de patients avec leur groupe de référence. Deuxièmement, nous avons comparé nos 2 groupes de patients entre eux pour ces mêmes mesures métamnésiques ainsi que les deux groupes de sujets sains afin d’évaluer d’éventuels comportements divergents suivant les conditions expérimentales.

Nos résultats sont résumés dans le tableau 7.4. Les principaux résultats sont de 4 ordres :

- La comparaison des performances entre les contrôles et les patients dans la condition expérimentale 1 met en évidence un profil de performances similaire au niveau mnésique et métamnésique.

- La comparaison des performances entre les contrôles et les patients dans la condition expérimentale 2 laisse apparaître une différence significative au niveau des performances mnésiques mais également au niveau des performances en métamémoire, dans les paradigmes du jugement FOK, JOL et de sentiment de confiance pour les mots reconnus.

- La comparaison des performances des patients selon la condition expérimentale proposée révèle un profil mnésique et métamnésique strictement identique (aucune différence significative).

- La comparaison des performances des sujets contrôles selon la condition

expérimentale proposée révèle un profil de performance similaire en ce qui concerne la mémoire. En revanche, il existe une différence significative dans la mesure de prédiction du jugement FOK (FOK moyen) ainsi que dans les mesures de prédiction (Sentiment de confiance moyen pour les mots reconnus) et de précision du sentiment de confiance (indice Gamma, Hamman et de précision absolue).

Tableau 7.4 : Caractéristiques descriptives des 4 groupes de sujets (test test U de Mann Whitney).

Patients contrôles Sujets dysexécutifs

Condition 1 (n = 10) Condition 2 (n = 15) Condition 1 (n = 10) Condition 2 (n = 15) Mémoire Rappel différé Reconnaissance (%) 11.3 (5.7) 86.6 (13.9) 11.9 (3.9) 92.8 (10.1) 7.4 (4.9) 74.5 (22.4) 6.7 (4.7)b 73.3 (21.4)b JOL Prédiction JOL moyenne

Précision relative JOL indice Gamma indice Hamman Précision absolue JOL

55 (14.8) 0.6 (0.5) 0.4 (0.3) -1.5 (23.8) 53.4 (14.2) 0.6 (0.5) 0.3 (0.4) -6.3 (24.3) 48.5 (10.6) 0.5 (0.5) 0.4 (0.4) 11.5 (22.9) 53.9 (22.7) 0.5 (0.4) 0.3 (0.3) 20.2 (25.1)b FOK Prédiction FOK moyenne

Précision relative FOK indice gamma corrigé indice Hamman Précision absolue FOK

55.7 (22.0) 0.1 (0.5) 0.1 (0.7) -30.9 (19.5) 72.8 (16.4)a 0.4 (0.4) 0.5 (0.4) -20 (11.5) 48 (23.3) -0.1 (0.4) -0.1 (0.4) -26.4 (27.3) 46.4 (24)b -0.1 (0.6)b -0.1 (0.5)b -26.9 (22.8) Sentiment de confiance Prédiction SC SC mots rappelés SC mots reconnus SC mots non reconnus Précision relative SC indice gamma corrigé indice Hamman Précision absolue SC 91.8 (11.7) 74.7 (16.7) 40.7 (33.9) 0.5 (0.4) 0.2 (0.2) -16 (12.6) 94.3 (7.3) 91.5 (11.5)a 46.7 (27.6) 0.8 (0.1) a 0.4 (0.1) a -4.9 (8.1) a 85 (13.2) 65.1 (30.9) 35.9 (32.2) 0.5 (0.3) 0.3 (0.2) -14.3 (26.5) 84.8 (24.9) 61.8 (22.1)b 33.3 (25.3) 0.5 (0.4)b 0.3 (0.3) -20.6 (17.9)b

Note : les données correspondent aux scores moyens (écart-type) pour chaque groupe. Les valeurs du p données ici sont celles obtenues avec le test U de Mann Whitney. Seules les analyses révélant des différences significatives ont été indiquées. C1 : sujets contrôles testés dans la condition 1, C2 : sujets contrôles testés dans la condition 2, P1 : patients testés dans la condition 1, P2 : patients testés dans la condiction 2.

a Différence statistiquement (p < .05) entre les groupes C1 et C2 b Différence statistiquement (p < .05) entre les groupes C2 et P2

4. DISCUSSION

Dans cette étude, nous avons souhaité évaluer l’incidence de la condition d’encodage, à savoir le temps d’étude, sur les autres paradigmes de métamémoire et également sur la performance mnésique. Pour cela, nous avons proposé à une partie de nos sujets d’apprendre des couples de mots dans un temps d’étude fixe de 10 secondes et à une autre partie dans un temps d’étude libre.

Nous avions vérifié que nos groupes de sujets étaient appariés au niveau démographique mais également dans leur fonctionnement exécutif (voir annexe 4.1). Par contre, il apparaît que les patients de cette expérience présentent un comportement métamnésique dans la mesure d’allocation du temps d’étude qui diffère de celui des patients de l’Expérience 2b. En effet, autant dans l’expérience précédente, les patients passaient significativement plus de temps que les sujets contrôles pour encoder les couples de mots (temps d’étude moyen), autant dans cette nouvelle expérience, aucune différence n’est retrouvée au niveau de cette mesure entre les patients et les contrôles. Rappelons qu’une partie de ces patients a été intégrée aux 2 études et qu’ils présentent tous les critères d’inclusion que nous nous étions fixés, à savoir une lésion frontale objectivée par l’imagerie cérébrale et un syndrome dysexécutif diagnostiqué (au moins 2 mesures exécutives échouées). De ce fait, nous pouvons en conclure que les mesures d’évaluation de ce paradigme sont fragiles (non-stabilité des résultats) ou alors que bien d’autres mécanismes sous-jacents, non évalués ici, sont impliqués.

Nous avions émis l’hypothèse que nos patients ne passeraient pas plus de temps pour étudier les items dans la condition de temps libre que dans la condition de temps imposé. Il s’avère que cette hypothèse a été confirmée. Mais nous notons également que les sujets contrôles passent significativement moins de temps dans la condition autogérée que dans la condition 1, contrairement à ce que nous attendions, et ce sans modification de leur performance en mémoire. Pour Jacoby (1973) et Mazzoni et Cornoldi (1993), un temps d’encodage libre devrait permettre aux sujets sains d’obtenir de meilleures performances en mémoire, nous n’avons pas observé ce phénomène. Ceci s’explique peut-être par le fait que nous avions décidé de choisir un temps d’étude fixe de 10 secondes en fonction des travaux préalables (Connor et al., 1997) en mémoire épisodique où était attribué ce temps de présentation des items (voir consignes des sub-tests « Apprentissage de paires associées visuelles » et « Apprentissage de paires associées verbales » de la BEM 144 ; Signoret, 1991). Nous aurions peut-être dû choisir un temps plus court afin d’observer une différence significative entre temps imposé et temps autogéré. Ainsi, dans l’étude de Schmitter- Edgecombe et Anderson (2007), les auteurs ont proposé un temps d’étude de 6 secondes qui

correspond à un temps inférieur au temps dont nos patients ont eu besoin pour étudier les couples de mots de notre étude (temps moyen de nos sujets était de 8.5 secondes). Il s’avère ainsi que notre tâche fixe était déjà facile pour ces sujets.

Si l’on compare les résultats des groupes par condition, on remarque que la différence dans les performances mnésiques des patients n’est pas significative dans la condition 1 tandis qu’elle le devient dans la condition 2, les patients rappelant et reconnaissant significativement moins de mots dans les tests de mémoire proposés. Les contrôles tirent plus profit que les patients de cette condition libre. Il nous est difficile de rapprocher ce comportement à un dysfonctionnement exécutif car aucune épreuve exécutive proposée ne corrèle significativement avec les mesures d’allocation du temps d’étude (voir annexe 4.3), comme cela avait déjà été observé dans l’Expérience 2b. Nos données nous indiquent donc que lorsqu’il est proposé aux sujets contrôles de gérer leur temps d’étude, ils l’adaptent à la situation alors que les patients n’en tirent pas profit pleinement. Le temps fixe apparaît être trop long pour les contrôles alors ils écourtent ce temps quand ils en ont la possibilité et ce seulement pour les mots liés. Pour les mots non liés, ils passent autant de temps qu’en condition imposée. Ainsi notre deuxième hypothèse n’est que partiellement validée dans le sens où nos 2 groupes de sujets n’améliorent pas leurs performances mnésiques dans la condition autogérée. Toutefois, il semblerait que les mécanismes mis en jeu ne soient pas les mêmes, les patients n’augmentent pas leurs performances mnésiques, selon nous, en raison de la non mise en place de stratégies d’encodage efficaces alors que nous avons observé une adaptation du comportement d’apprentissage chez les sujets contrôles. La critique que nous avons formulée concernant notre épreuve de mémoire, à savoir qu’elle ne serait peut-être pas assez contraignante peut expliquer en partie l’absence de différence dans les performances des sujets de chaque condition.

Nous avons également souhaité réaliser cette étude afin de vérifier si la variation du temps d’étude a une influence sur les autres paradigmes métamnésiques. Pour cela, nous avons comparé pour chaque groupe de sujets les conditions expérimentales (comparaisons de moyennes). Nous avons ainsi postulé que l’effet du temps d’étude aurait une influence uniquement dans le groupe de sujets contrôles. Nous observons que le temps d’étude chez nos sujets contrôles a une incidence sur des mesures de prédiction du jugement FOK (moyenne des jugements FOK) et sur les mesures de prédiction et de précision du sentiment de confiance (sentiment de confiance moyen pour les mots reconnus, précision relative et précision absolue). Par contre, aucune différence significative n’a été relevée pour les mesures du paradigme de JOL. Les sujets contrôles sont ainsi plus sûrs de leur performance future dans une tâche de reconnaissance dès lors qu’ils contrôlent leur temps d’étude. Ceci

tendrait à indiquer alors que les mécanismes de control ont une incidence sur ceux de monitoring et plus particulièrement sur les mesures de prédiction de la phase de récupération des informations (prédictions item-par-item des performances dans une tâche de reconnaissance). Par contre, les mécanismes de control métamnésique n’ont pas d’incidence sur des mesures du processus de monitoring en phase d’acquisition (absence de différence dans les mesures d’évaluation du paradigme de JOL). Les études centrées sur ces deux paradigmes de la phase d’acquisition rendent compte d’une influence du JOL sur le temps d’étude (Mazzoni & Nelson, 1995). Seuls Koriat et al. (2006) commencent à envisager une influence inverse, ce que tendraient à indiquer nos résultats. Le comportement observé chez les sujets contrôles n’a pas été retrouvé chez le groupe de patients, il n’existe aucune différence dans les mesures évaluant les paradigmes de JOL, de jugement FOK et du sentiment de confiance. Un temps d’étude libre n’engendre pas de différence de prédiction de reconnaissance dans des paradigmes du processus de monitoring. Par ailleurs, au regard de nos analyses, il apparaît que la condition de temps autogéré permet à nos sujets contrôles de ne plus réaliser des jugements FOK proches du hasard. Leur jugement item-par-item devient plus précis (U = 52.5 ; z = -2.49 ; p = .01) alors que celui des patients ne diffère pas du hasard (analyse comparable à celle faite par Schnyer et al. (2004)) quelle que soit la condition expérimentale testée.

Afin d’affiner ces résultats nous avons analysé, à partir de comparaisons intergroupes, des différences éventuelles dans le comportement de réponses aux divers paradigmes évalués. Ainsi dans la condition de temps d’étude imposé, aucune différence n’a été relevée entre les patients et les sujets contrôles, quel que soit le paradigme métamnésique évalué. Nous rappelons que les performances en mémoire, bien que plus faibles pour les patients, ne sont pas significativement différentes. Par contre, dans la condition de temps autogéré, il existe une différence significative dans le comportement et les performances des sujets dans chaque paradigme investigué. Les sujets contrôles sont significativement plus précis dans leur jugement item-par-item (JOL, jugement FOK et de sentiment de confiance). Nous observons encore des différences, au sein d’un même paradigme, dans les mesures analysées (par exemple, pour le paradigme de sentiment de confiance, l’indice Gamma est significativement différent mais pas l’indice Hamman).

Ces résultats nous indiquent que les sujets contrôles sont capables d’adapter leur comportement suivant la condition expérimentale proposée. Ils vont plus facilement moduler leur comportement face à des informations à apprendre en condition autogérée, où ils sont maîtres de leur apprentissage ce qui leur permet de gérer plus efficacement la tâche. Par contre les patients ne modifient pas leur comportement suivant la condition expérimentale. Il

est fait état chez les patients dysexécutifs de capacités diminuées de contrôle et d’utilisation des stratégies mnémoniques qui sont importantes pour l’apprentissage de nouvelles informations (Hirst & Volpe, 1988 ; Eslinger & Grattan, 1994 ; Stuss et al., 1994 ; Gershberg & Shimamura, 1995). De ce fait, les patients semblent plus à l’aise dans une condition où le temps d’apprentissage leur est imposé (meilleures performances en mémoire épisodique) comme si cette condition les obligeaient à utiliser le temps imparti pour apprendre les informations.

Ces résultats sont à nuancer car nous avons proposé les 2 protocoles expérimentaux à des sujets différents et bien que les critères d’inclusion étaient relativement restrictifs et similaires, il serait important par la suite de proposer ces 2 conditions aux même sujets afin d’obtenir une plus grande validité des résultats. Il serait également nécessaire de considérer les remarques formulées dans l’expérience précédente au niveau des critères d’inclusion de nos sujets et de la construction d’un protocole d’évaluation des processus métamnésiques plus sensible et calibré à chaque sujet.

En conclusion, nous allons reprendre la remarque de Son et Metcalfe (2000) qui suggéraient que la relation entre monitoring et control est plus complexe que ce que l’on peut envisager au premier abord et dépend à la fois des objectifs du sujet (maîtriser parfaitement le matériel à apprendre), de sa motivation (importance accordée aux informations) et des délais impartis pour l’apprentissage. Il est ainsi difficile de contrôler tous les paramètres qui interagissent lorsqu’il est question d’évaluer la métamémoire et ses processus.

L’expérience suivante (Expérience 4) sera consacrée plus spécifiquement au paradigme de jugement FOK et aux difficultés méthodologiques qui peuvent apparaître lors du choix de mesures explicatives de ce paradigme.

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