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Viticulteur et vigneron : une déconnexion progressive dans le vignoble visible par le vocabulaire employé

• Exploitation

• Raisin

• Cultiver

• Culture

• Récolter

• Champ

• Un fruit

• Un cultivateur

• Domaine

• Vin

• Élaborer

• Processus

• Vendanger

• Chai

• Un produit

• Un jardinier

VITICULTEUR, personne qui cultive le raisin

VIGNERON, personne s’occupant de la culture du raisin, de l’élaboration et commercialisation du vin

Tableau 1 : Deux catégories de plus en plus distinctes dans le Bergeracois : viticulteurs et vignerons

(Source : enquête de terrain, réalisation : G. Berche)

Néanmoins, si le découplage viticulteur-vigneron semble acté, la catégorie "vigneron" est loin d’être homogène. En réalité, c’est même à l’intérieur de cette catégorie que l’évolution est à la fois la plus perceptible et la plus marquée dans le Bergeracois. L’article se propose donc d’interroger cette catégorie et tenter d’en saisir les évolutions tout en les confrontant aux autres recompositions du vignoble. Cela permettra d’interroger la réalité et la complexité du métier de vigneron dans le vignoble et le sens à lui donner aujourd’hui.

C’est surtout depuis la réforme de la filière vitivinicole de 2008 qu’un tournant a eu lieu : le métier de vigneron évolue fortement à partir de cette date, les vignerons ayant acquis brusquement de nouvelles responsabilités qui les autonomise définitivement par rapport aux viticulteurs. Toutefois, cette soudaine autonomie a eu pour conséquence d’accentuer les inégalités entre les vignerons voire de remettre parfois fortement en cause leur statut et leurs pratiques. Cela a conduit finalement à une restructuration du métier autour de nouvelles "figures" que cet article s’attachera à mettre en évidence.

1. Le nouveau métier de vigneron dans le Bergeracois depuis les années 2000.

La réforme du système agricole français de la fin des années 2000 : vers une redéfinition du métier de vigneron

Les réformes dans le domaine agricole de ces dernières années en France ont conduit à une réforme de la filière vitivinicole française à partir de 2008. Cette réforme a modifié, parfois en profondeur, le rôle d’organismes qui sont en relation directe avec les vignerons. L’organigramme ci-dessous présente la nouvelle structuration de la filière vitivinicole bergeracoise et son insertion dans la filière vitivinicole française [Organigramme 1]. Cette réforme, impulsée donc par le haut, et dont il faut présenter les principaux points et effets, a conduit dans le Bergeracois à des changements notables dans la façon de faire le vin et de le commercialiser. C’est véritablement à partir de ce moment là que le métier de vigneron évolue.

Organigramme 1 : La filière vitivinicole bergeracoise : entre imbrication professionnelle, administrative et politique (Réalisation : G. Berche)

Nourrie de divers rapports (Pomel en 2006, Bastian, 2008), les réformes (notamment la loi n°2005-157 du 23 février 2005 "relative au développement des territoires ruraux", la loi n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 "relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer", et surtout l’importante loi d’Orientation d’Agricole n°2006-11 du 5 janvier 2006, qui permet la réforme du dispositif des signes de qualité) soulignent toutes la nécessité de donner une liberté d’action aux acteurs locaux d’assurer le développement des territoires. La réforme tente ainsi de rendre les acteurs davantage responsables du territoire qui

structure l’activité économique, sociale et culturelle, à l’image du terroir pour les vignerons, faisant des hommes et des femmes qui le composent les principaux acteurs de son développement et de son devenir. Ces acteurs constituent d’autre part la meilleure clé de compréhension d’une appellation qui relève du domaine public (Hinnewinkel, 2004), contribuant ainsi à forger une histoire collective, propriété de tous. Cette initiative vise enfin à répondre aux attentes des vignerons, qui n’ont cessé d’évoquer leur manque d’autonomie et de liberté, en raison selon eux des multiples relais administratifs où les vignerons étaient peu représentés ou écoutés.

La réforme du système agricole français met alors en place des organes étatiques nouveaux, qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques ou dans le cadre de la récente Loi d’Orientation Agricole. Ces organismes étatiques sont liés, à des degrés divers, par leurs objectifs ou leurs missions, à la filière vitivinicole française. L’ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 "relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer", redéfinit quant à elle les missions, l’organisation et le fonctionnement de l’INAO et le rebaptise "Institut national de l’Origine et de la Qualité". Cette ordonnance fixe les modalités de reconnaissance et de contrôle des signes d’identification de la qualité et de l’origine3

La mise en place de l’ODG va alors avoir des conséquences importantes sur le métier de vigneron. Peu avant la réforme, des enquêtes de l’ENITA de Bordeaux (Corade, Delhomme, 2009 et 2005) ont souligné en effet la profonde rupture entre les objectifs initiaux des AOC et les représentations actuelles des viticulteurs. L’analyse de la dimension collective se révèle particulièrement intéressante. Le syndicat viticole y est largement vécu comme un rouage administratif et non comme un lieu de gestion collective. La réforme du syndicat viticole, voulue par l’ordonnance du 8 décembre 2006, tente de répondre à ce ressentiment en mettant en place les principes d’une nouvelle gestion de l’outil de production et du contrôle du produit : l’Organisme de Défense et de Gestion. Le syndicat viticole évolue alors progressivement en Organisme de Défense et de Gestion (ODG). Le but, pour les acteurs interrogés, est d’y "voir plus clair, tant dans ses objectifs que dans ses missions". Cette réforme permet en outre "un nouveau départ", dans le sens où le vignoble bergeracois a connu de profondes mutations, qu’il s’agit désormais d’analyser et d’anticiper afin de maîtriser l’avenir du vignoble, plutôt "inquiétant" selon les vignerons. Même si l’on semble préoccupé de l’avenir du vignoble et de ses acteurs, la réforme "devrait permettre", selon les membres de l’ancien syndicat interrogés, "d’y voir plus clair". En effet, dans les textes, l’ODG a besoin d’une connaissance parfaite du parcellaire, de son évolution, de son vieillissement, de son taux de renouvellement ainsi que des hommes qui y sont rattachés. Ainsi, quinze ans après l’observatoire viticole qui a permis de dresser la sociologie du vignoble, la réforme devrait permettre de pouvoir approfondir ces questions, vitales si l’on veut anticiper les changements qui se font jour : accélération de l’arrachage, vieillissement des vignerons, manque de jeunes, notamment en viticulture, au profit des études commerciales. D’ici quelques années, l’ODG veut mettre en place une banque de données de type Systèmes d’Informations Géographiques permettant une parfaite connaissance du parcellaire et des hommes qui y sont attachés. Cela nécessite que les vignerons soient formés à son usage. Le métier nécessite dès lors une implication plus grande pour l’usage d’outils souvent nouveaux pour les vignerons et parfois ressentis comme abstraits ou inaccessibles.

. Elle délimite et spécifie les notions d’organisme de défense et de gestion (ODG), de cahier des charges et d’organisme de certification et d’inspection, mettant ainsi en place les prémices - pour ce qui concerne le secteur vitivinicole - d’une nouvelle gestion de la production et d’une nouvelle approche du contrôle des produits.

Les compétences du nouvel organisme de gestion sont larges mais font évoluer les relations du viticulteur avec l’administration. Certes, "l’esprit de syndicat risque de diminuer avec l’ODG : il faut garder un esprit de groupes de corps". Mais la fonction principale de cette nouvelle structure est "la connaissance approfondie de l’appellation, l’identification des opérateurs, la gestion interne, la déclaration des opérateurs extérieurs et le travail en amont pour mettre en place le propre contrôle des viticulteurs". Le viticulteur est ainsi rendu plus autonome : il doit fournir des éléments techniques et pratiques qu’autrefois le syndicat pouvait venir lui-même récupérer directement. Ainsi, le métier change et devient "plus administratif". Nombre de vignerons ont pu ainsi faire part des interminables dossiers à remplir, même si l’amalgame est facile avec les dossiers plus lourds à monter comme les demandes de subvention ou dès que cela concerne un financement émanant de l’Union Européenne.

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