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Matthieu Duboys de Labarre, AgroSup, UMR Cesaer, Dijon - dpaturel@supagro.inra.fr

─────── Résumé

Cette proposition de communication est issue d’une recherche interventionnelle qui a commencé en janvier 2012. Cette dernière, Empowerment, Comportement Alimentaire et Economie Solidaire (ECOALES), coordonnée par le Centre Emile Durkheim (CNRS, Science Po Bordeaux et Université Bordeaux Ségalen), associe le monde de l’économie solidaire – l’intervention (UNITERRES) est portée par l’A.N.D.E.S, un réseau d’épiceries sociales et solidaires – et le monde de la recherche (sociologie, anthropologie, économie et épidémiologie nutritionnelle). UNITERRES, qui est expérimenté dans les régions Poitou-Charentes et Aquitaine, repose sur une double approche. D’une part elle vise par un mode d’approvisionnement innovant qui s’apparente à celui des AMAP, à créer du lien entre le public des épiceries solidaires et des producteurs locaux susceptibles de revaloriser la relation à l'alimentation des personnes défavorisées. D’autre part avec des ateliers autour de l’alimentation, elle redonne sens et plaisir à cette activité. Elle met donc en jeu, de manière conjointe, trois axes de l’activité alimentaire : son accessibilité économique, sa signification dans la chaine de production (replacer l’aliment dans son contexte de production et créer un lien entre producteur et consommateur), et son lien avec des savoirs faire et des compétences culinaires. Par ailleurs, cette intervention interroge le modèle économique de l’aide alimentaire et la viabilité pour les producteurs de s’inscrire dans une telle démarche.

Problématique

En se basant empiriquement sur l’intervention UNITERRES, cette communication souhaite interroger les processus institutionnels et politiques à l’œuvre dans l’émergence d’une nouvelle vision du lien entre agriculture et aide alimentaire. Comment des conceptions issues de la consommation critique (soutien aux circuits courts, à une agriculture relocalisée et "durable", importance des liens de solidarité entre consommateurs et agriculteurs) se diffusent ou sont incorporées au sein du secteur de l’aide alimentaire ? Peut-on parler d’un phénomène d’empowerment, dans le sens où des associations issues de l’économie sociale et solidaire imposeraient cette nouvelle vision dans l’agenda politique et administratif ? Sommes-nous plutôt face à une logique d’institutionnalisation, les pouvoirs publics s’emparant de cette vision de l’agriculture pour définir de nouvelles modalités d’actions et de financements de l’aide alimentaire ? Il s’agira d’explorer les processus sociopolitiques qui sont à l’œuvre autour de cette intervention. Quelles sont les interactions et les stratégies des différents acteurs (associatifs, administratifs et politiques) ? Quels processus ont permis la mise sur agenda de ces questions ? Comment analyser les jeux d’échelle et les relations entre les niveaux local, national et européen ?

Terrain et méthodologie

Les résultats de cette communication se basent sur une approche ethnographique mêlant entretiens semi-directifs, observation participante et analyse de textes. Un corpus d’entretiens a été réalisé auprès de certains salariés de l’association A.N.D.E.S, des politiques et administratifs au niveau local1 et au niveau national2. Ces entretiens ont été complétés par une observation participante réalisée à Bruxelles lors d’une visite de l’A.N.D.E.S. qui y a rencontré des membres de plusieurs institutions et associations européennes (membres du Parlement, de la Commission et de la représentation permanente de la France)3.

Idées principales

Le lien entre agriculture et aide alimentaire a été formalisé à la fin des années 90 au travers du PEAD4

1

Il s’agit d’interviews réalisées auprès d’administratifs et d’élus des Conseils régionaux et de certains Conseils généraux, des Agences Régionales de Santé (ARS) et des Directions Régionales de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt (DRAAF) des deux régions impliquées dans l’expérimentation.

(Programme Européen d’Aide au plus Démunis) : ce programme, qui reposait à l’origine sur la gestion de surstocks communautaires, s’est progressivement transformé, au fil de l’élargissement de l’Union et d’une meilleure gestion des excédents, en une enveloppe d’achat. Le financement du PEAD sur les fonds de la Politique Agricole Commune (PAC) est aujourd’hui remis en question. En l’état, il est maintenu jusqu’en 2014

2

Interviews réalisées auprès de responsables administratifs de plusieurs directions centrales : Direction Générale de la Santé (DGS) et Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) pour le Ministère de la Santé et Direction Générale de l’Alimentation (DGAl) pour le Ministère de l’agriculture.

3

Il s’agit de rencontres qui ont eu lieu entre l’A.N.D.E.S et des membres de la Direction Général de l’Agriculture (Commission européenne), d’un membre de cabinet du commissaire européen en charge de l’agriculture et du développement rural, de délégués de la représentation permanente de la France (affaires agricoles et santé), de 3 députés européens ou de leurs assistants, du coordinateur de Via Campesina.

4

Programme mis en place en 1997, découlant de la PAC et visant à stabiliser les marchés agro alimentaires en procédant à des mises à disposition de produits auprès de l’aide alimentaire des pays membres.

mais pas au delà. Dans ce contexte, l’expérimentation UNITERRES représente une tentative de reconnecter agriculture et aide alimentaire sur la base d’un nouveau modèle (soutien à une agriculture relocalisée, en circuit court et durable et accessibilité à cette production pour l’aide alimentaire). Si cette tentative est loin d’être adoptée comme un nouveau modèle, que ce soit au niveau national ou européen, il est intéressant de comprendre comment elle a réussi à occuper une place non négligeable dans l’agenda des administrations qui gèrent le secteur de l’aide alimentaire. Nous avons mis au jour deux facteurs qui nous semblent centraux dans ce processus. Le premier est que, loin d’être uniquement le fruit du secteur associatif (qui l’aurait "imposé" aux administrations), ce projet est dés ses origines une co-construction entre des acteurs, des administrations centrales et les associations. Nous verrons quelles formes a pris cette co-construction et quelles en sont les implications. Le second facteur concerne les jeux d’échelles entre le niveau local, national et européen. L’inscription locale de l’intervention (expérimentée dans les région Aquitaine et Poitou-Charentes) et le soutien des politiques à ce niveau a constitué une ressource permettant d’accéder aux institutions Européennes. Cet accès a en retour légitimé les porteurs du projet au niveau national. Ainsi, nous avons pu observer un processus d’imbrication entre différents niveaux d’échelles qui ont contribué à renforcer la visibilité et l’émergence de ce projet comme une possible alternative au lien entre agriculture et aide alimentaire.

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Références bibliographiques

Delavigne A.E., 2012. Logique du local et pratiques territoriales dans une action d'aide alimentaire. POUR, 215-216.

Deverre C., Lamine C., 2010. Les systèmes agroalimentaires alternatifs. Une revue de travaux anglophones en sciences sociales. Economie Rurale, 317.

Laville J.L., 2010. Politique de l’association. Seuil.

Pleyers G. (dir.), 2011. La consommation critique, Mouvement pour une alimentation responsable et solidaire. Desclée de Brouwer.

Nouvelles formes d'agriculture

Pratiques ordinaires, débats publics et critique sociale

20-21 Novembre 2013 - AgroSup, Dijon

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