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rôle de l’exploitation agricole des établissements d’enseignement agricole technique

Patrice Cayre, Inra-Sad/DGER/BIPI, UMR Métafort, Clermont-Ferrand – fabienne.barataud@mirecourt.inra.fr

Béatrice Degrange ; Christèle Roux ; Fanny Chrétien ; Patrick mayen, AgoSup EDuter, Dijon Christelle Ponsardin, DRAFF Champagne-Ardennes

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Résumé.

De "produire autrement" à "former autrement"

Les mots d’ordre "produire autrement" et "agroécologie" portés par le Ministère de l’Agriculture traduisent les défis contemporains adressés à l’agriculture, sans pour autant dirent ce que peuvent être les nouvelles formes de l’agriculture. Ils témoignent ainsi de la dynamique professionnelle du métier d’agriculteur et d'un travail d'élaboration d'un nouveau référentiel agricole1

Dans ce contexte, les personnels de l’enseignement agricolesont invités à repenser leur manière de faire et de penser leurs activités et l’articulation entre certaines missions spécifiques de cette institution scolaire : missions de "formation", "d'expérimentation et d’innovation" et "d'animation et développement territorial". Nous avons alors considéré que les agents devaient ajuster leur posture de travail et passer, sans l’exclure totalement, d’une diffusion de la connaissance à l’administration de controverses par des transactions sociales avec et entre des acteurs variés pouvant prendre part aux apprentissages. Nous avons considéré également que ces transactions n’opèrent pas seulement en direction des publics en formation ; elles contribuent également au travail de recomposition du métier, en étant à l’origine d’un processus cognitif qui se fait avec et en direction des acteurs agricoles eux-mêmes et sur leur référentiel. Nous faisons l’hypothèse que pour former "autrement" les futurs agriculteurs, les personnels éducatifs sont invités à "former autrement".

opérant entre (1) des normes institutionnelles qui cadrent l’activité et qui sont de plus en plus nombreuses, (2) une actualisation des savoirs scientifiques et techniques qui ne réduisent jamais complètement les controverses du devenir de l'agriculture et (3) l’action d’agriculteurs qui expérimentent, ajustent et mettent en débat permanent le sens et les savoirs reconnus par les professionnels de l'agriculture. Si l'enseignement agricole a contribué à produire, diffuser et promouvoir les attributs du métier d’agriculteur des années 60, cette dynamique professionnelle réinterroge son rôle : Comment former à un métier quand celui-ci semble se reconstruire en permanence ? Ce rôle est d’autant plus difficile à trouver que l’institution scolaire semble perdre de son poids dans les processus de socialisation (Dubet F., 2002) et que les personnels de l’enseignement agricole doivent désormais faire avec (1) un flux constant de savoirs de statuts variés hors de l’espace scolaire (2) des acteurs de plus en plus hétérogènes qui "travaillent" le métier d’agriculteur et peuvent détenir une partie des savoirs nécessaires aux apprentissages et (3) des controverses multiples liées aux incertitudes du devenir de l'agriculture (Cayre P., 2013).

Analyse du métier de directeur d’exploitation agricole (DEA) au regard la transition vers une nouvelle agriculture

Nous proposons de présenter une partie des résultats d'une recherche action menée entre 2011 et 2013 avec les sept directeurs d'exploitation agricole (DEA) des établissements publics de formation de la Région Champagne Ardenne. L'intérêt porté ici à ces personnels tient de ce que l'exploitation agricole dont ils ont la responsabilité est à l'intersection entre "produire autrement" et "former autrement" : (1) elle est un carrefour entre l'établissement d'enseignement, le territoire et la profession agricole (2) elle est un lieu de production et d'expérimentation sociotechnique qui met à l'épreuve le référentiel agricole et enfin, (3) elle est un espace où peuvent se faire et s'articuler de manière variée des apprentissages en direction du monde professionnel et des publics en formation.

Si les prescriptions institutionnelles sont nombreuses pour inciter les DEA à expérimenter dans de nouvelles formes d'agricultures et rappeler leur rôle dans les apprentissages des publics en formation, elles ne disent pas tout sur les façons d'y parvenir. Aussi, les DEA explorent de nouvelles façons de travailler que nous avons considérées comme un ensemble d’expériences singulières, susceptibles de fournir les pistes articulant "produire et former autrement". Cette recherche action vise à rendre plus explicites certaines expériences liées à des processus d'innovation en agriculture.

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La notion de référentiel s’entend ici au sens de Pierre Muller, c’est-à-dire comme "système d’idées", une matrice (1) normative : il existe des normes institutionnelles et politiques qui prescrivent ce que doit être l’action et des normes sociales intériorisées à partir desquelles les agriculteurs définissent ce qu’est leur travail et se reconnaissent comme des professionnels du secteur et (2) cognitive : ces normes sont mise à l’épreuve et s’ajustent en permanence en action et en situation, individuellement et collectivement. Le référentiel est donc soumis à une dialectique entre normes et processus cognitifs.

Afin de saisir en quoi ces expériences de DEA contribuent aux apprentissages du public en formation et participe à la construction du référentiel agricole, nous nous sommes appuyés sur les travaux d'Armand Hatchuel (2002) qui, dans le champ des sciences de gestion, propose un cadre d'analyse de la gestion des connaissances dans les organisations et des collectifs d'acteurs : nous avons analysé les catégories de savoirs et d’acteurs variés que les DEA mobilisaient pour "produire et former autrement" et la manière dont ils administraient les relations et les échanges multiples avec les différents acteurs (les agriculteurs locaux, les élèves, les enseignants et formateurs et les membres de la direction de l'établissement). Considérant que ces expériences mettaient à l’épreuve le métier de DEA, nous avons cherché à rendre compte de se qui se jouait dans leur champ professionnel, en faisant appel à la sociologie de l'expérience de François Dubet (1994) et au travail de reformulation du concept de champ de Bourdieu par Bruno Lémery (1994) : si les actions des DEA sont dépendantes de normes sociales intériorisées, celles-ci sont ajustées tout au long de ces expériences et dans les interactions quotidiennes avec le monde professionnel et les acteurs de la sphère pédagogique (enseignants et élèves). Enfin, le dispositif mis en place se conçoit également en appui à un travail collaboratif entre chercheurs et DEA pour coproduire des connaissances et expliciter la complexité et le travail des DEA. Ce dispositif permet d’engager ces derniers dans un processus réflexif individuel et collectif. Pour cela, il mobilise également la didactique professionnelle.

Les résultats que nous nous proposons de présenter mettent en évidence le rôle charnière que peut jouer l'exploitation agricole pour accompagner les transitions vers de nouvelles formes d'agricultures. Nous montrons que le travail des DEA se déploie et s’articule de manière variée dans trois espaces : un espace sociotechnique où l'exploitation est le support à un travail avec les acteurs professionnels agricoles du territoire, un espace socio-pédagogique où l'exploitation est le lieu d'apprentissage pour les publics et support de formation pour les enseignants, et un espace de décisions où les orientations sur l'exploitation sont discutées et négociées avec l'ensemble des acteurs responsables de l'établissement. Cependant nous montrons que les DEA occupent des positions variées selon la manière dont ils déploient leurs activités dans les différents espaces et ce qu’ils considèrent comme étant la priorité de leur métier (produire, expérimenter, former et décider). Cette différence de position reposent également sur les façons dont ils articulent et relient le travail qu’ils effectuent dans ces différents espaces, moyennant une activité "discrète" de coordination et de négociation avec la profession, avec les salariés de l’exploitation agricole, avec les élèves et les enseignants et avec les responsables de l’établissement. Nous montrons enfin que les difficultés qu’ils rencontrent pour initier et entretenir ces relations révèlent des conceptions variées du métier de DEA et de son rôle pour produire et former à une nouvelle agriculture.

Si l’ambition de "produire autrement" semble s’imposer de manière plus évidente auprès des personnels de l’enseignement agricole que dans la profession, celle de "former autrement" semble plus difficile. Si l’institution scolaire agricole, au travers d’un ensemble de mots d’ordre comme pluridisciplinarité ou pédagogie de l’action, semble inviter ses agents à repenser leurs pratiques pédagogique, tout se passe comme si ces termes allaient de soi pour les agents dès lors qu’ils intègrent l’enseignement agricole. De ce point de vue, l’institution ne semble plus éprouver le besoin de retravailler ces mots d’ordre alors même que les conditions et les caractéristiques contemporaines de la professionnalisation des agriculteurs ont changé. Nous posons alors que pour réaliser ce travail et engager une réflexion au niveau de l’institution, il est nécessaire de repartir de l’expérience des agents et de les expliciter, pour les engager dans un processus réflexif individuel et collectif de leurs pratiques. C’est là un des enjeux de cette recherche action conduite avec des animateurs et chercheurs du Système National d’Appui à l’enseignement agricole technique.───────

Nouvelles formes d'agriculture

Pratiques ordinaires, débats publics et critique sociale

20-21 Novembre 2013 - AgroSup, Dijon

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