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Vers une modélisation de la contribution triviale

3.4 Ecarts à la courbe maîtresse de χ 3,3 (ω, T )

3.4.2 Ecarts à la courbe maîtresse visibles à hautes fréquences

3.4.3.2 Vers une modélisation de la contribution triviale

D’après Déjardin et Kalmykov [145], il est possible de calculer la contribution triviale. Dans cette section, nous allons présenter les résultats obtenus à partir de leur calcul puis nous comparerons, dans la limite des basses fréquences, la contribution triviale calculée à nos résultats expérimentaux. Enfin, nous verrons pourquoi ce calcul ne constitue qu’une première approche de la modélisation de la contribution triviale.

Calcul de la contribution triviale Déjardin et Kalmykov [145] ont calculé la contri- bution triviale due à la saturation de la polarisation de dipôles indépendants. Cet effet est bien connu : lorsque le champ devient fort, les dipôles s’alignent complètement avec

le champ et la polarisation sature. La susceptibilité P

E diminue donc à champ fort, ce

qui équivaut à une susceptibilité diélectrique non linéaire négative. Cet effet est attendu dans tous les liquides polarisables et n’est pas spécifique de la transition vitreuse. Pour le calculer, Déjardin et Kalmykov étudient la relaxation diélectrique non linéaire d’un groupe de particules rigides, symmétriques et polaires. Ces particules sont diluées dans un solvant non polaire afin de pouvoir les considérer comme étant indépendantes les unes des autres. Un fort champ électrique est appliqué au système. Il influe sur le mouvement Brownien rotationnel (et non inertiel) des particules polaires, ce qui produit une réponse diélectrique. Dans [145], cette réponse est calculée en développant les fonctions de re- laxation en série de Fourier dans le domaine temporel. Ensuite, pour chaque terme de chaque développement, des relations de récurrence infinies sont obtenues. Enfin, la solu- tion exacte de ces relations de récurrence infinies est écrite sous la forme d’une matrice à fraction continue. Pour un champ électrique de la forme E(t) = Ecos(ωt), l’équation (21) de leur article donne :

χ3,3;D.&K.(ω, T ) χ3,3;D.&K.(ω = 0) = −3 3 − 17ω2τ2 D + iωτD(14 − 6ω2τD2) (1 + ω2τ2 D)(9 + 4ω2τD2)(1 + 9ω2τD2) (3.49) où τD est le temps de relaxation de Debye : χ′′1 ∝ 1+ωωτ2Dτ2

D, i.e. χ

′′

1 atteint sa valeur

maximale à la fréquence fD = 1/(2πτD). Le calcul de χ3,3(ω = 0) se fait à partir des

équations (7) et (19) de l’article de Déjardin et Kalmykov [145], nous obtenons : χ3,3;D.&K.(ω = 0) =

ǫ0(χs(T ))2 kBT N0

1

5 (3.50)

où N0 est le nombre de particules polaires par unité de volume et χs(T ) la susceptibilité linéaire statique. Pour appliquer les équations 3.49 et 3.50 au cas du glycérol, nous

prenons fD = fα et N0 = 1/a3 avec a3 le volume moléculaire du glycérol. De ce fait,

nous pouvons écrire :

χ3,3;trivial(ω, T ) = ǫ0(χs(T ))2a3 kBT  1 5 χ3,3;D.&K.(ω) χ3,3;D.&K.(ω = 0)  (3.51) La quantité χ3,3;D.&K.(ω)

χ3,3;D.&K.(ω=0) dépend seulement de f /fα. De ce fait, l’équation 3.51 qui

permet de calculer la contribution triviale à partir des travaux de Déjardin et Kalmykov est formellement similaire à l’équation 3.48 qui donne un lien direct entre la partie

singulière de χ3,3(ω, T ) et Ncorr. La susceptibilité diélectrique non linéaire adimensionnée X3,3;trivial(ω, T ) = χǫ0(χs(T ))2a33,3;trivial(ω)

kBT

pourra donc être comparée à X3,3(ω, T ).

Remarquons qu’aux temps longs devant τα, une molécule donnée aura appartenue

à différentes hétérogénéités dynamiques à cause de l’écoulement du liquide qui détruit

toute corrélation à long terme. De ce fait, sur des temps très longs, i.e. à ωτα ≪ 1,

chaque molécule n’est en moyenne corrélée à aucune autre. C’est pourquoi, dans la limite des basses fréquences, les effets triviaux peuvent être modélisés en considérant que les molécules sont indépendantes les unes des autres.

Comparaison avec les résultats expérimentaux La figure 3.16 présente les résul-

tats obtenus pour le module et la phase de X3,3;trivial. Nous observons que :

– Contrairement à |X3,3(ω, T )|, |X3,3;trivial(ω, T )| n’a pas une forme piquée en fré- quence. L’allure piquée en fréquence provient donc bien de la contribution singu- lière i.e. de la présence des corrélations vitreuses ;

– Les équations 3.49 à 3.51 montrent que l’amplitude de |X3,3;trivial(ω, T )| ne dépend pas de la température. Dans l’expression de X3,3;trivial(ω, T ), la température inter-

vient via τD puisque nous avons posé fD = fα. De ce fait, quand la température

diminue, la courbe donnant |X3,3;trivial(ω, T )| en fonction de la fréquence se décale vers la gauche mais l’amplitude de maxω|X3,3;trivial(ω, T )| = |X3,3;trivial(ω = 0)|

n’augmente pas, contrairement à l’amplitude de maxω|X3,3(ω, T )|. L’augmenta-

tion de maxω|X3,3(ω, T )| est donc bien dûe à la partie singulière i.e. à la croissance

du nombre moyen de molécules dynamiquement corrélées Ncorr;

– |X3,3;trivial(ω, T )| atteint son maximum en ω = 0. De ce fait, on s’attend à ce que la contribution triviale domine le signal mesuré à basses fréquences. Celà est

vérifié expérimentalement puisque à f /fα < 0.04, nous mesurons un plateau dont

l’amplitude ne dépend pas de la température ;

– A f ≫ fα, |X3,3;trivial(ω, T )| décroît en suivant une loi de puissance en (f/fα)−3. D’après Déjardin et Kalmykov [145], |X3,3;trivial(ω = 0)| = 0.2 et

P hase(X3,3;trivial(ω = 0)) = 180°. Sur la figure 3.15, nous observons à f /fα < 0.04, un

plateau sur le module de X3,3(ω, T ) dont l’amplitude, indépendante de la température,

vaut 0.160 ± 0.004. Par contre, comme l’illustre la figure 3.10, à f/fα < 0.04 les valeurs

des phases de X3,3(ω, T ) sont plus dispersées. Un moyennage sur 19 points dans la

zone 0.002 < f /fα < 0.02 donne : P hase(X3,3) = 190 ± 6°. Le calcul de Déjardin et

Kalmykov approxime donc le module à 25% près et la phase à moins de 10° près. De

ce fait, sur la figure 3.15, nous avons porté le module de X3,3;trivial multiplié par 0.8

afin de pouvoir comparer la contribution triviale calculée à nos résultats expérimentaux. Ainsi, nous observons que si le calcul de Déjardin et Kalmykov modélise de manière réaliste la contribution triviale, cette dernière est non négligeable autour du maximum de X3,3(ω, T ).

Limites du calcul de Déjardin et Kalmykov Dans leur calcul de la contribution triviale de la susceptibilité diélectrique non linéaire, Déjardin et Kalmykov calculent la réponse non linéaire de dipôles indépendants. Or, dans le glycérol, il y a trois dipôles par molécules [144]. La situation est donc plus compliquée. Par ailleurs, il est nécessaire

10 -3 10 -2 10 -1 10 0 10 1 10 2 1E-5 1E-4 1E-3 0.01 0.1 1 10 -3 10 -2 10 -1 10 0 10 1 10 2 10 3 10 4 0.00 0.02 0.04 0.06 0.08 0.10 0.12 0.14 0.16 0.18 0.20 0.22 0.24 f / f M o d u le Module de X 3,3;trivial Phase de X 3,3;trivial f / f M o d u l e -90 0 90 180 270 P h a se ( d e g . )

Figure3.16 – Une modélisation possible des effets triviaux. D’après Déjardin et Kalmy- kov [145], il est possible de calculer la contribution triviale. La ligne noire représente le module de X3,3;trivial(ω) porté sur l’axe de gauche et la ligne en pointillée bleue symbolise la phase de X3,3;trivial(ω) portée sur l’axe de droite. |X3,3;trivial(ω)| n’est pas piqué en fréquence et son amplitude ne dépend pas de la température. |X3,3;trivial(ω)| est maximum en ω = 0 et décroît en f−3 pour f ≫ fα comme nous pouvons le voir dans l’insert où le module de X3,3;trivial(ω) est porté en log/log. Le trait plein rouge représente cette loi de puissance.

de prendre en compte le champ local. Le calcul de Déjardin et Kalmykov est donc seulement une première approche de ce que pourrait être une modélisation complète de la contribution triviale. Cependant, les travaux de Déjardin et Kalmykov sont, à notre connaissance, les seuls qui permettent de calculer la contribution triviale de la susceptibilité diélectrique non linéaire à fréquence finie. En effet, si le calcul de Van Vleck [152] prend en compte le champ local, il n’est valable qu’à fréquence nulle. Notons que ce calcul aboutit, pour le glycérol, à une contribution triviale du même ordre de grandeur que χ3,3;D.&K.(ω = 0).