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1.4 Quelques repères théoriques

1.4.3 Vers la théorie de transition aléatoire de premier ordre

1.4.3.3 Le modèle à p − spin sphérique

Certaines théories essayant de décrire la phénoménologie des verres structuraux re- posent sur l’idée d’une transition vitreuse idéale. De possibles analogies avec les tran- sitions de phase dans les verres de spin méritent donc d’être étudiées. Cependant, les processus de relaxation activés ne sont en général pas présents dans les modèles les plus courants de verres de spin. Kirkpatrick et al [93–95] ont montré que certains modèles généralisés de verres de spin comme le modèle à p−spin sphérique sont de bons systèmes modèles pour la compréhension de la transition vitreuse des verres structuraux.

Hamiltonien Le modèle avec interaction aléatoires à p spins avec p ≥ 3 (où modèle à p − spin) est défini par l’Hamiltonien :

H = X

i1<i2<...<ip

où les Si ∈ {−1, 1} et les couplages Ji1i2...ip sont des variables aléatoires gaussiennes

indépendantes de moyenne nulle qui peuvent prendre des valeurs positives et négatives. Chaque spin interagit avec tous les autres spins du système. Du fait de l’approximation de champ moyen, toute information spatiale est perdue. La version sphérique (telle que P

iSi2 = N avec N le nombre de spins du système) est entièrement soluble. A ce modèle,

on doit associer une dynamique et on choisit le plus souvent d’étudier une dynamique de Langevin.

Deux températures caractéristiques Ce modèle possède deux températures carac- téristiques notées TD et TS telles que TD > TS. A haute température i.e. pour T > TD, le système se trouve dans un état désordonné thermodynamiquement stable : l’état para-

magnétique. A la température TD dite température de transition dynamique, un nombre

exponentiellement grand (avec la taille du système) de minima d’énergie libre apparaît. Ils sont séparés par des barrières d’énergie d’ordre N qui deviennent infinies dans la

limite thermodynamique. A T ≤ TD, le système reste piégé dans un de ces minima. Ceci

correspond à une brisure d’ergodicité et le système est dynamiquement bloqué. Ensuite, lorsque la température diminue, le nombre de minima diminue ce qui se traduit par la

décroissance de la complexité P qui dénombre les minima d’énergie libre, appelés dans

le contexte des verres de spins « états TAP » (pour Thouless-Anderson-Palmer). A la

température TS dite température de transition statique,P s’annule : le système présente

une transition de phase thermodynamique d’un état paramagnétique à un état verre de spins stable. Cette transition correspond à la brisure spontanée d’une symétrie statique : le paramètre d’ordre statique q sautant de zéro à une valeur non nulle.

La transition qui a lieu à TS est nommée « aléatoire de premier ordre » car elle est du

second ordre i.e. sans chaleur latente mais présente une discontinuité de son paramètre d’ordre. En dessous de TS, le système est gelé.

Lien avec les liquides surfondus fragiles La complexité P joue pour le modèle

à p − spin un rôle analogue à celui de l’entropie configurationelle ∆S pour un liquide

surfondu. La température TS correspond donc à la température de Kauzmann où l’en-

tropie configurationelle s’annule. C’est pourquoi la transition thermodynamique à TS est

appelée « transition vitreuse structurelle ».

Vieillissement A T < TD, les fonctions de corrélation s’écrivent comme la somme

de deux contributions (confère équation 1.13) : une stationnaire et une vieillissante de la forme Cag(t, tw) = Cag

 h(t) h(tw)



avec h(t) une fonction qui ne peut pas toujours être

calculée explicitement. Notons que dans les cas où h(t) est de la forme tc avec c ≥ 1,

cette approche permet de reproduire le vieillissement observé numériquement dans des simulations de mélange binaire de particules de type Lennard-Jones par dynamique moléculaire [108].

Figure 1.32 – Scénario de champ moyen de la transition vitreuse : Analogie entre le modèle à p − spin et la théorie de couplage de modes. Les deux modèles présentent une transition purement dynamique à la température TD ∼ TM CT. Une transition de phase thermodynamique appelée « transition vitreuse structurelle » a lieu à TK ∼ TS où l’entropie configurationnelle des liquides surfondus et la complexité du modèle à p − spin s’annulent.

Analogie avec la théorie de couplage de modes Les équations les plus simples, dites schématiques, de la théorie de couplage de modes coïncident avec les équations de la

dynamique exactes des modèles à p−spin à l’équilibre à T > TD [93,94]. La température

de transition dynamique TD joue donc un rôle similaire à la température de couplage

de modes TM CT et la théorie de couplage de modes s’apparente à une approche de type

champ moyen de la transition vitreuse. De ce fait, dans une analogie entre le modèle à

p − spin et la théorie de couplage de modes, la température de transition vitreuse Tg des

verres structuraux serait située entre TD et TS (confère figure 1.32).

Notons que l’étude des équations de la dynamique du modèle à p − spin dans le

régime basse température (T < TM CT) peut être vue comme une extension hors équilibre

de la théorie de couplage de modes. On trouve alors un comportement analogue au vieillissement simple observé expérimentalement dans les verres structuraux.

Bilan Le modèle à p−spin établi un lien entre la notion de paysage d’énergie heurté et la transition purement dynamique prévue par la théorie de couplage de modes. Il permet de réconcilier une approche thermodynamique de la transition vitreuse et la théorie de couplage de modes. Il donne et complète une théorie de champ moyen de la transition vitreuse. Il permet de comprendre pourquoi en dimension finie la brisure d’ergodicité est évitée : dans les verres structuraux, à trois dimensions, les barrières d’énergie séparant les différents états métastables sont finies, le système peut donc relaxer vers l’équilibre pour T ∈ [TS, TD] en sautant d’un état à l’autre. Cette suite de sauts activés induit une croissance super-arrhénienne du temps de relaxation.