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Vers la création d’agences régionales de santé ?

CHAPITRE III - LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DE

3. Vers la création d’agences régionales de santé ?

Les lacunes, les insuffisances et les ambiguïtés du système existant ont contribué à raviver le débat sur la nécessité et le contenu d'une nouvelle réforme, qui irait au-delà de la simple déconcentration représentée par les ARH, afin de permettre une véritable régionalisation du système de santé250.

Dès 1993, un groupe de travail réuni dans le cadre du Commissariat général du Plan251 envisageait, de manière novatrice à l’époque, un scénario de

249 Les CRS, en formation plénière, comprennent des représentants des collectivités territoriales, du conseil économique et social régional, des organismes d’assurance maladie, des professionnels du champ sanitaire et social, des institutions et établissements sanitaires sociaux, des usagers ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants du comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale.

250 Christophe Pascal et David Piovesan, « Quelle régionalisation pour le système de santé ? », Regards sur l’actualité n°288, février 2003.

251 Rapport santé 2010 ; voir aussi le Livre blanc sur le système de santé et l’assurance maladie, Commissariat général du Plan 1994.

régionalisation faisant intervenir une « agence régionale de santé », inspirée du modèle québécois des régies régionales.

Au niveau régional, les compétences demeurent éclatées entre les ARH en charge de la politique hospitalière, les DRASS et les futurs groupements de santé publique en charge des programmes de santé publique et les différents organismes de sécurité sociale. La sécurité sociale est elle-même éclatée au plan local entre les URCAM, les CPAM. Dans ce contexte institutionnel particulièrement complexe, de nombreux rapports252 ont plaidé pour une simplification de l’organisation territoriale de l’Administration sanitaire et de la sécurité sociale, préconisant notamment la création d’agences régionales de santé (ARS). Celles-ci auraient vocation à regrouper au plan régional les compétences des actuelles ARH et celles de l’assurance maladie, participant ainsi au décloisonnement de notre système de santé.

A cet égard, la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie comporte deux dispositions novatrices qui visent à moderniser la gouvernance régionale.

D’une part, l’article 67 crée une mission régionale de santé, mission constituée entre l’agence régionale de l’hospitalisation et l’union régionale des caisses d’assurance maladie. En associant les régimes de l’assurance maladie et l’Etat, cette structure permettra de renforcer la coordination des soins et de promouvoir la coopération entre les établissements et les professionnels libéraux. D’autre part, l’article 68 de cette même loi prévoit la possibilité pour les régions volontaires de mener, pendant une durée de quatre ans, une expérimentation créant une agence régionale de santé. Celle-ci serait constituée par le regroupement des compétences dévolues à l’agence régionale de l’hospitalisation et à l’union régionale des caisses d’assurance maladie.

Dans cet esprit, le 17 février 2005, vingt-six directeurs des Missions régionales de santé (MRS) ont été nommés. Constituées entre les ARH et les URCAM, les MRS sont chargées d’exercer les compétences conjointes à chacune. Elles ont ainsi à charge :

- d’établir des propositions d’organisation du dispositif de permanence des soins ;

- de déterminer les orientations concernant la répartition des professionnels de santé libéraux et des centres de santé, en particulier dans les zones rurales ou urbaines difficiles, en tenant compte du schéma régional d’organisation sanitaire SROS ;

- d’assurer la conduite et le suivi des actions destinées à améliorer la coordination des acteurs du système de soins et de bâtir un programme annuel de gestion du risque, dans les domaines communs aux soins hospitaliers et ambulatoires.

Les MRS seront dirigées alternativement, par périodes d’un an commençant le 1er janvier, par le directeur de l’ARH et le directeur de

252 Rapport Préel, 2002.

l’URCAM. A cet effet, treize directeurs d’ARH et treize directeurs d’URCAM ont été nommés. La création des MRS ne dessaisit aucunement, pour l’instant, les ARH et les URCAM de leurs compétences respectives mais permet la mise en place d’un exécutif commun pour la mise en œuvre des orientations adoptées d’une part par le conseil de l’URCAM et d’autre part par la commission exécutive de l’ARH sur des sujets conjoints à ces deux organismes.

La loi du 13 août 2004 a prévu d’expérimenter des ARS à partir des enseignements qui pourront être tirés du fonctionnement des MRS. Elle prévoit néanmoins que ces agences expérimentales seront chargées des compétences dévolues à l’ARH et à l’URCAM et renvoie à un décret les conditions d’organisation de ces expérimentations.

De façon à surmonter les cloisonnements actuels, une des pistes évoquées consisterait à investir les ARS d'un champ de compétences beaucoup plus large que les actuelles ARH, qu'elles sont appelées à remplacer. Elles superviseraient non seulement la gestion du système hospitalier public et privé, mais aussi la médecine ambulatoire et le secteur de la prévention, y compris dans le domaine scolaire. L’ARS aurait également la responsabilité des réseaux de soins, qui sont aujourd'hui en dehors du champ de compétences des ARH. Ces nouvelles agences bénéficieraient d'une compétence générale d'allocation des moyens, dans le cadre d'un objectif régional de dépenses d'assurance maladie (ORDAM), décliné à partir de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie) sur la base de critères définis (mortalité, morbidité).

Un ORDAM implique deux conditions. Premièrement, pour être efficace, la déclinaison de l'ONDAM au niveau régional suppose que celui-ci soit contraignant. Jusqu'ici, l'ONDAM a toujours été dépassé, sauf en 1997, ce qui lui ôte une véritable signification. Deuxièmement, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de comptes régionaux de l'assurance maladie. Cette lacune serait à combler. La Commission des Comptes de la Sécurité Sociale n'appréhende que les comptes nationaux.

Au plan institutionnel, une régionalisation accrue ne manquera pas de poser la question du contrôle démocratique des ARS. Contrairement à l'ARH, qui est une administration déconcentrée dont la commission exécutive est souvent décriée comme un organe technocratique placé sous la responsabilité d'un préfet sanitaire, l'ARS devrait bénéficier d’une plus grande légitimité démocratique, ce qui impliquerait un rapprochement avec les collectivités territoriales, et surtout une réaffirmation de la place des partenaires et acteurs sociaux dans la gestion de l’assurance maladie et de la prise en charge des soins. Compte tenu de l'importance croissante des questions de santé au niveau régional, il n'est pas exclu que, à terme, le directeur de l'ARS rende des comptes devant le conseil régional. Séduisante dans l’énoncé, cette perspective de décentralisation accrue du système de santé soulève de multiples obstacles et difficultés qui la rend aujourd’hui peu probable. Une des craintes réside dans le risque d’inégalité de traitement des usagers, selon les disparités de richesses fiscales des régions.

Surtout, la perspective d'une décentralisation accrue au niveau régional semble recueillir un accueil plutôt mitigé de la part des Conseils régionaux253. En effet, ils hésitent à s'engager, faute d'expérience dans ce domaine, tandis que d'autres souhaitent se cantonner aux champs de la prévention et des programmes de santé publique. En réalité, le point de crispation porte sur la question de la prise en charge par les régions des dépenses d'investissement hospitalier. Celle-ci entraînerait de fait des transferts de charges considérables de l’assurance maladie vers les régions, compte tenu d'une part de l'état de vétusté des établissements et d'autre part, des investissements croissants que nécessitera, dans les années à venir, une médecine de plus en plus technologique.

II - LE PLAN « HÔPITAL 2007 », DES REPONSES FORTES MAIS PARTIELLES AUX DIFFICULTES DE L’HÔPITAL PUBLIC

A l’occasion de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées avait présenté les grandes lignes du plan « Hôpital 2007 » qui, selon ses propres termes, devait redonner « ambition et espoir » au monde hospitalier.

Ce plan s’organise autour de quatre grandes orientations : la rénovation du mode de financement des établissements, une plus grande autonomie de gestion, l’assouplissement des règles de planification sanitaire et un soutien volontariste à l’investissement.

Dès 2003, le gouvernement en a mis en œuvre les premières mesures, notamment à travers l’ordonnance du 4 septembre 2003, qui organise de nouvelles modalités d’investissements au bénéfice des établissements de santé et réforme la planification hospitalière. En 2004, le gouvernement a poursuivi l’application des grandes orientations du plan « Hôpital 2007 » par l’instauration d’un nouveau mode d’allocation des ressources aux établissements de santé : la tarification à l’activité (T2A).

A - LA TARIFICATION A LACTIVITE

Mise en œuvre de manière progressive, la réforme portant tarification à l’activité a pour objet d’identifier et de détailler les coûts de l’activité des hôpitaux. Il s’agit de passer, en fait, d’une logique financière purement comptable à une logique de gestion de programmes prenant en compte les besoins des établissements qui ont des projets de développement d’activité et des méthodes de gestion efficaces, actuellement pénalisés par l’application du système de la dotation globale (1.).

Même si les bénéfices attendus de la réforme de la tarification sont nombreux, celle-ci ne manquera pas de soulever des difficultés d’application,

253 « Aménagement du territoire et établissements de santé », rapport et avis présenté par M. Michel Picard, au nom de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire, 2004.

compte tenu notamment de ses répercussions sur l’organisation interne des établissements (2.).

1. Une réforme ambitieuse dont la mise en œuvre sera progressive