• Aucun résultat trouvé

L’environnement sanitaire et social de l’hôpital public

CHAPITRE II - L’EXERCICE DES MISSIONS DE L’HOPITAL

1. L’environnement sanitaire et social de l’hôpital public

les CHU, le recrutement de médecins étrangers (7,5 % du personnel médical en 2002) permet de pallier en partie le manque de praticiens hospitaliers français, mais certains chefs de service sont parfois obligés d’effectuer eux-mêmes des remplacements, au détriment de leur mission d’enseignement ou de recherche.

Dans les établissements faiblement attractifs (hôpitaux locaux, hôpitaux géographiquement désavantagés), la situation est plus difficile, entraînant parfois la fermeture de certains services. Enfin, la RTT a accentué le cloisonnement des équipes et le repli des services sur eux-mêmes.

En résumé, les conditions de la mise en œuvre des 35 heures dans l’hôpital, plus que les 35 heures elles-mêmes, ont aggravé des dysfonctionnements qui existaient auparavant mais pouvaient se compenser. Toutefois, si les conditions de travail sont devenues sensiblement plus difficiles, les personnels hospitaliers restent attachés aux 35 heures en raison notamment de leur impact positif sur les conditions de vie.

B - LES CONTRAINTES EXTERNES

médico-social. Sur ce dernier point, le fait que les secteurs sanitaire et médico-social relèvent de deux dispositifs législatifs distincts ne facilite notamment pas la prise en charge des personnes âgées, qui se situe à l’articulation entre ces deux secteurs.

L’ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée prévoit l’ouverture des établissements de santé sur leur environnement par la constitution de réseaux de santé. Ces réseaux doivent assurer une continuité dans la prise en charge des patients et améliorer la qualité des soins sur l’ensemble du territoire.

L’article L.6321-1 du Code de la santé publique définit les réseaux de santé. Ils ont pour objet l’accès aux soins, la coordination et la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention du diagnostic que des soins. Ils peuvent également participer à des actions de service public.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ouvre les réseaux à de nombreux intervenants. Ainsi, outre les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé, les médecins du travail, les centres de santé, les institutions sociales ou médico-sociales, les organisations à vocation sanitaire ou sociale et les représentants des usagers peuvent participer aux réseaux de santé.

Les réseaux de santé bénéficient de sources de financement multiples.

L’article L.162-43 du Code de la sécurité sociale crée, au sein de l’ONDAM, une nouvelle enveloppe constituée par prélèvement des différentes enveloppes déjà existantes (OQN, Objectif délégué de dépenses (ODD)…) : la Dotation nationale de développement de réseaux (DNDR). Le montant de la DNDR est déterminé chaque année par arrêté du ministre de la santé. Cet arrêté fixe également pour chaque région le montant limitatif de la dotation régionale de développement des réseaux. L’article L.6321-1 du Code de la santé publique dispose que les réseaux de santé peuvent aussi bénéficier de subventions de l’Etat, dans la limite des crédits inscrits à cet effet dans la loi de finances annuelle, des collectivités territoriales ou de l’assurance maladie. Les réseaux de santé pour bénéficier de ces ressources doivent présenter un plan de financement comportant un budget prévisionnel.

1.1. L’hôpital public et le secteur privé lucratif

Les rapports de l’hôpital public avec son environnement ont radicalement changé il y a environ cinq ans183. Jusqu’à cette date, les hôpitaux publics regardaient d’un œil condescendant le secteur privé. Vers 1998-1999, la Fédération hospitalière de France (FHF), représentative dans le secteur public, a

183 Entretien du rapporteur avec M. Gérard Viens, professeur titulaire de la chaire d'économie et gestion de la santé, ESSEC santé, au Conseil économique et social, le 29 novembre 2004.

modifié les rapports de force en ouvrant des discussions avec les deux fédérations du secteur privé lucratif de l’époque, FIEHP et UHP, aujourd’hui réunies au sein de la FHP, partant de la prise de conscience que les soins hospitaliers peuvent être faits par d’autres. Mais les gouvernements successifs n’ont pas tiré les conséquences de ce constat sur le mode d’organisation de l’hôpital public. Il faut pourtant modifier les contours de l’hôpital public afin de l’adapter à cette nouvelle donne. Mais cela demande d’introduire de la souplesse dans l’organisation de l’hôpital public.

L’exemple de la chirurgie ambulatoire est éclairant. Le « taux de change » imposé à l’hôpital public pour créer et développer l’hospitalisation à la journée a été peu motivant. Il fallait en effet fermer deux lits184 pour créer une place en ambulatoire, avec un plafond de 365 opérations par an par poste. De plus, le mode de financement par budget global n’incite pas les hôpitaux à développer ce mode de prise en charge. La tarification à l’activité des soins de courte durée comme des soins ambulatoires, qui est en cours de mise en place, devrait permettre l’allocation des moyens en fonction de l’activité réelle et créer enfin les conditions favorables au développement des soins ambulatoires dans l’hôpital public. Car pour l’instant, force est de constater que « l’hôpital public a raté le virage de l’ambulatoire », et que le secteur privé fait mieux fonctionner cette activité, car il est organisé de façon plus efficace, dans une « logique client », et connaît mieux ses coûts analytiques du fait de son mode de tarification, ce qui lui permet notamment de piloter le développement d’activités nouvelles185.

1.2. Les préoccupations locales et l’aménagement du territoire

Pour ce qui concerne les hôpitaux de proximité et les hôpitaux locaux, les associations de patients résidant en zone rurale186 ont fait part de leur inquiétude face à leurs éventuelles fermetures. Ce n’est pas tant l’hôpital dans sa dimension de plateau technique de pointe qui est recherchée par les patients que ses dimensions d’accueil et de proximité, indispensables dans le tissu rural.

L’hôpital local assume de plus en plus difficilement ses missions traditionnelles vis-à-vis des personnes fragiles : accueil des personnes âgées, information des jeunes, notamment en matière de contraception et plus largement de sexualité.

Selon le Collectif Interassociatif sur la santé, il faut réinventer l’accueil de proximité et les soins de prévention : on a survalorisé les CHU à tort.

La région Nord-Pas-de-Calais constitue un bon exemple du poids des traditions et des politiques locales dans la structuration de l’offre hospitalière.

Cette région compte 3 400 lits, répartis sur quatre hôpitaux, distants les uns des

184 Très exactement, 2,15 lits : dans les régions considérées comme surdotées en lits, un établissement avait le droit d’ouvrir une place de chirurgie ambulatoire à condition de fermer 2,15 lits. Cette règle à l’effet non-incitatif a été abandonnée récemment.

185 Enquête de la CNAMTS ; Conditions de développement de la chirurgie ambulatoire ; Septembre 2003.

186 Entretien du rapporteur avec le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), au Conseil économique et social, le 21 janvier 2005.

autres de 25 kilomètres au maximum : Arras avec 1 200 lits, Lens avec 800 lits, Douai avec 700 lits et Béthune avec 700 lits. Un regroupement des structures hospitalières s’avère difficile car il se heurte à des résistances politiques locales.

De la même façon, un ancien directeur du CHU de Montpellier fait part de ses réserves par rapport à la notion de territoires de santé187 : « On ne peut contraindre les patients d’Alès à aller à Nîmes alors qu’ils se rendent spontanément à Montpellier ». Il est vrai que les patients choisissent de se rendre dans tel établissement selon l’idée qu’ils se font de la qualité des soins dispensés.

Ces situations de blocage aboutissent à des aberrations. Par exemple, il y a aujourd’hui trop de centres de greffes de reins (42) pour 3 000 interventions par an. Il en va de même pour la chirurgie cardiaque.

Certes, un vaste mouvement de restructuration de l’offre de soins a été engagé depuis plus de dix ans. Il s’est traduit par la baisse de 13% du nombre de lits entre 1992 et 2000, et par une réduction du nombre de lits autorisés, le taux moyen de lits passant de 5,1 lits pour 1 000 habitants en 1994 à 4,4 en 2002188. Le risque de l’évolution des restructurations, si elle n’est pas assortie d’un cahier des charges, est qu’elle fasse apparaître des secteurs géographiques entiers où seules les cliniques avec médecins du secteur 2 seront présentes dans les disciplines de la médecine-chirurgie-obstétrique.

La réduction des inégalités de l’offre de soins a bien été amorcée mais beaucoup reste à faire. Certes, l’écart entre les régions les mieux dotées en lits et celles les moins bien dotées a baissé de 35 % depuis 1990 « Mais plusieurs régions souffrent toujours d’un équipement insuffisant (Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Haute-Normandie et Centre), alors que d’autres présentent des excédents importants. En soins de suite et de réadaptation, on observait par exemple, en 2002, une surcapacité de 40 % en région PACA et en Corse, et un déficit de 10 % en Ile-de-France. »189. Le redéploiement de l’offre hospitalière apparaît ainsi très incomplet.

2. Le poids croissant des contraintes administratives et réglementaires