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Le poids croissant des contraintes administratives et

CHAPITRE II - L’EXERCICE DES MISSIONS DE L’HOPITAL

2. Le poids croissant des contraintes administratives et

autres de 25 kilomètres au maximum : Arras avec 1 200 lits, Lens avec 800 lits, Douai avec 700 lits et Béthune avec 700 lits. Un regroupement des structures hospitalières s’avère difficile car il se heurte à des résistances politiques locales.

De la même façon, un ancien directeur du CHU de Montpellier fait part de ses réserves par rapport à la notion de territoires de santé187 : « On ne peut contraindre les patients d’Alès à aller à Nîmes alors qu’ils se rendent spontanément à Montpellier ». Il est vrai que les patients choisissent de se rendre dans tel établissement selon l’idée qu’ils se font de la qualité des soins dispensés.

Ces situations de blocage aboutissent à des aberrations. Par exemple, il y a aujourd’hui trop de centres de greffes de reins (42) pour 3 000 interventions par an. Il en va de même pour la chirurgie cardiaque.

Certes, un vaste mouvement de restructuration de l’offre de soins a été engagé depuis plus de dix ans. Il s’est traduit par la baisse de 13% du nombre de lits entre 1992 et 2000, et par une réduction du nombre de lits autorisés, le taux moyen de lits passant de 5,1 lits pour 1 000 habitants en 1994 à 4,4 en 2002188. Le risque de l’évolution des restructurations, si elle n’est pas assortie d’un cahier des charges, est qu’elle fasse apparaître des secteurs géographiques entiers où seules les cliniques avec médecins du secteur 2 seront présentes dans les disciplines de la médecine-chirurgie-obstétrique.

La réduction des inégalités de l’offre de soins a bien été amorcée mais beaucoup reste à faire. Certes, l’écart entre les régions les mieux dotées en lits et celles les moins bien dotées a baissé de 35 % depuis 1990 « Mais plusieurs régions souffrent toujours d’un équipement insuffisant (Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Haute-Normandie et Centre), alors que d’autres présentent des excédents importants. En soins de suite et de réadaptation, on observait par exemple, en 2002, une surcapacité de 40 % en région PACA et en Corse, et un déficit de 10 % en Ile-de-France. »189. Le redéploiement de l’offre hospitalière apparaît ainsi très incomplet.

2. Le poids croissant des contraintes administratives et réglementaires

Lorsqu’il existe, ledit règlement intérieur ne fait alors que reprendre des règles générales édictées par le ministère de la Santé, et il ne peut refléter la diversité des réalités locales de chaque hôpital. C’est ainsi que les 39 hôpitaux ou groupes hospitaliers de l’AP-HP ont tous adopté le même règlement intérieur !

Afin de mettre en application ces lois, décrets, circulaires et règlements, l’hôpital compte aujourd’hui pas moins de vingt commissions différentes.

« Imaginons que dans un hôpital, chaque commission se réunisse deux fois par an et émette dix propositions. Cela fait environ 200 avis dont les directeurs, déjà submergés par les tâches administratives, sont bien souvent dans l’incapacité d’assurer le suivi »190.

En définitive, la bonne mise en œuvre des projets dépend autant du travail de ces diverses commissions que de la bonne entente entre trois hommes : le président du conseil d’administration, le directeur et le président de la CME, auxquels s’ajoute le doyen, pour les CHU.

2.2. Le rôle des nouvelles agences sanitaires

Dès le début des années 1990, le contexte institutionnel de la santé publique a subi des modifications importantes qui se sont traduites par la création du Réseau national de santé publique, de l'Agence française du Sang, de l'Agence française du médicament et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

Cette modification du paysage institutionnel s'est accélérée en 1998 grâce à l'adoption par le Parlement de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme.

Cette loi, complétée par des décrets d'application en mars 1999, a créé trois nouvelles agences, établissements publics de l’État :

- l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Elle a pour mission d'assurer le contrôle de la sécurité sanitaire des produits de santé (médicaments, sang, greffes, dispositifs médicaux, réactifs biologiques...). Cette agence, qui se substitue à l'Agence du médicament, est dotée de pouvoirs de contrôle et dispose à cet effet d'un corps d’inspection ; dans le domaine des essais sur l’homme de thérapeutiques innovantes, l’AFSSAPS introduit des exigences nouvelles auxquelles doivent désormais se plier les laboratoires de recherche hospitaliers ;

- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) placée sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'économie et de l'agriculture. Cette agence, qui regroupe le Centre national d'études

190 Debrosse D., Perrin A., Vallancien G., Modernisation du statut de l’hôpital public et de sa gestion sociale, 2003.

vétérinaires et alimentaires et l’Agence du médicament vétérinaire, n'est pas dotée de pouvoirs de police sanitaire des aliments, qui restent de la compétence des pouvoirs publics. Sa compétence concerne l’évaluation des risques alimentaires considérés au sens large et incluant, de ce fait, l’eau et l’alimentation ;

- l’Institut national de veille sanitaire placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, qui se substitue au Réseau national de santé publique, créé en 1992 sous la forme d'un Groupement d'intérêt public.

2.3. Les rigidités dans la gestion du personnel médical

La responsabilité d’un chef de service est rarement engagée. Bien que nommé pour cinq ans, son renouvellement est quasiment automatique et ne repose pas sur une véritable évaluation. Un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) consacré à la gestion des praticiens hospitaliers estimait ainsi à 95 % le taux de renouvellement des chefs de service.

Pour reprendre les propos d’un directeur d’hôpital, « une fois que le chef de service est nommé par le ministre, on ne peut plus rien faire ; si on veut le licencier, il faut réunir un conseil de discipline. »

La gestion des praticiens hospitaliers (PH) est particulièrement lourde car divisée entre l’administration centrale, les ARH et les préfets, par l’intermédiaire des directions régionales de l’action sanitaire et sociale (DRASS) et des directions départementales de l’action sanitaire et sociale (DDASS). Les DRASS participent à l’organisation des concours en fonction des besoins de poste identifiés et instruisent les dossiers de nomination transmis à la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS). La DHOS gère, « à travers 8 000 décisions individuelles annuelles, les recrutements et les mutations d’environ 26 000 PH temps plein et de 5 700 PH temps partiel. Les DDASS suivent les avancements d’échelon. Les ARH interviennent à travers les créations et les transformations de postes. Complexe, cette organisation ne permet pas d’assurer aux établissements la réactivité nécessaire dans leurs recrutements et dans la gestion de leurs ressources humaines. Elle explique pour partie que le délai de recrutement d’un praticien hospitalier atteint en moyenne dix-huit mois »191. Il n’est pas possible de différencier les rémunérations proposées en fonction des spécialités ou des parties du territoire en manque de médecins.

Source supplémentaire de complexité, les médecins hospitaliers ont par ailleurs 11 statuts différents dans les CHU, alors que leurs confrères du privé n’en ont qu’un seul.

191 Rapport de séminaire ENA ; op.cité p.12.

2.4. Les rigidités du statut de la fonction publique hospitalière

Dans la nomenclature des professions de santé, il existe plus de 180 métiers192, nombre qui ne cesse d’augmenter. Quelle place peut être donnée à la souplesse, à l’adaptabilité, tant en matière de gestion des ressources humaines que de rémunérations ? A titre d’exemple, la fonction d’acheteur n’est pas reconnue dans l’hôpital public, de sorte que la fonction achat est davantage mobilisée sur le respect des règles formelles du Code des marchés publics que sur l’efficience de la politique d’achat de l’hôpital.

Concernant la gestion des ressources humaines, l’entrave majeure réside dans la multiplicité des corps et des statuts que comprend la fonction publique hospitalière. Ce morcellement statutaire constitue un frein à la mobilité des agents entre les différentes filières professionnelles et alourdit considérablement les coûts de gestion des ressources humaines.

L’exemple des infirmières illustre les différences entre le secteur public et le secteur privé en matière de gestion des ressources humaines. L’écart nominal entre les salaires des infirmières du public et du privé s’est réduit. Souvent même, les salaires du privé sont inférieurs selon les modalités de mise en œuvre des 35 heures. Pourtant, même si l’hôpital public offre des avantages en nature (crèches, primes de sabot, etc.), les infirmières du secteur privé mettent en avant un système de management plus personnalisé, une chaîne de commandement plus courte, et se sentent ainsi mieux reconnues et considérées.

Les cadres de soins sont quant à eux assimilés à des gestionnaires, alors qu’ils souhaiteraient être toujours considérés comme des soignants.

2.5. Les procédures d’achats et d’investissement

La lourdeur du Code des marchés publics et des procédures d’investissement entraîne un délai d’environ dix-huit mois entre une décision d’investissement et sa réalisation. Or les normes de sécurité augmentent, entraînant inévitablement une évolution vers des plateaux techniques de plus en plus médicalisés et coûteux : la lourdeur des procédures d’investissements viennent en outre majorer leurs coûts. Les délais de réalisation peuvent également rendre obsolète le choix d’un équipement dans un contexte de rapide évolution technologique.

Les établissements hospitaliers publics relèvent du contrôle financier et juridictionnel des chambres régionales des comptes, par délégation de la Cour des Comptes. En revanche, les ARH sont soumises au contrôle financier et juridictionnel de la Cour des Comptes elle-même. Cette dichotomie peut être mal comprise et mal ressentie par les hôpitaux publics.

192 Cf . Répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière. ministère de la santé / Editions ENSP, novembre 2004.

En conclusion, il existe une distorsion fondamentale entre le rythme des progrès médicaux et le blocage des réallocations de moyens nécessaires dans l’hôpital public, du fait des rigidités qui lui sont spécifiques. Dans une vie d’homme né à la fin du XXième siècle, deux ou trois révolutions technologiques vont changer son métier, et l’entreprise publique ou privée saura en général s’adapter. L’hôpital public, qui n’est toutefois pas assimilable à une entreprise compte tenu de la spécificité de ses missions, sera entravé dans son évolution par la rigidité de ses structures.

La crise de l’hôpital public est aussi une crise de la gouvernance, révélatrice d’une difficulté de positionnement de l’hôpital par rapport à ses autorités de tutelle. Alors que l’hôpital public se doit d’être un lieu de proximité autour du patient, l’empilement de contraintes nombreuses et diverses donnent le sentiment aux personnels hospitaliers que les évolutions importantes sont décidées à l’extérieur de l’hôpital et qu’elles contribuent à rigidifier son organisation interne.