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Le renforcement des droits individuels

CHAPITRE III - LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DE

1. Le renforcement des droits individuels

Avant 2002, le préambule de la Constitution qui affirme que « la Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère, au vieux travailleur, la protection de la santé » et le droit au respect de la dignité de la personne, consacré par le Conseil constitutionnel par sa décision du 27 juillet 1997, trouvaient, en effet, leur traduction dans des textes aussi différents que les lois dites bioéthiques du 29 juillet 1994, la loi du 27 juin 1990 relative aux personnes hospitalisées pour des troubles mentaux, celle du 9 juin 1999 visant à garantir l'accès aux soins palliatifs ou la loi du 29 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, qui constitue une avancée fondamentale en matière d'accès aux soins.

Au-delà de ces dispositions pour la plupart insérées dans le Code de la santé publique, la reconnaissance du droit des malades reposait sur des sources très diverses qui vont du code de déontologie médicale à la charte du patient hospitalisé de 1995235, aux codes professionnels ou encore aux règles dégagées par la jurisprudence. C'est d'ailleurs cette dernière qui, dans de nombreux cas, a permis de préciser les conditions d'exercice des droits, voire de faire avancer la prise de conscience en la matière.

Dans ce contexte, une réécriture cohérente des droits positifs reconnus à la personne malade et plus largement de ceux de l'usager du service de santé s’imposait. C’est l’objet de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui réaffirme les droits individuels des personnes malades, fait émerger leurs droits collectifs et rénove le droit à indemnisation des victimes d’accidents thérapeutiques.

1.1. Les droits de la personne malade

Après avoir solennellement affirmé la protection de la santé comme un droit fondamental, le chapitre I « droits de la personne » énumère les droits essentiels de la personne malade237 qui sont :

- le droit à la dignité (art.L.1110-2). Dans ce cadre, aucune personne ne peut faire l'objet de discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins. Le respect de la vie privée et du secret des informations est réaffirmé ;

- le principe de non-discrimination dans la prévention et l’accès aux soins (art. L.1110-3) ;

- le droit au respect de la vie privée du malade, notion regroupant le respect de la confidentialité des informations le concernant ainsi que le secret professionnel (art. L.1110-4) ;

- le droit à la protection de la santé ;

- le droit à l’innovation médicale (art. L.1110-5) : le médecin se doit d’apporter des soins consciencieux et attentifs à la personne qu’il soigne. Il est reconnu au malade le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ;

- le droit à la sécurité sanitaire ; - le droit de soulager sa douleur ; - le droit à une vie digne jusqu'à la mort ;

- le droit des enfants hospitalisés, en âge scolaire, à recevoir un enseignement adapté.

Enfin, la loi du 4 mars 2002 renouvelle les principes issus du Code civil et précisés par la jurisprudence des tribunaux administratifs et judiciaires concernant le droit des malades à l’information médicale, information sur l’acte et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles (art. L.1111-2) ainsi que sur les conditions tarifaires (art. L.1111-3) et l’obligation de consentement aux soins (art. L.1111-4).

Le nécessaire renforcement des droits du patient ne doit pas occulter le fait que la relation médecin-patient doit aussi reposer in fine sur une relation de confiance afin d’éviter une judiciarisation de celle-ci.

237 « Les droits de la personne malade », rapport et avis présentés par M. Claude Evin, au nom de la section des affaires sociales, adopté le 12 juin 1996.

1.2. Le droit de savoir

Un des droits essentiels du malade est celui d'être informé sur ce qui le concerne au premier chef, c'est-à-dire sur son état de santé, sur les soins qui lui sont proposés et sur les risques qu'il encourt, y compris le droit de savoir ce qui s'est réellement passé en cas d'accident. Le non-respect de ce droit est sans doute celui qui est le plus mal vécu par les malades et par leurs proches, car il aboutit à les déposséder de ce qui les concerne au plus profond d'eux-mêmes.

Le médecin a le devoir d'informer le malade notamment parce qu'il a l'obligation de recueillir son consentement. Les principes en sont fixés par le code de déontologie : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »238. Au-delà de cette obligation faite au professionnel, l'information du malade est désormais reconnue comme un droit et l'accès direct aux dossiers médicaux organisé, que ces dossiers soient détenus dans des établissements de santé ou par des professionnels exerçant en ambulatoire.

Le respect de l’obligation du consentement du malade se pose de manière spécifique pour les malades atteints de troubles mentaux. La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation a considérablement amélioré la protection et la garantie des droits des malades mentaux. Cette loi a suivi les recommandations du comité des ministres du Conseil de l’Europe du 22 février 1983. Elle a davantage pris en compte le droit des patients, en redéfinissant en particulier la procédure d’admission et prise en charge des malades mentaux hospitalisés sans leur consentement et en contrôlant plus strictement les établissements. Elle a renforcé les contrôles a posteriori des placements et affirmé clairement la séparation des pouvoirs et des compétences entre les autorités, ou entre les personnes qui décident d’un placement et celles qui le contrôlent239.

En pratique, ce sont les modalités d'exercice de ce droit d'accès qui posent le plus de difficultés aux patients, comme le montre le nombre de réclamations dont est saisie la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), d'autant que l'accès au dossier médical est un point essentiel pour recueillir les éléments de preuve nécessaires à la victime.

238 Article 35 du Code de déontologie médicale (article R. 4127-35 du Code de la santé publique).

239 Claude Evin, ; Petit dictionnaire des droits des malades ; Edition Seuil.

En parallèle du droit d'être informée, la personne malade a le droit à la confidentialité des informations qui concernent sa santé et au respect de sa vie privée. Le développement de l'informatisation des données médicales et de leur télétransmission ouvrent de nouvelles perspectives240.

Il faut souligner que l’utilisation des NTIC par les professions de santé n’est pas sans risque. La sécurité des fichiers de données nominatives constitués à cette occasion est perfectible. En mars 1999, la CNIL a édité un guide à l’attention des professions libérales de santé.

En pratique, le droit à l’information implique aussi une bonne écoute de la part des professionnels de santé.

1.3. Le respect du consentement

Donner son accord préalable à des examens diagnostiques ou à la mise en place d'une thérapeutique est la prérogative essentielle d'une personne qui s'adresse à un médecin. C'est d'ailleurs sur la question du respect du consentement que la notion de droit du malade a été pour la première fois reconnue par le juge.

Intimement lié au droit à l’information, le consentement libre et éclairé est en effet largement conditionné par la qualité de l’information fournie par les professionnels de santé. Le deuxième alinéa de l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique énonce que « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix ». Consentir, c'est donner son accord et prendre ses responsabilités. Le premier alinéa de l'article L.1111-4 l'affirme clairement « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». C'est donc au malade qu'il appartient de décider, sur propositions du médecin ou de tout autre professionnel de santé participant à l'acte de soins. Le 3ème alinéa de l'article L.1111-4 précise également que « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

En cas d’urgence vitale ou fonctionnelle, le consentement peut être présumé et doit être confirmé dès que possible. Il en est de même pour le traitement d’urgence des malades ou blessés juridiquement incapables.