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Ileana-Camelia POPA Université de Craïova, Roumanie MOTS-CLÉ

acte de parole, modalisateur, rapporteur, verbes de parole, verbes de confession Notre article présente l’analyse de quelques verbes de parole, notamment des verbes de confession français avouer, confesser, se confesser et roumains a marturisi, a se confesa, a se spovedi.

Nous nous proposons de déceler, autant que possible, toutes les facettes de l’acte de parole qui implique la transmission d’un message tenu pour secret, à savoir, les propriétés syntaxiques, sémantiques, pragmatiques.

1. Les protagonistes de l’acte de parole

L’acte de parole est composé de plusieurs éléments: le locuteur ou l’émetteur du message, noté N1 ; l’interlocuteur (l’auditeur, le destinataire du message est destiné ou la personne qui écoute le message, c’est-à-dire, le récepteur) sera représenté sous N2. Le message communiqué sera noté avec M.

Ce groupe contient des verbes qui désignent des actes de parole au cours desquels le locuteur dit quelque chose dont il a honte ou qu’il a nié auparavant. En d’autres termes, des informations qui, pour diverses raisons, sont, pour lui, impossibles à dire. En général, ces verbes présupposent une sélection stricte des thèmes abordés par l’auditoire. N1 peut être un fidèle qui dit, reconnaît un pêché, un malfaiteur qui reconnaît avoir commis un délit, etc. ; la matière sujet de l’aveu est, en tout cas, de quelque chose que le locuteur tenait pour vrai et secret. L’interlocuteur, N2 est un représentant de l’église ou un représentant de la loi.

2. Fr. avouer, (se) confesser

La différence entre les verbes français confesser /vs. / avouer, d’un côté et les verbes roumains a se confesa /vs./ a mărturisi de l’autre, repose sur la dichotomie volontaire /vs. / involontaire. De même, en français, l’acte de se confesser se fait toujours volontairement, alors que l’acte de confesser/avouer se fait [±volontairement] dans toutes les deux langues. De plus, une autre distinction se remarque au niveau modalisateur. Si N1

se confesse à N2, tout ce qu’il dit à N2, M a la valeur de vérité VRAI dans tous les mondes possibles. Mais si N1 avoue /confesse M cela implique que l’information contenue dans M est vraie aux yeux du rapporteur (de la personne qui prononce la phrase N1 avoue /confesse Qu P) mais pas nécessairement aux yeux de N1, qui peut très bien déclarer, dire M tout en commettant un délit, il peut très bien mentir. P est en ce cas la proposition subordonnée tandis que M représente l’information contenue dans cette proposition :

Suspectul a mărturisit că a fost în seara accea la locul crimei.

Aux yeux du rapporteur (R) cette phrase est vraie mais en réalité, la personne suspectée peut faire semblant de reconnaître ou s’imputer des faits sous une pression extérieure, psychique, exercée par quelqu’un d’autre (les enquêteurs, par exemple).

Si N1 avoue M, cela implique qu’il est dangereux de dire à l’auditeur le contenu de M.

C’est un verbe doublement modalisé : N1 avoue QU P (M) implique N1 dit P et P implique un point de vue :

1.axiologique : P est mal aux yeux du rapporteur mais pas nécessairement aux yeux de l’agent qui a commis le fait.

2.assertif : P est vrai aux yeux du rapporteur. Le rapporteur prend une position qui

‘garantit’ en quelque sorte la vérité ou la fausseté des contenus énoncés par le locuteur.

Kerbrat- Orecchioni (1999) considère elle aussi le verbe avouer comme modalisateur intrinsèque car ce verbe implique que «P est vrai aux yeux du rapporteur».

Les verbes avouer et confesser évaluent, axiologiquement leur objet: on confesse ses péchés, on avoue des torts et des fautes, quelque chose qu’il faudrait mieux tenir en tout cas comme secret.

Confesser a un sens plutôt religieux, alors que avouer présente en premier lieu un sens juridique. L’acte de confesser suppose la déclaration d’un acte blâmable ou d’un pêché à son interlocuteur (sens moderne) ou à un prêtre (sens religieux). L’acte d’avouer désigne par contre l’action de révéler quelque chose, de dévoiler, d’expliquer quelque chose ignoré et caché.

Nous analysons aussi le comportement sémantique des verbes et leurs constructions syntaxiques dans les deux langues.

2.1. Avouer

« Avouer c’est reconnaître quelque chose avec en général une certaine difficulté (honte, pudeur) » (Vanderveken 1993: 173)

Définition

- N1 suppose que N2 ne connaît pas le contenu de M - N1 veut dire M pour le faire savoir la vérité à N2 - N1 dit M

- M représente quelque chose de secret, de caché, mais pas nécessairement quelque chose de mal. La véracité du contenu est lié directement à la personne de N1.

Avouer accepte plusieurs types de constructions syntaxiques et, implicitement, il présente beaucoup de nuances de sens ou de sous - sens.

En général, le verbe peut être suivi de GNCOD: le verbe entre alors dans la construction : N1 V GNCOD. Le GNCOD sélecté par ce verbe peut présenter quelques particularités, comme suit :

a. Le GNCOD est extérieur à N1 : le verbe a alors le sens de «révéler quelque chose d'inconnu, de secret, le faire connaître, l'expliquer» :

Les triplets sont d'un degré de raffinement plus élevé : ils servent surtout à imiter l'inimitable émeraude en interposant un verre de couleur verte entre deux pièces en béryl médiocres (...). Ces procédés ne sont pas prohibés quand ils sont avoués par le vendeur, mais ils ont été mis fréquemment au service d'une imposture. (TLFi s.v.)

b. Le GNCOD désigne un acte, une action, blâmables ou non, accomplis par N1. Le verbe a dans cette situation la signification « reconnaître quelque chose; reconnaître, déclarer qu'on est l'auteur de quelque chose » N1 V GNCOD à N2 :

Quand tu lèveras les bras au ciel! Révéler, avouer, et encore avouer, et exhiber tout ce qu'on fait de mal! ... le taire, s'en punir au fond de soi, voilà qui est mieux. (COLETTE in TLFi s.v.)

c. Le GNCOD est un substantif abstrait interne à N1, une composante de sa personnalité. Le verbe a dans ce cas le sens de «admettre ce que l'on est, admettre ses imperfections» et parfois, les révéler; révéler un sentiment que l'on éprouve : avouer son amour. Avec ce sens le verbe peut sélecter même une proposition complétive, ayant la structure : N1 V QU P

Il m'avoua qu'il était juif, bâtard, et sexuellement maniaque... (S. DE BEAUVOIR in TLFi s.v.)

2.2. Confesser/ se confesser Définition :

- N1 veut dire quelque de mal sur soi-même ou sur une autre personne (N3) - N1 suppose que N2 ne connaît pas le contenu de M

- N1 dit : M

- N1 dit M parce qu’il veut faire savoir la vérité à N2 - N1 suppose que N2 sait qu’il (N1) ne voulait pas dire M - N1 sent qu’il doit dire M (il dit M volontairement)

- N1 a un statut ecclésiastique ou une position privilégiée (personne publique) ou aux yeux de N1 c’est une personne de confiance

- N1 suppose que N2 ne va pas divulguer le contenu de M

Ce verbe a d’abord, un sens essentiellement lié à la religion. Il signifie «proclamer publiquement (ses croyances religieuses)» :

Les hommes de bonne volonté (...), ce sont d'abord ceux qui (...) gardent intacte la foi, telle que la confesse l'apôtre Jean dans sa première Épître : « Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Dieu est amour». (MAURIAC in TLFi s.v.)

Je me confesse à un prêtre de la paroisse (MONTHERLANT in TLFi s.v.)

Mais par extension aussi, il garde son statut de verba dicendi. Dans ce cas il ne se combine plus avec des agents ayant une position ecclésiastique et il acquiert le sens de « reconnaître pour vraie (une chose à son désavantage) » : confesser son crime, son erreur.

N1 V verbe (infinitif)

Je confesse m’avoir endormi en classe.

N1 V GNCOD

J’ai tort, je le confesse, mais...

N1 V QU P

Je dois confesser que ma chambre était par contre l'illustration réussie du bonheur bourgeois allemand. (GIRAUDOUX in TLFi s.v.)

N1 V (se confesser) à N2

Parfois, sans aller jusque-là, il [le criminel] se confessera à un ami, ou à n'importe quel honnête homme. (BERGSON in TLFi s.v.)

Se confesser accepte des structures syntaxiques du type : N1 V (à N2), où N1 est un fidèle qui dit, reconnaît un pêché, un délit, en tout cas quelque chose qu’il tenait pour vrai.

L’interlocuteur, N2 est un représentant de l’église.

3. Roum. a mărturisi, a (se ) confesa, a se spovedi 3.1. a mărturisi

Ce verbe peut être traduit par le verbe français avouer et présente la même structure sémantique.

Edilul Gheorghe Crăciun a mărturisit că tânăra vedetă a turnat la fostul conac al Cantacuzinilor, cunoscut ca "Micul Trianon", un videoclip pentru melodia "Aş vrea"

(Evenimentul zilei on–line, le 08/01/2003)

Ilie Dumitrescu, antrenorul echipei FCM Bacău, ne-a mărturisit că la întilnirea cu procurorii de la PNA i s-au cerut informaţii si dovezi despre aranjamentele din fotbalul românesc. (Evenimentul zilei on-line, le 22/04/2003)

3.2. a se confesa

Le verbe roumain a se confesa est utilisé comme verbe réflexif et fonctionne tout comme son correspondant français avouer. Il impose des contraintes de sélection au niveau des arguments : N2 doit avoir une position religieuse et N1 est toujours un fidèle.

"Eu sunt mulţumit de ceea ce am facut acolo. Nu-mi regret deloc experienţa trăită în Spania. Din câte am înteles, antrenorul Hendandez, de la Real Madrid B, a fost mulţumit de mine", se confesa ieri mijlocaşul moldovean.(Evenimentul zilei on –line, le 17/01/2000)

Le verbe se construit aussi avec le datif qui actualise le "bénéficiaire" de la confession. L’explicitation du destinataire au niveau syntaxique relève non pas l’orientation du message directement vers le destinataire mais crée plutôt un effet de familiarité entre le Rapporteur (R) et le lecteur.

N-o să ocolesc produsele tradiţionale, dar o sa mănânc mai puţin ca in alte dăţi. Nu sînt pretentios si nu astept cadouri deosebite de la Mos Craciun. Doar sanatate, ni s-a confesat "eroul de la Cardiff". (Evenimentul zilei on –line, le 24/12/2004)

3.3. a se spovedi Définition :

- N1 veut dire quelque de mal sur soi-même ou sur une autre personne (N3) - N1 suppose que N2 ne connaît pas le contenu de M

- N1 dit : M

- N1 dit M parce qu’il veut faire savoir la vérité à N2 - N1 suppose que N2 sait qu’il (N1) ne voulait pas dire M - N1 sent qu’il doit dire M (il dit M volontairement) - N1 a un statut ecclésiastique (prêtre)

Ce verbe se comporte différemment quant à la sélection du nombre d’arguments.

El a fost cel care l-a spovedit pe Iuliu Maniu în ziua dinaintea morţii, prin ţeava de calorifer, şi cel care a fost pus, apoi, să cureţe celula liderului ţărănist. (Evenimentul zilei on –line, le 24/12/2004)

On emploi ce verbe aussi en dehors de la religion, donc d’une façon figurée et ironique « confesser, avouer, dire»:

În jurul mesei care gemea de bucate alese şi băuturi fine, conducătorii s-au spovedit. Au fost recunoscute toate blaturile şi toate manevrele prin care „afaceriştii”

vindeau meciurile sau corupeau arbitrii. (Evenimentul zilei on - line, le 20/05/2003) Şi tu crezi că mă duc să mă spovedesc la ea?

4. Les verbes de confession fonctionnent comme verbes perlocutionnaires intrinsèques. On dit, on reconnaît ses péchés, ses faits avec l’intention de susciter des effets sur l’auditoire car, après la confession on obtient en général le pardon et la bénédiction.

L'acte d’avouer quelque chose de secret peut être décrit sous différents angles. Notre but a été de décrire le comportement de ces verbes de confession en tenant compte de l’information pragmatique incorporée par le verbe mais aussi des constructions syntaxiques où le verbe peut figurer. Nous avons brièvement tracé les caractéristiques du groupe des verbes roumains et leurs particularités par rapport au français.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Ouvrages généraux :

Kerbrat-Orecchioni, Catherine 1999, L’énonciation: de la subjectivité dans le langage, Armand Colin IV-ème édition, Paris, p. 94-134

Maingueneau, Dominique 1991, L’énonciation en linguistique française, Paris, Hachette Monville-Buston, Monique, "Les verba dicendi dans la presse d’information" in Langue

française, no 98, Mai, 1993

Rojo, Ana et Javier Valenzuela 2001, How to say things with words: ways of saying in English and Spanish, document Internet, Site: www.um.es/lincoing/htm

Vanderveken, Daniel 1993, Les actes de discours, Pierre Mardaga Editeur, Collection Philosophie et langage, Liège, Brulles

Wierzbicka, Ana 1987, English speech Act Verbs, a semantic dictionary, Academic Press Australia, Marrickville

2. Corpus

***Trésor de la langue française, informatisé 2005, CNRS Editions, Nancy, conception et réalisation informatique par Jacques Dendien

Robert, Paul 1996-1997, Le petit Robert-Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (version électronique- CD- ROM), Ed. Dictionnaires Le Robert Evenimentul zilei on line, site internet http://www.evz.ro

ABSTRACT

Our paper is an analysis focused on the verbs expressing the act of confession, in a bilingual perspective, Romanian and French.

For the analysis, we took as staring point the model proposed by Anna Wierzbicka (1987), English Speech Acts Verbs. A semantic Dictionary. Our goal is to illustrate, as much as possible, all the aspects involved by the speech act, at syntactic, semantic and pragmatic level.

ENCORE UNE FOIS SUR LE SYSTÈME CONDITIONNEL