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Verbes à cible auto – propulsive

VERBES À CIBLE MOBILE

2.1. Verbes à cible auto – propulsive

Les verbes téliques appartiennent à plusieurs classes sémantiques. Une première catégorie est constituée par les verbes de déplacement impliquant un mouvement à bornage final.

(1) Une classe importante est constituée par les prédicats dont l’agent est identique avec la cible, ayant comme verbe prototypique le verbe aller:

(24) L'auteur (...) de cette géographie, de ce glossaire, épilogue longuement sur le nom d'une petite localité dont nous étions autrefois, si je puis dire, les seigneurs, et qui se nomme Pont-à-Couleuvre. Or je ne suis évidemment qu'un vulgaire ignorant à côté de ce puits de science, mais je suis bien allé mille fois à Pont-à-Couleuvre pour lui une, et du diable si j'y ai jamais vu un seul de ces vilains serpents... (PROUST, Sodome, 1922, p.

925)

(25) Monseigneur faisait sa tournée pastorale. Il allait à Ambert où tous les curés des environs l'attendaient pour la confirmation (POURRAT, Gaspard, 1922, p.159):

Dans tous ces exemples du corpus, la cible, auto - propulsive, remplit le rôle syntaxique de sujet tandis que syntagme à + SN est le complément de lieu marquant la limite extrême du parcours: au moment où la cible atteint ce lieu, la prédication arrive à sa phase finale et elle prend fin. La fin de la prédication instaure un état résultant, à savoir la cible se trouve à l’intérieur du lieu désigné par l’adverbial. La prédication implique un mécanisme complexe temps  lieu (tn ln) traduisant le déplacement de la cible (représentée pas x)

t1 l1 t2 l2 tm lm

(26) xx … x à SN

phase interne phase/ état résultant(e)

(1a) D’autres verbes de la même classe ajoutent des informations supplémentaires concernant : la vitesse du déplacement (courir, fuir, se précipiter, galoper, voler…), la direction du mouvement de la phase interne (descendre, dévaler, (re)monter, se hisser, …), la durée, le plus souvent brève (passer, faire halte, ….), la difficulté du déplacement (se traîner, ramper, …):

(27) Frédéric allégua une affaire urgente, puis courut à Auteuil. (G. FLAUBERT, L'Éducation sentimentale, t. 2, 1869, p. 88)

(28) Je descends au bar sabler le champagne. J'ai donné rendez-vous à une poule de luxe. Les flonflons de l'orchestre montent. J'enfile mon smoking et je descends. (B.

CENDRARS, Moravagine, p. 143)

(29) Assister aux exécutions constitue un devoir [pour le gamin de Paris] (...).

Pour ne rien perdre de la chose, on escalade les murs, on se hisse aux balcons, on monte aux arbres, on se suspend aux grilles, on s'accroche aux cheminées. (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 696)

(30) Le mercredi soir, Karelina n'y tint plus. Elle prit prétexte d'une commande de vin à passer à la brasserie, et s'en alla jusque chez Hendrijk. (VAN DER

MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 53)

Une autre sous-classe de verbes précisent la manière dans laquelle la cible réalise le mouvement - moyen – à pied, avec un avion, avec un véhicule terrestre, (marcher, voler, rouler, ….):

(31) Toute la fabrique s'était soulevée et le quartier aussi, et ils marchent au palais en criant : Vive Burkenstaff!(SCRIBE, Bertrand, 1833, p. 159)

(32) Plût au ciel qu'elle [notre fortune] fût faite depuis longtemps... à l'heure qu'il est, nous roulerions carrosse à Paris... (MÉRIMÉE, Théâtre de Clara Gazul, 1825, p.

75)

(33) Il se souleva sur un coude, avec humeur : « ces caillasses! ce qu'elles sont agouantes!» Les pies l'avaient éveillé tout à fait. Elles étaient deux qui se battaient, volant à la cime d'un chêne, avec des feintes, des crochets, des plongeons vertigineux, ... (M.

GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 928)

(34) « ... L'aviatrice Amy, a atterri au Cap à 1 h 33; à 1 h 34, les journaux de Londres connaissaient la nouvelle; Berlin et Bombay l'avaient reçue avant que le messager afrikander ait eu le temps de traverser la rue...» (P. MORAND, Londres, 1933, pp. 279-280) (1b) Pour un certain nombre de déplacements la cible conserve la propriété de se mouvoir par ses propres forces mais à l’incitation d’un autre agent, sujet de la phrase; dans ces constructions, la cible, dans la phrase active, est complément d’objet direct. Avec des verbes comme appeler, inviter, convoquer, solliciter, …, en prédication première ou secondaire, le déplacement est le résultat de l’action de la force perlocutionnaire d’un acte de langage antérieur:

(35) Il lui a promis, Monsieur, de la tirer du tapin et de l'appeler à Nice (...) Moi, je ne m'y fie pas. (ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 185)

(36) ... quand je l'invitais à dîner à Balbec, il commandait le repas avec une science raffinée (...). Comme j'étais pour Aimé un client préféré, il était ravi que je donnasse de ces dîners extras et criait aux garçons... (PROUST, Sodome, 1922, p. 1083)

(37) Mon frangin, qui a ses quarante-trois ans pourtant, et qui habite près de Châlons, il a été convoqué à la gare. Paraît qu'ils lui ont fichu un vieux képi sur le crâne, des cartouchières sur son veston, un fusil dans la main, et hardi! Viens que je te poste en sentinelle au viaduc! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 508)

(1c) Avec d’autres verbes la participation de l’incitateur de l’agent - sujet à la prédication est plus importante, la cible en mouvement, une personne ou un animal, étant obligée par cet agent à accomplir l’acte:

(38) L'été dernier, un grand chef de la Résistance (...) a été arrêté et conduit à Fort-Montluc; les états-majors réunis de toutes les organisations ont tout envisagé pour le tirer de là, les plus gros sacrifices d'argent, même l'assaut à main armée (...) il a fallu renoncer à tout, il est mort sous les coups sans avoir parlé... (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 26)

(39) Mon père adoptif me fit un long sermon pour me démontrer les avantages du travail, et m'envoya le jour même à l'école. (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 51)

(40) Le sire Ferry de Mailly et d'autres gentilshommes (...) furent amenés à Compiègne, mis à la torture, et puis suspendus au gibet, hormis le sire de Mailly, qui, par protection, fut sauvé. (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 91)

Le sujet syntaxique a, parfois, un rôle de simple accompagnateur de la cible, la prédication ayant, donc, deux cibles différentes, exprimées par des GN jouant un rôle syntaxique différent:

(41) Elle ne quitte pas sa fille, l'accompagne au théâtre, lui fait gober des œufs crus pour lui éclaircir la voix. (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 393)

(42) Le comte palatin s'émerveilla d'un si excellent archer. - Chevalier de Sonneck, lui dit-il, je te donne le fief de Rhineck, mouvant de ma tour de Gutenfels. Tu vas me suivre à Stahleck pour recevoir l'investiture et me prêter le serment d'allégeance, en mail public et en présence des échevins, ...(V. HUGO, Le Rhin, 1842, p. 190)

(43) Nous le suivîmes à sa boutique où nous choisîmes deux costumes, de singes, je crois (...); deux ignominies en tout cas, deux saletés rongées de vermine et d'usure. (COURTELINE, Linottes, Pendule, 1890, I, p. 182)

Pour les verbes de la classe (1c), le sujet - agent incitateur est impliqué lui aussi dans la prédication télique, se trouvant avec la cible, dans la phase interne pour les verbes non téliques, ou dans le site, pour les verbes téliques.

(1d) Une sous-classe importante est constituée par les verbes ponctuels, exprimant le fait de toucher un certain lieu au terme du trajet. Les verbe prototypes pour cette catégorie sont arriver et venir, qui transmettent l’information spatiale que la cible a atteint ou est en train d’atteindre le site. Le verbe arriver n’est pas déictique. La majorité des sites que nous avons trouvé dans le corpus avec le verbe arriver sont des noms de villes ou de villages, situation qui implique le fait que la cible a parcouru un trajet plus long, un voyage:

(44) Le mardi 9 mai, le vice-gérant de l'Officialité de Paris, l'abbé Fromageau, accompagné d'un autre ecclésiastique, arriva à Port-Royal des Champs. (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 13)

(45) La plupart des étrangers qui arrivent à Rome préfèrent, à toutes les figures de Raphaël (...) les petites gravures fines et soignées du keepsake, et autres almanachs anglais. (STENDHAL, Prom. ds Rome, t. 2, 1829, p. 48)

Le corpus contient d’autres sites, surtout des substantifs désignant des bâtiments ou des véhicules, pour arriver auxquels la cible doit parcourir un trajet plus ou moins long:

(46) Les visiteurs se pressaient dans le couloir : financiers, artistes, députés, en un moment s'amassèrent dans le petit salon attenant à la loge. […] Joseph Schmoll, toussant et geignant, aveugle et sourd, s'ouvrit un chemin dans leur masse méprisée et arriva jusqu'à Madame Martin. (A. FRANCE, Le Lys rouge, 1894, p. 355)

(47) Je suis arrivé à une espèce de grenier. Là, j'ai vu, couché sur un grabat, un vieillard à cheveux blancs. (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1661)

(48) Le Duncan resta à croiser sur cette côte jusqu'au 3 mars. Ce jour-là, Ayrton entendit des détonations. C'était les caronades du Duncan qui faisaient feu, et, bientôt Lord Glenarvan et tous les siens arrivaient à bord. (J. VERNE, l'Île mystérieuse, t. II, p. 542)

Observons la prédominance nette du perfectif: tous les verbes de nos exemples expriment le fait que la cible se trouve dans le site désigné par le syntagme à + SN. À la différence du verbe arriver, le verbe venir présente la particularité importante d’être déictique.8 Les autres propriétés sont communes, par exemple la haute fréquence des sites désignés par des noms de villes ou de villages:

(49) - Eh! eh! moi, je suis parti de Lyon avec deux doubles louis que m'avait donnés ma grand-mère, je suis venu à pied à Paris et me voilà. (BALZAC, Début vie, 1842, p. 431)

(50) C'est l'hôtel des gens aisés qui, de la province, viennent à Londres (STENDHAL, Souv. égotisme, 1832, p. 71).

Les rares occurrences de l’imperfectif avec les verbes arriver et venir transmettent l’idée que la phase interne est/ a été / sera en déroulement sans savoir si la cible est arrivé / arrivera ou non au site constituant la phase finale:

(51) … à l'extrémité du couloir (...) pas d'ascenseur. Sonnerait-il? Il descendit. À l'étage inférieur (...) une dizaine de personnes attendaient la cabine qui arrivait. (MALRAUX, la Condition humaine, Pl., p. 12)

(52) Peu à peu, le tronc venait à eux. (C.-F. RAMUZ, Guerre dans le Haut-Pays, t. VI, p. 133)

Le corpus nous a offert l’exemple d’autres verbes téliques qui ont un comportement morphologique et sémantique similaire. Quelques uns expriment simplement l’idée de déplacement de la cible vers le site (se rendre, se transporter, …), avec l’idée supplémentaire d’un passage du dehors au dedans (entrer, pénétrer, parvenir, …), de prendre ou de laisser un véhicule (aborder, débarquer, …), d’itération (rentrer, retourner, revenir …):

(53) Le peuple accourt, gémit (...) accompagne [le funèbre convoi] le long des rues qu'il traverse pour se rendre au palais. (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 338)

(54) Le yacht embouqua le canal Saint-Georges, traversa la mer d'Irlande, et, le 10 mai, (...) à deux heures du soir, ses passagers entraient à Malcolm-Castle, au milieu des hurrahs des Highlanders. (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 248)

(55) Sous le porche, Joë s'efface pour laisser les deux jeunes filles pénétrer à l'intérieur. (MARTIN DU G., Taciturne, 1932, II, 14, p. 1313)

(56) En débarquant à Gênes du voilier de Papadakis, je pensais composer cette symphonie. (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 194)

(57) Nous rentrons à Séville par Miguera et les bois de chênes-lièges, qui font de plus en plus ressembler ce pays à la chaîne des Maures. Après El Garobbo, commencent les cultures illimitées qui entourent Séville. (T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 166)

D’autres verbes de cette catégorie focalisent sur la phase préparatoire (ex. 58) ou sur la phase interne (ex. 59):

(58) Je pars à Paris samedi prochain. Après quatre mois de Montpellier bien inutiles, où le désir de retourner là-haut, le pneumatisme local et mille bêtises m'ont putréfié (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1894, p.198).

(59) Accompagné du procureur du roi au Châtelet, de trois commissaires et d'un exempt, il se transporta aux lieux indiqués, et ordonna que tous étrangers eussent à en sortir dans les vingt-quatre heures (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 397).

(1e) Une dernière catégorie est constituée par des verbes essentiellement multiples, exprimant le fait que plusieurs entités participent à la prédication ou, au moins, que l’état résultant implique la présence simultanée de plusieurs cibles dans le même site:

(60) (...) des quatre extrémités du monde il voyait des populations affluer à son petit musée, se masser, muettes d'admiration, devant la jumelle marine et les deux chandeliers Louis XIII. (COURTELINE, Messieurs les ronds-de-cuir, 1er Tableau, III)

(61) Mon texte était double; je l'avais composé sous la forme de brochure, qu'il a gardée, et en façon de discours, différent à quelques égards de la brochure; je supposais qu'à la levée de la France, on se pourrait assembler à l'Hôtel de Ville, et je m'étais préparé sur deux thèmes (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 489)

(62) ... le 27 mars 1916, les représentants de tous les gouvernements alliés se réunirent à Paris. (J. JOFFRE, Mémoires, t. 2, 1931, p. 282)

2. 2. Verbes à cible transportée

Pour toute une série de verbes, la cible est déplacée dans le site par une force extérieure; pour beaucoup de ces verbes tant la cible que la force qui la déplace, explicitée ou non, va se trouver dans le site, dans le cas où la prédication atteint sa borne finale.

(63) Simon devait aller mettre ses lettres à la poste dans un quartier éloigné de Port-Royal et taper les adresses à la machine. (NIZAN, Conspir., 1938, p. 89)

(64) Après avoir été lui-même. (...) placer la vieille meute à l'entrée de la forêt, il était revenu aux écuries faire seller les chevaux. (JOUY, Hermite, t.4, 1813, p.171)

(65) ... plus de cent mille hommes avaient apporté à la Solidaridad des vivres et des fonds, aussitôt répartis par Puig, et une colonne de camions improvisée par lui avait amené à Barcelone les enfants des ouvriers de Saragosse. (MALRAUX, L'Espoir, 1937, p.

450)

Quelques uns impliquent parfois l’idée d’itération (ramener, reporter, ….), dans le sens que la cible a été, dans un moment antérieur, dans la place désignée par le site ou que l’événement se répète plusieurs fois:

(66) Par forte houle, même des galets peuvent être déposés sur la haute plage, mais le retour de la lame reprend ces matériaux et les ramène à la mer. (ROMANOVSKY, Mer, source én., 1950, p. 14)

(67) Les unes [des coquilles] sont ramenées à la surface et flottent jusqu'à ce qu'elles aient été rejetées (...) au milieu des graviers littoraux. (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 41)

(68) Je regardais le paquet d'épreuves qu'il me faudrait trouver le temps de relire et de réexpédier à mon éditeur. (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 89)

Pour d’autres verbes, l’agent qui constitue la source du mouvement reste en dehors du site :

(69) Les pêcheurs jettent l'émérillon à la mer; et bientôt ils amènent à bord un énorme requin, ennemi juré du matelot. (DUMONT D'URVILLE, Voy. Pôle Sud, t. 8, 1845, p.

72)

(70) Puis il la lança [une perruche morte] à la mer, et le requin qui nous suivait la croqua comme une ablette. (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 82)

(71) Les pêcheurs ont (...) des gaffes à très longs manches pour haler ou tirer leur poisson à terre. (BONN.-PARIS1859)

Comme pour les verbes à cible auto-propulsive, nous retrouvons dans cette classe aussi une force incitante, qui se manifeste à côté de la force agissante:

(72) Les dames espagnoles du Nouveau Monde aiment le chocolat jusqu'à la fureur, au point que, non contentes d'en prendre plusieurs fois par jour, elles s'en font quelquefois apporter à l'église. (J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 115) Dans les constructions passives ou impersonnelles, la force propulsive est rarement exprimée:

(73) Le lait est trait dans des bidons (...) dans lesquels il est directement acheminé à la laiterie; l'emplacement de la station basse est choisie sur une route de bonne circulation et les camions assurent le transport terminal jusqu'aux fruitières.

(WOLKOWITSCH, Élev., 1966, p. 130)

(74) Sitôt après les constatations policières, le cadavre a été transporté à Naples pour permettre son identification. (GIDE, Caves Vatican, 1914, p. 840)

3. Conclusion

Dans la première section de cet article nous avons discuté l’asymétrie linguistique entre l’entité à localiser (la cible) et l’espace où elle est localisée (le site) en opposition avec les relations spatiales géométriques projectives correspondantes (devant - derrière, à gauche - à droite), qui sont symétriques: l’asymétrie est causée par des différence de nature cognitive ou physique entre la cible et le site (le site est, en principe plus grand, plus stable et il jouit d’une notoriété plus grande que la cible). L’article présente aussi les deux grandes catégories de relations spatiales, les relations topologiques (ou de localisation interne) et les relations projectives (de localisation externe).

La deuxième partie est consacrée aux verbes dynamiques qui, du point de vue de la relation spatiale, se caractérisent par le caractère mobile de la cible. Il existe des verbes à cible auto-propulsive, pour lesquels l’agent coïncide avec la cible (aller, marcher, voler, fuir, …). Nous avons constaté pour certains verbes la présence d’un incitateur (appeler, inviter, convoquer, conduire, ...), impliqué ou non directement dans le mouvement désigné par la prédication. Pour d’autres verbes, le mouvement de la cible est assuré par un agent qui peut se trouver, selon le contexte, à l’intérieur ou à l’extérieur du site (mettre, placer, amener, jeter, …).

NOTES

1 Les termes de «cible» et de «site» ont été proposés par Vandeloise (1986), comme traduction des termes anglais figure et ground (de Talmy). Ces termes sont proches aussi à la psychologie perceptive ou aux mots trajector et landmark (de Langacker) de la grammaire cognitive.

2 Dans cette relation l’élément qui se trouve à gauche du prédicat est la cible et celui qui se trouve à droite est le site. Donc dans la formule <a relation_spatiale b> a est la cible, tandis que dans <b relation_spatiale a>, l’entité qui doit être localisée (donc la cible) est b.

3 Le terme «mode d’action» représente une traduction du terme allemand Aktionsart; les deux termes se réfèrent au type de prédication que le verbe exprime, indépendamment de la signification ajoutée par les morphèmes modaux, temporels, etc.

4 Pour éviter toute confusion, on a forgé le mot ‘termination’ pour désigner un mode d’action télique (Caudal 2000), pour laisser au mot ‘terminaison’ son sens grammatical de ‘désinence’ ou de ‘suffixe’.

5 Il s’agit d’une hiérarchisation verticale proposée par la théorie du prototype, qui postule une structure prototypique à trois niveaux: un niveau de base (chien), un niveau superordonné (animal) et un niveau subordonné (caniche) (Iliescu 2005: 28).

6 Les ‘verbes de mouvement’ (dans la terminologie de Borillo) sont appelés ‘verbes d’agitation’ par Dervillez-Bastuji (1982) ou ‘verbes de mouvements du corps’ par Lamiroy (1987) ou ‘verbes de posture’ par Asher et Sablayrolles (1995). Ces verbes désignent un mouvement entraînant une ou plusieurs parties de l’entité. Par exemple dans s’engenouiller sur le banc, les genoux arrivent à être en contact avec le banc tandis que pour se pencher par la fenêtre l’agent passe sa tête et ses épaules à travers la fenêtre.

7 Asher et Sablayrolles (1995) emploient le même terme pour ce genre d’événements, car il y a un changement des propriétés spatiales, mais pas de lieu, comme dans l’exemple les joueurs courent sur le terrain de football.

8 Ch. Fillmore (1966) et (1972) a montré que les verbes de mouvement come «venir» et go «(s’en) aller»

contiennent des éléments sémantiques intrinsèquement déictiques. Laura Vanelli (1995) a montré que les verbes italiens andare et venire ont les mêmes caractéristiques fondamentales. Bouchard (1993) et Costăchescu (2000) ont signalé la conservation de ces propriétés pour les verbes français (s’en) aller et venir. Les verbes roumains a se duce «s’en aller» a veni «venir » présentent les mêmes caractéristiques (Costachescu (1999)).

Le caractère déictique de ces lexèmes consiste dans le fait que leur emploi est déterminé par la position du locuteur. Par exemple la phrase Victor allait tous les jours de Versailles à Paris implique que le locuteur se trouve à Versailles, tout comme Anne vient tous les jours de Paris. Le choix entre aller et venir est déterminée par la position du locuteur et elle est indépendante de la présence des éléments déictiques dans la phrase.