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Une reconnaissance institutionnelle du médecin dans la prévention

Conclusion du chapitre

Section 2.2 Offre de prévention en France : un manque d intervention du médecin ? Analyse institutionnelle

2.2.2 Médecine libérale et prévention en France : état des lieu

2.2.2.1 Une reconnaissance institutionnelle du médecin dans la prévention

traitant ». Nous en faisons ici une présentation succincte74 pour mieux comprendre ses implications quant à la place du médecin dans les actions de prévention.

Le dispositif du médecin traitant a pour objectif de favoriser le suivi des patients en instaurant un « parcours de soins coordonnés ». Pour ce faire, chaque individu âgé de 16 ans ou plus est invité à désigner un médecin qui occupera un rôle de pivot, d’orienteur dans le système de soins. Le choix d’un médecin traitant n’est pas obligatoire mais une sanction financière est prévue sous la forme d’un remboursement plus faible des consultations lorsque l’assuré n’a choisi de médecin. Une majorité de la population s’est inscrite dans le dispositif puisque 85% des assurés avaient désigné un médecin traitant à la fin 2008 (CNAMTS [2009a]). Même s’il ne s’agit pas d’une obligation, le médecin traitant est dans les faits très majoritairement omnipraticien. Selon un récent point d’information de l’Assurance Maladie, 99,5% des médecins traitants sont des médecins généralistes (CNAMTS [2009a]). Ce dispositif se superpose en effet à la relation informelle préexistante avec un « médecin de famille » et il semble relativement neutre dans ses effets sur la prise en charge des patients (Dourgnon et al. [2007]). L’apport de la réforme est plutôt à chercher dans le renforcement de la reconnaissance institutionnelle de la dimension préventive de l’activité du professionnel.

La loi de réforme de l’Assurance Maladie définit explicitement des missions de prévention pour le médecin traitant. En effet, ce dernier est chargé d’organiser le suivi préventif du patient au sein d’un parcours de soins individualisé. Il oriente l’usager vers des services adéquats en fonction de ses besoins de prévention. La reconnaissance de la place de la médecine ambulatoire par la réforme de la sécurité sociale se conjugue avec celle effectuée par la loi de santé publique de 2004. Cette loi introduit les concepts de « consultation de prévention » et de « contrat de santé publique ». Les consultations de prévention sont des moments dédiés à la prévention et conçues pour être proposées à différents âges clés de la vie75. Le concept de contrat de santé publique repose, comme son nom l’indique, sur l’idée d’une relation d’engagement entre le médecin et les tutelles. Il prévoit que les médecins s’engagent à atteindre des objectifs fixés dans le cadre de plan régionaux ou nationaux de santé publique. A travers ces deux lois, c’est le rôle du médecin dans la prévention qui est

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Pour une analyse critique de la réforme, se reporter à Bras [2006]. Pour une discussion sur les effets de la réforme du point de vue des usagers, voir Dourgnon et al. [2007].

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D’après un récent rapport du HCSP, cette approche par tranche d’âge parait peu adaptée, aucun élément ne permettant à ce jour de démontrer sa pertinence (HCSP [2009]). Il est préférable de s’appuyer sur les temps de consultation habituels.

officiellement reconnu. Le législateur propose et maintien deux conceptions de l’activité de prévention en médecine : spécifique lors de temps dédiés, et généraliste dans le cadre du suivi par le médecin traitant. Cependant, il semble que la seconde l’emporte sur la première, les dispositifs spécifiques demeurant largement expérimentaux, alors que se précisent de véritables objectifs quantifiables pour le médecin traitant.

Le rôle de prise en charge préventive du médecin traitant est confirmé dans la convention nationale signée entre les représentants des médecins et l’Assurance Maladie, en particulier par deux avenants. L’avenant 12 de mars 2006 définit des programmes et des priorités de prévention, qui portent sur le dépistage du cancer du sein, le suivi des diabétiques et la prévention de la iatrogénie chez les personnes âgées76. Pour la première fois, des objectifs en matière de prévention sont explicitement attribués par l’Assurance Maladie et attendus de la part des médecins. Dans le cas du cancer du sein, l’objectif est fixé collectivement à 80% de participation parmi la population cible. Un an plus tard, l’avenant 23 vient encore renforcer la place du médecin traitant dans le domaine de la prévention 77. Aux thèmes établis précédemment, cet avenant ajoute celui de la vaccination contre la grippe saisonnière. L’objectif retenu est celui de la loi de santé publique, à savoir un taux de 75% de vaccination parmi les personnes âgées de 65 ans et plus, et pour les individus souffrant de certaines affections de longue durée (ALD). Cet avenant franchit également un nouveau pas, car cette fois, les objectifs sont individualisés78. Il s’agit pour le médecin d’atteindre au sein de sa patientèle des objectifs fixés par l’Assurance Maladie en fonction de sa situation initiale, et non plus de simplement contribuer à l’atteinte d’un résultat collectif national. Cette dernière modification est importante en ce qu’elle introduit une forme d’imputabilité des résultats aux médecins, même si l’atteinte ou non des objectifs n’est pas assortie de sanction ou de bénéfice.

Le paysage institutionnel dans lequel s’inscrivent les pratiques des médecins s’est donc profondément modifié depuis le milieu des années 2000. D’une absence totale de reconnaissance, il a intégré une logique de prise en charge et de suivi préventif. L’optique

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Avenant n°12 à la convention nationale des médecins libéraux, arrêté du 23 mars 2006, publié au Journal Officiel du 30 mars 2006.

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Avenant n°23 à la convention nationale des médecins libéraux, arrêté du 2 mai 2007, publié au Journal Officiel le 3 mai 2007.

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D’autres objectifs ont été ajoutés en 2008-2009 sur le thème de l’obésité, de l’asthme, des maladies cardiovasculaires (en lien avec le diabète) et du suivi de la grossesse (Aubert et Polton [2009]).

s’est très récemment déplacée vers une logique d’objectif individuel79. Toutefois, même si cette reconnaissance est importante, la pratique de prévention demeure insuffisante en médecine générale.

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