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Approches économiques de la prévention : d une analyse centrée sur la demande à une analyse de l offre de prévention

Section 1.1 Comportements individuels et demande de prévention

1.1.2 Systèmes assurantiels et prévention

1.1.2.2 Risque en santé : assurance, actions préventives et curatives

1.1.2.2.1 Soins médicaux et prévention en présence d assurance

Le premier travail à s’intéresser spécifiquement aux risques médicaux et à analyser les interactions entre assurance, traitement et prévention est proposé par Phelps en 1978. L’auteur étudie les arbitrages entre consommation de soins et demande de prévention, en introduisant

ces deux biens dans un modèle d’utilité espérée. L’agent maximise une fonction d’utilité qui dépend de la consommation de biens curatifs, de celle de prévention et de la demande d’un bien composite sous contrainte budgétaire. Ce modèle introduit donc une fonction d’utilité multidimensionnelle et répond à une des critiques opposées au travail d’Ehrlich et Becker [1972]. Les actions de prévention réduisent la probabilité de tomber malade, relevant de comportements d’autoprotection, mais elles peuvent également influencer le gain marginal des soins médicaux, symétriquement réduire la perte suite à la maladie, étant alors proches de l’auto-assurance.

Phelps [1978] montre alors que prévention et soins sont substituts : une augmentation du prix des soins curatifs engendre une hausse de la demande de prévention. Ainsi, si le montant de l’assurance santé diminue, elle augmente le prix des traitements médicaux et entraîne une plus forte demande de prévention15. Cette substituabilité des biens préventifs et curatifs lorsque le prix des soins augmente est également relevée par Nordquist et Wu [1976] et par Hennessy [2008]. Mais lorsque c’est le coût de la prévention qui augmente, soins et prévention deviennent complémentaires (Hennessy [2008]). Cependant, Phelps ajoute que si les prix des traitements médicaux et de la prévention varient de façon identique, l’effet sur la demande de prévention est moins clair. Phelps [1978] prouve que l’introduction d’une couverture assurantielle similaire pour les soins et la prévention, par un ticket modérateur identique par exemple (common coinsurance rate), a deux effets : d’une part il augmente la demande de prévention en raison de la diminution du prix des biens préventifs ; et d’autre part, il réduit cette même demande de prévention en diminuant le prix des traitements médicaux. Traitement et prévention deviennent des biens complémentaires. Assurer de façon similaire les deux biens préventifs et curatifs peut être assimilé une forme de subventionnement à taux égal.

Eeckhoudt [2000] s’intéresse quant à lui spécifiquement à la question du subventionnement des médecines curatives et préventives dans un modèle théorique et confirme le résultat de Phelps. Toutefois, une couverture similaire des soins et de la prévention peut ne pas être optimale. Ellis et Manning [2007] montrent que le taux de co- assurance optimal est différent pour la prévention et le soin. Les auteurs ne traitent pas de la question de la complémentarité de la prévention et du soin, mais il est possible que des taux

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Notons que l’inverse, i.e. l’augmentation de l’assurance santé réduit le prix des biens curatifs et décourage les comportements de prévention, constitue l’argument classique du risque moral ex-ante en santé, sur lequel nous reviendrons en détail plus loin (section 122).

différenciés remettent en question les résultats de Phelps.

Quelques travaux empiriques ont tenté d’éclaircir la nature substituable ou complémentaire des soins médicaux et préventifs en présence d’assurance. Si l’article de Kenkel [1994] s’est particulièrement penché sur l’investissement en santé, dans une approche inspirée du capital santé à la manière de Grossman, il a également analysé l’influence de l’assurance médicale sur la demande de prévention. Kenkel [1994] traite de deux services préventifs, les dépistages du cancer du sein et du col de l’utérus, et montre empiriquement que l’assurance des soins médicaux est associée à un plus fort recours aux soins préventifs. Prévention et soins sont alors complémentaires. Il souligne que c’est parce que le dépistage précoce de la maladie et son traitement sont intimement liés qu’un tel résultat est observé. En effet, la détection précoce d’une maladie n’a d’intérêt que si elle est suivie par un traitement médical. Une assurance maladie facilite l’accès aux soins médicaux, en réduisant leur prix, et peut alors rendre les dépistages plus attractifs pour les agents. A l’inverse, si le prix des soins est très élevé pour un individu sans assurance, comme on peut le supposer pour le traitement des cancers, alors les dépistages sont inutiles puisqu’ils ne pourront être suivis de soins médicaux. Ce résultat de complémentarité concerne les dépistages, et par extension la prévention secondaire, et ne s’applique pas nécessairement à la prévention primaire, pour laquelle le lien avec les soins curatifs est plus flou.

Toutefois, l’étude de Mullahy [1999] trouve un lien entre assurance médicale et prévention primaire. L’auteur analyse empiriquement les facteurs explicatifs de la décision de se faire vacciner contre la grippe en recourant à un ensemble de variables indépendantes relevant du marché du travail, de facteurs de risque sanitaire et d’un ensemble de caractéristiques démographiques. Mullahy [1999] montre alors que le fait d’avoir une assurance maladie est associé à davantage de vaccination contre la grippe. Prévention primaire et assurance seraient complémentaires. Cependant, les données utilisées par l’auteur sont issues d’une enquête, la National Health Interview Survey de 1991, dans laquelle la nature de la couverture assurancielle n’est pas précisée. Celle-ci peut notamment couvrir lesdits vaccins. Il est dès lors délicat d’interpréter la nature des relations entre assurance, prévention primaire et soins avec ces données, ce qui interdit de tirer une conclusion définitive sur la base de cette étude.

comprendre les relations entre les différents biens considérés et l’assurance. En effet, les modèles traitant du risque financier ont permis de prouver que si les relations entre assurance et auto-assurance (équivalente à la prévention secondaire) étaient peu sujettes à interrogations, celles entre assurance et auto-protection (équivalente à la prévention primaire) l’étaient totalement. Les modèles présentés dans la sous-section suivante se sont penchés sur cette question, en cherchant à inclure les spécificités du risque médical dans les modèles de risque financier.

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