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PARTIE 1 : Les ruptures de parcours lors du retour au sein de la famille : une logique de réunification familiale

B. L’intervention des droits fondamentaux dans la défense d’une conception familiale de la protection de l’enfance

1. Une protection internationale prépondérante de la vie familiale

26 - L’obligation relative de respect de la vie familiale. La famille constitue un cadre faisant l’objet d’une protection importante, et ce dans les différents instruments internationaux existants. Les États doivent en tenir compte et réduire au maximum les atteintes à celle-ci. Les dispositions issues de la Convention Européenne des Droits de l’Homme tiennent le rôle de chef de fil en Europe avec notamment l’article 8 visant à protéger la vie privée et la vie familiale : « Toute personne a droit au respect de sa vie

privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ». Il y a donc une protection

tant de la vie familiale du mineur que de la vie familiale des parents. En revanche, il ne s’agit pas d’un droit absolu et une ingérence étatique dans l’exercice de ce droit reste

87 Op.cit., F. Capelier, « La réforme de la protection de l'enfance : une révolution discrète », RDSS 2016,

page 540.

88 Op.cit., A. Gouttenoire, Rapport « 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption

possible si elle est prévue par la loi, nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but recherché89. Ainsi, l’une des justifications à une intervention de

l’État dans la vie familiale d’autrui concerne notamment l’article 3 de la Convention qui interdit tout traitement inhumain ou dégradant et garantie ainsi au mineur le droit de ne pas subir d’atteinte à son intégrité physique ou psychique90. Par l’intervention de l’article

3 et de l’article 8, il est déduit une obligation positive pour les États de protéger l’enfant contre des atteintes à son intégrité physique ou psychique, légitimant ainsi les mesures de protection de droit commun91. Cependant, seul le danger auquel l’enfant peut être exposé

justifie cette atteinte. Dès lors que toutes les circonstances de danger ont disparues, c’est bien la vie privée et familiale qui prévaut. Ainsi en cas de placement d’un enfant, si les circonstances justifiant l’adoption de cette mesure ne sont plus présentes, la règle, pour être en conformité avec l’obligation négative incombant à l’État de ne pas porter atteinte à la vie privée et familiale, est un retour en famille.

27 - Des obligations positives pesant sur les États. L’État n’est pas seulement soumis à une obligation de non-ingérence. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a dégagé des obligations positives pesant sur les États pour assurer le respect de la vie familiale. Dans un arrêt du 13 juin 197992, la Cour affirme que l’article 8 « ne se contente

pourtant pas d’astreindre l’État à s’abstenir de pareilles ingérences: à cet engagement plutôt négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes à un “respect” effectif de la vie familiale ». Notamment, il est indiqué que « Le “respect” de la vie familiale ainsi entendue implique, pour l’État, l’obligation d’agir de manière à permettre le développement normal de ces rapports ». Ainsi, il pèse sur les États signataires de la

Convention Européenne des Droits de l’Homme une obligation de permettre aux individus de pouvoir mener une vie familiale effective93.

Par conséquent, il se déduit de l’article 8 que l’enfant a le droit à une famille et il a également le droit d’être maintenu dans cette famille94. Le développement de l’enfant doit

en priorité être assuré par ses parents et les liens familiaux doivent de ce fait être préservés. Ainsi, la Cour considère que l’État doit mettre en place des mesures, notamment de prévention, afin de pouvoir assurer une protection au sein de sa famille95.

Ce n’est qu’en cas d’impossibilité de préserver la sécurité de l’enfant dans sa famille que la mesure de placement est légitime.

28 - Intérêt de l’enfant et maintien des liens familiaux. L’intervention de la jurisprudence vient également accentuer l’importance familiale dans les droits fondamentaux. En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme considère qu’il est

89 L. Maufroid et F. Capelier, « Le placement du mineur en danger : le droit de vivre en famille et la

protection de l'enfance (première partie) », JDJ, Édition Jeunesse et Droit, n° 308, Août 2011, page 15.

90 Ibid., L. Maufroid et F. Capelier, page 13.

91 O. De Schutter, « L’intervention des autorités publiques dans les relations familiales et l’obligation de

prévenir les mauvais traitements: vie familiale et droit à la protection de l’enfant dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », Rev. trim. dr. fam., 1999, page 427.

92 Cour Européenne des Droits de l'Homme, « Marckx c/ Belgique », 13 juin 1979, n°6833/74, § 31. 93 C. Laurent, « Le placement d’enfant et le droit au respect de la vie familiale », JDJ, Édition Jeunesse et

Droit, n°233, Mars 2004, page 20.

94 Ibid., C. Laurent, page 21.

95 Op.cit., L. Maufroid et F. Capelier, « Le placement du mineur en danger : le droit de vivre en famille et

de l’intérêt de l’enfant et également de l’intérêt des parents que celui-ci puisse maintenir des liens avec sa famille, sauf lorsque celle-ci fait preuve d’indignité96.

29 - La Convention Internationale des Droits de l’Enfant. La famille dispose également d’une protection à travers les dispositions adoptées par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Dans son article 7-1, il est affirmé un droit pour l’enfant de vivre au sein de sa famille. De manière plus précise, l’article 9 dispose que

« Les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, […], que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ». Le principe est le même que celui mis

en avant dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme : la vie familiale ne doit pas subir d’atteinte sauf si celle-ci est justifiée par l’intérêt supérieur de l’enfant, et notamment dans le cas d’une situation de danger pour le mineur. De plus, le texte de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant va plus loin en exigeant un maintien des relations personnelles et un contact direct entre l’enfant et ses parents, en cas de séparation, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant97. Également, l’article

16 protège l’enfant contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée ou dans sa famille. Autrement dit, une protection existe contre les immixtions non justifiées par une situation de danger ou de risque pour le développement de l’enfant, donc une immixtion ne reposant pas sur l’intérêt de l’enfant.

L’article 18 reconnait quant à lui une protection prioritaire de l’enfant par sa famille, et plus particulièrement par ses parents. Cet article dispose notamment que « La

responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant ». Comme pour le droit interne, il existe une

protection prioritaire de l’enfant au sein de sa famille et il est de la responsabilité des parents, ou des représentants légaux de l’enfant, de s’assurer de cette protection. Bien évidemment, tout comme la Convention Européenne des Droits de l’Homme, il est tenu compte de l’hypothèse où l’enfant ne dispose pas d’un cadre sécurisant au sein de sa famille. Dans cette hypothèse, l’intervention de l’État est justifiée, et est parfois même obligatoire et nécessaire. Ainsi, l’article 19 et l’article 20 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant insistent sur la nécessité pour les États de protéger les enfants contre toutes les formes de violences dont ils pourraient faire l’objet au sein de la famille98. Dans ce cadre, l’État ne doit pas être dans une situation passive, mais agir afin

de pallier les carences protectrices du milieu familial.

Le principe est celui d’une protection de la vie familiale contre toute ingérence de l’État. Les parents sont les premiers protecteurs de l’enfant et une atteinte à ce principe et à la vie privée et familiale ne peut se justifier que par une carence des parents ou une mise en danger de l’enfant. Outre cet aspect général, cette préservation du cadre familial se rencontre également au sein même des mesures de protection de l’enfant qui sont donc tournées vers une préservation des liens avec la famille et un retour de l’enfant au sein de celle-ci.

96 Cour Européenne des Droits de l’Homme, Guide sur l’article 8 de la Convention européenne des droits

de l’homme - Droit au respect de la vie privée et familiale, Mise à jour au 31 août 2019, page 65 et 66, § 287.

97 Convention Internationale des Droits de l’Enfant, art. 9 2°.

98 Défenseur des droits, Décision relative à la situation d'une enfant de deux ans et demi décédée sous les coups de ses parents un mois après la levée d'une mesure de placement, 24 juillet 2018, n°2018-197, page

2. Une adaptation nécessaire des mesures de protection aux libertés

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