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Favoriser l’environnement familial : la mise en place de dispositifs de soutien aux compétences parentales

PARTIE 1 : Les ruptures de parcours lors du retour au sein de la famille : une logique de réunification familiale

B. Favoriser l’environnement familial : la mise en place de dispositifs de soutien aux compétences parentales

62 - Un soutien parental nécessaire. Un psychiatre disait en 1951 « Si une société

s’intéresse à ses enfants, elle doit prendre soin de leurs parents »205. Bien que cette affirmation puisse être atténuée par une plus grande prise en compte de l’enfant dans le cadre de sa protection plutôt qu’une prévalence de la famille, il n’en reste pas moins que si une société a la volonté de privilégier la place de l’enfant au sein de sa famille, il est nécessaire de pouvoir donner les outils aux parents pour assurer cette protection par eux- mêmes. Si les parents ne parviennent pas à assurer un cadre sécurisé pour l’enfant, la société doit intervenir pour permettre de combler les lacunes. L’objectif est de faire disparaitre les circonstances justifiant la mesure de placement. Or, un placement a rarement lieu pour un seul motif. Il s’agit généralement d’une pluralité de circonstances qui a entrainé la mise en place de cette mesure206. Il convient ainsi d’agir sur les

compétences parentales, sur les facultés financières des familles et sur le cadre de vie de l’enfant. Notamment, il est évoqué l’importance de la « levée des freins périphériques » (logements, finances)207.

63 - L’apport d’un technicien de l’intervention sociale et familiale. Les mesures prévues à titre préventif présentent des avantages indéniables et permettent assurément de rétablir un cadre sécurisant pour l’enfant. Il parait inenvisageable qu’aucun accompagnement ne puisse être offert au domicile de l’enfant, même en son absence. Ce serait livrer le parent à lui-même sans travailler ses compétences parentales et l’amélioration de son environnement. L’article L.222-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles définit l’aide à domicile pouvant être mise en place. Elle se compose de l’action d’un technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF) ou d'une aide- ménagère, mécanisme pertinent afin d’améliorer les compétences des parents sur la gestion de la vie quotidienne208. D’après les fiches d’information sur cette mesure,

transmises aux parents par le département de l’Isère209, cette intervention vise à aider à

l’organisation familiale, (entretien du foyer et éducation des enfants), apporter des conseils éducatifs, et aider à l’établissement de relations avec l’enfant et l’environnement. Si le travail avec l’enfant relèvera plutôt de la structure d’accueil, sauf en cas par exemple de droit d’hébergement, les interventions sur la gestion du ménage sont intéressantes pour rétablir un cadre propice au retour des enfants. L’intervention d’un TISF au sein du foyer familial pour accompagner le retour n’est pas automatique. Pourtant, cette intervention peut s’avérer bénéfique et parfois nécessaire pour assurer ce retour. Par exemple, ses missions pourraient être spécialement orientées vers une préparation du retour, et notamment intervenir dans le cadre de l’élargissement des droits de visite et d’hébergement, souvent utilisé à la fin d’un placement.

205 J. Bowlby, « Soins maternels et santé mentale », Contribution de l’Organisation Mondiale de la Santé

au programme des Nations-Unies pour la protection de l’enfant sans foyer, 1951.

206 Op.cit., I. Frechon et N. Robette, « Les trajectoires de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance de

jeunes ayant vécu un placement », Revue française des affaires sociales, La Documentation française, Janvier 2013, page 136.

207 Op.cit., Ministère des Solidarités et de la Santé, « Enfance protégée : Restitution de la Concertation

nationale - GT n°1 : Sécuriser les parcours en protection de l’enfance », 26 juin 2019, pages 11 à 12.

208 Op.cit., S. Bernigaud, Droit de la famille, Chapitre 241 : « Action sociale en faveur de l'enfance », Dalloz

Action, 2020-2021, 8ème édition, Édition Dalloz, Novembre 2019, § 241.103.

209 Département de l’Isère, Fiche d’information sur les actions des Techniciennes d’intervention sociale et

64 - Un cadre protecteur par un équilibre financier. Sur la question financière, outre le fait que des aides financières peuvent être demandées et octroyées par le département, tel que prévu à l’article L.222-3 du Code de l’action sociale et des familles, un autre point est essentiel : il s’agit des allocations familiales. L’une des possibilités pour aider la famille afin d’aboutir à un retour au sein de la cellule familiale consiste tout d’abord, notamment en cas de protection judiciaire, à maintenir auprès de la famille les différentes allocations familiales dont celle-ci pourrait bénéficier, même si les parents ne disposent plus de la charge exclusive et permanente de l’enfant pendant le placement210.

C’est le juge des enfants qui est compétent pour statuer sur cette question. En revanche, le maintien pèserait plus en direction des départements. Mais, priver les parents de cette source de revenus pourrait constituer un obstacle au retour et aggraver les difficultés financières des parents, qui ont pu constituer un facteur du placement211. C’est en ce sens

que l’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire afin de constituer un pécule pour le mineur avait suscité des critiques212 puisqu’elle impliquait de retirer possiblement cette

aide aux parents, alors même que ceux-ci pouvaient l’utiliser afin de participer à la vie de l’enfant.

Outre le fait d’assurer des ressources pécuniaires pour les parents, il est également possible d’envisager le maintien des aides à leur gestion. Deux mesures sont possibles, l’une administrative, l’autre judiciaire. La première mesure est mise en place par accord avec les parents, il s’agit de l’Accompagnement en Économie Sociale et Familiale (AESF). Cet accompagnement est proposé aux familles faisant l’objet de difficultés dans la gestion de leur budget familial213. En d’autres termes, les ressources financières de la

famille ne sont pas utilisées en priorité pour répondre aux besoins de l’enfant. Cette aide est mise en place soit sur demande des parents, soit sur proposition du département, acceptée par les parents214. Le but de cette mesure est de permettre un retour à l’autonomie

financière des parents. Cette aide trouve son équivalent en matière judiciaire : La mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF). Elle est prévue à l’article 375-9-1 du Code civil. Cet aide est subsidiaire215 puisque deux conditions sont

nécessaires. Tout d’abord, il faut que « les prestations familiales ou le revenu de

solidarité active […] ne sont pas employés pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants ». D’autre part, il est nécessaire que l’intervention

administrative équivalente ait échoué ou soit impossible à mettre en œuvre en cas de refus des parents216. Le principe reste le même que pour l’AESF : il s’agit d’une aide à la

210 Op.cit., Commission nationale consultative des droits de l’homme, Avis sur le droit au respect de la vie

privée et familiale et les placements d’enfants en France, Assemblée plénière du 27 juin 2013, page 10, § 26.

211 Op.cit., F. Capelier, « Le versement des allocations familiales aux parents des enfants confiés à l'ASE :

stigmatisation ou justice sociale ? », JDJ, Édition Jeunesse et Droit, n° 324, Avril 2013, page 5 et D. Bertinotti, Ministre déléguée à la famille (2012-2014), Séance du 27 mars 2013, Compte rendu intégral des débats tenus au Sénat, Proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation

de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge.

212 Sénat, question écrite n° 23292 de R. Mazuir, Sénateur de l’Ain, « Gestion de l’allocation de rentrée

scolaire des enfants placés », publiée dans le Journal Officiel Sénat du 29 septembre 2016, page 4144.

213 Op.cit., J-M. Lhuillier, , Aide sociale à l’enfance, Les indispensables, 10ème édition, Édition Berger

Levrault, Juin 2016, page 76, § 82.

214 Groupe d’appui, Conseil national des associations de protection de l’enfant, « Accompagnement en

économie sociale et familiale et Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial - Deux interventions à domicile pour la protection de l’enfance », Avril 2016, page 4.

215 Ibid., Groupe d’appui, Conseil national des associations de protection de l’enfant, page 3.

216 Op.cit., J-M. Lhuillier, , Aide sociale à l’enfance, Les indispensables, 10ème édition, Édition Berger

gestion du budget familial afin que les ressources de la famille soient utilisées en priorité pour les questions de logement et pour répondre aux besoins des enfants. Cette mesure est souvent employée par les juges pour favoriser le retour de l’enfant au domicile mais également, dans le cadre d’un travail a priori, lors du placement, afin de garantir de meilleures conditions d’accueil, éviter une dégradation de la situation et pour favoriser les conditions de retour de l’enfant217.

65 - L’existence d’une intervention extérieure. En dehors de ces mécanismes propres à la protection de l’enfance, les dispositifs de droit commun peuvent également trouver à s’appliquer : aides au logement, Revenu de solidarité active etc. Or, de ce fait, les aides apportées aux parents ne prennent pas place au sein de la mesure de protection mais par des intervenants extérieurs. Pour certains, la précarité de la situation familiale imposant une intervention de la protection de l’enfance participe à l’affirmation d’une insuffisance des dispositifs de droit commun218.

66 - Une carence territoriale dans les supports parentaux. Ces accompagnements ne sont pas expressément prévus dans le cadre d’un retour ou d’un accompagnement parental pendant la mesure de placement. Ainsi, leur mise en place relève d’une appréciation, soit du département (et de l’acceptation des parents) soit du juge. Il conviendrait peut-être de partir d’un principe de besoin de ces dispositifs par la famille et dans le cas contraire, motiver spécialement le choix de non-accompagnement. Cependant, la difficulté d’imposer un cadre strict est de ne pas pouvoir tenir compte des spécificités de chacun. En revanche, il est certain que l’accompagnement choisi reste tributaire de l’offre des dispositifs prévus par les départements219. En effet, l’inégalité territoriale reste

présente sur les mécanismes disponibles dans le sens où certains départements n’ont pas la possibilité de mettre en place des mesures TISF ou encore ne disposent pas de l’AESF. Il conviendrait ainsi de prévoir une meilleure prise en compte des aides parentales, nécessaires pour garantir tout d’abord une solution de retour de l’enfant, et permettre que ce retour soit définitif.

Dans le rapport portant sur l’Aide sociale à l’enfance220, une volonté émerge que

l’assistance éducative, tout en laissant une place primordiale à la famille, devrait également englober l’ensemble des mécanismes de soutien à la parentalité. En d’autres termes, la volonté serait d’inclure ce volet dans les mesures de protection. L’idée est même avancée de faire, en parallèle d’un projet pour l’enfant, « un projet personnalisé

pour les parents ». Cette volonté d’accorder une place aux parents dans le cadre de la

protection de l’enfance est également dégagée au sein de la Stratégie Nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022221 qui souhaite travailler les

compétences parentales. Mais il est seulement évoqué à ce titre le développement des centres parentaux, relatif à la prise en charge des bébés nés ou à naitre.

217 Op.cit., Groupe d’appui, Conseil national des associations de protection de l’enfant, « Accompagnement

en économie sociale et familiale et Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial - Deux interventions à domicile pour la protection de l’enfance », Avril 2016, page 7.

218 G. Gueydan et N. Severac, Rapport : « Démarche de consensus relative aux interventions de protection

de l’enfance à domicile », n°2019-036R, Décembre 2019, page 48.

219 Ibid., G. Gueydan et N. Severac, page 7

220 Op.cit., A. Ramadier et P. Goulet, Rapport d’information sur l’aide sociale à l’enfance déposé en

application de l’article 145 du Règlement, 3 juillet 2019, n°2110, page 143.

221 Ministère des solidarités et de la santé, Communiqué de presse, « Pacte pour l’enfance - Stratégie

Le travail sur le lien familial et la sécurisation des conditions de vie permettront ensuite d’aboutir à une évaluation de l’opportunité d’un retour, orientant la mesure administrative et l’appréciation du juge sur l’opportunité ou non d’une restitution familiale. Ainsi, deux étapes sont nécessaires en amont d’un retour de l’enfant au sein du foyer familial : tout d’abord un accompagnement de l’enfant et de sa famille pendant la mesure de placement, c’est-à-dire une étape de soutien et enfin l’évaluation de la situation, construite comme une étape de repérage222.

Une fois que ces mécanismes d’anticipation ont été réalisés, et que l’évaluation conclut à ce que les conditions de sécurité et de développement pour l’enfant sont garanties dans le cadre familial, dans ce cas-là, tous les obstacles sont levés pour décider d’un retour de l’enfant au domicile familial, par le département/les parents ou par une mainlevée de la mesure de placement. Un projet de retour de l’enfant pourra être mis en place. Il est nécessaire d’assurer un accompagnement de cette restitution, afin d’une part de garantir un soutien aux parents et enfants, dans une situation qui peut s’avérer difficile à la suite d’un placement, mais également une surveillance afin de veiller à l’absence de survenance d’une situation de danger. Ce n’est qu’en garantissant un suivi qu’un retour peut être réussi, et donc définitif, pour ainsi favoriser une continuité du parcours de l’enfant.

Paragraphe 2 : L’absence d’une garantie de réussite du retour par des mesures de suivi non adaptées

Lorsqu’il est regardé concrètement les dispositions légales prévues à une fin de mesure de placement, la première chose remarquée est la faiblesse des dispositifs spécialement prévus. Strictement, deux articles évoquent expressément le retour de l’enfant au sein de sa famille. Par ce relatif silence de la loi, la majorité des mécanismes mis en place relève d’une adaptation des dispositifs existants par le juge des enfants et par le département qui doivent faire preuve d’inventivité afin d’adapter l’accompagnement à ces types d’hypothèses.

Tout d’abord, il sera étudié l’intervention légale se limitant à la fixation d’un cadre général au retour (A) incitant à une adaptation au retour des mécanismes existants par les professionnels de la protection de l’enfance (B).

A. Une intervention légale se limitant à la fixation d’un cadre général au retour

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