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Une attitude messianique

Conclusion partielle

Section 2 Une attitude messianique

Leslie Derfler383, dans son ouvrage consacré à la vie de Lafargue, donne une analyse et un exemple parfait de ce que l’on peut considérer comme une attitude messianique chez le gendre de Marx. Nous pouvons expliquer ce concept de la manière suivante : Paul Lafargue, croit perpétuellement percevoir au travers des événements les prémisses de la future révolution. Il analyse tout signe extérieur comme autant de preuves que l’opinion publique, est psychologiquement prête à changer de régime politique.

L’exemple retenu par le professeur américain résulte des conséquences d’un meeting tenu au Château d’eau par Guesde, Susini, Louise Michel et Lafargue, suite à la grève de Decazeville, le 3 juin 1886. Accusés par les pouvoirs publics d’incitation au pillage384, la Cour d’assises les condamne à 100 francs d’amende et de 4 à 6 mois de prison le 12 août. Ils font appel et l’affaire est rejugée le 24 septembre. Ils sont finalement acquittés par 7 voix pour, 3 contre et 2 bulletins blancs.

Fort de ce résultat, Lafargue se persuade que le verdict n’est pas innocent, comme en témoigne cette phrase :

- « Notre acquittement a été un immense succès ; c’est la première fois que les bourgeois acquittent des socialistes, parce que socialistes : c’est un grand pas385. »

Citons maintenant le professeur Derfler, dont l’interprétation reprend les grandes lignes des différents avis développés par Engels dans ses réponses à Lafargue (traduit par nos soins386) :

- « Lafargue avait une fois de plus surestimé la signification d’un verdict, qui en définitive, était relativement isolé. Les socialistes à cette époque, certains de tendance marxiste, vivaient dans l’anticipation d’événements contribuant à déchaîner la révolution, qu’ils voyaient partout. Leur messianisme, après cet acquittement inespéré, les encouragea à penser que certains membres des classes moyennes, se ralliaient à leur cause. Pour Lafargue, le premier jugement par lequel on acquittait des socialistes parce que socialistes, prouvait que : « la bourgeoisie était prête à recevoir une partie de leurs théories387 ». »

Cette attitude non justifiable pour un marxiste, nous parait cependant fort logique : Lafargue (et Guesde à l’identique) comprennent les théories développées par Marx, avec l’entendement d’un français, marqué par les expériences politiques passées. Lafargue envisage la politique de son pays de la façon suivante :

383 Op. cit., Tome 2, p. 52.

384 Cette accusation « d’incitation au pillage » était un moyen classique pour la police d’arrêter les militants socialistes. Comme ces derniers remettaient forcement en cause dans leurs discours la notion de propriété privée, les pouvoirs publics considéraient que s’était d’une incitation au pillage…

385 Correspondance Engels / Lafargue, op. cit., lettre 200, le 30/09/1886, p. 389, Tome 1.

386 « Lafargue once more overstated the significance of a victory that in retrospect was limited and relatively isolated. Still, at the time socialists, certainly of the Marxist variety, lived in anticipation of an event that would unleash the revolution whose signs they saw everywhere. Their messisianism, after the unexpected acquittal, led them to believe that some in the middle class were rallying to the socialism. For Paul, -the first by which propertied elements acquitted socialists because they were socialists- revealed that “the bourgeoisie is ready for some part of our theories. » (T. II, p. 52)

387 voir aussi correspondance Engels/Lafargue, lettres 199, 200 et 201 pp. 386 à 390, Tome 2)

« Le jeu de bascule du parlementarisme ne s’étant pas absolument intronisé en France comme en Angleterre, où après un ministère tory, il faut un ministère libéral et vice versa, on remplace le système par le changement de gouvernement : sous Napoléon III on avait assez du gouvernement personnel ; sous la république où le gouvernement est anonyme, on réclame le gouvernement personnel dans la personne de Boulanger388 ».

Le communisme qu’avaient défini Marx et Engels présente dès lors, un aspect quelque peu pénible pour un « porte-parole de la réalité ». Les deux maîtres ont accepté et intégré le fait, avec le recul philosophique de leur conception, qu’ils ne verraient jamais le « grand jour » de la révolution. Un laps de temps très long et indéfinissable s’écoulera avant que l’opinion publique, suffisamment préparée, ne puisse franchir le pas vers la société communiste.

Lafargue est en revanche convaincu de son rôle essentiel à l’éveil de cette conscience ouvrière de groupe et l’idée de ne pas voir la révolution se produire sous ses yeux (et grâce à son action) lui est intolérable. Son activisme quotidien lui donne, en effet l’espoir de la concrétisation de résultats rapides. D’où sa tentation, au bout de quelques années de propagande, de voir dans toutes les manifestations populaires, le souffle révolutionnaire d’un

« grand soir ».

Suivant cette logique personnelle et l’observation des phénomènes sociaux, il attribue à tous les faits de la vie politique une signification révolutionnaire. Il travestit ainsi des faits historiques ou politiques, en indices révolutionnaires.

Sa réflexion est donc souvent perturbée par cette forme de messianisme, qui l’empêche de donner une interprétation rigoureuse des événements. Engels lui en fait régulièrement le reproche. Cette conception de la vie politique représente un sérieux danger, car elle constitue une interprétation fort libre des principes marxistes. Le risque principal est une dérive vers une conception plus classique de la politique française, la politique de l’impatience, celle des actions armées… Sous couvert de l’application des théories du socialisme scientifique, Lafargue va ainsi développer sa conception politique en lieu et place de celle qu’il représente.

Pour éclairer notre propos, nous pouvons évoquer l’attitude de Lafargue durant « l’affaire Boulanger ». Cet exemple présente de nombreux intérêts pour le chercheur. Elle s’étend sur une période significative d’environ trois ans. Elle constitue un phénomène politique « de crise » qui permet d’observer les réactions de « survie » de tout l’appareil politique et de ses membres.

Nous pensons disposer aujourd’hui d’éléments et de preuves suffisantes pour analyser les réactions de Lafargue de manière plus impartiale.

Nous envisagerons dans notre raisonnement deux paragraphes successifs. Ces subdivisions nous permettrons d’abord de revenir sur le contexte historique de cette fameuse

« affaire Boulanger389 » (paragraphe 1). Nous pourrons ainsi rapprocher l’attitude du gendre

388 Correspondance Engels/Lafargue, Tome 2, op. cit., lettre 256 du 21/03/1888, p. 117.

389 Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, on pourra utilement se reporter aux ouvrages de : Jean Garrigues, Le général Boulanger, Olivier Orban, Paris, 1991, 378 pages ; René Rémond, Les droites en France, Aubier, Paris, 1982 ; Adrien Dansette, Le boulangisme, 1886-1890, Perrin, Paris, 1938 ; ou pour une approche plus littéraire, Barrès Maurice, L’appel aux soldats, Collection Bouquin, Aylesbbury (Angleterre), 1994, 1510 pages.

de Marx aux faits. Ensuite, nous nous efforcerons de tirer les conséquences de l’attitude de Lafargue en tentant de la comprendre (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Un exemple historique : l’affaire Boulanger.

Avant de prendre connaissance de l’attitude politique suivie par Lafargue durant cette période (B-), nous reviendrons sur le contenu de cette « affaire Boulanger » par un bref rappel historique des événements (A-).

A- Rappel des faits.

Nous ne reviendrons pas en détails sur cette période de l’histoire politique Française, parfait exemple de l’importance du mythe des hommes providentiels dans ce pays.

Suite à différents scandales ayant éclaboussé la classe politique hexagonale (Panama, les décorations…), l’opinion publique est lassée des malversations de la classe politique. Ce mécontentement rejaillit sur le système politique du gouvernement : la République. Le peuple semble chercher un sauveur, un homme puissant, capable de faire table rase de ce système générateur d’abus, et de construire un pouvoir fort.

Un Général faisant bonne figure, ayant belle prestance, un magnifique cheval noir et se présentant comme le défenseur du peuple (ayant tout de même sur la conscience la répression de la Commune de 1871…), va faire chavirer l’opinion publique.

Durant trois années, de 1886 à 1889, le Général se présente comme le symbole de l’opposition gouvernementale. Prétexte à un regain de nationalisme et à une opposition républicaine systématique, il cristallise, par son image, la foule des mécontents. Cet homme, fier de cette image de sauveur, mais incapable de la gérer, devient la victime de différentes tendances politiques.

Chaque parti cherche à capter son image à son profit. La popularité immense de Boulanger fait craindre au personnel politique la survenance d’un coup d’état. Ainsi, durant les trois ans que dure « l’affaire », le pays est dans un état de crise journalier.

Avec le recul des années, il est facile de constater que le Général n’est pas un homme porteur de projets. Comme Narcisse, il se complait dans sa propre image, celle que lui renvoie l’opinion publique. Boulanger cristallise, par son image de probité et de droiture, tous les mécontents et les déçus de la République. Il va devenir, au fil des événements, une victime,

Le Général Boulanger

ou un bien piètre acteur… Ce qui étonne encore l’analyste actuel, c’est l’importance populaire que constitue ce mouvement.

Illustration de l’affaire Boulanger publiée dans la presse

Après ce bref rappel des faits, nous allons maintenant étudier l’attitude suivie par Lafargue, face aux événements.

B- Lafargue face aux événements

Durant cette période, Lafargue apparaît en marge de la classe socialiste Française. La question consiste à savoir où il se situe réellement. Le savait-il lui même ?

Ces trois années représentent dans sa vie une phase de choc idéologique : introspection pour une lutte interne entre son idéologie à tendance révolutionnaire et une stricte orthodoxie marxiste. A l’image de la France, Lafargue est en crise.

Dans « l’affaire Boulanger », Lafargue se situe, dès le départ, dans une optique en marge de la « famille » socialiste. Sa femme le rappelle à Engels, dans un courrier de la fin décembre 1888390 : « Les lettres de Paul vous expriment ses conceptions politiques, et non, dans le cas du mouvement boulangiste, celles des collectivistes pris en général ».

Le professeur Derfler explique dans son ouvrage391 que Lafargue est incapable durant toute cette période de fournir une analyse marxiste de la situation.

Ces faits peuvent s’expliquer par une raison simple, sa fascination pour la dimension populaire considérable prise par les événements. Il ne peut, et cela malgré les nombreuses et vives injonctions de Engels à ce sujet, condamner le boulangisme en bloc. A plusieurs reprises, il pense prendre une attitude marxiste en donnant à cet événement une dimension capitaliste, sur laquelle les socialistes ne doivent pas se prononcer. Cependant, à chaque fois, il reste un « mais ». Ce « mais », c’est le secret espoir poursuivi par Lafargue de récupérer ce mouvement populaire. Car, en évinçant Boulanger, le soulèvement populaire reste et la révolution devient possible. Ce climat de révolution permanent, il ne peut et ne veut le considérer que comme « leur » futur soulèvement. Surestimant la capacité de récupération de l’opinion par les socialistes, sous estimant la volonté populaire, il se laisse bercer par quelques doux rêves.

Paragraphe 2 - L’aveuglement révolutionnaire d’un révolutionnaire…

Dans un premier temps, nous allons étudier comment Lafargue tente de justifier son point de vue auprès de Engels (A-) et cherche à établir un lien entre les événements et la popularité de Boulanger. Selon lui, cette popularité constitue le signe d’une volonté populaire de révolution. En quelque sorte, le peuple serait révolutionnaire sans en avoir conscience. Dans un second temps, nous interpréterons l’attitude de Lafargue pour tenter de la comprendre (B-).

A- Un climat révolutionnaire propice, selon Lafargue.

Nous allons étudier le point de vue de Lafargue, au travers de sa correspondance avec Engels392.

Le 11 juillet 1887, Lafargue décrit l’effervescence parisienne à Engels et dégage cette conclusion des événements :

390 Correspondance Engels / Lafargue, Tome 2, op. cit., lettre n° 292 du 27/12/1888, p. 192.

391 Op. cit., Tome 2, p. 63.

392 Op. cit., Tome 2.

« Ceci prouve que l’on pourra faire ce que l’on voudra avec la population parisienne, si on sait la monter ».

Dans une autre lettre (du 8/04/1888), Lafargue laisse transparaître ses arrière-pensées :

« Nos amis ont beaucoup peur du général, je crois au contraire qu’il pourra être très utile et qu’il n’aura pas le temps de devenir dangereux ».

Lafargue semble persuadé que Boulanger « est un peu charlatan », et que « c’est un homme à panache et un jouisseur » et qu’il n’a pas « l’étoffe d’un conspirateur, ni d’un homme à coups de main ». Boulanger semble être, dans l’esprit du gendre de Marx, une sorte de victime idéale qui au moment venu sera facilement « escamotable ».

Il n’arrive à voir dans le personnage de Boulanger que l’image du soulèvement populaire, comme nous le prouve cette lettre du 24 avril 1888393 :

« Avez-vous vu folie pareille à cet enthousiasme pour Boulanger ? Garibaldi n’a jamais fait perdre plus complètement la tête aux populations. […] Boulanger est l’homme du peuple394 par opposition à Ferry, à Clémenceau et aux parlementaires. Ce qui lui a gagné les cœurs, ce sont les réformes qu’il a faites dans l’armée en faveur du soldat […]. Sa popularité a commencé dans l’armée parmi les soldats ; les officiers supérieurs lui étaient au contraire très opposés : ce sont les soldats qui rentrant dans leurs foyers ou qui écrivant à leur famille ont semé par toute le France les germes de cette étonnante popularité, que les persécutions idiotes ont développée d’une façon si rapide. Je ne crois pas que Boulanger sache tirer parti de sa popularité ; il ne songe qu’à jouir et à se pavaner […]. Dans tous les journaux on compare la situation avec celle du 18 brumaire et du 2 décembre ; je crois que l’on fait grandement erreur ; ce qui fait l’originalité de la situation de Boulanger, c’est qu’il a contre lui la bourgeoisie riche et satisfaite et tous ses chefs politiques, à quelques rares exceptions près, et qu’il ne puise sa force que dans les masses populaires misérables et confusément désillusionnées par la République. Et avec le peuple il n’a pas les éléments d’un coup d’état mais d’une révolution. »

Lafargue veut voir dans Boulanger le symbole de la lutte des classes : le peuple s’opposant à la république bourgeoise. Le ferment populaire est certes incontestable, mais Lafargue se fourvoie en croyant qu’il s’agit d’une aspiration socialiste. Le boulangisme est avant tout un phénomène politique réactionnaire, utilisant le nationalisme des masses pour se développer (chose facile avec l’Alsace et la Lorraine annexées) et manipulé par des partis de l’extrême droite. Se refusant à voir l’inéluctable, Lafargue reste persuadé que les masses aveuglées passagèrement, finiront par prendre conscience d’une sorte de sens caché de l’événement.

En quelque sorte, les faits dépassent l’entendement des masses. En les guidant le moment venu, il sera facile de transformer la révolte en révolution socialiste.

Lafargue ne se prononce donc pas contre Boulanger, puisque celui-ci est perçu comme la pierre angulaire qui permettra l’effondrement de la structure capitaliste. Lafargue pense avec perspicacité, que Boulanger est un idiot inoffensif. Mais il joue, sans se rendre compte, un jeu dangereux : un risque de coup d’État vers une dictature d’extrême-droite.

La lettre du 27 mai 1888395 est explicite sur ce point :

393 Ibid., lettre 259, p. 123.

394 Mis en caractères gras par nos soins, ainsi que pour les autres passages.

395 Op. cit., p. 136, lettre 265.

« J’ai pu constater que les socialistes étaient revenus de la peur qu’ils avaient du général, peur qui les aurait jetés un moment dans le mouvement anti-boulangiste : aujourd’hui la situation est envisagée avec plus de calme ; ils commencent à comprendre que les circonstances n’existent pas pour que Boulanger joue aux coups d’État décembristes ; et ils entrevoient toute l’importance du mouvement boulangiste, qui est un véritable mouvement populaire pouvant revêtir une forme socialiste si on le laisse se développer librement. […] Les élections (municipales du 6 mai) ont été un triomphe pour le parti socialiste ; et dès aujourd’hui l’on peut prévoir que dans la prochaine Chambre il y aura une minorité socialiste importante : cette minorité, si elle comprend des hommes comme Vaillant, Guesde, Dormoy, etc. non seulement créera le parti socialiste en France, qui n’existe qu’à l’état chaotique, mais démasquera et ruinera les boulangistes ; […]. La situation se dessine bien ; il ne nous faut que la paix, pour permettre aux partis bourgeois de se désagréger et aux socialistes de conquérir le pays. Jamais je n’ai eu autant de confiance dans le mouvement ; […] ».

Dans cette lettre, Lafargue expose clairement sa pensée à Engels. Ce fait est des plus surprenants car Friedrich ne « mâche pas ses mots » pour condamner l’attitude de son cadet Français.

Il renchérit dans cette optique deux jours plus tard (lettre 267, du 5/06/1888, p. 142) :

« Sa popularité parmi les soldats serait un danger, si l’armée Française était habituée aux pronunciamientos et si surtout Boulanger était un conspirateur ; c’est un vulgaire jouisseur.

Un bellâtre, pommadé, qui fait de l’œil aux dames, et se contente d’être admiré pour sa barbe et sa tenue irréprochable : il n’a plus même le pouvoir de satisfaire ses admiratrices […].

Boulanger n’est plus qu’un personnage décoratif ».

D’autres exemples viennent encore prouver ce qui intéresse Lafargue dans Boulanger : - lettre du 15/10/1888 (lettre 282, p. 174) : « Ce n’est pas nous, mais les radicaux qui ont créé Boulanger ; nous ne pouvons le défaire, car plus on l’attaque plus on le grandit ; nous pouvons nous servir de lui ; […] ».

- lettre du 3/01/1889 (lettre 295, p. 202) : « Boulanger peut être une canaille et il l’est ; mais le mouvement boulangiste est l’expression du malaise et du mécontentement général.

Pour un grand nombre d’ouvriers et de petits bourgeois, Boulanger est la révolution ; le fait est indéniable. Il n’y a pas à vouloir détruire ce sentiment par des injures comme le font les vendus du possibilisme. Il faut employer d’autres armes ».

B- Interprétation des faits.

A de multiples reprises, Engels tente de « réveiller » Lafargue (cf. Correspondances de ces trois années). Rien n’y fait, Lafargue s’entête dans ses chimères. Il se trouve isolé au sein du P.O.F., même si l’attitude des autres membres ne fait pas non plus preuve d’une grande perspicacité marxiste396.

Le boulangisme ne fait que révéler, chez Lafargue, une attitude déjà révélée dans d’autres cas. A sa décharge, nous pourrions citer quelques articles de presse, dans lesquels il se montre plus raisonnable (Le socialiste, 23/07/1887 ; L’intransigeant du 1/05/1888…), mais ils ne

396 La plupart des leaders du P.O.F., même s’ils s’opposèrent au mouvement boulangiste, ne produirent pas une analyse concrètement marxiste.

reflètent pas une ligne de pensée solide. L’attitude de Lafargue durant le boulangisme est en fait celle d’un homme aveuglé une fois de plus par ce qu’il souhaiterait voir arriver.

Certes on l’a vu, Lafargue, n’éprouve aucune sympathie pour Boulanger, qu’il considère comme stupide et ne voit en lui qu’un simple fétu de paille, emporté par le flux de l’opinion publique. L’analyse en ce sens est pertinente. Mais il commence à s’égarer en percevant une dimension socialiste sous-jacente à ce mouvement et se perd complètement en pensant pouvoir profiter de l’imbécillité stigmatisée du général pour parvenir à la révolution sociale.

Cet événement ne portait évidemment en lui aucun aspect de lutte des classes. La population reconnaissait en Boulanger un militaire. En ce sens, il était garant d’un retour à l’ordre dans les affaires de l’État. Mais il représentait aussi les velléités revanchardes d’une grande frange de la population Française, suite à la guerre de 1870. Il est alors facile de constatait qu’aucun sentiment socialiste n’abreuvait les masses. En effet, le phénomène ne s’alimente que de la haine du pouvoir politique et de ses scandaleuses malversations non réprimées, d’un chauvinisme exacerbé par quelques habiles manipulateurs (comme Barrès ou Déroulède) et d’un manque de confiance dans les ressources démocratiques de la République.

Rajoutons à cela les atermoiements du personnel politique en place et de leurs partis, et nous avons un aperçu assez juste de « l’affaire Boulanger ».

Rajoutons à cela les atermoiements du personnel politique en place et de leurs partis, et nous avons un aperçu assez juste de « l’affaire Boulanger ».