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Le darwinisme et le marxisme

Première partie - Paul Lafargue : représentant en parole divine…

Paragraphe 1 Le darwinisme et le marxisme

Nous mettrons ensuite en évidence la mystification des bourgeois qui, sous couvert de patriotisme, trompent la population (Paragraphe 2).

Pour terminer, nous verrons comment Lafargue tente de recomposer la véritable morale bourgeoise (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 - Le darwinisme et le marxisme.

Comme nous l’avons vu précédemment266, l’apport de la théorie de l’évolution permet une avancée considérable des connaissances scientifiques et les socialistes l’utilisent pour combattre la Religion. La théorie de l’évolution ne constitue qu’une part du darwinisme et il convient de garder ce fait à l’esprit. Par conséquent, pour appréhender ce pan des travaux du célèbre naturaliste anglais et d’en comprendre les enjeux politiques, il nous semble opportun de revenir brièvement sur les origines du darwinisme.

265 Paul Lafargue, La religion du capital, op. cit. , p. 114.

266 Cf. infra p. 88- La religion démasquée par la science.

A- Rappel sur l’histoire scientifique de l’évolutionnisme.

Dès 1809, Lamarck267 développe la théorie de la descendance et en conclut les éléments suivants :

- « Les espèces nous paraissent fixes, que parce que nous les considérons pendant un temps très court : pendant la durée de notre existence. En réalité, elles changent constamment sous l’influence du milieu, du genre de vie, du climat, du milieu vivant constitué par les espèces voisines, etc.268».

Ainsi grâce à Lamarck, l’idée selon laquelle les espèces descendent les unes des autres par voie de transmission héréditaire voit le jour. Mais à ce stade, il ne s’agit que de pures spéculations.

Yves Delage dans son ouvrage sur l’histoire des théories de l’évolution, analyse la réaction dans le monde scientifique des écrits de Lamarck :

- « Ces spéculations, contraires à l’esprit des sciences naturelles, ne pouvaient inspirer aucune confiance ; aussi les idées transformistes, […] furent délaissées par le public scientifique. Il y eut même une réaction contre toutes les idées générales, et la période suivante, qui dura presque trente ans (depuis 1830, année des débats célèbres269 entre Cuvier et Geoffroy de Saint-Hilaire, jusqu’à l’apparition du livre de Darwin), fut empreinte d’un esprit terre à terre, exempt de toute recherche philosophique270 ».

267 Né en 1744, Lamarck publia d’abord des travaux sur les différentes branches de la zoologie et de la botanique. C’est lui qui introduisit le premier la distinction des animaux en vertébrés et en invertébrés. Ce sont surtout les animaux inférieurs qu’il étudia, dans son enseignement au Muséum d’Histoire naturelle et dans son grand travail sur Les animaux sans vertèbres. Mais son œuvre capitale, qui est en même temps la première profession de foi du transformisme, c’est la Philosophie Zoologique parue en 1809. Lamarck montre là tout ce qu’il y a de relatif et d’artificiel dans la notion absolue de l’espèce, conception contraire à ce qui s’observe réellement dans la nature. Voir Yves Delage et Marie Goldsmith, Les théories de l’évolution, Éditeur Ernest Flammarion, Paris, 1911, 372 pages, p. 14.

268 Extrait de La Philosophie Biologique, p. 237-238, cité dans Les théories de l’évolution, op. cit., p. 15.

269 Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire était un disciple de Lamarck. Il soutint en 1830 un débat contre Cuvier, au sein de l’Académie des sciences. Controverse célèbre qui dura presque six mois et fut un débat entre l’idée transformiste et celle de la fixité de l’espèce. L’issue de cette discussion retentissante ne fut cependant pas favorable aux nouvelles idées : aux yeux de la majorité, la victoire resta à Cuvier qui écrasa son adversaire sous le poids de faits à l’interprétation desquels son autorité donnait la valeur d’arguments incontestables. Voir Yves Delage, op. cit., p. 16.

270 Ibid., p. 18.

En 1859, Darwin révolutionne les connaissances scientifiques et impose de façon durable sa vision avec son ouvrage sur l’Origine des espèces. Cet ouvrage remarquable est le fruit d’une lente maturation (Darwin met presque trente ans pour publier son ouvrage), d’observations précises et diversifiées, sur l’ensemble du règne animal.

Selon Yves Delage, les idées fondamentales de sa théorie lui sont venues très rapidement, en raison d’un voyage effectué en Amérique du Sud, en 1831 (et qui va se prolonger autour du monde durant cinq ans). Darwin, homme prudent, entoure ses conclusions de preuves minutieuses. Il va même jusqu’à anticiper les objections pouvant lui être formulées.

« Ce que l’on a appelé le « darwinisme » est une doctrine complexe dans laquelle il faut distinguer deux parties à peu près indépendantes : l’idée fondamentale, l’idée transformiste en général -la même que celle formulée autrefois par Lamarck- et l’idée qui fait l’originalité de Darwin et qui a trait au procédé à l’aide duquel s’accomplissent les transformations des êtres271 ».

Couverture de l’édition originale

L’articulation globale de sa théorie, trouve sa source par hasard :

- « Le Traité de la population de Malthus, tombé accidentellement entre ses mains, lui suggéra l’idée d’une sélection analogue dans tout le monde animal et végétal. La population augmente en proportion géométrique, disait Malthus, tandis que la quantité des moyens de subsistance n’augmente qu’en proportion arithmétique ; de là une compétition qui doit entraîner la disparition de certains individus moins bien doués que les autres. Il doit en être de même dans la nature, pensa Darwin ; il naît à chaque moment beaucoup plus d’êtres qu’il n’en peut

271 Ibid., p. 22.

Charles Darwin

survivre, et ceux qui survivent sont les mieux adaptés aux nécessités de leur existence. C’est là la clef tant cherchée du fait étonnant de l’adaptation générale des êtres à leur milieu272 ».

Jusqu’alors, Darwin a volontairement laissé de côté la question de l’homme au sein de sa théorie. La filiation directe avec les conclusions de Malthus déclenche la verve d’autres savants. Huxley en Angleterre et Haeckel en Allemagne appliquent directement la théorie développée dans l’Origine des espèces, au cas humain. Ainsi le darwinisme social prend naissance.

Il faut attendre 1871 pour que Darwin applique ses théories aux humains dans l’Origine de l’homme et la sélection sexuelle.

Charles Darwin s’abrite alors derrière les faits scientifiques qu’il a observés. En aucun cas, il ne prend part à une quelconque polémique de nature politique. Il critique même les conclusions hâtives et les inepties de ceux qui se réclament de lui273.

Selon certains scientifiques (Virchow en particulier), le darwinisme conduit directement au socialisme. Au congrès scientifique de Munich de septembre 1877, Haeckel et Schmidt défendent la théorie darwinienne contre toute extension socialiste :

- « Tout homme politique intelligent et éclairé devrait préconiser la théorie de la descendance et la doctrine générale de l’évolution comme le meilleur contrepoison contre les absurdes utopies égalitaires des socialistes… Le darwinisme est tout plutôt que socialiste… Le principe de la sélection n’est rien moins que démocratique : il est, au contraire, foncièrement aristocratique274 ».

B- Marx face au Darwinisme.

L’origine des espèces lors de sa sortie, produit un effet énorme sur Marx et Engels (tous les commentateurs sont formels275). Dans un premier temps, ils l’accueillent avec une grande euphorie.

Marx écrit à Engels, dans une lettre du 19 décembre 1860 :

- « Ce livre contient le fondement fourni par l’histoire naturelle à notre façon de voir276 ».

272 Ibid., p. 24.

273 En particulier Haeckel et Schmidt à propos desquels il s’exclamait : « Quelles idées stupides semblent prévaloir en Allemagne, au sujet des rapports entre le socialisme et l’évolution par sélection naturelle ! » écrit-il à son ami Scherzer, le 26 décembre 1879, La vie et la correspondance de Charles Darwin, Paris, Reinwald, 1888, Tome 2, pp. 589-590, cité par Bernard Naccache, Marx critique de Darwin, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1980, 160 pages, p. 126.

274 Point de vue de Haeckel au congrès de Munich de 1877, cité par B. Naccache, op. cit., p. 125.

275 B. Naccache, Marx critique Darwin, op. cit. ; Denis Buican, Darwin et le Darwinisme, Ques sais-je ?, 1987, 130 pages ; G. Labica, Dictionnaire critique du Marxisme, op. cit.

276 cité par B. Naccache, p. 121.

Couverture de la première édition française

Il reprend le même thème en écrivant à Lassalle, le 16 janvier 1861 :

- « L’ouvrage de Darwin est très important et j’y vois la base fournie par les sciences naturelles à la lutte historique des classes277 ».

Le Dictionnaire critique du marxisme pose une question fondamentale illustrant parfaitement l’état d’esprit de Marx et Engels à cet instant précis :

- « Par-delà leur conscience immédiate de l’importance de la révolution Darwinienne, Marx et Engels ont-ils bien compris l’originalité de cette découverte ?278 ».

Denis Buican279 résume le point de vue de Marx et Engels :

- « […] Les premiers instants d’enthousiasme passés, Marx et Engels adoptent une attitude négative envers certaines thèses fondamentales du darwinisme comme la lutte pour l’existence, le moteur de la sélection naturelle. En effet, leur messianisme matérialiste était infirmé par le fait que, dans le darwinisme, le progrès est purement accidentel, quand, pour les marxistes, l’histoire, comme la nature, auraient un sens déterminé a priori. Quant à la base darwiniste de la lutte des classes –soutenue un temps par Marx- le théoricien du communisme devait revenir sur ses pas : « Darwin a été amené, à partir de la lutte pour la vie dans la société anglaise –la guerre de tous contre tous, bellum omnium contra omnes- à découvrir que la lutte pour la vie était la loi dominante dans la vie animale et végétale. Mais le mouvement darwiniste, lui, y voit une raison décisive pour la société humaine de ne jamais se libérer de son animalité… ».

Bien que simplificateur, Denis Buican donne ici les bases de l’analyse marxiste du darwinisme.

Marx se rend compte qu’en acceptant - comme il le fait au commencement - la base biologique de la lutte pour la vie, il supprime l’utopie communiste. La société communiste devient impossible à réaliser dans cette perspective.

Marx et Engels vont peu à peu donner une lecture « orientée » du darwinisme dans un sens favorable à leur théorie. Lorsque Lafargue en 1884, exécute trois séries de conférences sur Le matérialisme de Karl Marx280, il donne une analyse en conformité avec les conceptions des deux maîtres.

Lafargue ne possède pas forcément l’avis précis et direct de ses mentors sur le sujet, au moment ou il rédige le texte de ses conférences. Certes, il a lu l’Anti-Dühring de Engels281, dans lequel l’ami de Marx développe en partie le rapport entre la science et le marxisme, et par extension aborde certains aspects du darwinisme. Toutefois, le plus gros des réflexions de Engels sur la science n’est pas édité de son vivant. La dialectique de la nature, son œuvre inachevée282, paraît pour la première fois en Russie en 1925. Par conséquent, Lafargue ne peut en avoir connaissance en 1884.

277 Ibid.

278 Dictionnaire critique du Marxisme, op. cit., p. 279.

279 Denis Buican, Darwin et le Darwinisme, op. cit., p. 98.

280 La première, le 23/01 « L’idéalisme et le matérialisme dans l’histoire », la deuxième, le 23/05 « Le milieu naturel la théorie darwinienne » et la troisième, le 23/05 « Le milieu artificiel : la théorie de la lutte des classes », texte paru chez Henry Oriol, Paris, 1884.

281 puisqu’en collaboration avec ce dernier et l’aide de Laura Lafargue, il traduit et résume cet ouvrage. Leur traduction de l’Anti-Dühring, parait en 1880 sous la forme d’une brochure de trente pages intitulé Socialisme utopique et socialisme scientifique.

282 Il préfére consacrer ses dernières années à travailler sur le volume 3 du Capital, non finalisé par Marx.

Toutefois, Lafargue a, par ses échanges épistolaires avec Marx et Engels, pris connaissance de leurs conceptions. Ainsi, dans une lettre de Marx à Paul et Laura Lafargue, du 15 février 1869283, nous découvrons l’avis du maître sur le sujet :

- « La lutte darwinienne pour l’existence permettrait de comprendre, si on la bestialisait davantage, la concurrence capitaliste284, en même temps que la concurrence sociale est perçue comme modèle de la concurrence vitale ».

Lafargue, en tant que scientifique, développe certainement une approche personnelle de la question. Il maîtrise aussi parfaitement l’anglais, ce qui lui permet de découvrir l’ouvrage de Darwin dès sa sortie (il n’est traduit en Français qu’en 1871). Marx reconnaît une certaine pertinence aux avis scientifiques de son gendre285. De nombreuses discussions sur ces sujets (lors de la présence de Lafargue à Londres) nous sont rapportées. L’analyse marxiste du darwinisme qu’il produit dans ses conférences, semble d’ailleurs appréciée par Marx (il le félicite dans une lettre).

Nous allons maintenant nous pencher sur cette analyse du darwinisme faite par Lafargue.

C- Le combat contre le darwinisme social.

Lafargue débute son exposé en soulignant l’importance de la science dans l’action de désinformation de la classe capitaliste :

- « La Bourgeoisie trouve que cette trinité religieuse (la religion chrétienne, la religion libérale, la religion économique), ne suffit pas pour comprimer intellectuellement la classe salariée, elle essaie d’étayer sa suprématie économique et politique de théories scientifiques286 ».

Il poursuit en précisant :

- « Charles Darwin, le plus grand naturaliste de notre époque et un de ses plus profonds penseurs, qui réveilla de son long sommeil la théorie de Lamarck et de Geoffroy de Saint Hilaire, qui lui infusa une nouvelle vie, qui la fit triompher, essaya de prouver que les inégalités sociales étaient des fatalités naturelles. Des savants de deuxième ordre et de dixième ordre287, qui vivent sur les idées des hommes de génie, comme la vermine sur la peau des lions, emboîtèrent le pas : ils martyrisèrent leurs cerveaux pour démontrer que la théorie darwinienne était la plus écrasante réfutation du socialisme moderne : dans la lutte pour la vie, disaient-ils, la victoire n’appartenant qu’aux mieux doués, qu’aux mieux adaptés, les jouissances de la terre doivent appartenir de droit à l’inutilité des incapables de la classe possédante ».

Les « darwiniens » considèrent que le socialisme et sa future société égalitaire, constituent une aberration sociale : cette société sans classes, sans hiérarchie, est vouée à l’échec, en empêchant que la fameuse « lutte pour la vie » ne s’établisse.

Pour Lafargue, ce résultat n’est pas fondé, bien au contraire :

283 Cité par B. Naccache, op. cit., p. 123.

284 B. Naccache notait que ce point de vue se retrouvait dans l’Anti-Dühring (pp. 312-313) et dans le Tome 2 du Capital, p. 46).

285 Voir Correspondance Marx / Engels, op. cit., lettres n° 853 et 864, Tome IX, p. 98.

286 Paul Lafargue, Le matérialisme de Karl Marx, « Le milieu naturel : la théorie darwinienne » , Henry Oriol éditeur, Paris, 1884, 16 pages, p. 4.

287 Lafargue pensait à Haeckel, Schmidt ou Huxley : « les darwinistes bourgeois ».

- « Cette théorie darwinienne, qui devait consacrer scientifiquement l’inégalité sociale, arme au contraire les matérialistes communistes avec de nouveaux arguments pour appeler à la révolte des classes opprimées dans cette société barbare […]288 ».

Lafargue commence son exposé en donnant un résumé de la partie « évolutionniste » de la vie sur terre. Son exposé, clair et scientifiquement fondé, trouve une première orientation vers le marxisme en ces termes :

- « Le développement de l’homme, ou de tout autre animal, ne semblerait être que la récapitulation des phases de développement des animaux qui l’ont précédé dans la série ; ou, ce qui revient au même, les espèces animales inférieures ne sont que des phases de développement des espèces supérieures, comme l’esclavage, le servage et le salariat ne sont que des phases du développement social289 ».

Lafargue introduit sciemment cette première référence avec le déterminisme historique de Marx. En dressant ce parallèle entre la théorie de l’évolution et le déterminisme historique, il compte préparer son lecteur à la suite de son exposé. Il continue, en semblant accepter parfaitement les conclusions de Darwin, concernant le milieu naturel :

- « La nature n’est ni morale, ni bonne, ni intelligente, ses forces aveugles suppriment impitoyablement les faibles et ne laissent vivre que les forts290 ».

Si les hasards de la génétique donnent un avantage fondamental à un individu par rapport à ses congénères de la même espèce, il le transmet à sa descendance.

« Il y a donc une sélection naturelle entre les animaux à l’état de nature : ce sont les mieux doués, les mieux adaptés à leur milieu naturel qui triomphent dans la lutte pour la vie.291 »

Ayant accepté les constats de Darwin concernant l’évolution des espèces (il cite d’ailleurs Lamarck pour cette partie), Lafargue remet ensuite en cause la logique de l’ensemble du système. Il se lance dans l’étude des interactions entre les animaux et le milieu. Son but est simple : montrer que l’interaction entre plusieurs milieux annule la logique de l’égoïsme individuel, sapant ainsi les fondements de « la lutte pour la vie ».

Il cite à titre de preuve, les modifications subies par les arbres dans une forêt résultant de la présence d’animaux ou d’un trop grand nombre de végétaux. Il insiste sur la notion

« d’écosystème », au sein duquel, le changement d’un paramètre entraîne une série de modifications, non dictée par la simple lutte pour la vie.

- « Cette action et réaction des êtres organisés les uns sur les autres est encore plus puissante chez les animaux que chez les plantes ; elle altère leurs organes et fait apparaître chez eux des qualités morales anti-naturelles et méconnues auparavant292 ».

Pour corroborer sa thèse, Lafargue rappelle l’attitude de certains animaux, réputés férocement égoïste, qui parfois changent de logique comportementale :

- « Chez les singes, les éléphants, les buffalos, chez tous les animaux qui vivent en famille, les mâles les plus forts se portent toujours là ou il y a du danger et se sacrifient pour protéger les petits et les faibles de la collectivité293 ».

288 op. cit., p. 5.

289 Ibid., p. 8.

290 Ibid., p. 10.

291 Ibid., p. 11.

292 Ibid., p. 13.

293 Ibid., p. 14.

La théorie de la lutte pour la vie trouve ainsi des exceptions. Certes, Lafargue reconnaît le fondement de cette théorie dans un milieu naturel totalement préservé. Mais, il insiste sur le fait que les milieux naturels sont rares, puisque la vie des plantes et des animaux produit des interactions, qui ont pour conséquences de modifier le milieu. Ce dernier ne peut donc être considéré comme naturel !

Lafargue trouve ainsi une brèche dans la logique évolutionniste, lui permettant d’attaquer l’application directe du darwinisme à la société des hommes.

Lafargue constate tout d’abord, que dans les sociétés humaines, les hommes se comportent plus égoïstement que les animaux.

Il continue son raisonnement avec beaucoup de perspicacité :

- « Vous le voyez, les forces qui dans la nature ont agi et agissent pour créer et développer la vie sont nombreuses et différentes ; je n’ai pas la prétention de les avoir énumérées toutes ; et les naturalistes n’ont pas la prétention de les avoir découvertes toutes ; cependant quand ces messieurs, se dépouillant de leurs méthodes scientifiques, se métamorphosent en sociologues, -ce mot est de leur invention, il leur faut appliquer, il est assez laid,- ils font abstraction des forces multiples qui agissent dans le monde naturel, pour ne conserver qu’une seule, la concurrence vitale, la lutte pour l’existence. Ils châtrent leur science pour qu’elle puisse faire l’apologie de la société capitaliste294 ».

Ainsi, pour le gendre de Marx, le darwinisme social omet de préciser que le milieu

« humain » est un milieu artificiel, puisque perpétuellement « transformé ». De même que dans un écosystème modifié où les comportements des animaux changent, remettant ainsi en cause « la lutte pour la vie », le comportement des hommes est lui aussi influencé par leur milieu. Ainsi, la concurrence vitale ne peut être présente chez les hommes, puisque ces derniers modifient perpétuellement leur milieu, dans leur intérêt. Il souligne que Darwin développe sa théorie du monde animal, en partant des observations du milieu humain, et non l’inverse !

Lafargue revient ensuite sur la logique des « darwinistes bourgeois ». Il rappelle que Darwin découvre les bases théoriques fondant son Origine des espèces, après avoir lu un ouvrage de Malthus. Il reproche aux théoriciens du darwinisme social, d’avoir, « en important

Lafargue revient ensuite sur la logique des « darwinistes bourgeois ». Il rappelle que Darwin découvre les bases théoriques fondant son Origine des espèces, après avoir lu un ouvrage de Malthus. Il reproche aux théoriciens du darwinisme social, d’avoir, « en important