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2. Cadre méthodologique

2.5. Une analyse thématique

Selon Lamoureux (2006), « le but d’une analyse qualitative est de comprendre la réalité observée telle qu’elle est vécue par les acteurs » (p.206). De ce fait, souhaitant effectuer une recherche qualitative basée sur des observations de terrain et des entretiens de recherche, nous avons choisi d’adopter une approche interprétative des situations observées et du discours des participants. Comme nous nous intéressons aux représentations de la collaboration et à la définition de la situation donnée par les acteurs, il nous a paru pertinent d’interpréter leurs discours en les confrontant à l’observation de l’entretien individuel et en le mettant en regard avec celui d’autrui par rapport à la même situation. Nous nous situons dès lors dans une

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analyse de contenu ayant pour principaux objectifs d’étudier et de comparer « […] les sens des discours pour mettre à jour les systèmes de représentations véhiculés par ces discours » (Blanchet & Gotman, 2007, p.89), bien que ces systèmes soient également influencés par les thèmes choisis pour effectuer nos grilles d’entretien. De plus, comme le discours des acteurs est mis en relation avec la situation observée dans l’entretien individuel, nous avons également choisi de produire un raisonnement illustré par des exemples (Arborio & Fournier, 2001).

Pour analyser les données récoltées et répondre à notre problématique, nous avons pris le parti d’effectuer une analyse thématique plutôt qu’une analyse systématique de chaque entretien de recherche mené et de chaque observation réalisée. Dans un premier temps, nous avions pensé effectuer ce type d’analyse afin d’identifier la diversité des pratiques enseignantes dans la collaboration, les attitudes des enseignants face aux différents types de parents et les attitudes des parents vis-à-vis des enseignants. Cependant, il aurait été difficile de séparer les dires des participants sans les mettre en lien avec ceux d’autrui ou sans les replacer dans le contexte de la situation observée. De plus, ayant un corpus de dix observations et de quatorze entretiens de recherche, il aurait été difficile pour ce mémoire de réaliser cela dans le peu de temps qui nous était imparti. Enfin, « l’analyse par entretien se justifie lorsqu’on étudie des processus, des modes d’organisation individuels […]. L’analyse par entretien permet de déceler le mode d’engendrement singulier des processus, qu’il soit clinique, cognitif ou biographique » (Blanchet & Gotman, 2007, p.94). Cela ne correspond pas à l’objectif premier de notre recherche puisque nous ne souhaitions pas parcourir « les thèmes de l’entretien dans le but d’en rebâtir l’architecture singulière » (idem, p.96). Au contraire, nous souhaitions effectuer une « […] analyse thématique horizontale qui relève les différentes formes sous lesquelles le même thème apparaît d’un sujet à l’autre » (Ghuglione & Matalon, 1978 ; cités par Blanchet

& Gotman, 2007, p.96).

Bien que chaque situation observée lors des entretiens individuels et chaque discours des acteurs sur les situations vécues soient singuliers, il s‘agit ici d’une recherche exploratoire permettant de mieux comprendre le sens donné par les acteurs aux situations vécues dans la collaboration familles-école et les raisons des divergences expliquant ainsi la persistance de divers malentendus dans ces relations. De ce fait, il nous a semblé plus pertinent de trouver des thématiques communes aux observations et aux entretiens effectués. En effet, selon Blanchet et Gotman (2007), l’analyse thématique permet justement d’identifier ce qui, d’un entretien à l’autre, se réfère au même thème et de chercher une cohérence thématique inter-entretiens plutôt que la cohérence singulière de chaque entretien. En outre, elle permet, selon nous, de mieux rendre compte de la méthode choisie dans le cadre de ce travail. En effet, partir de thèmes et de problématiques récurrentes dans les différents entretiens de recherche nous a permis de mettre en regard les discours des enseignants et ceux des parents d’élèves interrogés afin d’identifier si ceux-ci sont identiques par rapport à une même situation vécue – l’entretien individuel – et donc de démontrer la persistance de certains malentendus dans les relations et les interactions. Elle nous a également permis de mettre en relation leurs discours avec l’observation de l’entretien individuel dans le but de déterminer si les dires des acteurs correspondent à la réalité observée ou non. Dès lors, par ce choix d’analyse, nous avons pour

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objectif d’expliquer et d’exemplifier les thématiques qui nous ont paru être les plus pertinentes au travers de l’interaction observée entre les enseignants et les parents dans l’entretien individuel et des discours de ces derniers sur la même situation vécue.

Une fois les entretiens de recherche effectués, nous les avons retranscrits tout en prenant des notes en fonction des catégories prédéterminées lors de la réalisation de nos grilles d’entretiens, mais également modulées en fonction de la lecture du corpus, ce qui s’approche d’une grille d’analyse de contenu (cf. annexe 9) dans le sens où elle nous a permis de classer les différents éléments de contenu présents dans les discours des acteurs (Lamoureux, 2006).

De plus, nous avons tenté de mettre nos notes en lien avec les observations et les concepts abordés dans les différentes lectures faites en parallèle de la récolte des données sur le terrain, ce qui nous a permis de relever des thématiques et des problématiques récurrentes puisque, selon Blanchet et Gotman (2007), « […] dans le cas de l’enquête exploratoire, l’identification des thèmes se fait presque exclusivement à partir de la lecture du corpus. L’unité thématique n’est donc pas définie a priori […] » (p.96), bien que certains thèmes aient tout de même été prédéterminés par l’objet de notre recherche et les questions posées aux acteurs.

Au final, trois thèmes principaux ont été retenus dans le cadre de ce mémoire : la définition de la difficulté scolaire par les acteurs, les informations échangées dans l’entretien parents-enseignants et la perception des rôles des acteurs. En effet, ce sont des thématiques communes à toutes les observations effectuées et à tous les entretiens de recherche réalisés avec les participants. Afin de les sélectionner, nous avons tout d’abord procédé à une lecture de tous les entretiens retranscrits en les mettant en lien avec les observations des entretiens individuels entre les enseignants et les parents. Cela nous a permis de faire émerger des thématiques communes et récurrentes dans les entretiens de recherche et les observations, ce qui nous a permis de sélectionner trois thématiques principales que nous souhaitions approfondir et développer dans le cadre de ce mémoire en les mettant également en regard avec la théorie et les lectures effectuées. Afin de les analyser et de les exemplifier, nous avons sélectionné ensuite pour chacun de ces thèmes les situations, provenant des observations et/ou des discours des acteurs, les plus représentatives. Pour cela, nous nous sommes aidés des grilles d’observations remplies concernant le déroulement des entretiens individuels, leurs caractéristiques principales et les thèmes abordés, ainsi que des grilles d’analyse effectuées suite à la lecture des entretiens retranscrits. Nous avons alors mis en relation les situations observées avec les dires des acteurs, ce qui nous a permis d’identifier comment chacun d’eux interprète une même situation vécue et quel sens ils lui attribue. De ce fait, notre recherche cherche à mieux comprendre les divergences et les ambivalences existantes dans les représentations et les attentes des acteurs vis-à-vis de la collaboration et dans la définition de la situation vécue démontrant ainsi la persistance de certains malentendus dans les relations familles-école. Elle cherche également à identifier quels sont les mécanismes interactionnels et les stratégies utilisés par les acteurs en situation pour que leurs attentes dans la collaboration se réalisent.

61 2.6. Quelques biais de recherche

Afin de terminer la présentation de notre cadre méthodologique, il semblait important de discuter des biais qui ont pu s’insérer dans cette recherche. En effet, il est probable que certains des choix effectués afin de réaliser ce mémoire aient pu influencer les données récoltées et donc les résultats de recherche obtenus. En avoir eu conscience pendant toute la durée de ce projet a permis de les limiter au maximum afin de récolter des données au plus proche de la réalité des participants. Bien que nous ne puissions nous assurer de les avoir entièrement maitrisés, certains indices nous permettent d’affirmer que ces biais ont été de faible importance.

2.6.1. Le choix des enseignants

Le premier biais de recherche concerne le fait d’avoir contacté des enseignants que nous connaissions personnellement. En effet, cela aurait pu rendre méfiants les parents. Ils auraient pu craindre une certaine alliance avec les enseignants et penser que nous étions de leur côté, ayant nous-même réalisé la formation en enseignement primaire et ayant été proches des enseignants dans le cadre de notre parcours universitaire. Bien que tous les parents aient accepté facilement de participer à la recherche, cela aurait pu tout de même les empêcher de se livrer sur des sujets « sensibles » et de raconter des expériences personnelles en matière de collaboration avec les enseignants. Cela aurait pu dès lors biaiser la recherche dans le sens où nous n’aurions pas eu accès à toutes les données nécessaires pour répondre à notre problématique. Toutefois, nous avons le sentiment que cela n’a pas gêné les parents et qu’ils étaient plutôt satisfaits de pouvoir être entendus et donner leurs propres avis.

Tout d’abord, ce sont les enseignants qui ont contacté les parents afin de leur demander leur consentement. Ils leur ont expliqué que nous étions étudiants en Sciences de l’éducation pour devenir enseignants et que pour obtenir notre master, nous devions effectuer un mémoire. Ils leur ont ensuite indiqué que le thème de notre recherche était les relations familles-école et que nous souhaitions alors observer les entretiens entre les parents et les enseignants pour mieux nous former à cette tâche pour laquelle nous ne le sommes pas réellement à l’université. Nous pensons dès lors que cela a permis d’obtenir plus facilement le consentement des parents étant donné qu’ils contribuaient à notre formation du fait de leur participation et que nous n’avions pas un statut de chercheurs, mais bien celui d’étudiants qui continuent d’apprendre. De plus, les enseignants ne leur ont pas expliqué en détails toutes les étapes de la recherche, ce qui a permis de ne pas les effrayer. Ils leur ont simplement indiqué que nous aurions peut-être des questions à leur poser une fois la rencontre terminée pour mieux comprendre leurs représentations et leurs ressentis vis-à-vis de la collaboration. Ils nous ont ainsi laissé la possibilité de leur présenter plus amplement la recherche, ce que nous avons pu faire lorsque nous les avons rencontrés (c’est-à-dire lors de l’entretien qu’ils ont eu avec l’enseignant de leur enfant). Cela nous a permis de leur présenter l’objectif de notre recherche qui est de mieux comprendre les représentations et les attentes des enseignants et des parents dans la collaboration et donc de bien leur expliquer que notre but n’était pas de montrer qui avait tord ou qui avait raison.

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Ensuite, le dispositif de recherche lui-même crée de la neutralité. En effet, le fait de nous entretenir individuellement avec les parents et avec les enseignants suite à l’observation de l’entretien leur démontre que nous nous intéressons aux représentations de ces deux acteurs afin de mieux comprendre les relations familles-école et la collaboration. En outre, nous n’avons pas cherché à comparer leurs dires devant les acteurs. De ce fait, nous n’avons pas trahi la parole des acteurs en dévoilant ce qu’ils nous avaient dit lors des entretiens de recherche avec les autres interactants. Nous avons également accentué cette neutralité du dispositif en veillant à rester nous-même neutres pendant l’observation de l’entretien. Pour cela, nous avons porté une attention particulière à l’écologie des lieux. Nous nous sommes placés autour de la table avec les acteurs, sans pour autant nous placer à côté de l’un ou de l’autre.

Nous pensons dès lors que tous ces éléments ont permis de créer une relation de confiance avec les parents et de leur démontrer que nous n’étions pas dans le « camp » des enseignants.

De plus, tous les entretiens de recherche effectués avec les parents ont duré entre 1h et 1h30, sauf le premier qui a duré 40 minutes. Nous pensons donc que cela prouve que les parents avaient des choses à nous dire et qu’ils ne se sont pas autocensurés par peur de nous dévoiler certaines de leurs expériences personnelles ou vécues avec les enseignants. Bien que nous ne puissions être totalement persuadés qu’ils nous aient tout dévoilé, il nous semble que ce biais a été faible.

2.6.2. Le choix des parents par les enseignants

Le deuxième biais de recherche concerne le fait que ce sont les enseignants qui ont choisi les parents. En effet, il est possible que les enseignants ne nous aient pas donné accès à des situations avec les parents lors desquelles ils auraient pu encourir des risques. Ils auraient pu ainsi choisir des parents avec lesquels ils savaient que les relations se passeraient bien, comme par souci de désirabilité sociale ou par peur du jugement que nous aurions pu porter sur leurs pratiques. Le choix des situations qu’ils acceptaient de nous montrer est dès lors un biais de recherche, car cela aurait pu avoir un impact par rapport à l’axe principal de notre travail qui est la recherche de malentendus. Il ne nous est donc pas totalement possible de savoir si les enseignants ont évité de nous donner accès à des situations dans lesquelles les malentendus auraient été plus voyants et plus conflictuels, ce qui aurait pu également influencer les données récoltées et nos résultats de recherche. Cependant, quelques éléments nous permettent de démontrer la faiblesse de ce biais.

Premièrement, le fait que nous avons rencontré les enseignants choisis pour notre recherche dans le cadre de la formation en enseignement primaire nous a permis de créer une relation de confiance avec eux au cours de ces dernières années. En effet, nous avons réalisé des stages de plusieurs semaines dans la classe des enseignants n°1 et n°4 et nous avons dû collaborer avec l’enseignante n°2, également dans le cadre d’un des nos stages en responsabilité, afin de réaliser des activités communes entre nos deux classes. Enfin, nous avons réalisé nos cinq ans études avec l’enseignante n°3, avec laquelle nous avons beaucoup travaillé (travaux de groupe, révisions, aide pour les stages, etc.). De ce fait, nous pensons que ces différentes

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expériences vécues avec ces enseignants leur ont permis de nous percevoir comme des étudiants et non comme des chercheurs éloignés de leur monde. Il nous semble dès lors qu’il n’y avait pas vraiment de raison de ne pas nous montrer certaines des situations qui auraient pu être difficiles à gérer pour eux étant donné ce lien que nous avions. Comme expliqué précédemment pour les parents d’élèves, nous pensons qu’ils souhaitaient également contribuer à notre formation de la meilleure manière possible et cela passait nécessairement par le fait de nous donner accès aux situations nous permettant de réaliser une recherche la plus complète possible.

Deuxièmement, ce qui nous permet d’affirmer que ce biais a été faible est le fait que l’enseignant n°4 nous a incités à participer à l’observation du troisième entretien qu’il menait avec les parents alors que nous avions déjà observé deux entretiens. Il nous l’a proposé en nous expliquant qu’il serait très intéressant pour notre recherche d’observer la relation qu’il a avec la mère de l’enfant, étant très conflictuelle. Cela semble dès lors prouver que les enseignants ne nous ont pas empêchés d’accéder aux situations dans lesquelles les malentendus pouvaient être les plus voyants et conflictuels. De plus, même si nous ne pouvons pas le garantir pour les trois autres enseignants ayant observé très peu de situations réellement conflictuelles, les enseignants n’avaient pas énormément de choix dans les entretiens à nous proposer. En effet, comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises dans ce chapitre, les enseignants réalisent les entretiens individuels avec les parents à la fin du premier trimestre, c’est-à-dire avant Noël 2016. Nous avons donc eu de la chance que les enseignants choisis aient encore des entretiens à mener avec les parents lorsque nous les avons contactés à partir du mois de févriers 2017. Les entretiens que nous avons observés étaient ainsi les derniers que les enseignants avaient à mener avec les parents. Ni eux, ni nous n’avions donc vraiment le choix des situations observées. De ce fait, nous avons accepté tout ce qu’ils nous proposaient, tout en sachant que, si les circonstances avaient été différentes (donc plus d’entretiens possibles à observer), nous aurions peut-être eu la possibilité d’accéder à d’autres situations plus intéressantes.

Ces deux explications nous permettent donc d’affirmer qu’il n’y a pas eu de filtre quant au choix des parents effectué par les enseignants. Il est évident que nous ne pouvons pas être persuadés à cent pour cent qu’ils ne nous aient pas « menti » ou empêchés d’accéder à des situations plus intéressantes concernant l’axe de notre recherche, mais nous avons décidé de leur faire confiance et au vu des relations que nous avons développées, nous pensons que cela est justifié. De plus, nous sommes d’avis que si les données récoltées sur le terrain ont été influencées par ce biais, c’est plus à cause de l’autorisation tardive de la commission éthique qui ne nous a pas laissé la possibilité de commencer la récolte des données avant mi-janvier 2017, que les enseignants qui nous auraient empêchés d’accéder à certains malentendus présents dans les relations familles-école.

2.6.3. Les méthodes : l’observation directe et l’entretien semi-directif

Le troisième et dernier biais de recherche concerne les méthodes choisies. Nous avons en effet pris le parti d’observer les participants dans des situations naturelles et de ne pas

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dissimuler notre présence afin de créer des relations de confiance avec les acteurs. Cela était d’autant plus essentiel pour qu’ils puissent ensuite se confier à nous lors des entretiens de recherche qui suivaient l’observation de la rencontre entre les enseignants et les parents.

Cependant, ce dispositif aurait pu rendre les participants mal à l’aise et les empêcher d’agir naturellement sachant que nous les observions dans le cadre d’une recherche (et non d’un simple stage comme cela a pu être le cas lors de notre formation). De plus, la parole des enseignants et celle des parents auraient pu elles aussi être influencées par le fait qu’ils savaient que nous rencontrions l’autre partenaire. Les données récoltées et les analyses effectuées pour répondre à notre problématique auraient pu dès lors être influencées par des pratiques d’autocontrôles utilisées par les acteurs pour se protéger des éventuelles critiques quant à leurs actions et du fait que nous puissions informer l’autre partenaire de leurs confessions. Néanmoins, certains indices nous permettent à nouveau d’affirmer que ces biais ont été faibles et limités.

Tout d’abord, tous les participants ont eu le choix d’accepter ou de refuser de participer à notre recherche. De ce fait, il est possible de considérer que si les enseignants et les parents ont accepté, ce n’est pas pour ensuite s’autocensurer dans leurs pratiques, leurs

Tout d’abord, tous les participants ont eu le choix d’accepter ou de refuser de participer à notre recherche. De ce fait, il est possible de considérer que si les enseignants et les parents ont accepté, ce n’est pas pour ensuite s’autocensurer dans leurs pratiques, leurs

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