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Le partenariat à l’épreuve des interactions : ambivalences, tensions et malentendus dans les entretiens enseignants-parents

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Le partenariat à l'épreuve des interactions : ambivalences, tensions et malentendus dans les entretiens enseignants-parents

RIENZO, Stefanie

Abstract

Cette recherche s'intéresse aux relations familles-école et plus spécifiquement aux entretiens individuels enseignants-parents. L'impératif scolaire de partenariat s'est imposé depuis une dizaine d'années à Genève dans une perspective de lutte contre l'échec scolaire et d'égalité des chances, créant ainsi de nouvelles attentes institutionnelles envers les enseignants et les parents. Ils sont dès lors aujourd'hui amenés à développer des liens de proximité, en particulier dans les établissements scolaires situés dans des quartiers défavorisés...

RIENZO, Stefanie. Le partenariat à l'épreuve des interactions : ambivalences, tensions et malentendus dans les entretiens enseignants-parents. Master : Univ. Genève, 2017

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:96879

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Le partenariat à l’épreuve des interactions

Ambivalences, tensions et malentendus dans les entretiens enseignants-parents

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

Maitrise universitaire en Sciences de l’éducation - Analyse et intervention dans les systèmes éducatifs (AISE)

PAR Stefanie Rienzo

DIRECTEUR DU MEMOIRE Jean-Paul Payet

JURY

Frédérique Elsa Giuliani Laurent Filliettaz

GENEVE juin 2017

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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Résumé

Cette recherche s’intéresse aux relations familles-école et plus spécifiquement aux entretiens individuels enseignants-parents. L’impératif scolaire de partenariat s’est imposé depuis une dizaine d’années à Genève dans une perspective de lutte contre l’échec scolaire et d’égalité des chances, créant ainsi de nouvelles attentes institutionnelles envers les enseignants et les parents. Ils sont dès lors aujourd’hui amenés à développer des liens de proximité, en particulier dans les établissements scolaires situés dans des quartiers défavorisés.

Cette étude de type interactionniste interroge la mise en œuvre de cet impératif par les enseignants et les parents lors des entretiens individuels qu’ils doivent réaliser au moins une fois par année scolaire. A partir d’observations directes de ces derniers et d’entretiens post- observation, l’objectif de ce mémoire est alors de mieux comprendre quelles sont les attentes et les représentations de ces deux acteurs vis-à-vis de la collaboration, ainsi que les ambivalences, les tensions et les malentendus auxquels ils sont confrontés dans les interactions de face à face. Cette recherche s’attache finalement à saisir à travers l’analyse de trois thèmes principaux – la définition de la difficulté scolaire, les informations échangées et la perception des rôles des acteurs – quelles sont les conditions pouvant favoriser ou empêcher l’établissement de relations symétriques, basées sur une confiance mutuelle, entre enseignants et parents.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier particulièrement toutes les personnes sans qui ce mémoire n’aurait pu voir le jour. Merci à…

…mon directeur de travail de mémoire, M. Jean-Paul Payet, pour m’avoir accompagnée tout au long de cette aventure, pour les nombreux conseils fournis et les relectures formatives effectuées qui m’ont permis de me remettre en question et de rendre meilleur mon projet, pour les nombreuses discussions que nous avons eues qui ont fait avancer ma réflexion et pour la confiance accordée m’ayant laissé une grande liberté dans la recherche que je souhaitais réaliser.

…Mme Frédérique Giuliani et M. Laurent Filliettaz, qui ont gentiment accepté de faire partie de la commission et du jury de mon travail de mémoire. Merci à eux pour leurs encouragements, leur disponibilité et leur flexibilité.

…tous les participants ayant accepté de composer mon échantillon pour mener à terme mon projet de mémoire. Merci aux enseignants qui m’ont ouvert la porte de leur classe, qui ont convaincu les parents d’élèves de participer à ma recherche et qui se sont exprimés librement le temps d’un entretien. Merci également aux parents d’élèves pour m’avoir accueillie chez eux, pour m’avoir fait confiance et pour s’être ouvertement confiés sur le thème de ma recherche.

…ma famille qui m’a toujours soutenue et encouragée tout au long de mon parcours universitaire. Merci à mon père de m’avoir, dès mon plus jeune âge, poussée à donner le meilleur de moi et de m’avoir transmis ambition, volonté et passion. Merci à ma mère pour son amour inconditionnel, sa présence éternelle à mes côtés et pour l’aide apportée en s’essayant à la retranscription d’un entretien, le temps m’étant compté. Merci à ma sœur Laetitia pour son soutien qui a été d’une importance capitale, elle qui a su me remotiver lorsque les doutes m’ont envahie et qui m’a aidée à franchir la ligne d’arrivée après des heures de travail passées côte à côte.

…Robin, qui a, comme toujours, été mon moteur principal pour parvenir à mes objectifs, qui m’a aidée à traverser cette période difficile et stressante en allégeant mon travail par la retranscription de quelques entretiens, qui a effectué de multiples relectures de mon projet, qui a su me conseiller et effacer mes doutes lorsque je pensais ne pas y arriver, qui m’a soutenue comme jamais personne ne l’avait fait auparavant et qui a simplement été là pour moi à chaque instant.

…mon beau-père, qui veille sur moi depuis les étoiles et qui me guide sur le chemin de mes rêves en me donnant force et courage pour continuer de croire en eux, encore et toujours.

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A toi Patrick, mon cher beau-père, qui a su nous démontrer, une fois de plus et comme toujours, l’importance de la famille, même recomposée, dans les bons moments comme dans les plus difficiles.

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Table des matières

Introduction ... 7

Présentation de la thématique ... 7

Choix et justifications de la thématique ... 8

Type de recherche et structure du travail ... 9

1. Construction de l’objet de recherche ... 11

1.1. Cadrage institutionnel : les attentes de l’institution scolaire dans la collaboration ... 11

1.1.1. Ce que l’institution scolaire attend des enseignants ... 12

1.1.1.1. Loi sur l’instruction publique et règlement de l’enseignement primaire ... 12

1.1.1.2. Charte et cahier des charges de l’enseignant primaire ... 13

1.1.1.3. Directives « Relations famille-école » et autres directives ... 14

1.1.2. Ce que l’institution scolaire attend des parents ... 15

1.1.2.1. Règlement de l’enseignement primaire et directive « Relations famille-école » ... 16

1.1.2.2. Mémento à l’usage des parents et de leurs enfants ... 17

1.2. De l’institution formelle à l’institution réelle ... 18

1.2.1. Entre travail prescrit et travail réel : l’interprétation des acteurs ... 18

1.2.2. La pluralité de l’agir enseignant ... 21

1.2.3. Les rapports entre l’école et les classes populaires : reconnaissance ou éducation ? ... 24

1.3. L’analyse de la diversité des rapports entre l’école et les familles : une approche typologique ... 26

1.3.1. Les rapports des enseignants aux familles ... 27

1.3.2. Les rapports des familles à l’école ... 29

1.4. Une perspective interactionniste sur les relations enseignants-parents : problématique et questions de recherche ... 32

1.4.1. Cadrage théorique et problématique ... 33

1.4.1.1. L’interactionnisme symbolique ... 33

1.4.1.2. Problématique : des enjeux et des malentendus dans les interactions face à face ... 37

1.4.2. Questions de recherche ... 41

2. Cadre méthodologique ... 43

2.1. Une perspective interactionniste de recherche ... 43

2.2. Deux méthodes : l’observation directe et l’entretien semi-directif ... 46

2.2.1. L’observation directe ... 47

2.2.2. L’entretien semi-directif ... 48

2.3. Echantillon : choix et caractéristiques des participants ... 50

2.4. Déroulement des observations et des entretiens ... 56

2.5. Une analyse thématique ... 58

2.6. Quelques biais de recherche ... 61

2.6.1. Le choix des enseignants ... 61

2.6.2. Le choix des parents par les enseignants ... 62

2.6.3. Les méthodes : l’observation directe et l’entretien semi-directif ... 63

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3. Présentation et analyse des données ... 66

3.1. Définition de la difficulté scolaire : impacts sur les relations ... 66

3.1.1. Définition et représentations de la difficulté scolaire ... 67

3.1.2. Une logique d’euphémisation de la difficulté face à des attentes de sincérité ... 70

3.1.3. Un espoir d’ascension sociale entravé par des inégalités de participation ... 76

3.1.4. Une prise en charge de la difficulté colorée par les « fausses » attentes des parents ... 85

3.1.5. Une égalité des chances illusoire ? ... 90

3.2. Les informations échangées dans l’entretien parents-enseignants ... 92

3.2.1. L’entretien individuel : structure, pratiques enseignantes et thèmes abordés ... 92

3.2.2. Un besoin d’informations légitimé face à un sentiment d’intrusion ... 96

3.2.3. Des parents « ouverts » aux conseils qui se saisissent « des espaces de parole » 108 3.2.4. Ambivalences dans les attentes et malentendus : quel traitement des informations ? ... 121

3.3. Le rôle des enseignants et des parents : perception des acteurs, types de rapports et ambivalences ... 123

3.3.1. Le rôle des parents et des enseignants vu par les enseignants ... 124

3.3.1.1. Le rôle des enseignants : entre instruire et éduquer ... 125

3.3.1.2. Le rôle des parents : s’impliquer ou soutenir l’enseignant ? ... 131

3.3.1.3. Conclusion : une croyance limitée dans la collaboration ... 137

3.3.2. Le rôle des parents et des enseignants vu par les parents ... 138

3.3.2.1. Le rôle des parents : faire confiance à distance ... 138

3.3.2.2. Le rôle des enseignants : faire réussir l’enfant ... 144

3.3.2.3. Conclusion : délégation ou confiance ? ... 150

3.3.3. Des ambivalences et des malentendus dans les interactions ... 152

3.3.4. Entre confiance et méfiance : une persistance de l’asymétrie des relations ... 158

Conclusion ... 161

Synthèse des résultats ... 161

Des obstacles et des perspectives pour la suite… ... 163

Bilan personnel ... 164

Bibliographie ... 166

Annexes ... 173

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Introduction

Présentation de la thématique

Le thème choisi pour réaliser ce travail de mémoire concerne les relations familles-école. Il s’agit d’un domaine de recherche en sociologie de l’éducation récent puisqu’il y a encore quelques décennies, l’école était fermée au monde extérieur et n’avait aucun contact avec les parents d’élèves. Ce n’est que depuis les années 1960 que les relations entre les enseignants de l’école primaire et les parents d’élèves ont commencé à évoluer et que ces deux instances de socialisation se sont rapprochées. A Genève, cela s’est traduit dans les années 2000 par la structuration d’un nouveau modèle relationnel, le partenariat (Scalambrin, 2015). En effet, les institutions publiques, telles que l’école, se sont transformées afin de développer une plus grande symétrie avec les usagers qu’elles cherchent à aider. Au niveau de l’institution scolaire, cela s’est alors réalisé par la recherche d’une plus grande proximité entre les enseignants et les parents d’élèves, les deux acteurs essentiels à l’éducation des enfants. Les enseignants doivent actuellement considérer les parents de leurs élèves comme des partenaires éducatifs à qui ils doivent rendre des comptes.

En outre, le partenariat entre ces deux acteurs s’est dès lors transformé en un impératif scolaire, une norme que chacun se doit de respecter : « Les différentes politiques éducatives développées en direction des publics en difficulté […] ont insisté sur la nécessité de favoriser des démarches de collaboration entre les différents acteurs de l’école et les autres acteurs sociaux » (Maubant & Leclerc, 2008, p.23). L’école est donc passée d’une posture réticente au monde extérieur à une ouverture dans laquelle la collaboration est activement recherchée avec les parents afin de lutter contre l’échec scolaire, argument principal de ce changement sociétal. Dans la recherche en éducation, de nombreux auteurs se sont penchés sur les conditions de la mise en œuvre de cette collaboration au sein de l’école et se sont aperçus de l’existence de plusieurs tensions, conflits et malentendus présents dans les relations et les interactions entre ces deux partenaires éducatifs, et ce, notamment lors des entretiens individuels avec les parents (Chartier & Payet, 2014 ; Chartier, Rufin & Pelhate, 2014 ; Giuliani & Payet ; 2014 ; Payet & Giuliani, 2014 ; Scalambrin & Ogay, 2014 ; Scalambrin, 2015).

Actuellement, plusieurs prescriptions et directives imposent aux enseignants de collaborer, d’entretenir des relations avec les parents et de les considérer comme des partenaires.

Cependant, malgré ces dernières et les bénéfices prouvés sur la scolarité des élèves, ces relations ne se déroulent pas toujours dans des conditions optimales et les acteurs peinent à développer une réelle collaboration. En plus de la complexité du métier enseignant qui ne cesse d’évoluer au niveau administratif et des publics qui leur font face, de nombreux mécanismes interactionnels interviennent dans les rencontres avec les parents qu’ils ne peuvent contrôler. Ils doivent parfois faire face à des situations conflictuelles dans lesquelles les parents remettent leur parole de professionnel en doute. Bien qu’ils estiment l’importance de collaborer avec les familles, ils se disent « surveillés » et démunis face à de telles situations, ce qui les pousse parfois à adopter des attitudes défensives, à se replier derrière des

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barrières protectrices, à limiter les contacts avec les parents en les mettant à distance et à contrôler leur parole (Giuliani & Payet, 2014). Du côté des familles, il n’est pas non plus toujours évident d’aller à l’école et de se retrouver face à l’enseignant de leur enfant qui porte un jugement sur ce dernier, bien que professionnel. Plusieurs craintes apparaissent, telles que le jugement de leur rôle parental et de la stigmatisation de leur enfant. De plus, certains parents ne se sentent pas légitimes pour intervenir dans la scolarité de leur enfant au vu de leur propre scolarité et de leurs expériences (Delay, 2013). Cependant, ces stratégies auto- protectrices laissent penser aux enseignants qu’ils ne souhaitent pas s’impliquer dans la scolarité de leur enfant et qu’ils expriment un certain désintérêt. Il existe dès lors des malentendus, des tensions et des ambivalences dans ces relations empêchant un réel partenariat de s’établir.

Pour ce mémoire, nous avons alors pour souhait de nous intéresser aux points de vu des acteurs afin de récolter et de mieux comprendre leurs propres ressentis sur les relations de collaboration vécues, leurs représentations de ces dernières et le sens qu’ils leur attribuent.

L’objectif principal est alors d’identifier quelles sont les attentes et les représentations des enseignants et des parent d’élèves vis-à-vis de la collaboration et de mieux comprendre comment ces dernières peuvent créer des malentendus, des tensions et des ambivalences dans les interactions de face à face entre ces deux acteurs. De plus, nous cherchons également à mieux comprendre quels sont les mécanismes interactionnels et les stratégies utilisés par les acteurs afin que leurs attentes se réalisent lors des entretiens individuels parents-enseignants.

Choix et justifications de la thématique

Pour ce mémoire, nous avons choisi d’approfondir nos connaissances sur la thématique des relations familles-école afin de mieux comprendre les interprétations que font les acteurs de ces dernières et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, depuis le début de notre parcours universitaire en Sciences de l’éducation, il s’agit d’un thème récurrent dans les cours à option que nous avons pu choisir en bachelor et en master. Ayant nous-mêmes eu une histoire familiale quelque peu difficile par moment, nous avons pu nous rendre compte de l’impact que cela pouvait avoir sur la scolarité des enfants. Le fait de suivre ces cours à l’université nous a permis de remettre notre propre scolarité en question et de nous interroger sur les relations que nos parents ont entretenu avec l’école. Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir des parents soucieux de notre bien-être qui sont allés avertir notre enseignante lors de leur divorce afin qu’elle puisse en tenir compte et nous aider en classe. En effet, elle a été très présente pour nous afin que nous surmontions notre blocage face aux évaluations survenu suite à cet événement. De plus, lorsque nous étions au collège, nos parents sont également allés discuter avec notre professeur de classe afin de le tenir au courant de nos problèmes familiaux. Ce dernier avait lui-même remarqué un changement dans notre comportement et était venu nous en parler afin de nous demander notre accord pour en avertir nos parents. En repensant à ces diverses expériences, nous nous rendons compte de la chance que nous avons eue d’avoir été entourés par des parents et des enseignants soucieux de notre bien-être et attentifs à nos changements d’attitudes. Aujourd’hui, nous avons le sentiment qu’il y avait

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une réelle collaboration entre ces deux acteurs pour que nous puissions reprendre confiance en nous et réussir scolairement.

Considérant la famille comme extrêmement importante, nous nous sommes tout de suite intéressés à cette thématique des relations entre les familles et l’école à l’université en choisissant les cours qui lui faisaient référence. De plus, ayant suivi la formation en enseignement primaire, nous avons également beaucoup traité de ces relations et notamment à travers les différents stages que nous avons eus au cours de notre formation. Cependant, nous avons pu remarquer que, même si nous discutions des problématiques et des conflits existants entre ces deux instances éducatives, nous n’étions pas réellement formés pour collaborer avec les parents. En effet, c’est un domaine qui s’apprend « sur le terrain », car les interactions entre les enseignants et les parents ne peuvent être définies a priori. Nous sommes tout de même d’avis qu’apprendre à gérer et à développer un partenariat avec les parents serait primordial pour les enseignants, d’autant plus qu’il s’agit d’une injonction institutionnelle et que les bénéfices d’une bonne relation ont été prouvés. Ces différentes raisons ont donc orienté le choix de nos cours et le sujet de notre travail d’intégration de fin d’études (TIFE) pour obtenir le certificat complémentaire en enseignement primaire. Dans ce travail, nous nous sommes interrogés sur les moyens mis en œuvre par les enseignants dans la collaboration et sur les différences existantes entre le travail prescrit et le travail réel. Bien que nous ayons eu énormément de plaisir à l’effectuer, nous avons éprouvé un sentiment de frustration du fait de ne pas pouvoir aller « plus loin » dans notre réflexion, puisque nous ne pouvions pas réaliser de réelle recherche sur le terrain, alors que nous souhaitions interroger les acteurs directs de ces relations pour comprendre leurs points de vue et leurs représentations. Nous avons dès lors souhaité approfondir notre réflexion en effectuant notre travail de mémoire sur cette même thématique, les relations familles-école.

Pour cela, nous avons à nouveau observé des situations réelles de collaboration, comme nous avions pu le faire pour notre TIFE dans le cadre d’un de nos stages en responsabilité.

Néanmoins, nous n’avions récolté que l’avis de l’enseignante sur les rencontres observées n’ayant pu nous entretenir avec les parents alors que nous étions persuadés qu’ils avaient également énormément de choses à nous dire. De ce fait, pour ce travail, nous nous sommes entretenus avec les enseignants et les parents afin de pouvoir mettre en regard leurs points de vue, leurs avis et leurs expériences en matière de collaboration. Au final, nous avons pris le parti de nous intéresser aux représentations et aux attentes des acteurs vis-à-vis de la collaboration et au sens donné par ces derniers sur une même situation vécue. Les objectifs de cette recherche sont alors de mieux comprendre quels sont les enjeux de la recherche de partenariat et les malentendus pouvant subsister dans les interactions de face à face entre les enseignants et les parents malgré les réglementations et les prescriptions institutionnelles.

Type de recherche et structure du travail

Pour réaliser notre mémoire, nous avons choisi de nous intéresser aux relations familles-école et plus spécifiquement aux points de vue des acteurs et au sens donné aux diverses situations vécues en matière de collaboration. Notre recherche s’applique dès lors à mettre en évidence

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et à mieux comprendre les représentations et les attentes des enseignants et des parents d’élèves vis-à-vis la collaboration et comment ils vivent ces relations. Pour cela, nous avons choisi de nous situer dans une perspective théorique de sociologie interactionniste qui se veut attentive au sens donné par les acteurs en situation. Le courant de pensée qui guide notre travail est alors l’interactionnisme symbolique. En outre, notre recherche s’est réalisée dans une démarche inductive considérant le terrain comme extrêmement important dans la construction de l’objet. Finalement, il s’agit d’une approche qualitative et exploratoire dans laquelle nous nous intéressons directement aux significations et aux points de vue des acteurs.

Notre travail est séparé en trois chapitres principaux. Le premier chapitre de notre travail concerne la construction de l’objet de recherche. Il a pour objectif d’exposer le cheminement de notre réflexion, partant des directives institutionnelles et arrivant à la réalité du terrain telle qu’elle est vécue par les acteurs. Nous y présentons également un cadrage théorique lié à l’interactionnisme symbolique, courant de pensée dans lequel nous nous situons, et des concepts nous permettant d’analyser les interactions de face à face. En fin de chapitre, nous définissons notre problématique et nos questions de recherche plus spécifiques. Le deuxième chapitre, quant à lui, concerne la méthodologie utilisée pour la réalisation de notre recherche.

Nous y présentons les choix méthodologiques effectués et nous les justifions afin d’en démontrer leur pertinence. Enfin, le troisième chapitre expose les données récoltées et analyse les résultats de recherche obtenus en nous basant sur trois thématiques liées aux relations familles-école survenues sur le terrain : la définition de la difficulté scolaire, les informations échangées dans l’entretien parents-enseignants et la perceptions des rôles des acteurs. Notre mémoire se clôt finalement sur une conclusion qui nous amène à de nouvelles perspectives de recherche et présente la bibliographie sur laquelle nous nous sommes basés pour effectuer ce travail, ainsi que les annexes.

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1. Construction de l’objet de recherche

L’imposition du nouvel impératif scolaire de partenariat et de recherche de collaboration s’inscrit dans un contexte de transformation générale des institutions publiques au 20ème siècle, définies comme étant tout ce qui relève de la « mise en forme, mise en sens et mise en scène » (Lefort, 1986, p.257) des rapports sociaux et d’un « […] ensemble de politiques, d’administrations, d’organisations, d’établissements, et d’interactions […] » (Bonny, 2015, p.34). La société et, en particulier, les différentes institutions publiques qui la caractérisent, telles que l’école, l’hôpital, le travail social ou encore la prison, recherchent plus de symétrie dans les rapports sociaux entretenus entre les différents professionnels et leurs usagers afin de lutter contre l’asymétrie et les inégalités sociales et de se distancer ainsi du paradigme dominant dans lequel l’action institutionnelle pouvait exiger une obéissance des citoyens et des publics qu’elle vise « […] simplement au nom d’un monopole sur la définition de l’intérêt général » (Laforgue, 2014, p.2). Cette recherche de symétrie n’a pas échappé à l’institution scolaire genevoise qui a dû elle-même se transformer et subir des évolutions afin de lutter contre l’échec scolaire, notamment au travers de l’inclusion des publics en difficulté et de l’ouverture de l’école aux parents.

De nouvelles prescriptions ont dès lors été édictées, cadrant et normalisant l’action des enseignants et des parents d’élèves. Ils doivent ainsi répondre à de nouvelles attentes institutionnelles et se considérer comme des partenaires éducatifs (partie 1.1). Toutefois, les enseignants et les parents sont soumis à des logiques d’action plurielles et interprètent les attentes institutionnelles en fonction de leurs ressources, de leurs expériences et de leur milieu socioculturel. Le travail réel peut dès lors s’avérer être sensiblement différent du travail prescrit, du fait de la pluralité de l’agir enseignant et des rapports ambivalents entre l’école et les classes populaires (partie 1.2). Il existe ainsi une diversité des rapports entretenus entre les parents et les enseignants, ce qui ne permet pas toujours l’établissement d’un réel partenariat et la reconnaissance mutuelle des acteurs (partie 1.3). Cela nous amène à la problématique de cette recherche mise en relation avec la théorie de l’interactionnisme symbolique et aux questions que ces constats nous posent (partie 1.4). Basée sur une perspective interactionniste, notre recherche a pour objectif de mieux comprendre comment les enseignants et les parents d’élèves définissent les situations de collaboration qu’ils vivent – ici l’entretien individuel – afin d’identifier quels sont les ambivalences, les tensions et les malentendus présents dans les interactions de face à face.

1.1. Cadrage institutionnel : les attentes de l’institution scolaire dans la collaboration

De par les diverses évolutions successives de l’enseignement primaire genevois, la collaboration entre les enseignants et les familles est actuellement une injonction. Il s’agit d’un ordre formel auquel les professionnels de l’éducation se doivent d’obéir sous peine d’être sanctionnés par leur hiérarchie, le Département de l’instruction publique. Cette injonction impose également aux parents certaines normes et règles à respecter concernant la recherche de collaboration et l’éducation de leur enfant. Ils doivent dès lors se soumettre à

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plusieurs attentes afin d’éviter que les enseignants les jugent comme étant de « mauvais parents » ou manquant d’intérêt pour la scolarité de leur enfant. Cette partie porte alors sur l’analyse des directives et des prescriptions (cf. annexe 1) qui permettent d’identifier quels sont les rôles attendus par l’institution scolaire dans la recherche d’une réelle collaboration entre ces deux acteurs éducatifs aussi bien du côté des enseignants que de celui des parents d’élèves. Elle est ainsi divisée en deux sous-parties : la première est centrée sur les attentes institutionnelles à l’égard des enseignants, alors que la deuxième spécifie ce que l’institution attend des familles.

1.1.1. Ce que l’institution scolaire attend des enseignants

Plusieurs prescriptions permettent à l’institution scolaire de définir les attentes qu’elle a vis-à- vis du travail que les enseignants se doivent de réaliser dans la collaboration avec les parents de leurs élèves. Dans le cadre de ce mémoire et en lien avec l’analyse effectuée en 2016 lors de mon TIFE, le tissu prescriptif suivant est développé : la loi sur l’instruction publique et le règlement de l’enseignement primaire entrés respectivement en vigueur en 2016 et en 1993, la charte et le cahier des charges de l’enseignant primaire en fonction depuis 1996, ainsi que différentes directives relatives au domaine des relations familles-école.

1.1.1.1. Loi sur l’instruction publique et règlement de l’enseignement primaire

La Loi sur l’instruction publique comporte plusieurs sections qui règlementent la scolarité obligatoire dans le canton de Genève, dont les finalités et les objectifs de l’école publique.

Selon elle, l’école publique doit tenir compte de chaque élève et de leurs particularités afin de s’approcher du principe de l’égalité des chances et de transmettre aux élèves les connaissances et les compétences qui seront utiles à leur vie future et professionnelle (chapitre 3, article 10). Dès lors, les enseignants ne peuvent plus ignorer les besoins spécifiques de chaque élève, ni les traiter sans considérer leur situation familiale et sociale. De plus, cette loi estime que l’école publique complète l’action éducative de la famille qui est en étroite relation avec elle (chapitre 3, article 13). Elle stipule que les parents d’élèves qui n’ont pas encore la majorité sont entendus avant que toute décision jugée comme étant importante soit prise par rapport à leur enfant. L’autorité scolaire doit également encourager la participation active des enseignants, des élèves et de leurs parents aux diverses responsabilités scolaires. Pour cela, l’institution scolaire doit favoriser la concertation avec les familles et les différents partenaires de l’école, également dans le but de renforcer la cohérence générale de l’action éducative menée en faveur des élèves. Pour le DIP, les enseignants, comme les parents, sont des acteurs à part entière de l’éducation et de l’instruction des enfants. Leurs actions se complètent et ils se doivent de collaborer pour le bien de ces derniers. Les enseignants doivent s’entretenir avec les parents, les informer et encourager leur participation au sein de l’école. Pour ce faire, ils doivent tenir compte des particularités individuelles de chaque élève et donc de leur vie familiale.

Le Règlement de l’enseignement primaire, quant à lui, permet aux enseignants d’avoir connaissance du fonctionnement global de l’école, tel que les objectifs et les buts ou les droits

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et les devoirs du corps enseignant. Tout comme la Loi sur l’instruction publique, il stipule que l’école primaire a pour but de compléter l’action éducative des parents (chapitre 1, article 1).

De plus, il est demandé aux enseignants d’entretenir des relations suivies avec les parents de leurs élèves et de collaborer de manière régulière avec tous les acteurs susceptibles de les aider et d’intervenir auprès de ces derniers (chapitre 3, article 11). Le cinquième chapitre de ce règlement est entièrement consacré aux droits et aux obligations des élèves et des parents, et particulièrement la septième section de ce dernier qui règle la participation des parents dans l’école et les relations école-familles. L’article 37 explique que la famille et l’école doivent collaborer à l’éducation et à l’instruction des enfants, ainsi qu’entretenir des relations suivies.

Les enseignants doivent dès lors organiser des réunions de parents au moins une fois par année et des rencontres individuelles, mais également assurer une information écrite. Dans le cas des élèves en difficulté, ils sont également dans l’obligation de prendre contact avec les parents et ce, particulièrement lorsque des mesures d’accompagnement ou d’appui sont envisagées.

Concernant les associations représentatives de parents, la Direction générale de l’enseignement obligatoire doit encourager leur création, favoriser et soutenir leurs activités.

Les enseignants se doivent donc de les tenir informer et de répondre à leurs éventuelles demandes concernant les questions d’intérêt général comme l’enseignement et la vie de l’école. Le sixième chapitre de ce règlement portant sur l’évaluation scolaire traite également des relations familles-école. En effet, il est inscrit que l’évaluation a un caractère informatif permettant de renseigner les parents sur les apprentissages de leur enfant (article 39) et que le livret scolaire représente le document officiel de communication aux parents de l’évaluation scolaire de leur enfant (apprentissages et comportement). Les enseignants se doivent dès lors de rédiger des commentaires de façon à renseigner les parents et à encourager les élèves (article 46), puis le leur remettre en main propre si possible à la fin de chaque trimestre pour le signer (article 49).

Nous observons que, tant dans la Loi sur l’instruction publique que dans le règlement de l’enseignement primaire, les relations familles-école sont traitées et la collaboration entre ces deux partenaires éducatifs est activement recherchée. Ces deux prescriptions institutionnelles imposent plusieurs rencontres que les enseignants se doivent d’effectuer avec les parents pour les tenir informer et précisent les outils qu’ils doivent utiliser pour leur transmettre les informations. Les enseignants doivent dès lors remplir plusieurs attentes : encourager la participation des parents dans l’école, s’entretenir régulièrement avec eux et organiser plusieurs rencontres pendant l’année scolaire, les informer de la scolarité de leur enfant et de la vie scolaire, ainsi qu’échanger les informations importantes avec les associations des parents d’élèves.

1.1.1.2. Charte et cahier des charges de l’enseignant primaire

La charte et le cahier des charges de l’enseignant primaire précise le principe de base suivant : les enseignants doivent respecter tous les enfants, quels que soient leur origines, leur langue, leur confession ou leur milieu socioculturel et ne doivent en aucun cas endoctriner les élèves

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ou leurs parents. De plus, ils doivent être à l’écoute des besoins de chacun des enfants dont ils ont la charge, c’est-à-dire tenir compte également de leur appartenance sociale et familiale, avoir une attitude ouverte favorisant les dimensions sociales, culturelles et civiques, et respecter les différences culturelles (section 1, « Missions de l’école »). Les enseignants doivent dès lors chercher à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire en alertant les partenaires de l’école susceptibles de les aider, dont les parents, lorsqu’ils sont confrontés à des élèves en grande difficulté. La troisième section « Secret de fonction et confidentialité » indique aux enseignants qu’ils ont un devoir d’impartialité dans les relations avec les élèves et leurs parents, et qu’ils doivent directement s’adresser à ces derniers lorsqu’ils cherchent des renseignements liés à la vie familiale des élèves.

Deux autres sections traitent plus particulièrement des relations avec les parents : la section 7

« Relations avec les parents » et la section 8 « Horaire hebdomadaire ». La section 7 impose formellement aux enseignants le devoir d’informer les parents dans différents domaines liés à la vie de l’école (travail, comportement de l’enfant, gestion de classe ou de groupes d’élèves).

Elle précise également que les enseignants font recours aux moyens qui leur paraissent les mieux adaptés et les plus efficaces et qu’ils doivent participer aux réunions communes par classe, par école, par degré et par division permettant aux parents de rencontrer tous les enseignants et les différents intervenants de l’école. La section 8 précise qu’un temps d’entretien avec les parents, qu’il s’agisse de réunions de parents, d’entretiens individuels ou des visites, fait entièrement partie de l’horaire hebdomadaire des enseignants. Ces derniers doivent également se concerter avec les associations de parents d’élèves.

Cette prescription institutionnelle mentionne alors que les parents sont bien des partenaires éducatifs que les enseignants doivent respecter et auxquels ils doivent faire recours en cas de difficulté. De plus, elle leur impose formellement de rencontrer les parents et de les tenir régulièrement informés de la vie scolaire de leur enfant. Enfin, les enseignants doivent tenir compte des particularités individuelles des élèves, notamment familiales. De ce fait, ils ne peuvent plus être indifférents aux différences et se doivent d’ouvrir leur classe aux familles.

1.1.1.3. Directives « Relations famille-école » et autres directives

Plusieurs directives scolaires traitent du thème des relations entre l’école et les familles.

Cependant, une seule de ces prescriptions institutionnelles règle le rôle spécifique attendu des enseignants dans la collaboration à mettre en place avec les parents de leurs élèves. Il s’agit de la directive « Relations famille-école » (D-DGEP-02A-10), dont l’objectif est de « rappeler les obligations des enseignants pour assurer les relations famille-école et les liens avec les associations de parents d’élèves (APE) » (p.1) et de prolonger ainsi le cahier des charges de l’enseignant primaire et le règlement de l’enseignement primaire. Elle précise également quels sont les interlocuteurs concernés : le directeur d’établissement, les enseignants, les parents et les associations de parents d’élèves.

Le rôle des enseignants y est clairement défini : ils doivent développer divers modes de communication avec les parents de leurs élèves. Pour cela, ils doivent organiser une réunion

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de parents par classe durant le premier trimestre permettant de présenter les activités réalisées en classe, les objectifs d’apprentissage poursuivis et le plan d’études. En outre, ils doivent les informer sur l’évaluation formative et certificative du travail des élèves et clarifier leurs attentes et celles des autres acteurs éducatifs, dont les parents. Ils doivent également établir un moyen de communication écrit entre l’école et la famille afin de garantir la transmission des informations (dossier de communication ou carnet de devoirs par exemple). Pour assurer la présence de relations, des rencontres avec les parents sont obligatoires et doivent se réaliser selon les modalités de la directive « Transmission de l’évaluation aux parents » (D-DGEP- 01A-03) qui précise pour chaque nouvelle année scolaire les échéances de remise du livret scolaire aux familles et indique que les enseignants doivent les rencontrer au minimum trois fois dans l’année (une réunion de parents, un entretien individuel et une soirée portfolio).

Enfin, ils doivent réaliser une information écrite afin de prévenir les parents de toutes les sorties prévues ou les événements particuliers organisés dans l’école, garder leur classe ouverte pour les parents lors de moments clairement identifiés avec eux et réaliser une liste, pour les parents ayant donné leur accord, des adresses et numéros de téléphone des élèves de la classe et de l’enseignant.

Cette directive énonce pour finir que les parents sont des partenaires de l’action éducative et, de ce fait, coresponsables d’une bonne communication entre l’école et les familles, ce qui démontre le rôle prépondérant des parents et le devoir que les enseignant ont d’établir une réelle collaboration avec eux. Elle précise de manière claire et concise les différents modes de communication que doivent impérativement utiliser les enseignants pour transmettre les diverses informations importantes aux parents et précise le nombre de rencontres à effectuer avec les parents et les échéances qui leur sont liées.

Il existe également d’autres directives qui traitent du thème de la collaboration entre les familles et les enseignants, mais sans traiter spécifiquement des attentes de l’institution vis-à- vis de ces agents. En effet, certaines définissent simplement les différents domaines dans lesquels les parents se doivent d’être informés par les enseignants : les devoirs à domicile, les devoirs surveillés, les mesures d’accompagnement, les activités parascolaires, le soutien pédagogique hors temps scolaire ou encore de leur possible présence au sein du conseil d’établissement. D’autres sont plus à considérer comme étant des ressources que les enseignants ont à leur disposition dans le cadre de familles qui ne parleraient pas le français ou qui communiqueraient par le langage des signes leur permettant d’établir tout de même une certaine collaboration et relation avec les parents, comme les interprètes médiateurs en langues étrangères mis à disposition par la Croix-Rouge genevoise et les interprètes médiateurs en langue des signes français par la fondation PROCOM.

1.1.2. Ce que l’institution scolaire attend des parents

L’institution scolaire attend également que les parents participent activement à la recherche de collaboration avec les enseignants, bien qu’elle ne puisse établir des directives et des prescriptions cadrant directement leurs actions autant que celles de ses propres agents.

Toutefois, une partie du règlement de l’enseignement primaire de 1993 et la directive

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« Relations famille-école » définissent et règlent quelque peu leur comportement vis-à-vis de la collaboration. De plus, le DIP a réalisé plusieurs documents à l’attention des familles transmettant les informations essentielles à la scolarité de leur enfant, dont les attentes qu’elles se doivent de remplir, afin d’éviter les possibles jugements négatifs des enseignants qui pourraient les considérer comme de « mauvais parents ». Les documents suivants sont ainsi développés ci-dessous : le règlement de l’enseignement primaire entré en vigueur en 1993, la directive « Relation famille-école » (D-DGEP-02A-10), la brochure école enfantine et primaire 2009, et le mémento à l’usage des parents et de leurs enfants. Les informations et les recommandations décrites dans ces documents sont également présentes sur le site internet du DIP. Il recense ainsi toutes les informations utiles aux parents d’élèves concernant la scolarité obligatoire, l’organisation du système scolaire genevois et les différents dispositifs mis en place afin de lutter contre l’échec scolaire.

1.1.2.1. Règlement de l’enseignement primaire et directive « Relations famille-école »

Le Règlement de l’enseignement primaire, comme présenté précédemment, définit les attentes que les enseignants doivent remplir vis-à-vis de la collaboration avec les parents, mais également le comportement attendu des familles. En effet, le cinquième chapitre de ce Règlement est entièrement consacré aux droits et aux obligations des élèves et des parents. Il est tout d’abord demandé aux parents de donner à leur enfant une formation appropriée en fonction de ses aptitudes. Ils doivent aussi mettre en place les conditions les plus favorables au développement de leur enfant, surtout s’il a des difficultés importantes pour s’adapter à la vie scolaire et sociale. A cette fin, ils doivent collaborer avec l’école et, si besoin, avec les services de l’office de la jeunesse (article 19). Concernant les absences et les arrivées tardives, les parents sont tenus d’adresser une demande de congé au directeur lorsque toute absence peut être prévue sous peine d’être sanctionnés par la loi pénale en cas d’absence non motivée ou comportant un motif non valable (article 27). En outre, l’article 36 établit les attentes que l’école a vis-à-vis du matériel scolaire. Les parents doivent exiger de leur enfant le respect du matériel reçu, leur fournir des chaussures et des vêtements adaptés aux cours de rythmique et de gymnastique et remplacer ou payer les objets abîmés ou perdus.

La septième section de ce chapitre règle particulièrement la participation des parents dans l’école et les relations familles-école. Tout comme pour les enseignants, les parents doivent collaborer à l’éducation et à l’instruction des enfants (article 37). Pour cela, ils doivent entretenir des relations suivies avec l’école assurées par des réunions de parents, des rencontres individuelles et de l’information écrite. Il est attendu de leur part qu’ils y participent et qu’ils répondent aux convocations des enseignants ou du directeur. Concernant les associations de parents, elles peuvent exprimer leur avis et demander des informations sur des questions d’intérêt général concernant l’enseignement et la vie des écoles. Enfin, les parents doivent signer et rendre sans retard le livret scolaire de leur enfant aux enseignants, sans avoir pour autant l’autorisation d’y inscrire des observations ou apporter des modifications aux indications qui y figurent (article 49).

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Concernant la directive « Relation famille-école » (D-DGEP-02A-10), elle indique aux parents qu’ils sont des partenaires de l’action éducative et qu’ils sont coresponsables d’une bonne communication entre l’école et les familles. Il est dès lors souhaitable qu’ils fassent connaître leurs besoins dans le domaine de la communication, qu’ils s’expriment et qu’ils proposent d’éventuelles solutions, c’est pourquoi ils sont représentés au sein du conseil d’établissement. Il est également inscrit que les APE peuvent se présenter aux parents lors des inscriptions des nouveaux élèves ou lors d’autres occasions.

Au final, les parents sont tenus de collaborer avec les enseignants et de participer à la vie scolaire de leur enfant. Ils doivent également faire part de leurs besoins en matière de collaboration, donner leur avis et s’exprimer. Enfin, ils doivent répondre aux convocations des enseignants afin d’entretenir des relations suivies et respecter certains aspects susceptibles d’être punis par la loi. Dans l’esprit des textes, ce sont donc de réels partenaires qui jouent un rôle important dans la mise en place de conditions favorables à une bonne communication entre les différents acteurs éducatifs.

1.1.2.2. Mémento à l’usage des parents et de leurs enfants

Le mémento destiné aux parents et à leurs enfants présente quelques lois essentielles édictées par les autorités permettant « à l’ensemble des citoyen-ne-s de vivre en bonne harmonie et préserver les jeunes de comportements à risques, mais aussi pour soutenir les parents dans leur mission éducative […] » (2013, p.3). De plus, il rappelle que la Loi sur l’instruction publique encourage les parents à participer et collaborer avec l’école afin d’assurer la formation des jeunes. Neuf points extraits de ces lois, en rapport avec la relation famille- école, sont ensuite présentés de façon synthétique.

Le premier point stipule que chaque enfant a le droit de recevoir un enseignement de base dans les écoles publiques et que ce dernier est gratuit. Une fois les jeunes inscrits, les parents doivent envoyer leur enfant de manière régulière à l’école sous peine d’être amendés s’ils ne respectent pas cette obligation, veiller à ce qu’il se conforme aux règlements scolaires et qu’il s’habille de manière convenable. Le deuxième point concerne la vie et les transports publics.

Elle informe que les jeunes doivent respecter les personnes et l’environnement dans lequel ils se trouvent, mais également payer leur ticket de bus et ne pas causer de dommage matériel au risque d’être sanctionnés aux niveaux pénal et administratif. Les parents sont ensuite informés qu’il est interdit de diffuser et de stocker des documents sur internet ou sur les réseaux sociaux portant atteinte à d’autres individus (troisième point). Des précautions sont également indiquées concernant le « tchat » et les réseaux sociaux. Le quatrième point explique que les parents et leurs enfants doivent respecter l’âge légal d’admission dans les cinémas inscrit selon les films, le non-respect de ce dernier étant punissable. Le cinquième point, quant à lui, leur indique que les jeunes de moins de seize ans ne peuvent pas sortir de chez eux après minuit, sans être accompagnés d’une personne majeure. Les sixième et septième points concernent l’alcool, le tabac et les drogues. Les parents sont informés que les jeunes de moins de seize ans ne peuvent acheter et/ou consommer de l’alcool et/ou du tabac, ainsi que la vente et/ou la consommation de drogues ou autres stupéfiants sont interdites. Enfin, il est interdit de

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posséder des armes pouvant blesser autrui, telles que des couteaux ou des armes à feu (huitième point) et que la violence sous toutes ses formes (verbale, psychologique, physique) peut être sanctionnée (neuvième point).

A nouveau, les parents ont certains devoirs dans la scolarité et l’éducation de leur enfant afin d’assurer leur formation. Il est attendu de leur part qu’ils leur donnent une éducation qui respecte les lois édictées par la société et qu’il soit donc conforme aux règles de vie commune sous peine d’être punissables. Finalement, les parents doivent collaborer avec les enseignants et participer à la vie de l’école. En effet, il est rappelé que les parents ont un rôle essentiel dans la réussite scolaire de leur enfant et qu’il n’est pas toujours évident de l’assurer. C’est pourquoi les familles qui rencontreraient des difficultés ont la possibilité de demander de l’aide aux différents acteurs présents dans l’école, tels que les enseignants ou les éducateurs sociaux par exemple.

1.2. De l’institution formelle à l’institution réelle

Cette deuxième partie de la construction de l’objet de recherche concerne l’écart entre le travail prescrit et le travail réel des enseignants et des parents d’élèves. Elle cherche ainsi à mieux comprendre leur réalité et l’institution réelle qui peut s’avérer sensiblement différente de celle souhaitée par les autorités scolaires et donc, l’institution formelle. Pour cela, elle est divisée en trois sous-parties. La première concerne l’interprétation nécessaire que font les acteurs des prescriptions institutionnelles. Leurs attentes peuvent ainsi être différentes de celles de l’institution, mais également différentes d’un partenaire à l’autre. Ensuite, la deuxième sous-partie, quant à elle, identifie la pluralité de l’agir enseignant qui complique un peu plus le respect des attentes institutionnelles, les enseignants étant partagés entre diverses possibilités d’action. Ils effectuent donc des arrangements locaux et ajustent leurs pratiques en fonction des situations qu’ils vivent. Enfin, la troisième sous-partie cherche à mieux comprendre l’ambivalence des rapports de l’école aux familles de milieu populaire, entre une reconnaissance « affichée » par la recherche de symétrie et « pervertie » par la proximité comme moyen d’éducation des familles les plus éloignées de la culture scolaire.

1.2.1. Entre travail prescrit et travail réel : l’interprétation des acteurs

Les prescriptions et les documents présentés dans la partie précédente de ce chapitre correspondent au travail prescrit des acteurs, aussi bien des enseignants que des parents d’élèves, c’est-à-dire « […] ce que la hiérarchie spécifie formellement, oralement ou par écrit (consignes, notices, règlements), concernant les objectifs quantitatifs […] ; et qualitatifs […] ; les procédures à suivre » (Capitanescu, 2010, p.39) et plus particulièrement dans ce mémoire les relations familles-école. Cette auteure ajoute que le travail prescrit concernant la collaboration comporte trois fonctions principales : garantir l’équité et l’égalité de traitement, garantir la transparence et régler les rapports avec les usagers de l’école, comme les parents des élèves, afin de délimiter les rôles de chacun et leur domaine d’actions réciproques. Avec le développement de l’impératif scolaire de partenariat entre les enseignants et les familles, l’enseignement ne peut plus s’effectuer coupé du monde, mais se doit de tenir compte des

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parents. Ces derniers sont des partenaires éducatifs à part entière de l’école à qui il faut rendre des comptes et qui en demandent (Alliata, Ducrey & Nidegger, 2002 ; cités par Capitanesu, 2010). L’obligation de prescription permet ainsi de garder une certaine dimension privée de la classe en générant des règles à respecter de la part des deux acteurs, bien qu’elle puisse être considérée comme une contrainte diminuant l’autonomie des enseignants et des parents, ainsi que leur marge de manœuvre respective. Le travail prescrit permet ainsi de délimiter des territoires d’intervention et des espaces de décision.

Tant les enseignants que les parents d’élèves ont donc des devoirs et des attentes à remplir dans la recherche de collaboration. L’école complète l’action éducative des familles et ces deux acteurs sont coresponsables. Du côté des enseignants, ils doivent tenir compte des besoins particuliers des élèves et de leurs différences afin de tendre à corriger les inégalités de départ ; ils ne peuvent plus faire abstraction du milieu familial. Ils doivent également informer les parents de la scolarité de leur enfant et assurer une bonne communication, les rencontrer régulièrement, encourager leur participation à la vie scolaire, maintenir un contact régulier et échanger les informations importantes avec les APE. Les enseignants doivent dès lors ouvrir leur porte aux familles, leur rendre des comptes sur ce qu’il se passe dans leur classe et faire appel à elles en cas de difficultés de l’enfant, car elles ont leur mot à dire et aucune décision ne peut être prise sans leur accord. Du côté des parents, ils doivent offrir à leur enfant une formation et une éducation appropriées, c’est-à-dire leur permettre de grandir dans des conditions favorables à leur développement, surtout en cas de difficultés. De plus, ils doivent répondre aux convocations des enseignants, signer divers documents affirmant leur consentement ou la réception des informations écrites, collaborer et participer à la vie scolaire, participer aux APE et élire les membres des conseils d’établissement. Enfin, ils doivent favoriser la scolarité de leur enfant en respectant un certain nombre de conseils éducatifs.

Le département de l’instruction publique impose dès lors un certain nombre de normes, délimitant les rôles et les actions, que chacun de ces deux acteurs se doit de respecter. Pour cela, plusieurs termes sont utilisés, tels que « collaborer », « partenaires », « informer »,

« communiquer », « rencontrer » et « participer ». Mais comment sont-ils interprétés par les acteurs ? En ont-ils la même définition ? Comment s’approprient-ils ces rôles ? En effet, « les prescriptions sont interprétées par leurs destinataires, donc diversement comprises et acceptées, en fonction de nombreux paramètres. Rien n’assure qu’elles seront respectées du simple fait d’avoir été édictées. Le travail réel n’est donc pas la réalisation du travail prescrit » (Capitanescu, 2010, p.40). Les acteurs ont dès lors une certaine marge de manœuvre dans l’interprétation des injonctions à leur encontre qui pourrait créer des représentations et des attentes différentes vis-à-vis de la collaboration par rapport à celles de l’institution scolaire. De nombreuses différences entre le travail prescrit et le travail effectivement réalisé sur le terrain peuvent de ce fait apparaître.

De plus, selon Lessard et Carpentier (2015), « mettre en œuvre c’est interpréter. […] Il y a une interprétation nécessaire au passage réussi de l’énoncé général du discours politique à son appropriation/traduction/intégration dans un contexte organisationnel particulier et dans une

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pratique professionnelle singulière. » (p.189). Les acteurs ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre des prescriptions et des attentes institutionnelles ; ils représentent effectivement un des cinq piliers du pentagone des politiques publiques réalisé par Lascoumes et Le Galès (2007) permettant de comprendre comment elles sont réalisées, mises en œuvre et évaluées. De ce fait, l’interprétation que les enseignants et les parents en font n’est pas forcément celle que l’institution aurait souhaitée, différenciant ainsi le travail réel du travail prescrit. Cela est d’autant plus accentué et problématique dans l’enseignement qui est un métier de l’humain rempli de relations et de situations différentes, particulières, incertaines et imprévues.

Montandon et Favre (1988) déclarent qu’il n’est « […] pas facile d’élaborer une politique dans le domaine des relations familles-école : plus l’organisation scolaire reconnaît la place des parents, plus elle se heurte à la diversité des situations familiales et à des demandes contradictoires » (p.105). Les attentes et les représentations des acteurs concernant la collaboration peuvent alors varier en fonction du contexte de la situation dans laquelle ils se trouvent.

Plusieurs auteurs ont également mis en évidence le flou existant sur la définition des relations familles-école, ainsi que sur les termes employés pour les décrire. Dans les différentes prescriptions traitant ce thème, le terme « collaboration » n’y est jamais défini. Pourtant, il est demandé aux acteurs de collaborer, de coopérer et de participer, sans pour autant leur indiquer ce que ces termes signifient. Bouchard, Talbot, Pelchat et Boudreault (1998) expliquent en effet qu’« il n’est pas certain que de part et d’autre nous donnions le même sens aux termes

« partenariat » et « coopération ». […] Il y a souvent confusion avec d’autres termes comme les mots « collaboration » et « concertation » » (p.180). Paquin et Drolet (2007) ajoutent qu’« un manque de consensus entre les auteurs quant à leur nature et leur portée ainsi qu’un usage commun de tous ces termes, comme s’il s’agissait de concepts interchangeables, nuisent à leur bonne compréhension » (p.27-28). Les significations accordées par exemple à la participation des parents sont multiples (Claes & Comeau, 1996). Elle peut signifier « […]

s’informer, connaître la composition de l’école et les programmes qui y sont suivis », mais aussi consister « […] à partager la prise de décision et à collaborer activement à la réalisation des objectifs » ou encore « prendre part à, mais aussi coopérer à, s’associer à » (idem, p.82).

Nous remarquons dès lors que moins ces termes sont définis dans les prescriptions, plus les acteurs peuvent les interpréter différemment et leur donner la signification qui leur semble la plus appropriée en fonction de leur situation.

Chartier et Payet (2014), en faisant référence aux travaux de Félix, Saujat et Combes (2012) et de Maroy (2006) estiment, quant à eux, que « les injonctions institutionnelles stipulent ce que les enseignants doivent faire, mais n’abordent jamais comment le faire » (p.32). Comme démontré effectivement lors de l’analyse des prescriptions réalisée dans le cadre de mon TIFE, très peu de moyens sont fournis aux acteurs leur indiquant comment collaborer. Ils sont dès lors libres d’utiliser les outils et les moyens qui leur semblent les plus adéquats en fonction des situations et des individus qui leur font face. Cela démontre bien que les prescriptions définissent le cadre des relations à entretenir et non pas la manière de ce faire.

Cela est également le cas pour les entretiens individuels que les enseignants se doivent de réaliser avec les parents. Les prescriptions annoncent que les enseignants doivent renseigner

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les parents au niveau des apprentissages scolaires et du comportement de leur enfant, mais n’expliquent pas comment ils doivent le faire. De ce fait, « chaque enseignant fait face à la situation en fonction de son histoire et de ses expériences passées » (Favre & Montandon, 1989, p.28). Les ajustements réalisés et les moyens mis en œuvre par les enseignants, mais aussi par les parents, pour collaborer proviennent ainsi souvent de leurs propres expériences et de leurs interprétations faites de la réalité du terrain. Elle serait ainsi sensiblement différente du travail prescrit, ce qui permettrait aux malentendus, aux incompréhensions et aux tensions de se développer.

Au final, le travail prescrit concernant les relations famille-école apparaît très flou et ne permet pas aux enseignants et aux parents, lesquels se trouvent face à une diversité de pratiques enseignantes et parentales, d’identifier clairement les attentes de l’institution. Ils ont certes les objectifs communs « d’assurer une bonne communication entre l’école et la famille et de transmettre les informations utiles aux parents sur la progression de l’élève et la vie de l’école » (Capitanescu, 2010, p.188), mais cela laisse penser que la collaboration n’est qu’une simple transmission d’informations. De plus, les différentes prescriptions ne définissent à aucun moment ce que les termes « collaboration », « partenariat » et « coopération » signifient. De ce fait, bien qu’elles cadrent leurs actions, les enseignants et les parents ne peuvent qu’interpréter les prescriptions afin de les mettre en œuvre et de les respecter. C’est pourquoi le travail réel dépend fortement de la définition personnelle qu’ils donnent à la collaboration et des pratiques qu’ils jugent utiles de mettre en place pour ce faire. Cela pose dès lors problème dans l’établissement de relations entre ces deux acteurs. En effet, « le flou des prescriptions officielles sur le statut de ces relations et les règles les régissant conduit certains auteurs (Monceau, 2014 ; Payet & Rufin, 2012) à rappeler que leur développement ne saurait conduire toujours et systématiquement à une amélioration des performances scolaires de l’enfant » (Giuliani & Payet, 2014, p.12). La prescription concernant ce domaine est donc particulièrement ouverte, car, bien qu’elle impose certaines normes à respecter, une grande marge de manœuvre est laissée aux enseignants et aux parents. L’interprétation des prescriptions qu’en font les acteurs entre alors nécessairement en jeu et guide leurs pratiques, ce qui peut avoir pour conséquence une pluralité des attentes et des représentations dans les relations familles-école.

1.2.2. La pluralité de l’agir enseignant

Les différentes politiques éducatives et prescriptions développées suite à l’imposition de la collaboration entre les familles et les enseignants ont donné lieu à de nouvelles attentes que ces derniers doivent remplir. Cependant, le flou régnant sur une partie du travail prescrit ne permet pas de cadrer entièrement leurs actions dans la collaboration. De ce fait, ils ont une certaine marge de manœuvre dans l’interprétation qu’ils en font et leurs attentes peuvent être sensiblement différentes de celles de l’institution, mais également de celles des autres partenaires éducatifs. En outre, la symétrisation des relations que sous-tend la collaboration est encore très peu balisée et structurée (Payet, 2015), ce qui laisse énormément de place à la confusion des différents cadres de référence et postures professionnelles présents dans l’agir enseignant. Certains auteurs ont effectivement démontré que les attitudes et les stratégies des

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enseignants pour collaborer peuvent varier en fonction de l’origine socioculturelle des parents auxquels ils font face et des situations dans lesquelles ils se trouvent.

Cette sous-partie a alors pour but de décrire l’évolution et l’emboitement des cadres de référence qui ont parcouru l’agir enseignant dans la recherche d’une plus grande symétrie dans les relations entretenues avec les usagers de l’école et les dilemmes que cela peut créer chez les acteurs. Cela permet de démontrer les malentendus et les tensions que peut causer cet emboitement de cadres et de postures dans la recherche de collaboration, et en particulier avec les familles de milieu populaire malgré l’évolution de leurs rapports à l’école au cours de ces dernières décennies. En effet, les institutions contemporaines se sont transformées afin de rechercher plus de symétrie dans les relations qu’elles entretiennent avec leurs usagers et de répondre à leurs besoins particuliers (Payet & Purenne, 2015). L’institution scolaire a elle- même évolué, au nom de la lutte contre l’échec scolaire, vers une plus grande collaboration des enseignants avec les parents et la reconnaissance des différences interindividuelles des élèves et de leur milieu familial. Aujourd’hui, « la structure verticale a été sapée et avec elle a disparu l’univocité des enjeux, des injonctions et des significations. Place à une horizontalité de l’action, à la prééminence des relations, à la négociation des identités » (Payet, Sanchez- Mazas, Giuliani & Fernandez, 2011, p.24). C’est pourquoi les cadres de référence de l’agir enseignant ont également évolué dans ce sens, bien que les flottements actuels des diverses conceptions et représentations qui ont guidé les acteurs de l’école jusqu’à maintenant sont à l’origine de nombreux dilemmes et confusions dans les rapports entretenus avec les familles, ainsi que d’une persistance de l’asymétrie de ces relations. Expliquer dès lors les raisons de cette transformation sociétale permet de mieux saisir les tensions qui sont encore à l’œuvre dans les pratiques réalisées par les enseignants leur permettant de collaborer avec les parents.

Au 19ème siècle, l’école avait pour but d’extraire l’enfant de sa famille et à toute instance religieuse, car seul l’Etat pouvait transmettre la culture nationale selon Jules Ferry. Elle s’est également construite sur le déni des singularités et se voulait indifférente aux différences en excluant tout contexte familial et privé. Elle reposait ainsi « […] sur une mise à distance des appartenances primaires et de rupture avec l’environnement social » (Giuliani & Payet, 2014, p.5). Ceci représente le premier cadre de référence décrit par Payet (2012) qui correspond à celui d’égalité formelle entre tous les élèves. La conséquence de ce cadre est d’adopter une posture professionnelle qui se veut « indifférente aux différences » existantes entre les élèves et qui a pour but de transformer l’enfant, un être « sans » appartenance, en un être « pour » la société. Néanmoins, malgré la vision égalitaire que cette école possédait en voulant offrir à chaque élève la même culture, la doxa républicaine avait l’intention d’éduquer les enfants dont elle estimait que les familles – principalement celles issues de milieux socioculturels faibles – ne pouvaient remplir leur rôle éducatif (Périer, 2005). Les relations asymétriques entre les institutions et leurs usagers continuaient ainsi de persister. Les parents n’avaient pas leur mot à dire et ne pouvaient participer en aucun cas à l’éducation scolaire de leur enfant.

Finalement, « l’école républicaine reposait sur un fort principe de sélection sociale » (Dubet, 1997, p.25) et donc sur les inégalités naturelles, ce qui permettait de justifier la persistance de l’asymétrie au sein de la société.

Références

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