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Un cas particulier : la déformation uniforme

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 77-80)

Avant de nous intéresser à un cas général de déformation arbitraire, il est intéressant de se pencher sur un cas plus simple, celui d’une déformation uniforme d’un tricot. Dans ce cas, toutes les mailles se déforment de la même manière, ~c et w~ ne sont plus des champs de vecteurs qui dépendent de l’emplacement de la maille (x, y) mais simplement des vecteurs qui ne dépendent plus que de la déformation. La contrainte sur la conservation de la longueur de fil devient simplement une relation entre les normes de ces vecteurs, c+δw=c+δw qui doit être vérifiée par chaque maille. La contrainte topologique ne faisant intervenir que les dérivées spatiales de ~c et w, elle n’a plus lieu d’être puisque~ systématiquement vérifiée. Une approche Lagrangienne n’est alors plus nécessaire pour résoudre le problème.

Pour illustrer ce cas particulier, on considère une déformation par cycle de traction-compression selon l’axey, en imposant la hauteur de premier et dernier rang, en laissant sa largeur varier librement. Expérimentalement, on peut tendre vers cette déformation en faisant passer les mailles des rangs extrémaux autour d’un axe rigide sur lequel elles vont pouvoir glisser aussi librement que possible. Cette condition aux bords a été expliquée plus en détail au début de ce chapitre (fig. II.3.b). Dans l’expérience présentée ici, le tricot est composé de Nc×Nw = 20×30 mailles en fil de nylon STROFTR GTM

"Schwarz" de diamètre 200µm, leur taille étant réglée à 5 sur la machine à tricoter, à l’exception des 2 premiers et dernier rangs qui ont une taille réglée à 8 pour faciliter leur glissement sur l’axe rigide. On impose alors un déplacement dans la direction y à l’axe rigide supérieur, entre Lw = 53 mm et Lw = 143 mm à une vitesse constante de 1 mm/s.

On mesure la force nécessaire à cette déformation, ainsi que la forme du tricot en prenant des photos tous les 10 mm de déformation (fig. II.16.a)). Malheureusement, avec cette configuration, le roulottement des bords latéraux libres est suffisamment important pour empêcher la mesure du champ de déplacement d’un grand nombre de mailles, la mesure des déformations est alors faite manuellement avec le logicielImajeJ, sur un nombre restreint de mailles sur le rang central du tricot. Même si le roulottement et donc les déformations 3D sont importantes, cela n’aura qu’une incidence mineure sur la réponse mécanique que l’on mesure, car on a vu lors de l’évaluation de l’énergie du tricot que les courbures hors plan n’apportaient qu’une contribution négligeable au coût de la déformation 2D.

Le problème mathématique à résoudre pour décrire la mécanique de cette expérience est aisé, la norme de~cetw~ suffit car leur direction reste constante~c=c~ex etw~ =w~ey. La déformation que l’on imposeεh = LwL−L w

w va se répercuter sur chaque maille de la même manière, l’expression de la taille longitudinale des mailles est alors simplement : w~ = w(1+εh)~ey. La contrainte de conservation du fil permet d’obtenir directement l’expression de ~c = c1−δwcεh~ex. L’état de référence du tricot est donc atteint simultanément pour ~c et w~ lorsque εh = 0. Ces expressions, qui relient la déformation longitudinale et latérale permet aussi de définir un module de Poisson pour notre tricot :

ν =− εlat

εlong =−cc c

w

ww =δw

c (II.37)

Ce module dépend donc directement du coefficient de répartition du fil dans une mailleδ et du rapport d’aspect de la maille à l’état de référence. La quantitéδwc sera désormais

II.5 Un cas particulier : la déformation uniforme 61

F F F

exp

ε h

b) a)

1

2

3

1 2

3

0 50 100 150

0 2 4 6

Force(N)

Déformation, εh (%)

0 50 100

0 1 2 3 4 5

Déformation, εh (%)

32 %

83 %

135 %

Figure II.16 – a) Série de trois photographies prisent pendant la traction du tricot avec des conditions aux bords "glissantes" qui permettent de tendre vers une déformation uniforme dans le plan. b) Réponse en force du tricot, moyennée sur 5 cycles. Les forceF etF sont calculées à partir du modèle avec ˜Y et ˜Y comme seuls paramètres ajustables.

notée simplement ν. Avec les expressions de ~c et w~ l’énergie totale du tricot est alors facilement calculable :

Eh= ˜BNcNw

1

c(1−νεh)+ β w(1 +εh)

(II.38)

L’énergie n’est pas une fonction monotone de εh, elle va notamment diverger lorsque εh → 1/ν. De plus, l’état de référence est défini comme l’état d’équilibre du tricot en l’absence de contraintes extérieures, il doit donc correspondre à un minimum d’énergie.

Imposer cette condition supplémentaire à notre expression de l’énergie permet de donner la relation entre le coefficient d’asymétrie de contribution énergétique du tricot β, avec les autres paramètres du tricot :β=δwc

2

. On peut ensuite déterminer l’expression de

la force qu’exerce le tricot sur le mors lorsque celui-ci se déplace le long de l’axey : Fh) =−∂Eh

∂Lw

= ˜Y Ncν 1

(1 +εh)2 − 1 (1−νεh)2

(II.39) On définit ˜Y = cB˜w le module de traction effectif du tricot, il dépend à la fois de l’élasticité du fil, mais aussi de propriétés géométriques comme la taille du tricot de référence. ˜Y a la dimension d’une tension de fil (J.m−1 ou Newton) ce qui souligne que la réponse mécanique du tricot vient directement des contraintes imposées au fil le constituant. La réponse expérimentale de ce tricot présente aussi une hystérésis, causé comme discuté auparavant par la contribution globale positive ou négative des forces de friction. On définit alors deux modules de traction effectifs, un pour la traction ˜Y et un pour la compression ˜Y. Ces deux modules étant simplement proportionnels à la force, lorsque le tricot est à l’état de référence, la force de traction et la force de compression doivent se croiser, Fh = 0) =Fh= 0) = 0.

Pour comparer cette formule avec notre expérience, il faut maintenant déterminer les inconnues du problème, ν (et donc δ, c, w) et ˜Y. Pour δ, il suffit de faire comme présenté précédemment, c’est-à-dire mesurer les variations linéaires de w(εh) et c(εh), δ est alors le rapport entre ces deux pentes. On trouve ici δ = 0.71 (fig. II.16.b, insert).

Pour c et w on ne peut pas procéder comme dans le cas d’une déformation uniforme puisque la méthode s’appuie sur les variations spatiales des champs de déplacement. On va plutôt utiliser ici la propriété Fh = 0) = Fh = 0) = 0. Dans la courbe de réponse expérimentale, il faut trouver l’élongationLw pour laquelle les forces de traction et compression se croisent. Cependant, à faible élongation on sort du régime d’élasticité dominante, la mesure sort, de fait, du cadre de notre analyse. Pour contourner ce problème, on suppose que l’évolution des forces de traction et compression restent linéaires entre l’état de référence et le passage à l’élasticité dominante. Pour trouver l’état de référence il suffit alors de prolonger linéairement les réponses en force lorsque le régime élastique est établi. Ces prolongements se croisent enLw = 58 mm, donnantw = 2.1 mm, ensuite le taux de variations de c étant connu, on peut en déduire c = 2.7 mm. Le coefficient de Poisson du système est alors de ν = 0.55. Finalement, les valeurs de ˜Y et ˜Y sont ajustées pour que les courbes théoriques correspondent aux portions linéaires de la réponse expérimentale. On trouve ˜Y = 3.8×10−2J.m−1 et ˜Y = 0.8×10−2J.m−1.

Au final, notre modèle arrive à très bien capturer la réponse en force en traction et compression du tricot jusqu’à environ εh = 100%, ce qui correspond principalement à sa réponse linéaire avant que la force ne commence à diverger. Le modèle prédit lui aussi une divergence mais qui arrive pour des εh plus élevés que mesurés expérimentalement.

En effet, notre modèle repose sur l’hypothèse que la taille des mailles reste grande devant le diamètre du fil, ce qui équivaut à dire que le diamètre du fil tend vers 0. Ainsi la divergence que l’on prédit arrive lorsque la courbureκc→0, or expérimentalement, cette courbure est limitée par le diamètre du fil. La divergence de la force arrive donc pour de plus faible déformation que ce qui est prédit. Cela justifie a priori une approche linéaire du problème, puisque aller plus loin entre en contradiction avec nos hypothèses initiales.

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