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Une mesure externe, la réponse en force

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III.2 Description quantitative des tremblements

III.2.1 Une mesure externe, la réponse en force

On s’intéresse dans un premier temps à la mesure externe que procure la réponse force/élongation du tricot.

a) b)

Élongation, Lw (mm)

230 231 232 233 234

Élongation, Lw (mm)

230 231 232 233 234

Force,F(N)

4.5 5 5.5 6 6.5

-0.1 0 0.1 0.2

Fluctuation, δf(N)

-0.2

FigureIII.6 – a) Réponse typique de la force entreLwm = 230 mm etLwf = 234 mm pour l’expérience de référence. La ligne continue noire indique la force moyennée ¯F avec une moyenne glissante effectuée sur 1500 points. b) Fluctuations en forceδf correspondant à la réponse en a).

a) Fluctuations de force

La caractérisation phénoménologique précédente nous a permis d’identifier les trem-blements comme les fluctuations de la force autour de la réponse élastique moyenne. Une méthode pour les caractériser consiste à considérer ces fluctuations comme un "bruit"

autour d’une moyenne. On décompose alors la réponse en force de la manière suivante : F(Lw) = ¯F(Lw) +δf(Lw) (III.3) F¯constitue donc la réponse moyenne élastique etδf les fluctuations. Expérimentalement, F¯ est évalué en procédant à une moyenne glissante sur le signal de force brut, le nombre de points sur lesquels la moyenne est effectuée dépend de la fréquence d’acquisition mais doit inclure au moins plusieurs dizaines d’évènements (fig.III.6.a).δfest alors simplement pris comme la différence FF¯ (fig. III.6.b).

Une première manière de caractériser un bruit est de mesurer son spectre en fréquence.

δf étant une fonction de l’élongationLw, le paramètre pertinent n’est pas une fréquence temporelle, mais plutôt une fréquence spatiale. On considère donc le spectre comme une fonction d’une longueur d’onde λ. La densité de puissance du spectre est évaluée par la norme au carré de la transformée de Fourier de δf. Cette fonction est calculée pour l’expérience de référence, ainsi que pour des variantes de celle-ci où le seul paramètre varié est la vitesse de chargement entre Lwm et Lwf. L’amplitude de variation de la vitesse reste limitée entre 1µm/s et 10µm/s de sorte à ce que le système reste dans un régime où la durée du glissement est bien plus courte que celle des phases collées. On remarque alors que pour toutes les vitesses, le spectre suit une loi de puissance pour λ entre environ 1µm et 100µm (fig. III.7.a). Le coefficient de cette loi de puissance, mesuré sur la courbe de V = 5µm/s est de −2.727±0.006, l’erreur sur le coefficient est mesuré par l’erreur standard sur un intervalle de confiance de 95%. Ce résultat montre que les fluctuations n’ont pas de longueurs d’ondes privilégiées et ne sont, par conséquent, pas issues d’un phénomène périodique. De plus, la pente étant la même pour toutes les

III.2 Description quantitative des tremblements 91 vitesses considérées, ce résultat est robuste et constitue une propriété intrinsèque au tricot considéré.

Une deuxième manière de caractériser ces fluctuations est de mesurer la distribution de probabilité de δf. La distribution est calculée pour tous les cycles entre Lwm et Lwf (fig. III.7.b) et reste globalement similaire pour toutes les vitesses considérées. Une pre-mière observation est que la distribution est fortement asymétrique entre les fluctuations positives et négatives. Les fluctuations négatives sont plus nombreuses et leurs ampli-tudes maximales plus élevées que les positives. Cette asymétrie vient probablement de la manière dont les fluctuations sont définies car, la force étant globalement une fonction croissante, sur l’intervalle de la moyenne glissante la valeur moyenne de la force augmente significativement. Cet effet a pour conséquence de surestimer la moyenne, induisant une sous-estimation des fluctuations positives. La deuxième observation porte sur la forme de la décroissance de la distribution. En traçant la densité de probabilité en fonction deδf2 (fig.III.7.b, insert) on remarque que les branches décroissent de manières plutôt linéaires.

Les distributions semblent donc se rapprocher d’une gaussienne centrée en 0 mais dont la variance est différente suivant que δf soit positif on négatif. La valeur de cette variance semble dépendre de façon non monotone de la vitesse.

b) Détection d’évènements

Considérer ces tremblements seulement comme un bruit est néanmoins très réducteur car on ne prend pas en compte leur forme caractéristique et la différence entre les phases

a) b)

Figure III.7 – a) Densité de puissance du spectre de δf évaluée comme la norme au carré de sa transformée de Fourrier. Le résultat est montré pour l’expérience de référence avec 5 vitesses de chargements différentes. Dans tous les cas, le spectre montre une loi de puissance pour λentre environ 1µm et 100µm, avec un exposant égal à −2.727±0.006 (mesuré sur la courbe de V = 5µm/s). b) Distribution de probabilité de δf pour les mêmes expériences. La distribution est similaire pour les 5 vitesses et est notamment asymétrique, avec une prépondérance desδfnégatifs. Insert, distribution de probabilité en fonction deδf2, ce qui permet de mettre en évidence que les distributions se rapprochent d’une gaussienne.

Force(N)

a) b)

Δf

Δl

dF/dLw(N.m-1 )

Élongation, Lw (mm) 5.7

5.8 5.9 6

232 232.1 232.2 232 232.1 232.2

-80 -40 0

Figure III.8 – a) Portion de la réponse force/élongation de l’expérience de référence.

Les points détectés comme appartenant à un évènement sont surlignés en rouge. Chaque groupe de points rouges continu forme un évènement. b) Dérivée première de F(Lw) pour la détection des évènements, le signal brut est représenté par les points bleus. Les points noirs sont obtenus en moyennant le signal brut à l’aide d’une convolution avec une gaussienne d’écart type égale à la distance entre deux points. Tous les points pour lesquels ce signal moyenné est négatif sont supposés appartenir à la réponse plastique.

Un évènement est défini par tous les points entre un passage positif/négatif jusqu’à ce que le signal redevienne positif. Deux propriétés du signal peuvent alors être mesurées, l’amplitude de la chute de force ∆f et la durée de l’évènement, qui est mesuré de manière équivalente en temps ∆T ou en distance ∆l.

de "stick" et celles de "slip". Les phases de "stick" se caractérisent par une augmentation linéaire et très lente de la force alors que les "slip" font chuter brusquement la force.

Chaque glissement peut alors être regardé comme un évènement plastique, dans le sens où la réponse sort d’une réponse l’élasticité classique. On se focalisera donc dorénavant sur les propriétés de ces évènements, mais pour cela il faut dans un premier temps réussir à les détecter.

L’apparition d’un évènement se caractérise par un changement soudain de pente dans la réponse force/élongation, passant de faiblement positif à fortement négatif (fig.III.8.a).

Une manière simple de les détecter passe donc par le signe de la dérivée première du signal.

Après une première étape de moyennage de la dérivée pour éliminer les fluctuations dues au bruit de mesure du détecteur, on considère que tout point qui présente une pente négative doit appartenir à un évènement (fig. III.8.b). Le début et la fin d’un évènement sont définis par l’ensemble des points consécutifs situés entre le passage à une dérivée négative, et ce, jusqu’à ce qu’elle redevienne positive.

Les propriétés que l’on peut immédiatement extraire de cette détection sont : l’am-plitude de la chute de force ∆f, définie comme la différence entre la valeur de F pour le premier et le dernier point de l’évènement, et la durée de l’évènement mesurée de ma-nière équivalente en temps ∆T ou en distance ∆l puisque la vitesse de chargement est constante.

Les densités de probabilités de ces deux propriétés, ∆f et ∆T, sont calculées à partir

III.2 Description quantitative des tremblements 93 de tous les évènements détectés d’une expérience. En ce qui concerne ∆f, cette proba-bilité prend la forme d’une loi de puissance sur environ deux décades d’amplitude, entre 10−3(N) et 10−1(N), pour les 5 vitesses considérées. La pente de cette loi de puissance est de −1.50±0.02, obtenu par régression linéaire sur la courbe de l’expérience V = 5µm/s (fig. III.9.a). Ce résultat montre que nos tremblements de tricot possèdent une propriété d’invariance d’échelle dans leur amplitude. L’amplitude minimale mesurée est limitée par la précision de notre appareil de force pour les faibles amplitudes, puis par la taille finie du tricot et la valeur maximale des contraintes aux contacts pour les fortes amplitudes. Pour ce qui est de ∆T, le résultat est plus difficile à interpréter car la résolution temporelle de nos expériences ne permet pas d’obtenir beaucoup de points par évènements, limi-tant de fait la plage de durées mesurées, et de surcroît, les résultats sont assez variables en fonction des vitesses (fig. III.9.b). On ne peut donc pas justifier l’existence d’une loi de puissance pour la durée des évènements. On peut tout de même remarquer que pour toutes les vitesses, densité de probabilité et durée d’évènements en échelles logarithmiques semblent suivre un régime linéaire, sur un peu moins d’une décade, mais avec une pente similaire. Mesurée sur la courbe pour V = 5µm/s, la pente est de−1.77±0.20.

c) Dynamique des évènements

La résolution temporelle est tout de même suffisante pour extraire des informations sur la dynamique des tremblements, à savoir l’évolution de F ou de sa dérivée première en fonction du temps (ou de l’élongation) au sein d’un évènement. Le profil de−dLdF

w est souvent caractérisé par la présence de plusieurs maxima (fig.III.10.a). Si on fait le parallèle avec le "stick-slip", ces maxima correspondraient aux chutes brutales dues aux glissements

a)

b)

Durée, ΔT (s)

Densitédeprobabilité

Densitédeprobabilité

Amplitude, Δf (N)

-1.50

-1.77

100

10-1 101

10-4 10-3 10-2 10-1 100 101

100 10-1

10-2 10-3

10-2 100 102

Figure III.9 – a) Densité de probabilité de l’amplitude des évènements ∆f pour l’ex-périence de référence et pour 5 vitesses de chargements différentes entre 1µm/s et 10µm/s. Ces amplitudes suivent une loi de puissance sur deux décades avec une pente de

−1.50±0.02 (mesuré pour la vitesse V = 5µm/s). b) Densité de probabilité de la durée des évènements ∆T pour les mêmes expériences. La zone de décroissance linéaire est trop restreinte pour en conclure à une loi de puissance, mais on peut tout de même en mesurer la pente qui vaut −1.77±0.20 (mesuré pour la vitesseV = 5µm/s).

Temps (s) 0

a) b)

t/ΔT

〈-dF/dLw〉/〈-dF/dLwmax

-dF/dLw(N.m-1 )

0.5 1 1.5

0 20 40 60

0 0.2 0.4 0.6 0.8 0

0.2 0.4 0.6 0.8 1

1

FigureIII.10 – a) Exemples de dynamique pour quatre évènements de durées différentes.

L’opposée de la dérivée première de la force en fonction de l’élongation −dLdF

w est repré-sentée en fonction du temps à partir du début de l’évènement jusqu’à sa fin. Les pics correspondent à des chutes brutales de la force, et donc aux glissements des contacts. b) Forme moyenne d’un évènement. Pour différents intervalles de durée d’évènement ∆T, la moyenne de −dLdF

w sur tous les évènements de chaque intervalle est calculée en fonction du temps normalisé par ∆T.h−dLdF

wiest normalisé par son maximum. La courbe en noire correspond à la moyenne sur tous les évènements, quelle que soit leur durée. Les évène-ments plus court que 0.3 s ne se prêtent pas bien à cette analyse car ils ne contiennent pas assez de points de données (moins de 7, avec un point toutes les 40 ms).

des contacts, un évènement peut donc être composé d’une succession de plusieurs épisodes de glissement. Si on regarde maintenant la moyenne de ces profils, on s’aperçoit qu’après normalisation par la durée de l’évènement et la valeur maximale de −dLdF

w, qu’importe la durée de l’évènement le profil reste très similaire. Le profil moyen de h−dLdF

wi adopte une forme presque symétrique par rapport à son maximum atteint en ∆Tt = 0.5, avec une rapide croissance initiale et une décroissance finale tout aussi rapide. On retrouve la propriété d’invariance d’échelle des évènements dans la similitude des profils malgré leurs durées différentes. On observe toutefois que le profil a l’air de s’écarter d’une forme symétrique lorsque la durée des évènements augmente. Le maximum de glissement semble se décaler de plus en plus vers la fin de l’évènement (fig. III.10.a, courbe violette). Une interprétation possible de ce décalage est que les glissements importants ont tendance à être précédés, ou même déclenchés, par des glissements de plus faibles amplitudes, le maximum d’intensité étant par conséquent situé vers la fin de l’évènement.

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