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Structure : de la fibre à l’étoffe

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 25-29)

I.3 Une description formelle

I.3.1 Structure : de la fibre à l’étoffe

La structure d’un tricot est hiérarchisée en 4 étapes, sur des échelles de longueur s’étalant du micromètre à plus du mètre, chaque étape apportant son lot de diversification.

a) Tout commence par un fil...

Le choix du fil est la première étape de la confection d’un tricot. Dans l’habillement, le fil est traditionnellement issu de fibres végétales (coton, lin, chanvre ...) ou animales (poils de mouton, chèvre, chameaux...). Ces fibres, d’environ quelques micromètre de diamètre, vont subir un processus appelé filature qui va transformer cet amas de fibres désordonné en un fil possédant une bonne tenue mécanique (fig.I.4.a). Ce processus agit principalement en parallélisant les fibres puis en les entortillant les unes aux autres par torsion, produisant un fil ayant déjà une structure très complexe et des propriétés mécaniques étonnantes, il est très résistant à l’élongation mais reste très flexible.

Les matières plastiques tel que le nylon permettent une plus grande variabilité de catégories de fils. En fonction du processus de fabrication, les matériaux plastiques peuvent être mis en forme de fibres de diamètres et longueurs contrôlables mais aussi directement sous la forme d’un fil, dit monofilament, qui présente des propriétés homogènes sur toute sa longueur et sa section (fig. I.4.b). Ils permettent donc d’obtenir toute une variété de fils avec différentes structures et propriétés mécaniques. Pour les applications industrielles telles que le renfort de composites, il est nécessaire d’avoir des fils avec une très bonne tenue à haute température. Des matériaux tels que la fibre de verre ou des filaments de

I.3 Une description formelle 9 basalte sont alors utilisés (fig. I.4.c), les filaments étant généralement suffisamment longs, le filage n’est pas nécessaire et les paquets de filaments sont directement tricotés.

Des fils de métal sont aussi utilisés pour des applications assez spécifiques comme les protections anti-éboulement (fig. I.4.d), l’intégration d’électronique dans le tricot ou la joaillerie. Dans ces cas, les fils métalliques sont déformés au-delà de leur seuil de plas-ticité et donc ne présentent quasiment plus d’élasplas-ticité, seule la structure du tricot va être exploitée. Une exception reste les alliages métalliques à mémoire de forme, qui vont retrouver leur élasticité au-delà d’une certaine température, et qui sont exploités pour fabriquer des tricots qui vont changer de forme avec la température [37,38,35].

En plus de toutes ces variétés de fils, il est possible de tricoter plusieurs fils en même temps ou encore d’alterner le tricotage entre différents fils. Les différentes possibilités de fabrication qu’offre le tricot sont déjà nombreuses dès cette première étape.

Figure I.4 – La première étape, le fil. a) Fil de coton composé de nombreuses fibres torsadées. Inset à droite : image au microscope de fibres cotons, photo extraite de [39].

b) Monofilament de nylon. c) Fil composé de nombreuses fibres non torsadées pour les renforts tricotés. Filaments de basalte (gauche) et de verre (droite), photo extraite de [40].

d) Tricot fabriqué en fil d’acier torsadé constituant un filet pour retenir les chutes de pierres. Photo prise par Meng Zhou dans les Alpes Bavaroises.

b) ... contraint à former des mailles...

Une fois que le fil est choisi, la deuxième étape consiste à le structurer en lui imposant des entrelacs de manière ordonnée. Ces croisements peuvent être vus comme une propriété topologique du fil, c’est-à-dire une propriété qui n’est pas attachée au fil lui-même mais à son agencement seul. Un croisement peut être défini par un signe, + ou − , selon que le fil passe respectivement au-dessus ou en-dessous du fil qu’il croise. Dans le tricot dit en trame, sujet de cette étude, un seul fil va parcourir rang par rang le tricot et va venir croiser alternativement les rangs précédents et suivants. Dans le motif de base, le fil va croiser quatre fois le rang supérieur (+− −+) et quatre fois celui inférieur en suivant le même schéma (fig. I.5.a). Cette structure, qui va pouvoir être répétée ou variée, est ce que l’on appelle une maille et prend généralement la forme de boucles qui sont retenues par les boucles du rang supérieur, qui elles mêmes soutiennent celles du rang inférieur et ainsi de suite. Avec cette étape, on passe d’un élément essentiellement à une dimension à un objet avec une certaine épaisseur et qui va s’étendre dans deux dimensions, les rangs et les colonnes. Ce schéma de croisement peut être modifié mais pas de n’importe quelle façon, pour que le tricot garde son intégrité et ne se détricote pas, certaines combinaisons de croisements sont interdits. La variation la plus simple consiste à inverser le signe de tous les croisements, on passe ainsi d’une maille dites endroit à une maille dites envers (fig. I.5.b). On peut aussi ajouter des croisements au sein d’un même rang en torsadant la boucle, cela donne une maille appelée torse (fig. I.5.c). D’autres alternatives résident sur le fait de croiser les fils non pas sur les rangs directement voisins mais sur ceux plus éloignés. Le fil du rang sauté peut alors être tout de même tricoté et donc suivre le même chemin qu’un autre rang, soit laissé non tricoté. On parle alors respectivement de mailles glissées(fig.I.5.d) oujetées(fig.I.5.e). Ces variations peuvent se faire le long d’une même colonne mais aussi avec des colonnes plus ou moins adjacentes.

On peut encore diversifier les variétés de mailles en les combinant (maille torse jetée...), ou encore en les répétant (maille double torse...). Avec cette deuxième étape, on ouvre encore un vaste de champs de degrés de liberté dans la fabrication d’un tricot.

c) d) e)

+ +

-

-+ +

-

-+ +

+ + -

-b) a)

Figure I.5 – La seconde étape, la maille. Schémas de la topologie du fil pour différentes mailles sans tenir compte de l’élasticité du fil. a) Maille endroit. Le signe des croisements, pour le fil indiqué par une flèche, est indiqué en rouge. b) Maille envers. Les signes des croisements sont inversés par rapport à la maille endroit. c) Maille simple torse endroit.

d) Maille glissée. e) Maille jetée.

I.3 Une description formelle 11 c) ... qui vont s’organiser en motifs...

La troisième étape consiste en l’agencement de ces mailles selon les rangs et colonnes du tricot pour former un motif que l’on appelle communément un point. Habituellement, les tricots sont faits de zones comportant un motif qui se répète de manière périodique dans une ou deux directions. Le point constitue alors le plus petit motif qui peut être répété. Avec seulement les mailles endroit et envers, on peut déjà créer une infinité de points. Par exemple, un motif composé seulement de maille endroit (ou envers) est appelé un point Jersey (fig. I.6.a), alterner suivant les rangs envers et endroit donne un point mousse (fig. I.6.b), les alterner suivant les colonnes forme un point côte (fig. I.6.c) et alterner en damier créé un point de riz (fig. I.6.d). En alternant non plus tous les rangs mais tous les deux rangs, on forme un nouveau point, les côtes 2×2 et ainsi de suite. Ces points ne font intervenir que les mailles endroit et envers, mais il existe une multitude de points classiques faisant intervenir d’autres types de mailles (fig. I.6.e). Il n’existe pas un nombre fini de points puisque tout ensemble de mailles qui n’est pas constitué d’un sous-ensemble périodisé peut être défini comme un point. La taille d’un point varie donc d’une simple maille à un nombre arbitraire de mailles.

c) b)

a)

d) e)

FigureI.6 – La troisième étape, le point. Schémas de différents points répétés. Le point à proprement parler est encadré en rouge. a) Le point Jersey, constitué d’une maille endroit.

b) Le point mousse, qui alterne les rangs endroits et envers. c) Le point côte 1×1 qui alterne endroit et envers à chaque colonne. d) Le point de riz, endroits et envers forment un damier. e) Le point ditLacoste, constitué seulement de mailles jetées.

d) ... pour finir par engendrer un tricot.

La quatrième et dernière étape réside dans la fabrication du tricot en lui même à partir d’un ou plusieurs points. En effet, un tricot peut être constitué d’un seul point répété sur tout son ensemble (fig.I.7.a), mais la variété de point peut aussi évoluer au gré de sa position. On peut ainsi localement modifier les propriétés du tricot, qu’elles soient mécaniques ou esthétiques (fig. I.7.b), en adaptant le type de points, ou le fil, à ce qui est souhaité. C’est par exemple en passant d’un motif Jersey à côtes que l’extrémité des manches est rendu plus déformable (fig. I.7.c). Les chaussettes de randonnées sont aussi un bon exemple de variations de motif pour s’adapter spatialement à la morphologie et aux contraintes (fig.I.7.d). Pour fabriquer un tricot de taille finie, il existe donc un nombre faramineux de degrés de libertés structurels, qui engendreront une diversité extraordinaire de réponses mécaniques ou de formes.

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