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Élasticité sous contrainte

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 38-41)

I.4 État de l’art de la mécanique du tricot

I.4.2 Élasticité sous contrainte

Dans l’optique de trouver quelle est la forme réelle à l’équilibre mécanique d’une maille, la géométrie ne suffit pas, il faut faire intervenir l’élasticité du fil. Le problème est loin d’être simple car l’élasticité du fil est contrainte par les contacts avec le fil des rangs adjacents. La difficulté revient alors à trouver la, ou plutôt les, descriptions appropriées de ces contacts en termes mécaniques.

Une grande partie des travaux réalisés décrivent la forme au repos de la maille par l’équilibre des forces et couples qui s’appliquent au fil. En première approximation, le fil est considéré purement unidimensionnel et inextensible. La forme projetée dans un

plan de ce type de fil soumis à un ensemble de forces et couples est décrit par la théorie dites d’Euler-Bernouilli ou Elastica. Cette approche a commencé avec G.A.V. Leaf en 1960 [82] avec les contacts induisant des forces et couples ponctuels, mais avec encore une partie de la trajectoire décrite par une géométrie arbitraire. Ces travaux précurseurs ont engendré une pléthore de modèles pour décrire cette forme à partir de l’équilibre des forces. Une première série d’études [83,84,85] visait à étendre l’analyse à trois dimensions et à ne plus avoir à reposer sur une description géométrique préalable. Une fois l’état d’équilibre de la maille obtenu, il est assez aisé de calculer sa réponse mécanique à des forces modérées en utilisant le même modèle [86,87,88]. S’ensuit alors de vifs échanges entre une équipe australienne [85] et une équipe anglaise [89,90] portant principalement sur la modélisation des contacts par une force ponctuelle ou non et les conséquences que cela a sur la forme finale. Cette question devenant critique lorsque la déformation est suffisamment importante pour venir mettre en contacts les boucles de mailles voisines, phénomène appelé "jaming" ou saturation des mailles. Le débat est en partie clos par l’équipe australienne en présentant une approche non pas basée sur un équilibre des forces mais sur une minimisation de l’énergie élastique et mécanique du fil [91,92]. Les contacts sont alors modélisés par un potentiel d’énergie variable tout le long du fil.

Au final, ces études sur la forme d’une maille à l’équilibre montrent notamment que l’équilibre des forces, ou de manière équivalente le minimum d’énergie, n’est pas fortement contraint. Ce qui se traduit par des pentes très faibles autour du minimum d’énergie.

Donc même si cet état existe théoriquement, il est quasiment impossible à atteindre expérimentalement car les forces qui le pousseraient vers l’équilibre seraient trop faibles pour vaincre notamment le frottement et assurer cet état d’équilibre pour toutes les mailles d’un tricot. Il a donc été entrepris ultérieurement de construire une base de donnée expérimentale sur les dimensions de tricots à l’équilibre [93,94], nommé "Starfish project".

L’étude théorique de la mécanique du tricot a connu un regain d’intérêt dans les années 1990-2000 avec l’apparition de nouvelles applications dans les renforts de composites. Les travaux précédents ont alors été revisités de manière plus intelligible. Pour le point de vue équilibre des forces et moments, des travaux plus récents [95] modélisent le croisement par une force et un moment ponctuel qui peut se déplacer (fig. I.11.a). Le résultat de la forme et de la réponse mécanique du système est alors donné analytiquement (sous forme d’intégrales elliptiques) avec comme entrées du modèle C, l’espacement entre lignes, W l’espacement entre colonnes, `la longueur de fil par maille, dle diamètre du fil et B son module de flexion. L’approche énergétique a aussi été reconsidéré [96,97] en y incluant tous les modes de déformation (extension, flexion et torsion) ainsi que le travail des tensions extérieures. La forme est paramétrée par des fonctions arbitraires qui donne au fil l’aspect d’une maille mais avec tout de même des degrés de liberté pour permettre une relaxation vers un minimum énergétique. Une alternative à cette méthode modélise le fil par la méthode des éléments finis [98]. En revanche, toutes ces études se limitent à la description d’une maille unique et non d’un tricot dans son ensemble. Les comparaisons avec les expériences supposent toujours une déformation identique de toutes les mailles du tricot.

Finalement, le développement des capacités de calcul des ordinateurs et l’intérêt crois-sant pour l’animation numérique ont permis de modéliser des tricots entiers en partant de l’élasticité d’un fil [100, 101, 102, 99] (fig. I.11.b). Le fil, considéré inextensible, est découpé en segments dont la trajectoire tridimensionnelle est décrite par des polynômes

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Figure I.11 – Exemples de modèles élastiques du tricot a) Modèle de H. Hong et al, la trajectoire du fil dans une maille est décrite par l’équilibre d’un fil élastique inextensible soumis à un ensemble de forces et moments. Haut, définition de l’unité élémentaire de la maille qui va se répéter et des paramètres géométriques. Bas, définition des forces et moments qui s’appliquent sur le fil (images extraites de [95]). b) Modèle numérique de tricot de J.M. Kaldor et al basé sur la mécanique du fil sans passer par une étape de périodisation. Haut, représentation de la cinétique et des contributions énergétiques dans une maille. Bas, résultat pour un tricot en point Jersey (Stockinette en anglais) au repos (images extraites de [99]).

(ou "splines") avec suffisamment de degrés de liberté. Ce fil possède une énergie élastique de flexion quadratique avec sa courbure, d’une force de répulsion avec lui-même pour empêcher l’interpénétration, d’une force de dissipation pour assurer la convergence de la solution et du travail de forces extérieures. La trajectoire initiale du fil possède la topo-logie du point modélisé, puis une approche Lagrangienne est utilisée pour minimiser son énergie jusqu’à atteindre son état d’équilibre. L’équilibre fournit la trajectoire de la ligne neutre du fil qui est alors habillée de l’aspect réaliste d’un fil de coton ou de laine par exemple. Le résultat donne des tricots avec une apparence très convaincante mais aussi une mécanique et une dynamique très similaire aux tricots réels, même s’il n’y a pas de comparaisons quantitatives. Cependant, la qualité de ces résultats repose sur un certain nombre de paramètres ajustables arbitraires qui n’ont pas d’origine physique claire, l’ob-jectif des travaux étant d’abord de produire des visuels convaincants. Quelques années auparavant, Chen et al [103] ont aussi considéré cette approche de fil unique pour décrire

le tricot en entier. Toutefois le fil n’est pas décrit de façon continue mais plutôt comme une succession de masses correspondant à l’emplacement des croisements et reliés par une tige élastique, tandis que la non-interpénétration du fil est modélisée par une force répulsive entre les masses. Ces travaux font le lien entre une description qui part du fil pour décrire une maille ou le tricot et d’autres descriptions qui s’appuient plus sur des éléments structurels.

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