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Le tricot au fil de l’Histoire

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 22-25)

Figure I.2 – Fabriquer un objet à partir d’un ou plusieurs "fils". Les nids d’oiseaux sont une structure 3D construite à partir d’éléments quasi 1D que sont les brindilles/branches.

Ils peuvent être assemblés de façon désordonnée comme chez les cigognes a) (photo par Sophie Meriotte), ou élaborés suivant un schéma complexe chez l’oiseau jardinier b) (photo parGraeme Churchard). En fonction de la rigidité et de la structure donnée à un ensemble de fils, on peut par exemple fabriquer des formes 3D complexes comme en vannerie d) (image extraite d’une annonce d’initiation à la vannerie) ou une surface comme le tissu c) (Photo et fabrication par Amy Gunderson). Imposer un enchaînement de croisements complexes à un fil revient à fabriquer un nœud. e) (Photo et nœud par Nico sur sonblog).

Le tricot est un exemple de nœud lâche possédant un motif qui vient se répéter f).

I.2 Le tricot au fil de l’Histoire

Cette section présente une courte histoire du tricot, l’évolution de ses usages et en quoi il est pertinent aujourd’hui de s’y intéresser.

I.2.1 Des débuts tardifs

La spécificité du tricot venant de son motif et non du fil utilisé, son invention ne peut être prouvée qu’au moyen de la découverte d’une étoffe suffisamment grande et bien préservée pour reconnaître le motif. De plus, les fils étant fait de matériaux facilement périssables tels que la laine ou le coton, les vestiges archéologiques de tricots restent rares.

Ainsi, le tricot le plus ancien daté à ce jour est une chaussette égyptienne du XIème siècle qui présente toutefois des motifs complexes avec des fils de différentes couleurs (fig.I.3.b).

Cette complexité suggère que le tricot ait été inventé encore plus tôt et que les techniques aient eu le temps de se perfectionner. Le tricot est donc apparu au Moyen-Orient aux alentours du Xème siècle et vraisemblablement inspiré par le nalebinding, apparu aussi au Moyen-Orient mais le précédent de plus d’un millénaire (fig. I.3.a). Nalebinding et

tricot partagent une apparence et des propriétés mécaniques très similaires, mais diffèrent largement dans leur processus de fabrication et donc dans leur structure de base. Le tricot étant beaucoup plus commode à confectionner, il s’imposera d’abord en Europe puis dans le reste du monde, alors que le nalebinding ne restera populaire que dans les pays scandinaves, d’où son appellation actuelle de "maille Viking".

Le tricot fait son apparition en Europe notamment par l’Espagne où des rois Chrétiens embauchent des maîtres tricoteurs arabes dès le XIIIème siècle. Le tricot va alors se développer dans toute l’Europe mais restera dans un premier temps un produit de luxe réservé aux membres de familles royales et au Haut Clergé, avec un usage tirant parti de sa drapabilité et principalement dédié aux chaussettes et aux gants. L’apparition de Guildes d’artisans tricoteurs au XVème siècle (fig. I.3.c) contribue à propager les techniques de tricotage et à diversifier son usage, mais aussi à le populariser au moins parmi la noblesse et la bourgeoisie.

I.2.2 Démocratisation et essors industriel

La première machine à tricoter a été inventée dès 1589 en Angleterre par William Lee, mais ne supplantera pas le travail aux aiguilles des Guildes pendant plus de deux siècles. Avec la révolution industrielle et l’apparition de machines à vapeur au milieu du XIXème siècle, les usines de machines à tricoter finissent par avoir raison des Guildes.

Le tricotage manuel ne disparaît pas pour autant et opère sa mutation d’un artisanat de luxe exclusivement masculin, à un loisir qui s’invite dans le foyer et devient essentielle-ment féminin. Le matériel nécessaire pour tricoter étant réduit à deux simples aiguilles, il se démocratise rapidement parmi les classes populaires car permettant la fabrication de vêtements à moindres coûts. Tricoter a aussi joué le rôle d’acte patriotique lors des deux guerres mondiales où il a été demandé aux foyers de participer à l’effort de guerre en tricotant chaussettes, gants ou bonnets pour les soldats au front (fig. I.3.d). Ainsi, au début des années 1950, tricoter est très populaire dans une grande partie des foyers d’Europe et est même enseigné à l’école (aux jeunes filles). Cette période voit apparaître une abondance de magazines spécialisés (fig. I.3.e), posséder une machine à tricoter chez soi devient chose courante et le tricot s’invite même sur les podiums de hautes coutures.

C’est aussi à ce moment-là qu’apparaissent les premières études scientifiques sur le sujet et un certain engouement pour la mécanique des tricots. Toutefois, cet âge d’or du tricot prend progressivement fin vers les années 1980 quand les progrès de l’industrie et le pas-sage à une société de consommation font qu’acheter un vêtement revient bien moins cher que de le fabriquer.

I.2.3 Le renouveau

À partir des années 1980, même si une grande partie de notre garde-robe reste tricotée, le tricot n’est plus qu’un loisir presque anecdotique. Pendant ce temps, l’industrie du tricot se développe et trouve de nouvelles applications notamment en tant que renforts dans des matériaux composites. En effet, une résine coulée dans un textile permet d’obtenir, une fois séchée, un matériau à la fois solide mécaniquement et résistant à la casse. Ce genre de composites vise à remplacer les structures en acier des voitures, trains ou avions car elles apportent un énorme avantage en termes de coût de production et de poids sans

I.2 Le tricot au fil de l’Histoire 7

Figure I.3 – Le tricot au fil de l’Histoire. a) Chaussettes en nalebinding, retrouvées en Égypte et datées de 300-500 avant J-C. Leur forme particulière vient du fait qu’elles étaient faites pour être portées avec des sandales (conservées au Victoria & Albert Mu-seum, Londres, photo par David Jackson). b) Plus anciennes pièces de tricot découvertes à ce jour. Trouvées aussi en Egypte et datée de 1000-1200 après J-C. La complexité des motifs et la finesse du tricotage suggèrent que l’invention du tricot est plus ancienne que cette datation (conservées au Victoria & Albert Museum, Londres,blog Roving Crafters).

c) Pièce tricotée faisant partie d’un "Chef-d’œuvre" que les apprentis tricoteurs devaient produire à la fin de leurs études pour mériter leur place dans une guilde de tricoteur (ré-servée aux hommes). Décoration murale fabriquée en 1781 dans la Guilde de Strasbourg, représentant notamment Adam et Ève (conservé au Victoria & Albert Museum, Londres, site du museum). d) Affiches incitant les femmes américaines à participer à l’effort de guerre en tricotant des chaussettes, écharpes ou autres pour les soldats au front lors des deux guerres mondiales. Gauche, "Nos gars ont besoin de chaussettes, tricotez votre part", affiche de la Croix-Rouge américaine de la Première Guerre mondiale (1914-1918, Wiki-pedia). Droite,"Souvenez vous de Pearl Harbor, tricotez plus fort", affiche de la seconde guerre mondiale (1942) jouant sur l’homophonie entre "pearl" et "purl" signifiant tricoter à l’envers (Fiber Wild). e) Couverture d’un livret de patrons pour machine à tricoter ("Toyota knitting machine pattern book 1") datant des années 1970, au sommet de la popularité de la mode du tricot. f) Matériau composite de forme complexe composé d’un renfort tricoté imprégné de résine durcissante (produit par l’entrepriseSTOLL)

avoir à sacrifier les propriétés mécaniques. Ce nouveau débouché a alors provoqué un regain d’intérêt de la communauté scientifique pour l’étude de la mécanique des textiles et en particulier du tricot. La déformabilité du tricot permet en effet de couvrir des surfaces aux formes complexes et ainsi de produire des pièces en une seule étape de presse thermique [31, 32] (fig. I.3.f). En parallèle, émerge aussi une nouvelle classe de textiles

dit "intelligent", porté aussi bien par le milieu scientifique [33, 34, 35, 36] que le milieu artistique (Susan Clowes , Jenny Sabin), qui ne considère plus le textile comme inerte mais comme un objet qui va se transformer et s’adapter au gré de stimuli extérieurs.

L’immense nombre de motifs possibles et ses propriétés mécaniques remarquables font du tricot un textile de choix pour ces avancées technologiques et un terrain propice pour les artistes (Sarah-Marie Belcastro,Orly Genger,Pat Ashforth & Steve Plummer,Madame Tricot,Ernesto Neto et beaucoup d’autres).

Néanmoins, le tricot domestique n’a pas dit son dernier mot, depuis le début des années 2000, il redevient fortement à la mode. Ce phénomène est largement aidé par l’apparition d’internet qui voit la création de nombreux sites spécialisés, tenus par des passionnés et qui intéressent une frange plus jeune de la population. Ce mouvement s’inscrit aussi dans une tendance plus générale d’alternatives à la surconsommation par la fabrication de produit "faits main". C’est donc dans ce contexte de renouveau d’intérêts pour le tricot, aussi bien du côté industriel, technologique et même domestique que vient s’inscrire ce travail.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 22-25)