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Quelles conditions pour les voir ?

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 102-106)

II.8 Conclusion

III.1.3 Quelles conditions pour les voir ?

Grâce à l’analogie avec le "stick-slip", on a identifié les différents paramètres à prendre en compte et dans quelle direction les varier pour augmenter ces effets. Les paramètres en question ici sont les forces extérieures appliquées aux contacts P~ et T~, qui sont ici corrélés, la vitesse de chargementV du système et les coefficients de frottement entre les deux surfacesµs etµd.

a) Contraintes internes du tricot

Dans le chapitre précédent, on a déterminé que l’échelle d’énergie stockée dans le tricot était donnée par le coefficient de traction effectif ˜Y = cB˜w qui est proportionnel au module de flexion du fil et inversement proportionnel aux dimensions des mailles. Plus l’énergie élastique du tricot est importante, plus le système est sous contraintes, avec pour conséquence l’amplification de la valeur des forces entre fils aux points de contact, P. De~ plus, augmenter la rigidité en flexion du fil ou diminuer les courbures moyennes du fil dans une maille fera accroître la raideurK du ressort effectif associé à la forceT~. Or il a été vu dans l’introduction que le phénomène de "stick-slip" est exacerbé lorsque la force normale P~ est élevée et que la raideur K est faible. De ce fait, accroître l’énergie stockée dans le tricot produit deux effets antagonistes pour l’observation du "stick-slip". Toutefois, une valeur de K élevée peut être en partie compensée par une vitesse de chargement plus lente, alors qu’augmenter P et donc l’amplitude des chutes de force, est primordial pour pouvoir les observer correctement expérimentalement. Il est donc préférable d’amplifier les contraintes internes dans nos expériences.

Les paramètres sur lesquels on peut jouer expérimentalement sont, notamment, le module de flexion du fil en changeant son diamètre par exemple, et la taille moyenne des mailles, à travers la longueur de fil par maille prescrite pendant le tricotage. Il faut donc choisir un fil épais tricoté dans les mailles les plus petites possible, tout en s’assurant néan-moins de rester dans la limite où le diamètre est petit devant le rayon de courbure moyen et en évitant une déformation trop forte du fil qui pourrait le déformer plastiquement.

221

Force,F(N)

V=0.5 mm/s V=0.05 mm/s V=0.005 mm/s

Élongation, Lw (mm)

221.5 222

-0.2 0 0.2 0.4

Figure III.3 – Expérience de traction d’un tricot de 81×81 mailles fabriqué avec le fil STROFTR GTM "Schwarz" de diamètre d = 150µm. Agrandissement de la réponse force/élongation en traction pour Lw ∈[221−222] mm et pour trois vitesses différentes, V = 0.5 mm/s, V = 0.05 mm/s et V = 0.005 mm/s. La valeur initiale de chaque courbe est artificiellement décalée pour mieux les distinguer. Au fur et à mesure que la vitesse diminue, les fluctuations de force se rapprochent de la forme caractéristique du stick-slip.

b) Vitesse de chargement

La vitesse de déplacement du mors supérieur constitue un deuxième point sur lequel on peut jouer. En diminuant cette vitesse de chargement on sépare d’autant mieux les échelles de durées entre les phases collées et les phases de glissement, ce qui permet de les discerner d’autant mieux. On retrouve dans la réponse mécanique du tricot les trois régimes observés dans les expériences de "stick-slip" (fig.III.3). À forte vitesse, le régime se rapproche d’un glissement continu avec de faibles fluctuations de force. À vitesse moyenne, on observe un régime inertiel où les durées de chutes et de chargement sont comparables, les fluctuations sont de plus fortes amplitudes mais ont un profil plutôt symétrique. À vitesse faible, la force augmente progressivement puis chute brusquement, donnant des fluctuations très asymétriques, c’est le régime de "stick-slip". On cherche à observer ce dernier régime, on va donc se placer dans des conditions de faibles vitesses, typiquement en dessous de 10µm/s.

c) Coefficient de friction

Le dernier paramètre que l’on peut modifier est le coefficient de friction du fil sur lui-même. Augmenter le coefficient de frottement permet d’obtenir des évènements de

"stick-slip" de plus grandes amplitudes. Pour modifier ce paramètre expérimentalement, le tricot a été enduit de divers liquides aux propriétés mouillantes, ou non, avec le fil (fig. III.4). On s’est aperçu que de l’huile minérale, telle que le lubrifiant pour métaux

III.1 Des tremblements de tricot ? Approche phénoménologique 87

Force,F(N)

0.4

Force,F(N)

0 5 10 15 20 25

a)

b)

au naturel huile minérale huile silicone

Élongation, Lw (mm) Élongation, Lw (mm) 120 130 140 150 160

0 0.2 0.6

138 139 140

Figure III.4 – a) Réponses force/élongation d’un tricot composé de 51×51 mailles fait en STROFTR GTM "Schwarz" de diamètre d = 150µm qui a été badigeonné de différents liquides pour modifier le coefficient de friction fil-fil. Le tricot "au naturel"

est celui sans aucun traitement, celui "huile minérale" a été enduit de WD40R, et celui

"huile silicone" a été enduit de d’huile silicone 47 V1000 de la marque RhodosilR. Insert, photographie d’une fraction du tricot enduit d’huile de silicone. L’huile de silicone est visible et se place préférentiellement aux intersections du fil. b) Agrandissement sur la zoneLw∈[138−140] mm pour mieux observer les fluctuations. La référence en force entre les trois courbes a été ajustée manuellement pour permettre une meilleure comparaison.

WD40R, accroît drastiquement le frottement entre fil-fil avec des monofilaments de nylon du type STROFTR GTM et mouille très peu le fil. Au contraire, une huile de silicone a tendance à bien mouiller ce fil. L’huile va alors préférentiellement se placer aux intersec-tions (fig.III.4.a, insert) et donc lubrifier les contacts, diminuant de ce fait le frottement.

Sur une réponse force-élongation, une augmentation de coefficient de frottement se traduit par une plus forte hystérésis ainsi qu’une force nécessaire à la traction plus élevée (fig. III.4.a). Une amplification de la friction se manifeste aussi sur les fluctuations en augmentant leurs amplitudes et leur nombre (fig.III.4.b).

Pour notre étude approfondie de ces fluctuations, le tricot enduit de WD40R semble la meilleure option. Toutefois, l’ajout d’un liquide apporte une complexité supplémentaire au système en introduisant des effets visqueux et capillaires au problème élastique. Le phénomène désiré restant correctement visible sans ajout de liquide, on a décidé de se passer d’huile minérale pour notre étude et de garder le tricot tel quel.

d) Expérience de référence pour l’étude des fluctuations

Une expérience de référence permettant une observation commode de ces fluctuations a donc été conçue aux vu des résultats obtenus en faisant varier les différents paramètres pertinents. L’idée générale pour une observation optimale étant de garder chaque contact dans un état stable la majorité du temps mais toujours proche de l’instabilité (le glissement dans notre cas). Les résultats présentés tout au long de ce chapitre seront, sauf mention contraire, issus de cette expérience.

Le tricot utilisé est composé de 83×83 mailles tricotées avec le fil STROFTR GTM

"Schwarz" de diamètred= 150µm et la jauge 4 de la machine à tricoter. La cellule de force utilisée est celle de 50 N, ce qui correspond à un bruit d’environ 5 mN, l’échantillonnage de la mesure de force étant effectué toutes les 40 ms.

L’objectif étant d’accumuler des statistiques sur les tremblements, un grand nombre de cycles de chargement doit être effectué. De plus, pour que les ensembles statistiques aient un sens, il faut que le système soit dans un régime quasi-stationnaire et chaque cycle indépendant du précédent. Les mesures doivent donc se faire sur une portion ré-duite d’élongation et dans une phase où la pente de la réponse moyenne en force reste modérée. Pour éviter un effet de mémoire du frottement trop marqué et pour être sûr d’être dans le régime à élasticité dominante, l’élongation doit être variée sur une grande amplitude. Ces contraintes combinées avec les faibles vitesses nécessaires font qu’une ex-périence durerait au moins plusieurs jours. Or, si l’exex-périence dure trop longtemps, les variations de température, de luminosité ou d’humidité ambiante viennent progressive-ment modifier certaines caractéristiques des trembleprogressive-ments. On suppose notamprogressive-ment que l’humidité ambiante vient se condenser aux interstices des contacts quand une expérience dépasse environ 12h, car au fil des cycles, les évènements se font de plus en plus rares même si leurs propriétés semblent inchangées. Pour pallier ce problème, on ne garde une vitesse lente que dans la fenêtre d’élongation d’intérêt, le reste de la déformation se faisant à une vitesse plus élevée, permettant ainsi de diminuer grandement la durée de l’expé-rience. En pratique, l’élongationLw est variée entre Lwi = 215 mm etLwf = 234 mm en traction et compression sur 52 cycles. Les deux premiers cycles sont intégralement faits à une vitesseV = 0.5 mm/s pour que l’état initial ne dépende pas de l’état imposé lors de la mise du tricot sur la machine de traction. Ensuite, sur 50 cycles, le tricot est d’abord tiré de Lwi = 215 mm à Lwm = 230 mm à la vitesseV = 0.5 mm/s, puis à 5µm/s entre Lwm

etLwf. Pour finir, la compression deLwf àLwi est effectuée rapidement àV = 0.5 mm/s (fig.III.5.a). Les photographies du tricot ne sont effectuées qu’entreLwm etLwf pendant la phase de traction à faible vitesse. Cette procédure permet de diminuer drastiquement la durée de l’expérience, mais un changement soudain de vitesse avec l’instron s’accompagne systématiquement d’une légère compression, ce qui a comme conséquence un abrupt chute de force (fig. III.5.b). En effet, en changeant, même sur un court instant et une courte distance, le signe du chargement, de nombreux contacts sont réinitialisés et leur force de frottement associée devient proche de 0. Ce petit rebroussement joue donc le rôle de réinitialisation des contacts avant l’analyse, les tremblements reprennent après environ 1 mm d’élongation une fois que les contacts sont de nouveaux chargés.

Un autre critère important pour l’analyse d’image cette fois, est la distance parcourue par le mors entre deux photographies. En effet, il faut que le nombre d’évènements de

"stick-slip" soit suffisamment modeste pour pouvoir les identifier individuellement, mais pas trop peu non plus pour éviter d’avoir à traiter un nombre conséquent d’images sans informations. De plus, les expériences étant longues et le nombre de photos de très haute résolution conséquent, les images ne peuvent être stockée sur l’appareil photo et sont directement transférées sur un disque dur. Cette contrainte prend un certain temps et im-pose typiquement un délai de 20 s entre chaque photo, ce qui limite fortement la fréquence de prise de vue. Au final, il est ressorti que prendre une photo après un déplacement de l’ordre de grandeur du diamètre du fil est un bon compromis. Dans cette expérience de ré-férence, le délai entre chaque photographie est de 40 s, ce qui correspond à un déplacement de 200µm. Les photographies sont effectué avec un NikonR D800 avec un objectif 60 mm

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