• Aucun résultat trouvé

1 U NE NECESSITE LONGTEMPS ENVISAGEE

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 93-97)

Section I L A GENESE DE L ’ UNIFICATION

1 U NE NECESSITE LONGTEMPS ENVISAGEE

L’unification du Nigéria avait été envisagée dès le début de la colonisation du territoire, mais avait longtemps été repoussée faute d’hommes et de moyens suffisants pour contrôler une région aussi vaste en un seul point. Toutefois, en 1912, la mise en place du télégraphe, ainsi que du réseau ferroviaire avait réduit les problèmes de communication, et le Colonial

Office souhaitait une unification rapide afin que les revenus du sud couvrent en partie les

dépenses du nord150. En effet, le sud dégageait des bénéfices, alors que le nord avait besoin d’argent, et le Colonial Office avait pour but de libérer le Trésor britannique de ce surcoût. L’unification devait également faciliter la construction du réseau ferroviaire, qui avait jusqu’à présent souffert du manque de coordination entre les différentes provinces.

Il s’agissait là d’une décision pragmatique, qui n’avait pas donné lieu à beaucoup de discussions sur la signification de cette unification à Londres, ni sur la question de comment concilier les deux Nigeria.

§2. L

UGARD

,

L

HOMME DE LA SITUATION

?

Lord Harcourt souhaitait que l’unification du Nigéria soit menée par Lugard, qu’il considérait comme l’homme de la situation en raison de sa mise en place de l’Indirect rule au nord, mais également du fait de sa réputation, relayée par le presse. Lugard proposa donc sa solution pour l’unification, sous la forme de ce qu’il appela le « scheme for continuous

administration ».

150FLINT, John E., Nigeria: The Colonial Experience from 1880-1914 dans Colonialism in Africa, 1870 – 1960. Volume 1 The History and Politics of Colonialism 1870 – 1914, Cambridge University Press, 1969, p. 255

A. L

A VOLONTE D

’H

ARCOURT

Selon Lord Harcourt, le secrétaire d’etat de l’époque, Lugard était particulièrement qualifié pour cette mission en raison de ses nombreuses expériences africaines, ainsi que du succès de ses missions. Il désirait absolument s’attacher les services de Lugard, à tel point qu’il accepta ses conditions. Notamment, Lugard devait effectuer de courts séjours au Nigeria, puis rentrer en Grande-Bretagne d’où il conservait les pleins pouvoirs gouvernementaux, ce qui dans les faits entraîna de nombreux problèmes et fut source de conflits avec le Colonial Office151.

Toutefois, ses expériences n'en faisaient pas un expert des différents types de droit, gouvernement, systèmes économiques et religieux appliqués au nord et au sud du Nigeria. Les seuls qu'ils connaissaient un tant soit peu étaient ceux utilisés par les Hausas-Fulani. De plus, Lugard n'aimait pas les habitants du sud du Nigeria, qu'il jugeait primitifs. Il les qualifiait de personnes « d’un type bas et dégradé », selon les propos rapportés par sa biographe, Margery Perham152. Et il n'était pas féru d'anthropologie.

En 1912, le Colonial Office envoya Lugard au Nigeria, après une absence de six ans, afin qu’il se charge de l’unification. Ainsi, le Colonial Office s’assurait de la prédominance du système du nord. De plus, les administrateurs du sud eux-mêmes ne se prononcèrent pas en faveur d’un alignement de l’administration du nord sur celle du sud. A trop entendre vanter le système du nord, ils manquaient de confiance dans leur propre système.

Le 16 mai 1912, un repas153eut lieu au restaurant le Trocadéro qui réunit l’ensemble des « pères » du Nigeria, à savoir Goldie, Burns, Egerton, Girouard, Bell. Chacun donna à Lugard des conseils sur la marche à suivre pour unifier le pays. Mais il avait déjà programmé son « scheme of continuous administration154 », qui lui permettait de garder le contrôle du Nigeria lors de ses séjours londoniens.

151 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 180-215

152FLINT, John E., Nigeria: The Colonial Experience from 1880-1914 dans Colonialism in Africa, 1870 – 1960. Volume 1 The History and Politics of Coloniali sm 1870 – 1914, Cambridge University Press, 1969, p. 255

153 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford:

Clarendon Press, 1969, p. 191

B. S

CHEME FOR

C

ONTINUOUS

A

DMINISTRATION

Lugard proposa de mettre en place le « scheme for continuous administration », dans son

Amalgamation Report de 1913, suite à sa première visite du Nigeria. Ses buts principaux

étaient la diffusion de l’Indirect rule au sud du Nigeria, et un contrôle constant du pays, même lors de ses séjours en Grande-Bretagne. Le Colonial Office approuva son projet.

1. Les propositions de Lugard

Les propositions de Lugard, présentées au Colonial Office le 9 mai 1913, cherchaient à éviter une véritable unification administrative afin de préserver le statu quo dans le nord. De plus il souhaitait diffuser l’administration du nord au sud155.

Lugard proposa de grandes réformes dans le sud, notamment la division en des provinces similaires à celles du nord, et de donner les pouvoirs judiciaire et exécutif aux district

officers. Des chefs devaient être désignés, puis formés afin d’exercer le contrôle.

Des natives courts devaient être établies et l’expansion du droit britannique dans le sud du Nigeria arrêtée. Les avocats n’étaient pas autorisés dans ces cours. La juridiction de la cour suprême était limitée aux villes côtières, aux cas impliquant des étrangers, ainsi qu’aux nouveaux jugements ordonnés par le gouverneur-général.

De plus, Lugard décida de mesures spéciales concernant Lagos, notamment en la refusant comme capitale, lui préférant une ville nouvelle bâtie dans le nord, Kaduna, et en s’attaquant au conseil législatif, qui fut réduit à l’équivalent de conseil municipal, sous le nom de

nigerian council, composé de notables africains nommés par les Britanniques, surveillés et

qui se réunissait trois jours par an. Il justifia cette décision en précisant que l’un des principes cardinaux de la politique coloniale britannique était que les intérêts d’une large population autochtone ne devaient pas être le sujet de la volonté ni d’une petit classe de marchands européens, ni d’une petite minorité d’autochtones éduqués et européanisés qui n’avaient rien en commun avec eux, et dont les intérêts étaient contraires aux leurs. Selon Lugard, il aurait été injuste de placer les tribus intérieures sous le contrôle de Lagos, car elles avaient le droit de se diriger elles-mêmes.

Le 24 septembre 1912, Lugard envoya une note aux deux présidents de la cour suprême, dans le nord et dans le sud du pays, afin de recueillir leurs commentaires concernant ses

155 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford:

propositions visant à réformer le système judiciaire, qu’il condamnait. Il souhaitait notamment introduire les native courts et les provincial courts dans le sud du pays sur le modèle de celles qu’il avait établies dans le nord, ainsi que limiter la juridiction de la cour suprême à la colonie et à quelques centres urbains.

Speed, le président de la cour suprême du nord, approuva le projet de Lugard. En revanche, Willoughby Osborne, le président de la cour suprême du sud, lui envoya une proposition alternative qui prévoyait le maintien des natives courts existantes, ainsi que leur développement sous l’autorité de la cour suprême. En effet, s’il s’accordait avec Lugard sur le fait que la cour suprême n’était pas la forme la plus appropriée de tribunal, il recommandait que celle-ci voit sa juridiction limitée aux affaires criminelles dans un premier temps, puis ensuite étendue aux affaires civiles. Concernant les territoires non couverts par la juridiction de la cour suprême, Osborne estimait que les provincial courts pouvaient suppléer aux besoins judiciaires. Il considérait qu’il fallait tenir les avocats à l’écart des provincial

courts, car ils n’y seraient pas suffisamment surveillés par des juges professionnels, comme

c’était le cas à la cour suprême. Concernant les native courts, il était opposé à l’idée d’en écarter les officier administratifs, et considérait qu’il était préférable de les laisser inchangées. Toutefois Lugard, dans son Amalgamation Report, éluda ces points et donna la fausse impression que les présidents des cours suprêmes condamnaient l’ancien système et approuvaient son projet de réforme.

Le rapport ne proposait l’unification complète que du réseau ferroviaire, du département maritime et du service des coutumes. S’agissant du domaine médical, du service postal, du télégraphe, et du département des sondages, il préconisait un responsable par département pour l’ensemble du Nigeria. De même, il souhaitait mettre les Forces des Frontières d’Afrique de l’ouest sous un commandement unifié, mais il voulait un établissement sud et nord différencié sous cette unique tête. Le seul poste administratif unifié devait être celui du gouverneur-général, occupé par Lugard, s’octroyant une forte position autoritaire156.

Les schémas alternatifs proposés par Bell et Temple favorisaient davantage une administration centrale unifiée gouvernant plusieurs provinces, selon les divisions ethniques et religieuses. Mais elles furent rejetées car elles auraient réduit l’aire de contrôle Fulani, et également parce que Lugard avait peur que cela conduise à une diffusion du modèle du sud.

156 FLINT, John E., Nigeria: The Colonial Experience from 1880-1914 dans Colonialism in Africa, 1870

1960. Volume 1 The History and Politics of Colonialism 1870 – 1914, Cambridge University Press, 1969, p. 255

2. La réponse du Colonial Office

Le Colonial Office reçut ces propositions presque sans critique. Toutefois, Strachey, un membre du Colonial Office, émit l’idée que cette tendance autocratique était probablement provisoire, et critiqua le « scheme for sontinous administration », estimant qu’il était absurde que Lugard désire garder le contrôle du Nigeria tout en étant à Londres :

« The plain fact is that the governor cannot really govern from England, where he has no machinery of government and no advisers… If a crisis occurs, either now or under the proposed scheme, the whole fabric of pretence will collapse like a house of cards 157».

Ce fut Sir John Anderson qui soumit la proposition au secretary of state, en précisant qu’il avait discuté avec Lugard de ses propositions, et ne voyait aucune raison de ne pas donner une chance à ce projet. Hartcourt accepta donc sa proposition.

Les propositions de Lugard furent largement approuvées par le secretary of state Harcourt le 2 septembre 1913.

En 1914, les propositions de Lugard furent mises en œuvre sans changement notable. Il appliqua donc son « scheme of continuous administration » et décida de conserver la séparation administrative entre le nord et le sud. Il adopta le sceau de Salomon comme insigne du nouveau pays.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 93-97)