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D EUX GOUVERNEURS DE L ’I NDIRECT RULE

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 126-129)

É VOLUTION DE L 'I NDIRECT RULE AU N IGERIA ET EN A FRIQUE BRITANNIQUE POST L UGARD

A. D EUX GOUVERNEURS DE L ’I NDIRECT RULE

Deux gouverneurs aux styles assez semblables furent nommés suite au départ de Lugard, Clifford de 1919 à 1925, puis Cameron de 1931 à 1935, qui essayèrent de redresser le pays.

1. Sir Hugh Clifford

Un second article du Lagos weekly201 suivit de quelques mois celui traitant du départ de

Lugard et évoqua son successeur Sir Hugh Clifford, dont il salua la nomination notamment en raison du succès rencontré par celui-ci en Gold Coast. Toutefois, l’hebdomadaire tempéra son enthousiasme, car il restait au nouveau gouverneur à choisir la politique à appliquer, et il rappela que l’appréciation de ce nouveau gouverneur dépendait de sa capacité à éliminer l’impopulaire « nigerian system ». L’article dressait une liste en quatorze points des choses à changer en urgence, telles que retirer le judiciaire du contrôle de l’exécutif, accorder la juridiction complète à la cour suprême, enterrer le code pénal, engager des autochtones dans l’administration, faire disparaitre le nigerian council, ou encore mettre fin à la taxation directe dans le sud.

Tandis que Lugard était chargé d’unifier le Nigeria, Clifford venait d’assurer le gouvernement de la Gold Coast. L’état de l’administration en 1919 y était remarquablement meilleur qu’au Nigeria, où les difficultés rencontrées étaient multiples. Tout d’abord, il existait des difficultés internes à résoudre, notamment l’état de chaos qui régnait dans l’administration nigériane. Clifford estimait que la centralisation trop forte voulue par Lugard avait conduit à la paralysie du service public. Il décria également, dans son adresse au

nigerian council en date du 29 décembre 1920, l’inutilité du conseil lui-même, et la nécessité

de le remplacer par un conseil législatif qui aurait une véritable influence sur le gouvernement. Il dénonça le manque d’hommes et de moyens matériels, l’état du réseau ferroviaire, le développement agricole, ainsi que les problèmes d’éducation et d’hygiène. Le manque d’hommes était particulièrement difficile à combler en raison des salaires très bas, et la Grande-Bretagne ne souhaitait pas augmenter sa contribution. Sa solution était d’appliquer l’Indirect rule au sens originel du terme, qui consistait à écarter le plus possible les Européens du pouvoir dans la mesure où les autochtones étaient capables de s’auto-diriger. Les Britanniques n’étaient utilisés que dans les domaines où leur expertise était indispensable. Et la politique du gouvernement colonial devait être soumise aux critiques des autochtones.

Le Colonial Office donna des instructions en accord avec Lugard, mais Clifford ne les suivit pas. En Gold Coast, où il était en poste précédemment, il avait établi un conseil législatif et fait des réformes. Il croyait lui aussi en l'Indirect rule, mais avec des différences par rapport à la conception de Lugard. Il était en faveur d'une forme d'Indirect rule plus respectueuse des traditions. De plus, il était mieux informé du terrain.

Une citation de Cameron souligne la différence de gouvernement entre Lugard et Clifford, et le travail accompli par ce dernier pour redresser le pays :

« Up to August 1919 I should have left Nigeria with no regrets at all, but in 1924 I was very sorry to leave the well-ordered setting of a successful administration and a respectful chief. For some seven years up to 1921 Nigeria had been working without a Secretariat, without any co-ordinating machinery, without a central office in which the decisions of the Government, with their pertinent papers, might be recorded.202 »

Les Britanniques acceptèrent toutefois de fournir au Nigeria une garantie pour des fonds de prêt (à 6% d’intérêt en 1919), ainsi qu’un contingent d’hommes pour le service public.

L’effondrement du commerce international dans les années 1930 entraîna la chute du Nigeria, qui était tout juste sur le chemin de la guérison. Cameron quitta le Nigeria en 1924, Clifford en 1925.

Cameron plébiscita Clifford pour le secrétariat qu’il avait créé, et dont il avait lui-même été le premier président :

« It was a good and efficient department…it all came from Hughes Clifford203 »

Cameron compara les deux « écoles » d’administration représentées par Lugard et Clifford, qualifiant la première de gouvernement de bureau sans contact avec le terrain, tandis que la seconde consistait au contraire à se rendre sur le terrain, à discuter avec les autochtones. Il exprima clairement sa préférence pour le second système, qu’il prit pour modèle à son retour au Nigeria en tant que gouverneur.

La santé administrative du Nigeria s’était améliorée. Le pays avait des outils reconnaissables de gouvernement : un secrétariat efficace, et un conseil législatif pour

202 CAMERON, My Tanganyika Service and Some Nigeria, London, 1939, p. 16, dans NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 220: « Jusqu’en août 1919 j’aurais quitté le Nigeria sans le moindre regret, mais en 1924 j’étais vraiment désolé de quitter le cadre bien ordonné d’une administration prospère et un chef respectueux. Pendant sept ans jusqu’en 1921, le Nigeria avait travaillé sans secrétariat, sans appareil de coordination, sans un bureau central dans lequel les décisions du gouvernement puissent être enregistrées dans leurs brillants rapports. »

203 CAMERON, My Tanganyika Service and Some Nigeria, London, 1939, p. 16, dans NICOLSON, I. F., The Ad-

ministration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 233: « C’était un bon département efficace… ce qui était entièrement dû à Hugh Clifford. »

remplacer le nigerian council inutile. Le lieutenant-gouverneur avait reçu des responsabilités exécutives bien définies, et la « nigérianisation » du service public avait commencé.

En 1925, le Colonial Office avait été séparé du Dominion Office. Cela avait eu pour effet de le rendre plus efficace dans sa mission de développement des territoires les plus dépendants de l’Empire, ainsi que pour s’équiper de conseillers. Clifford n'avait pas pu convaincre le Colonial Office qu'instaurer la taxation à l'est du Nigeria était une mauvaise idée, celle-ci fut donc seulement repoussée. Elle conduisit à la révolte des femmes en 1929.

2. Cameron

En 1931, Cameron revint au Nigeria. C’était la première fois que le gouverneur de ce pays avait acquis la majeure partie de son expérience en Afrique. Les priorités qui furent définies pour lui furent de restaurer les finances du Nigeria, et de décider de la politique à suivre dans cet état de conflit sur la question de l’Indirect rule. D. Cameron n'était pas un disciple de Lugard, au contraire il désapprouvait son action204. Son mentor était H. Clifford.

Le budget annuel ne laissait guère de possibilité de développer l’éducation et la santé. L’unification et la dépression économique conjuguées empêchèrent de pourvoir aux besoins éducatifs en créant des écoles. Au nord en particulier, où, au contraire du sud, il n’y avait pas de demande éducative, en particulier concernant les filles. Concernant la santé, la situation était similaire. En 1920, le Nigeria comptait seize dispensaires, en 1940 trois cent cinquante. Toutefois, ce n’était ni les efforts fournis, ni leur efficacité qui étaient en cause, mais le manque d’argent. Cameron semble avoir rejeté l’Indirect rule au profit d’une « administration autochtone locale ». Il émit une nouvelle native administration ordinance, ainsi que des

protectorates courts présidées par des officiers qui n’avaient pas de fonction politique. Selon

lui, l’administration devait être basée non seulement sur le système de gouvernement traditionnel, mais également être adaptable aux besoins modernes. Il cessa aussi de nommer des chefs là où il n’y en avait pas, afin de gouverner à travers eux. Les résidents redevenaient de simples agents du gouvernement chargés d’appliquer la loi. Il semblerait que s’il avait disposé de finances il aurait mis en place au Nigeria le système d’Egerton avec des provincial

commissioners, chacun disposant d’un petit secrétariat, ainsi que d’une équipe

d’administrateurs et d’officiers spécialisés qui lui seraient directement rattachés. Un système fédéral en soi. Mais il n’eut pas le temps de procéder à de tels changements.

204GAILEY, Harry A., Lugard and the Abeokuta uprising : The Demise of Egbas Independence, Routledge, 1982, p. viii

Ainsi pour Cameron, il s’agit « d’adapter pour le gouvernement local les institutions que les autochtones ont créées pour eux-mêmes, afin qu’ils puissent se développer d’une manière constituée de leur propre passé, guidés et restreints par les traditions et sanctions qu’ils ont hérités (moulées et modifiées comme elles doivent l’être sur conseil des officiers britanniques) et par les conseils généraux et le contrôle de ces officiers.205 »

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 126-129)