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L A MISE EN PLACE DE L ’ UNIFICATION

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 100-103)

Concernant l’unification, Lugard estimait avoir étendu au sud du Nigeria le « meilleur » système d’Indirect rule, qu’il avait lui-même développé au nord. Et effectivement, il avait inversé la direction politique instaurée au sud par Moor, MacGregor et Egerton. De même, il a cherché à effacer le passage de ses successeurs entre 1906 et 1912 au nord en tentant de rétablir son pouvoir autocratique. Dans les deux cas, cette politique entraîna de la confusion et la déstabilisation parmi les populations autochtones du pays. Lugard attribua ce résultat négatif à l’hostilité du Colonial Office, ainsi qu’aux conséquences de l’éducation à l’occidentale sur les Nigérians du sud, à la presse de Lagos, et à la guerre.

§1. L

A PRISE EN MAIN DU TERRITOIRE

A son retour au Nigeria160en 1912, Lugard retrouva la région nord telle qu'il l'avait laissée, à l'exception de l’introduction par ses successeurs de native treasuries. Le sud était prospère, tandis que le nord était pauvre, mais en paix.

A son arrivée à Lagos, le 3 octobre 1912, Lugard prêta serment en tant que gouverneur du Nigeria du Sud devant le président de la cour suprême du Nigeria du Sud, Willoughby Osborne. Le lendemain, il se rendit en train à Zungeru, où il prêta à nouveau serment en tant que gouverneur du Nigeria du Nord.

Par la suite, il visita le pays afin de constater l’état de l’administration, et critiqua nombre des aspects qu’il découvrit. Perham note qu’il fut particulièrement déçu de sa découverte de l’administration du sud-est, où il estima que la native policy était non existante161. Toutefois,

selon Nicolson, il s’agit d’une insulte à ses prédécesseurs, ainsi qu’à la vérité. Bien que le rapport de Lugard suite à son premier tour de reconnaissance du pays pointa les progrès matériels du sud, il en critiqua quasiment tous les aspects. A la fin du mois de décembre 1912, il se rendit à Lagos, et s’arrêta à Abeokuta, où il put observer le gouvernement Egba, construit sur le modèle du gouvernement de Lagos. Là encore, il fut déçu de trouver un gouvernement moderne. Young, le commissionner d’Abeokuta, fut sévèrement blâmé pour

160 PERHAM, Margery, Lugard; The years of authority, 1898-1945, Collins, 1968, p. 469 161 PERHAM, Margery, Lugard; The years of authority, 1898-1945, Collins, 1968, p. 396

avoir poussé l’Alake et ses conseillers à adopter eux-mêmes des lois. Lugard souhaitait que les Egbas reviennent sur ces évolutions. Il critiqua également la politique de MacGreggor qui avait payé les terres nécessaires pour la construction du train.

En revanche, il fut satisfait de ce qu’il trouva au nord du Nigeria, que Nicolson qualifie de « militarisme triomphant162 ».

Lugard garda donc le Nigeria séparé en deux, avec deux lieutenant-gouverneurs à qui il déléguait des pouvoirs limités, à savoir les départements de la santé, des travaux publics, des forêts, de l’agriculture, de l’éducation, de la police, et les prisons. Le lieutenant-gouverneur du sud se vit également attribuer la responsabilité du département de la marine. Toutefois, c’est lui qui garda la majorité du pouvoir, à savoir le département du train, de l’audit, du trésor, des postes et télégraphes, du judiciaire et du juridique, ainsi que le département des enquêtes. Il réduisit les fonctions du secrétariat mis en place par Girouard aux affaires ordinaires. Lugard réunissait dans ses mains les pouvoirs exécutifs, juridiques et législatifs suite à la restriction du pouvoir du conseil législatif, qui n’avait plus d’autorité que sur la région de Lagos.

Lugard devait également choisir les hommes chargés de le seconder dans son gouvernement du pays unifié, notamment ses deux lieutenant-gouverneurs, ainsi qu’un président de la cour suprême, puisqu’il souhaitait unifier la justice. Il recommanda Boyle en tant que lieutenant-gouverneur pour le sud et Temple pour le nord. Toutefois, s’agissant de désigner un président de sa cour suprême unifiée, il choisit le moins expérimenté des deux, qui était également celui qui l’avait soutenu, Speed163.

§2. L

A DIFFUSION DE L

’I

NDIRECT RULE AU SUD DU

N

IGERIA

Lors de l’unification en 1914, Lugard a cherché à transplanter le système du nord du Nigeria au sud. Dans le sud-ouest, en pays Yoruba, l’Indirect rule sembla être acceptée, mais le pouvoir des chefs en fut augmenté. Par la suite, il tenta également d’importer son système de gouvernement au sud-est du Nigeria, et provoqua ainsi une situation complexe.

Ce renouveau gouvernemental au sud du pays sera ainsi évoqué tant du point de vue administratif que juridique. Puis l’épineuse question de la taxation, qui provoqua des

162 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 199

163 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 202

émeutes, ainsi que la mise en place et à la gestion des native treasuries seront abordées. Enfin, les autres points de gouvernement modifiés par Lugard seront également présentés.

A. S

YSTEME ADMINISTRATIF

En 1914, le Nigeria fut divisé en trois : la colonie (Lagos), la province du nord, et celle du sud. Lugard devient gouverneur-général. Chaque province avait un lieutenant-gouverneur et des conseillers, parmi lesquels se trouvaient des Africains164.

Le procédé de centralisation mis en place par Lugard sera évoqué, ainsi que l’introduction des chefs autochtones au sud-est du pays, et le massacre d’Ijemo, qui signe l’échec de l’introduction de l’administration autochtone au sud du Nigeria.

1. Centralisation

L'homme à l’origine de l'Indirect rule essayait de modifier son propre système en direction d'une plus grande centralisation, aux dépends des autorités locales. On peut alors se demander pourquoi il avait créé ce système en premier lieu. Il semblerait que ce fut par manque de choix, notamment en raison du manque de moyens financiers et humains.

Dans son rapport annuel de 1919, suite à son départ, Lugard exprime à nouveau sa conception du gouvernement colonial par le biais des institutions autochtones :

« The regeneration of Nigeria may be through its own governing class and its own indigenous institutions165 »

Cette centralisation a entraîné de grands changements, en particulier au sud. Très rapidement il y avait implanté son système de native courts. En 1916, la Native Authority

Ordinance était entrée en application, obligeant le sud du Nigeria à se conformer à une idée

préconçue de ce qu’étaient ses institutions. Cette centralisation découlait principalement de la volonté de tout contrôler de Lugard. Il abolit donc le conseil législatif du sud, car il ne pensait pas que les Africains soient prêts pour ce type d'institution, et mit en place un nigerian

council aux pouvoirs très faibles. Lugard concentrait tous les pouvoirs dans ses mains.

Il désirait que l'administration soit la même dans tout le Nigeria. Mais c'était impossible en raison des trop nombreuses différences entre le nord et le sud du pays. Au sud, il n'existait

164 THOMSON, A. A. et MIDDLETON, D., Lugard in Africa, Robert Hale, 1959, p. 165

165 LUGARD, Rapport annuel de 1919, cité dans PERHAM, Margery, Lugard; The years of authority, 1898- 1945, Collins, 1968, p. 470: « La régénération du Nigeria devrait s’effectuer à travers sa propre classe

pas de pouvoir autocratique tel qu'au nord, mais un pouvoir contrôlé, sans taxation directe. Or, selon Lugard, il s’agissait là de la base de la relation entre les gouvernants et les gouvernés. Il désirait avoir carte blanche afin d'imposer son système à l'est et à l'ouest du Nigeria, mais Harcourt refusa de la lui accorder.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 100-103)