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L E CONTENU DE L ’I NDIRECT RULE

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 114-116)

a Sud-Est

B. L E CONTENU DE L ’I NDIRECT RULE

Lugard entra également en conflit avec ses résidents sur le contenu de l’Indirect rule. En effet, le système qu’il avait mis en place entre 1900 et 1906 consistait en une délégation de pouvoir très contrôlée par les Britanniques, tandis que ses successeurs étaient en faveur de davantage de liberté. A son retour, il chercha donc à reprendre le contrôle et à centraliser le pouvoir, ce qui lui valut l’antipathie de ses résidents, en particulier Temple, avec qui il entra en conflit ouvert.

a. Le contenu

Lugard estimait que le nord ne présentait pas de difficulté à être gouverné, contrairement au sud. Pourtant, à son arrivée, il sentit un vent d'opposition. Il n'avait pas bien pris la mesure de l'effet du temps et des changements depuis son départ. En effet, les six premières années durant lesquelles il avait gouverné le Nigeria, il avait dirigé seul, avec peu de personnel, et

celui-ci était mal formé de surcroît. De fait, il avait alors les pleins pouvoirs. Depuis son départ, les résidents avaient pris de l'assurance, ce qui était difficile à accepter pour Lugard. De plus, ils avaient l'impression d'avoir amélioré le système d’Indirect rule, et donc se méfiaient du retour de Lugard, en particulier Temple, Burdon et Richemond, qui désiraient étendre ce système de gouvernement au sud. Mais ils étaient pessimistes quant au futur de l'Indirect rule, car, selon eux, son retour signait la fin de leur liberté. Pour fonctionner, le système avait besoin d'unité.

De 1900 à l'indépendance, le contenu exact de l'Indirect rule fut la question centrale pour les provinces du nord, ainsi que pour le Nigéria dans son ensemble. Et l'aspect financier en était le point central. On peut de fait se demander quel était le but de l’Indirect rule : élever les sociétés jusqu'à ce qu'elles atteignent la capacité de se gouverner elles-mêmes, ou bien jusqu'à être des unités de gouvernement local ?

Lugard fut critiqué pour son incapacité à déléguer, qui semblait contradictoire avec l'idée de l'Indirect rule, système gouvernemental fonctionnant grâce à la délégation de pouvoir. Lui, en revanche, estimait que les autres désiraient garder le système figé, tandis que lui souhaitait le faire évoluer. Il convient de s’interroger si sa vision de l’évolution de l’Indirect rule est commandée par un refus de toute indépendance, ou s’il s’agit uniquement d’une question de synchronisation. Selon les résidents, accroître le contrôle aurait fait perdre la coopération des émirs.

b. Temple

Le chaos grandissant dans l’administration publique au retour de Lugard est tout particulièrement illustré par son conflit avec Charles Temple185. Déjà évoqué pour sa connaissance du nord du Nigeria lors du mandat de Bell, Temple était devenu lieutenant- gouverneur des provinces du Nord depuis 1911, jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 1917, suite à des soucis de santé. Ces six années en tant que lieutenant-gouverneur furent donc marqués par son conflit avec Lugard quant à la politique à mener186. En effet, en l’absence de celui-ci, Temple s’était retrouvé investi d’une plus grande liberté, et également d’une certaine influence, tandis que Girouard et Bell étaient en poste. Le retour de Lugard et son désir de centraliser le pouvoir ne lui convenait donc pas.

185 Charles Temple, Résident, auteur de Native races and their rulers, 1918

186 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 183

Si les deux soutenaient le concept de l’Indirect rule, ils n’en avaient pas la même définition. Selon Temple, il existait trois façons de gouverner ouvertes à une poignée d’Européens en charge d’une importante population et de vastes étendues : tout d’abord, la Direct rule, qui n’était dans le cas du Nigeria, pas applicable, ni souhaitable ; mais également l’Indirect rule, qu’il concevait comme de la délégation de pouvoir et une certaine liberté pour les résidents ; et enfin, la solution de Lugard, qu’il qualifiait de malhonnête, qui consistait à utiliser l’Indirect rule afin de construire un système coercitif visant à le contrôler. Il analysa d’ailleurs la façon de procéder de Lugard dans le chapitre de son livre intitulé « The anatomy

of lying », qui signifie « L’anatomie du mensonge», dans lequel il dénonça les effets pervers

de la politique menée par celui-ci, qui amena les autochtones à mentir.

Lugard prônait la centralisation du pouvoir, quand Temple lui préfère la déconcentration, avec le soutien de nombreux officiels. La question du degré de délégation était donc posée. Il se battait pour imposer son point de vue sur la question.

Lugard était très conservateur et ne maîtrisait guère l’organisation des Hausas, contrairement à Temple, qui les connaissait bien, et souhaitait que le pouvoir soit entre les mains des résidents. Enfin Lugard était davantage pratique, tandis que Temple était plus intellectuel.

En 1913 survint un épisode inattendu : un groupe païen tua un prospecteur. Temple réagit trop violemment, ce qui lui attira des ennuis. Mais Temple bénéficiait de soutiens au nord, contrairement à Lugard.

L'opposition entre les deux hommes sur la question de l’unification tourna au désavantage de Temple. En 1917, Temple démissionna. Lugard fit nommer Goldsmith à sa place. A compter de ce changement, les résidents furent davantage surveillés.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 114-116)