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2 L AGOS ET LE PROTECTORAT DU Y ORUBALAND

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 51-55)

b La mise en place de la taxation

2 L AGOS ET LE PROTECTORAT DU Y ORUBALAND

La colonie de Lagos dépendait déjà du Colonial Office en 1895, lorsque Chamberlain entra en fonction. Elle connut deux gouverneurs à l’aube du XXème siècle, McCallum jusqu’en 1899, et MacGreggor de 1899 à 1904, qui basèrent leur politique sur le développement du commerce, ainsi que sur l’amélioration des conditions d’hygiène et de la santé.

A. M

C

C

ALLUM

Passé par l’académie royale militaire de Woolwich, il était ingénieur royal. Son expérience avant son arrivée au Nigeria était composée à la fois d’ingénierie civile et militaire, il connaissait le travail portuaire, la télégraphie, la « pénétration pacifique », le gouvernement central et local.

En 1899, la construction du train fut lancée et dès mars 1900, la ligne Lagos-Ibadan fut ouverte au trafic. MacCallum avait également déjà réalisé la ligne télégraphique entre Lagos et Shaki. Le dragage du port de Lagos avait commencé, ainsi que le drainage, et l’assèchement des marécages. L’éclairage électrique des rues avait été mis en place, et la construction de routes était programmée.

B. M

AC

G

REGGOR

Principal gouverneur de Lagos, MacGreggor s’attacha à développer son administration, mais également à améliorer la santé de ses habitants, à développer ses moyens de communication et à établir la justice.

1. L’administration

Les Africains étaient employés dans l’administration, d’abord venus de Gold Coast, puis, par émulation, des Nigérians eux-mêmes. Selon Sir William Geary, l’Africain était alors considéré comme un « Anglais avec un visage noir 69», à l’opposition de la doctrine de l’Indirect rule développée dans le Nord, pour qui cette idée représentait une hérésie. Lagos avait à l’époque une population de moins de 40 000 habitants, et possédait des institutions assez élaborées, et ses habitants étaient traités comme ceux des autres colonies de la couronne. Il n’était alors pas question de laisser le pouvoir aux mains des chefs traditionnels, et ce pour deux raisons : le traité de cession en faisant des citoyens britanniques, ils ne devaient pas allégeances aux chefs mais à la couronne, de plus ces chefs étaient jugés cruels et primitifs. Ainsi, les districts commissionners de la colonie n’étaient pas des officiers politiques, mais des officiers de la cour suprême, payés par vote du département de la justice, des magistrats avec des juridictions criminelles et civiles limitées, dont les fonctions étaient définies légalement. Ils étaient assistés dans leur gouvernement direct des quatre districts par des bales dans les villages et par la police de Lagos. Le gouvernement direct se basait sur la

rule of law. Il y avait un département médical, des forces de police civile, un département des

travaux publics, un département du port, un bureau de poste, et un département consacré à l’éducation. Différents organismes furent utilisés pour le gouvernement de Lagos : le

legislative council, mais également un central native council créé par MacGreggor afin

d’associer les chefs au gouvernement et également de leur donner l’occasion d’interagir. Dans son dernier rapport daté de 1903, il évoque d’ailleurs le rôle de ce dernier dans la difficile tâche de concilier les éléments les plus conservateurs de la société et les jeunes hommes qui souhaitent du changement. Le gouvernement n’est donc pas imposé, à l’inverse du nord du Nigeria. MacGreggor refusait d’interférer car il respectait les institutions des Yoruba et leur équilibre complexe. Il pense donc qu’il est préférable de les laisser s’adapter eux-mêmes. Dans son rapport de 190370, il évoque également la diminution du pouvoir de l’Alafin. Malheureusement les gouvernements qui suivront abandonneront le central native

council. Pour l’auteur, c’est ce genre d’innovation qui a conduit après l’indépendance à ce

qu’un Oni de Ife devienne le premier gouverneur Nigérian d’une région, et à ce qu’un fils de l’Alake d’Abeokuta devienne le premier chef Nigérian de la cour suprême. Dans Lagos et le Yorubaland, les Africains éduqués continuaient d’avoir de l’influence en dépit de l’Indirect rule.

69 GEARY, William M.N., Nigeria Under British Rule (1927), Frank Cass Publishers, 1965

70 LUGARD, Frederick, Rapports annuels en tant que Haut-Commissaire du Nigeria du Nord, Government Printer, 1900-1906, Rapport annuel de 1903

Son succès valut à MacGreggor des inimitiés. Bien que partisan de l’Indirect rule, il travaillait avec des Africains de tout type, et non seulement avec les autorités traditionnelles. Il était fier de l’aspect pacifique de sa politique, et parlait de l’Indirect rule comme un moyen d’éviter l’intervention militaire. Quand il avait besoin d’un pouvoir accru, comme s’agissant de la construction du train, MacGreggor conduisait les négociations lui-même, et en 1904, l’Alake, en retour de la reconnaissance renouvelée de l’indépendance Egba « dans son administration interne » accepta l’installation d’une cour mixte sous le commissioner du train britannique. Le gouvernement Egba était en fait républicain, l’Alake n’était pas un monarque, mais avec l’aide des Britanniques il a transformé son autorité.

2. La santé

Lagos avait la réputation d’être un endroit néfaste pour la santé, et cette réputation lui resta même après les progrès réalisés par MacGreggor. De même, les Lugard firent aux habitants du sud du Nigeria la réputation d’être inférieurs à ceux du Nord. Mac Greggor quant à lui était davantage spécialisé dans le domaine médical, et avait notamment exercé aux Seychelles, à l’ile Maurice, et aux Fidjis. Il reçut d’ailleurs la médaille Mary Kingsley de la société de la médecine tropicale pour sa lutte contre la malaria à Lagos71. MacGreggor chercha à améliorer Lagos pour l’ensemble de sa population, et non uniquement pour les Européens. Il n’y avait pas de ségrégation.

Nicolson juge que :

« The chief merit of MacGreggor’s system was that it worked constantly on the side of human freedom and dignity, without causing friction and explosions, and left room for each community to develop, in MacGreggor’s own word, in a way suited to the genius of all classes of the community, and better adapted to their economic and social development than any other form of rule.72 »

71 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 48

72 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 80 : « Le principal mérite du système de MacGreggor était qu’il fonctionnait en permanence du côté de la liberté et de la dignité humaine, sans causer de frictions ni d’explosions, et qu’il laissait de la place pour que chaque communauté puisse se développer, selon les propres mots de MacGreggor, d’une façon qui convienne au génie de chaque classe de la communauté, et mieux adapté à leur développement social et économique que tout autre forme de gouvernement. »

3. Les moyens de communication

En 1900, le nouveau train atteignit Ibadan, non sans effet sur le mode de vie des autochtones. Un système de taxation au bénéfice des chefs indépendants de ces Etats existait, que les Britanniques considéraient comme étant trop médiéval, et néfaste pour le train. Afin d’y mettre fin, le Colonial Office recommanda de supprimer l’indépendance de ces Etats. Mais MacGreggor savait que cette solution était trop radicale et préféra opter pour la diplomatie. Il discuta donc patiemment et à la fin de 1904, il avait réussi à abolir toutes les taxes sur la route du train73.

MacGreggor souhaitait l’extension de la ligne de train au nord, entre Ibadan et Oshogbo, mais ce projet fut reporté, car Lugard préférait un train qui relie le plus haut point navigable du fleuve afin d’éviter Lagos. Ce n’est donc qu’en 1907, avec l’arrivée de Girouard au nord, que le train atteignit Oshogbo, et que le secrétaire d’Etat autorisa la liaison Kano-Baro et l’extension du train de Lagos pour rejoindre cette ligne. MacGreggor était en faveur d’acheter les terres nécessaires à la construction du train.

4. La justice

Du point de vue de la justice, le gouvernement de Lagos fournit de l’aide, notamment par le biais du président de la cour suprême qui assista les juges de l’Alake à Abeokuta, afin de leur permettre d’être en mesure de régler les conflits impliquant des marchands européens, ou bien la peine de mort. En effet, si une telle responsabilité avait été laissée complètement entre les mains des juges de l’Alake, cela aurait pu amener à ce que des personnes influentes ayant des intérêts dans cette zone réclament à grand cri l’abrogation de la garantie d’état indépendant pour l’Egbaland. Les résidents avaient davantage un rôle de diplomates et de commerciaux que de gouvernants. En 1902, l’Alake avait décidé d’un commun accord avec le gouverneur que le président de la cour suprême de Lagos devrait tenir des séances en collaboration avec les assesseurs Egbas afin de juger les affaires mixtes, ainsi que les affaires graves d’homicide.

5. Bilan

Le rapport annuel de 1904 donne un verdict de l’action menée par MacGreggor à Lagos :

73 FLINT, John E., Nigeria: The Colonial Experience from 1880-1914 dans Colonialism in Africa, 1870 – 1960. Volume 1 The History and Politics of Colonialism 1870 – 1914, Cambridge University Press, 1969, p. 220 – 260

« Sir William MacGreggor left the colony early in January after holding the office of governor for nearly five years. That five years has witnessed a most remarkable development in the resources of the territory, and in the general condition and properity of the people.

The town of Lagos has been in improved almost out of recognition, the revenue has been nearly doubled, many public works of great utility have been carried through, others have been commenced, and others again have been brought within the range of practical politics.74 »

Plus tard, ses travaux furent discrédités par Lugard. Et peu de publications permettaient de percevoir ce qui a été réalisé, contrairement au nord du Nigeria.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 51-55)