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b Le système juridique

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 42-46)

Le système juridique différait selon qu’il s’adressait aux Britanniques, aux populations Nigérianes musulmanes, ou encore aux populations Nigérianes païennes. Concernant le système judiciaire, Lugard estimait que le dualisme était préférable à l'intégration. Il se divisait entre la cour suprême, la magistrate court et les native courts.

i. La Cour Suprême

La cour suprême était dirigée par le président de la cour suprême et avait peu de juridiction. Elle gérait les affaires non-autochtones et celles liées au gouvernement.

Le premier président de la cour suprême, Gollan, fut nommé dans un premier temps comme secrétaire privée du haut-commissaire et promu ultérieurement. Son indépendance d’esprit angoissa Lugard en 1904. En effet, Golan était un être indépendant et qui désirait étendre la juridiction de la cour suprême. Pour cela, il fit appel au secrétaire d’État. Son départ fut un soulagement pour Lugard, qui évoqua dans son rapport annuel le transfert du président de la cour suprême aux Bermudes55, ainsi que son remplacement par M. Menendez, un juge du Nigeria du sud, qui était entré en fonction en février 1905.

Lugard décrit la fonction de la cour suprême comme ayant la juridiction originelle (primo- juridiction) sur les Européens, et en appel à tous les non-autochtones dans tous les cantonnements.

Dix assises de la cour suprême ont été tenues à Zungeru et cinq à Lokoja en 1905. A Lokoja, on nota une diminution de 52 dans le nombre d’affaires criminelles dans la

cantonement court, et une augmentation de 119 poursuites au civil pour l’année 1905. De

même, à Zungeru, les poursuites au civil étaient passées de 109 à 138, et les affaires criminelles de 290 à 434, ce que Lugard attribua à la plus grande efficacité de la police et à la hausse de population.

55 LUGARD, Frederick, Rapports annuels en tant que Haut-Commissaire du Nigeria du Nord, Government Printer, 1900-1906, Rapport annuel des années 1905-1906

ii. La magistrate court

La magistrate court n'avait vocation à juger que des affaires impliquant des Européens ou des officiels gouvernementaux. Au sud du pays, elles trouvaient leur équivalent dans les

provincial courts. Concernant les provincial courts, Lugard nota les difficultés rencontrées

par les résidents dans leur travail juridique, les mauvaises interprétations de la loi, les erreurs communes de procédure qu’il a compilé dans son Memorandum. Il nota toutefois une amélioration de la procédure.

iii. La native court

En parallèle des deux premiers systèmes existait la native court. La proclamation n°5 de 1900 créa les native courts, qui étaient chargées de juger les indigènes en vertu des lois et des coutumes locales (à l'exception des punitions allant à l'encontre des mœurs britanniques).

Dans les émirats musulmans notamment, elles consistaient en la reconnaissance du système juridique existant, dans lequel le juge, qui était nommé alkali, utilisait le maliki, qui était un code regroupant les lois musulmanes, ainsi que la tradition. Lugard estimait que les cours de l’alkali (el Kadi) offraient une machine admirable pour l’administration autochtone de la justice, plus particulièrement pour les actions civiles et, dans la plupart des grandes villes, elles étaient présidées par un homme avec beaucoup de connaissances, ainsi qu’une bonne appréciation de l’impartialité et de la suprématie de la loi.

Lugard refusa de nommer des Européens à la tête de ces tribunaux, à la différence de ce qui se faisait dans les colonies françaises, ou même au sud du Nigéria56. Les juges étaient nommés par les chefs ou par les émirs avec l’approbation du résident. Toutefois, cela ne signifiait nullement qu’elles agissaient librement, en-dehors de toute supervision. Au contraire, Lugard les faisait surveiller autant que possible par les résidents, tout en prenant garde de ne pas trop interférer afin d'éviter de nuire au prestige de l'alkali, mais ils l'influençaient afin de l’amener en douceur à réformer certaines procédures et sentences qui ne leur convenaient pas. Néanmoins, les responsabilités des résidents étant multiples, ils n’étaient pas tenus pour responsables des sentences rendues, car Lugard ne souhaitait pas que soit associées, aux yeux des indigènes, « la justice britannique avec l’injustice autochtone ». Quatre-vingt native courts avaient pu être établies grâce à une proclamation émise à la fin de l’année 1904. La plupart soumettaient des retours sur leurs principales affaires aux résidents,

56 LUGARD, Frederick, Rapports annuels en tant que Haut-Commissaire du Nigeria du Nord, Government

et elles étaient examinées par le haut-commissaire afin de faire des suggestions et de promouvoir l’unification des sentences. Ces tribunaux ne s’occupaient quasiment que d’affaires civiles et d’offenses criminelles mineures, depuis l’abolition de la punition de mutilation. L’exigence du gouvernement de décence et d’humanité dans les emprisonnements a privé les tribunaux autochtones de leurs punitions les plus efficaces pour les crimes les plus sérieux. Les pouvoirs de chaque tribunal devaient être limités tant qu’il n’avait pas été prouvé l’abandon des anciens mauvais traitements. Lugard était content du travail des tribunaux de Sokoto et Kano et leur avait donc restitué le pouvoir de juger des cas impliquant des condamnations à la peine de mort, non sans toutefois les obliger à se référer au résident pour approbation avant d’y recourir. La population donnait des signes de confiance accrue en l’impartialité des natives courts. Les native courts subordonnées étaient établies par mandat, sous la main du haut-commissaire et le sceau du protectorat, sur la recommandation d’un résident.

Les Européens étaient notamment horrifiés par les mutilations et les conditions d'emprisonnement, ce qui amenait les autochtones à faire des simulacres de procès. L'usage du fouet notamment posait un problème au Colonial Office, alors qu’il s’agissait de la sentence la plus commune.

En revanche, Lugard fit part dans son constat de la difficulté d’établir de tels tribunaux dans les territoires païens. Il apporta la collecte d’informations sur les systèmes judicaires musulmans et païens et rappela que selon lui il ne fallait surtout pas brusquer la modernisation du pays. Les tribunaux païens étaient poussés à tendre vers le modèle musulman. Ils étaient aux mains des chefs et des aînés, et subissaient une importante supervision57. Le résident avait le pouvoir d’intervenir dans les jugements, ce qui, là encore, fonctionnait chez les musulmans, mais moins chez les païens, où il y avait beaucoup d’interventions britanniques.

iv. Les autres tribunaux

Les juges des tribunaux inférieurs étaient commissaires de la cour suprême. Dans les provinces qui étaient séparées par de telles distances que la cour suprême ne pouvait y agir de manière efficace, c’étaient les résidents qui avaient la juridiction (co-existante avec les tribunaux indigènes), limitée uniquement par la nécessité d’approbation par le haut- commissaire de toutes sentences sérieuses. Dans les faits, quand il était possible d’établir une

native court, c’était à elle de régler la majorité des conflits opposants des autochtones, sauf

quand cela touchait à des lois spécifiques du protectorat, comme l’esclavage, l’alcool, les armes à feu qui étaient alors traitées par les provincial courts. La cour suprême gérait la loi stricte, les cours provinciales utilisaient le droit britannique, modifié par les lois et coutumes autochtones.

Enfin, Lugard évoqua également dans ses rapports la cantonments proclamation, qui permettait à des cantonments magistrates d’avoir des pouvoirs dans une cour des affaires mineures. Ces magistrats devenaient à leur tour commissaires de la cour suprême.

Les tribunaux Britanniques et autochtones étaient totalement indépendants les uns des autres. Les premiers étaient surveillés par les officiers juridiques et le haut-commissaire, tandis que les seconds subissaient le contrôle des résidents et de Lugard. Les tribunaux autochtones étaient considérés comme efficaces, et des Hausas y ont été intégrés, avec un résultat positif.

Le personnel juridique, jusqu’alors uniquement composé d’un président de la cour suprême et d’un procureur général, avait été enrichi en 1903 d’un avocat général.

Lugard avait l’intention d’établir une école de droit pour la formation des mallams à Sokoto afin de nommer des juges autochtones.

Le mémorandum sur les cours de justice montrait la même subordination aux impératifs du droit militaire. Les tribunaux provinciaux, dans lesquelles le résident était le juge, étaient une « innovation » assez éloignée de l’idée traditionnelle de justice. Le judicaire et l’exécutif étaient alors liés.

3. La taxation directe

La question de la taxation était aussi un point important de l’Indirect rule, car il s’agissait d’un thème important aux yeux de son créateur Lugard. Là encore, la mise en place fut plus ou moins facile selon que les zones étaient habitées par des populations musulmanes, ou des populations païennes.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 42-46)