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C ONFLIT AVEC LE C OLONIAL O FFICE

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 116-119)

a Sud-Est

C. C ONFLIT AVEC LE C OLONIAL O FFICE

Nombre des initiatives de Lugard entraînèrent des protestations qu’il réprima fermement, comme ce fut le cas notamment pour sa proposition d’unification qui détruisait le système judiciaire, ou encore la réduction du conseil législatif à une sorte de conseil municipal sous le nom de Lagos Town Council. Sa tentative de faire payer l’eau à Lagos, l’introduction de la taxation directe, ainsi que l’abolition de l’indépendance des Egbas sont autant d’exemples des sources de conflits déclenchés par Lugard lors de l’unification. Toutefois, sa réputation permit que le Colonial Office mette du temps à réaliser la portée destructrice de sa réforme.

Son attitude autocratique n’était pas en soi un véritable problème pour le Colonial Office de l’époque. En effet, cette pratique était alors courante dans les colonies, et parfois menée avec succès. En revanche, le constat de ses mensonges et de son incompétence déclencha l’ire du Colonial Office. De plus, il semblerait que Lugard ait tenté de décourager ses subordonnés de donner leurs opinions, non seulement en les obligeant à passer par lui pour toute décision, même lorsqu’il était en Angleterre, mais également en leur interdisant de se rendre au

Colonial Office lorsqu’ils étaient eux-mêmes dans une période d’absence. Lorsque le Colonial Office entendit parler de cette instruction, Lugard reçut l’ordre de l’annuler.

Dès 1913, le Colonial Office perçut des incohérences dans les propositions de Lugard187. Ses actions et ses choix commencèrent à soulever des questions parmi les membres du

Colonial Office, mais l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne les amena au second-plan.

Dans un courrier en date du 26 octobre 1913, Lugard chercha à obtenir le pouvoir de légiférer sans accord préalable du secretary of state, ce qu’Anderson n’estima pas légitime.

Il semblerait que l’élément qui enleva toute crédibilité à Lugard vis-à-vis du Colonial

Office fut la découverte d’une duperie concernant les estimations, liée au fait qu’il prenait les

surplus des Trésors de l’administration autochtone du nord pour les intégrer au revenu général du gouvernement. De plus, il nomma des superviseurs du native revenue sans en avertir le lieutenant-gouverneur, ce qui fut rapporté au Colonial Office, qui devint alors plus virulent vis-à-vis de lui que les résidents eux-mêmes.

A la fin de l’année 1913, Strachey fut envoyé au Nigeria pour assister aux cérémonies d’unification et effectuer un tour du pays. De Zungeru, il écrivit au Colonial Office afin de le mettre en garde vis-à-vis de Lugard :

« I want to warn you to be particularly careful about scrutinizing all Sir F’s proposals about the Native Treasury monies-I learn from Temple, Palmer and others that he wants or intends to spend some of this money on general service… Keep a sharp eye, I beg, on this affair188 »

187 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 209

188 Lettre de Strachey au Colonial Office, 1913 : « Je veux vous avertir d’être particulièrement vigilant à bien

examiner minutieusement les propositions de Lugard concernant les recettes du native treasury. J’ai appris de Temple, Palmer et d’autres qu’il souhaite et a l’intention de dépenser une partie de cet argent pour la fonction publique générale… Soyez vigilants, je vous prie, sur cette affaire. »

Le Colonial Office fut donc vigilant, et, lorsque la duperie de Lugard fut constatée, elle fut rapportée à Harcourt, qui lui écrivit afin de demander des explications en février 1914. Il tenta de s’expliquer lors de son séjour à Londres au printemps 1914 :

« My object was the creation of dependant States, guided and controlled by British Officers. I had not aimed at ‘financial independence » viz. That the principal chief of each petty State should have power to spend a sum of money amounting in aggregate to half the Revenue, and that no expenditure from this moiety should be incurred without their concurrence. …

The measure of responsibility which I had considered to be immediately advisable extended to practically the entire control, under the Resident, of the whole of the machinery of the subordinate Native Administration (the fixing of salaries of all Native Courts, their appointment, dismissal, etc.) the conduct of all the Native Courts and of Prisons and Native Police, the settlement of practically all land questions except such as affect aliens, and a limited power to originate minor capital works. 189»

Suite à cet incident, l’attitude du Colonial Office vis-à-vis de Lugard fut particulièrement inamicale. Harcourt, sous la pression de Lady Lugard, tenta de protéger son mari jusqu’en juillet 1914, quand celui-ci, alors en visite à Belfast, encouragea un régiment de volontaires qui menaçait de mener une rébellion contre le gouvernement libéral et sa politique de Home rule pour l’Irlande. Il lui signifia sa disgrâce dans une lettre datée du 16 juillet 1914.

Lugard voulut profiter de l’entrée en guerre pour demander deux faveurs au secretary of

state : tout d’abord, la carte blanche pour introduire la taxation directe dans le sud du Nigeria,

et également que le Colonial Office lui fournisse une loi pour contrôler la presse de Lagos. Harcourt refusa les deux demandes et lui fit remarquer qu’il ferait mieux de gérer les actualités, à savoir le « massacre d’Ijemo », au cours duquel les troupes avaient fait feu sur des contestataires dans la province d’Abeokuta. Cet incident aboutit à l’abrogation du traité d’indépendance des Egbas en 1914. Par la suite, le Colonial Office autorisa Lugard à introduire la taxation directe au Yorubland, et cela provoqua des mouvements de contestation.

189 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 212: « Mon but était la création d’états indépendants, guidés et contrôlés par les officiers britanniques. Je n’ai pas visé à « l’indépendance financière », à savoir que le chef principal de chaque petit état puisse avoir le pouvoir de dépenser une somme d’argent dont le montant total est la moitié du revenu, et qu’aucune dépense de ce fragment ne puisse être encourue sans leur accord. …La mesure de responsabilité que j’avais considérée être immédiatement recommandable s’étendait à pratiquement tout le contrôle, sous l’autorité du résident, de l’ensemble de la machinerie de la native administration subordonnée (la détermination des salaires de tous les officiels autochtones, leur nomination, leur renvoi, etc.) la conduite de toutes les natives courts, des prisons et de la police autochtone, le règlement de pratiquement toutes les questions foncières à l’exception de celles qui touchent aux étrangers, et un pouvoir limité de produire des travaux de capitaux mineurs. »

En 1917, l'inefficacité de l'administration du Nigeria est considérée comme acquise par le

Colonial Office, qui finit par considérer Lugard comme un potentat dont les capacités étaient

questionnables, et refusait ses actions. C’était pour lui une humiliation. Le principal problème consistait dans son refus de considérer l'idée de la décolonisation.

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 116-119)