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3 L E PROTECTORAT DU N IGERIA DU S UD

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 55-60)

b La mise en place de la taxation

3 L E PROTECTORAT DU N IGERIA DU S UD

Dans le protectorat du Nigeria du Sud, qui était sous le contrôle du Colonial Office depuis 1898, la politique du haut-commissaire Ralph Moor était relativement différente de celle de MacGreggor à Lagos, bien qu’il fut lui aussi partisan de l’Indirect rule. Au Nord, Lugard avait adopté un système basé sur le militaire, et MacGreggor dans le sud un gouvernement résolument civil, Ralph Moor a lui dû composer avec son territoire et a donc adopté un système à mi-chemin. Son prédécesseur était Sir Claude MacDonald. Du gouvernement des compagnies sous les ordres du Foreign Office au passage sous le contrôle du Colonial Office, ce pays a connu une certaine continuité dans son gouvernement, notamment en raison d’un personnel inchangé. En effet, Moor, qui était en poste depuis 1896, a été maintenu par Chamberlain en 190075.

A. L’

ADMINISTRATION

L’administration du protectorat du Nigeria du Sud était à mi-chemin de celle de Lagos et celle du protectorat du Nigeria du Nord.

1. La base de cette administration

Cette politique avait un caractère plus militaire et destructeur des institutions traditionnelles. Ici, la déjà longue présence britannique avait modifié la société traditionnelle,

74LUGARD, Frederick, Rapports annuels en tant que Haut-Commissaire du Nigeria du Nord, Government Printer, 1900-1906, Rapport annuel de 1904: « Sir William MacGreggor a quitté la colonie début janvier après avoir occupé le poste de gouverneur pendant près de cinq ans. Ces cinq années ont vu un développement remarquable dans les ressources du territoire, ainsi que dans les conditions générales et la prospérité de la population. La ville de Lagos s’est tellement améliorée qu’elle en est presque méconnaissable, le revenu a été quasiment doublé, beaucoup de travaux publics d’une grande utilité ont été effectués, d’autres ont commencé, et d’autres encore ont été introduits dans la gamme des politiques pratiques. »

75 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 82

les institutions avaient été adaptées pour mieux convenir aux exigences britanniques. Il n’y avait pas de rois, ni de chefs, chaque ville ou village disposait d’un pouvoir souverain sous la forme d’un système complexe avec des tâches traditionnelles et des anciens qui détenaient le pouvoir judiciaire. L’une des rares institutions communes était le grand oracle d’Aro-Chuku et elle était utilisée comme une sorte de cour suprême.

La soumission du territoire se fit de manière progressive en raison du climat, et des gens. La discussion avec les autochtones était privilégiée. Le territoire était composé de multiples tribus qui ne parlaient pas le même langage. Hormis le Benin, il n’y avait pas de grand royaume. La Royal Niger Compagny les avait laissé désorganisés et suspicieux vis-à-vis de l’homme blanc suite aux nombreuses destructions des autorités en renvoyant des chefs. Il fallut donc gagner le territoire peu à peu, aussi pacifiquement que possible. Parfois, il fallait temporiser pendant des années. Les gens sont qualifiés de très conservateurs dans le rapport de 1899-1900.

2. L’organisation

La présence britannique entraîna de la suspicion et de l’hostilité, et l’usage de la force militaire. En dépit de l’absence de chef, les Britanniques tentèrent néanmoins d’instaurer l’Indirect rule. La politique des villes de la côte fut donc étendue à l’intérieur des terres. Mais en réalité c’était un système de Direct rule. Toutefois, l’opposition à ce système venait principalement des sources traditionnelles. Parfois la force devait être utilisée, mais elle était plus compliquée à mettre en place qu’au nord.

Geary cita dans son Nigeria under British Rule la procédure systématique mise en place par Moor en 1896 en dix étapes afin « d’ouvrir » le Nigeria76 :

1. De petites expéditions pacifiques

2. Des rapports d’officiers sur les produits économiques 3. Des Native Councils de chefs dans les villes amicales 4. Une étude des routes

5. Des traités

6. La considération des plaintes

76 GEARY, William M.N., Nigeria Under British Rule (1927), Frank Cass Publishers, 1965, cité NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 87

7. Des patrouilles des cours d’eau navigables

8. L’ouverture des chemins de terre et la suppression des péages 9. Des voyageurs autochtones

10. L’établissement permanent

Les districts étaient groupés en divisions, gérées par un divisionnal commissioner et un

traveling commissioner. Chaque district avait un district commissioner et un assistant.

Les pouvoirs de gouvernement direct étaient limités à la collecte des droits de taxe traditionnels, le procès des crimes graves par des autochtones, et des affaires impliquant des blancs. Le pouvoir indirect consistait en un contrôle exercé sur ceux en charge de la native

court et du native council. Il avait le pouvoir de législation locale. Les deux types de

gouvernement étaient bien utilisés et mélangés.

Denneth77 défend la position de Moor, qui a choisi de maintenir l’autorité des chefs de maison tout en protégeant leurs membres des actes de cruauté et d’oppression de la part de ces chefs, plutôt que, comme suggéré par des missionnaires, supprimer l’esclavage et les gouvernement des maisons. Ainsi, il a suivi l’esprit du Selborne Committee et mis en place un gouvernement indirect par le biais des institutions autochtones. Moor espérait que grâce aux conseils des administrateurs, les native councils et les native courts rassembleraient les maisons sous des chefs élus en tant que « père du pays ». Malheureusement, en 1914, Lugard mis fin à ce système de « gouvernement de maison », retira l’officier administratif des

councils et des courts, et crée des provincial courts au-dessus d’eux dans lesquelles ni les

avocats britanniques, ni les avocats autochtones n’avaient leur mot à dire. Clifford, le successeur de Lugard, critiqua ce choix.

B. J

USTICE

Des native courts furent crées avec à leur têtes des « gens influents », et des chefs commencèrent à être désignés.

Moor et ses officiers attachaient une grande importance aux native courts et aux native

councils78. Ils étaient les instruments du progrès, employés directement par le gouvernement.

77 Un officier administratif en charge de la gestion des forêts du Protectorat Nigeria du Sud

78 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon

Ces tribunaux avaient aussi pour but d’instruire les gens sur leurs propres méthodes de gouvernement comme le décrit le rapport annuel de 1898-1899 :

« Not only are they engaged in direct judicial work, but the Native councils as distinct from the native run of Courts, are allowed and encouraged to make necessary native law affecting the tribes which they represent and over which they have control. All these Councils and Courts have practically the control of their own funds under supervision, of course, of European officers and the expenditure of these funds for the general advantage of the country and people provides an object lesson is civilized administration. By this means Court houses are erected for the administering of justice and good roads made from village to village, and other works of general utility carried out. It is anticipated that the value of the work done by these courts will greatly increase in future years, and if proper attention be paid to their organization and control they will relieve the European officials of a large amount of labour, and indeed carry out work of administration and control which otherwise in all probability could not be coped with.79 »

Moor se base sur trois principes pour annuler ou accorder une législation émise par le

native council : pas d’interférence non nécessaire avec la coutume, pas de création de classes

privilégiées, et faire inclure autant que possible des provisions qui se sont révélées efficaces dans d’autres pays. Le deuxième principe étant le contraire de ce que faisait Lugard au nord.

C. P

OLITIQUE SOCIALE ET ECONOMIQUE

Moor, à l’inverse de Lugard, était partisan de l’éducation des autochtones, il développa des écoles, et mis un département dédié au sujet. Il en créa également un consacré à la médecine.

Concernant le commerce, le caoutchouc était l’un des principaux atouts économiques de la région, et le département des forêts était en charge de la bonne gestion de son exploitation.

A compter du 1er janvier 1902, le protectorat interdit le commerce d’esclaves et tenta d’organiser le système de maison et ses taxes, ce qui entraîna du ressentiment, car l’esclavage était la base de l’économie des autochtones.

79 MOOR, Rapport annuel en tant que Haut-Commissaire du Nigeria du Sud, Government Printer, 1898- 1899 : « Non seulement ils s’engagèrent dans un travail judicaire direct, mais les Native councils en tant qu’institutions distinctes des Cours gouvernées par des autochtones, sont autorisés et encouragés à créer des lois autochtones nécessaire affectant les tribus qu’ils représentent et sur lesquelles ils ont le contrôle. Tous ces Conseils et tribunaux ont pratiquement le contrôle de leurs propres fonds sous la supervision, bien sûr, des officiers européens ; et les dépenses de ces fonds pour l’avantage général du pays et des gens fournissent l’objet d’une leçon de ce qu’est l’administration civilisée. Par ce moyen, des Tribunaux sont bâtis pour l’administration de la justice et de bonnes routes reliant les villages, et d’autres travaux d’intérêt général sont portés. Il est à prévoir que la valeur du travail accompli par ces Tribunaux va rapidement s’accroître dans les prochaines années, et si une attention adéquate est portée à leur organisation et leur contrôle elles soulageront les officiels européens d’une grande partie du travail, et exécuteront en fait un travail d’administration et de contrôle qu’il n’aurait pas été possible de gérer autrement selon toute probabilité. »

D. B

ILAN

En 1904, quand Moor et MacGregor quittèrent tous deux le Nigeria, ils furent remplacés par Sir Walter Egerton qui avait une formation « classique » éduqué dans une école privé et titulaire d’une licence en droit. Il évita la gloire et la célébrité.

En 1906, les deux territoires furent réunis en tant que colonie et protectorat du Nigeria du Sud, et le siège de son administration, le legislative council, se trouvait à Lagos. Il était en charge de légiférer et d’imposer les taxes. Les Africains éduqués de Lagos se montrèrent rapidement insatisfaits, notamment en raison du trop petit nombre d’Africains au conseil (trois sur dix personnes).

Lors de sa prise de fonction, Egerton se plaindra au secrétaire d’Etat que le protectorat du sud n’ait pas reçu autant que le protectorat du nord de Lugard, et que ce qui avait été accompli était particulièrement bien au regard du fait qu’il ait dû contribuer au financement du protectorat du nord. Nicolson80 attribua au manque de documentation, par opposition à la publicité que s’était faite Lugard, le manque de reconnaissance du travail accompli au sud du Nigeria. Il s’éleva contre toutes les idées reçues de désorganisation de ces régions et de mauvais travail accompli.

De 1900 à 1906, Lugard a donc installé au Nigeria du Nord son système de gouvernement indirect basé sur l’administration indirecte, les natives courts et la taxation, pendant que le sud du pays, divisé en deux Etats distincts, prenait une autre direction. En 1906, Lugard quitta le Nigeria. Il convient alors de s’interroger sur comment ses successeurs ont-ils décidé de gouverner le pays.

80 NICOLSON, I. F., The Administration of Nigeria, 1900–1960: men, methods and myths, Oxford: Clarendon Press, 1969, p. 98

Chapitre II -

Dans le document La notion d'Indirect rule (Page 55-60)