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Les types d’opérations de régulation

IV. LISTE DES FIGURES

4 LA LIGNE NATURELLE DE DÉVELOPPEMENT

4.3 Les processus et sources de régulations

4.3.2 Les types d’opérations de régulation

Sur la base de ce qui précède, nous pouvons distinguer les opérations de régulation selon:

1. les différentes opérations de contrôle et d’évaluation à l’œuvre dans les régulations. Elles sont plus ou moins autonomes et sont en général négociées avec le formateur ou déterminées culturellement;

33 À tout le moins, si ces apprentissages ne peuvent faire simplement l’objet d’une assimilation par le système et exigent donc une accommodation afin d’atteindre une équilibration.

34 Ces régulations sont appelées « régulations homéorhésiques » par opposition aux « régulations homéostatiques ».

2. les différentes opérations de sélection des procédures, de détermination des objectifs et d’anticipation du résultat visé. Un formateur peut apporter un éclairage sur les logiques et concepts menant à ces processus. Ceci aide le sujet à comprendre, à trouver des solutions face à des problèmes inédits et donc à intérioriser de nouveaux savoirs.

Les connaissances dont l’intériorisation est visée n’influencent pas la nature profonde de ces différentes opérations. Toutefois, le quoi de la régulation semble varier selon les disciplines scientifiques, selon le cadre conceptuel et la culture professionnelle (Valsiner, 2005).

Sont ainsi culturellement déterminés: le problème à résoudre, les objectifs à atteindre, les résultats à obtenir, les contraintes à observer, les procédures à disposition, les habitus dans la manière d’en créer de nouvelles, les éléments à contrôler en priorité lors de la progression vers le but, les critères d’évaluation du résultat final, l’ajustement en priorité de la procédure ou de l’objectif. Les régulations se situent ainsi dans un environnement complexe et peuvent autant relever des régulations inhérentes à l’activité du sujet – autorégulation – qu’être provoquées par un formateur, des pairs, la situation ou des outils (Allal & Saada-Robert, 1992).

Néanmoins, du point de vue du sujet, s’il ne constate pas l’inadéquation de la routine appliquée, il peut continuer à exécuter la tâche à travers des régulations automatiques. Nous voyons ici que l’évaluation joue un rôle central. Un apprenant pourrait très bien ne pas évaluer que la routine qu’il applique – machinalement – ne convient pas et ne résout nullement le problème. Il faut qu’il ait conscience de la difficulté posée par la tâche pour parvenir à trouver des solutions.

En effet, s’il y a difficulté dans une tâche, c’est qu’il y a erreur au sens de procédure inefficace ou inefficiente :

L’étude des heuristiques rencontre en particulier le problème du « statut de l’erreur ». En effet, si, dans une connaissance de type présentatif, l’erreur n’a pas un rôle fonctionnel important, elle joue un rôle dans les heuristiques à titre de « possible » parmi d’autres. Comme l’écrit Piaget, « du point de vue de l’invention, une erreur corrigée peut être plus féconde qu’une réussite immédiate, parce que la comparaison de l’hypothèse fausse et de ses conséquences fournit de nouvelles connaissances et que la comparaison entre des erreurs donne de nouvelles idées ». (Inhelder & de Caprona, 1992, pp. 42-43)

Chaque procédure inefficace essayée permet donc de mieux définir le problème, de mieux adapter les représentations que se fait l’apprenant du problème. Il faut donc que l’apprenant cherche à résoudre une tâche considérée comme problématique, au sens où les solutions à disposition s’avèrent inadéquates. Dans ce cas, l’apprenant entre dans une régulation basée cette fois-ci sur la prise de conscience35 de l’existence d’un nouveau problème (Piaget, 1974a, 1975). Dès qu’il en a pris connaissance, il va attribuer son attention à l’identification précise du problème et à sa résolution.

Toutefois, souvent les tâches ne sont pas simples : une partie de la tâche peut être problématique alors que l’autre ne l’est pas. Si l’apprenant devait dédier son attention à toutes les régulations nécessaires, la tâche deviendrait impossible à gérer. Un nombre de sous-tâches dont l’accomplissement est indispensable dans la résolution de problèmes font l’objet de régulations automatisées. Même lors de résolutions de problèmes entraînant une régulation homéorhésique (accommodation ; dépassement du système) pour la partie nouvelle de la tâche, celle-ci est le plus souvent coordonnée avec des régulations plus homéostatiques (simples assimilations ; sans dépassement du système) d’autres

35 La notion de prise de conscience mériterait ici une élaboration. Nous reviendrons sur cela au point 4.4, mais simplifions en disant que le système concerné par la régulation doit déceler l’inadéquation des régulations et que, selon Piaget, la régulation sera plus efficiente si le sujet prend le contrôle attentionnel de ce processus.

composantes de la tâche apprises précédemment. L’apprenant doit en effet mettre en œuvre et en relation des connaissances existantes pour atteindre un nouvel objectif. Il y a ainsi délégation, pour reprendre une terminologie cognitiviste, de tâches déjà intériorisées à des sous-systèmes de régulation qui régulent automatiquement les tâches déjà maîtrisées. Cette délégation à des sous-systèmes est en vigueur tant que le monitoring du sous-système de régulation ne signale pas un problème à ce niveau-là. Si ceci se produit, la tâche est portée à la conscience de l’apprenant et devient un problème à résoudre en soi auquel il consacre son attention.

Qu’il s’agisse de régulations explicitées ou non, nous considérons que les trois opérations fondamentales de l’autorégulation (anticipation, contrôle, ajustement) se déroulent dans tous les cas de régulation. Celle-ci a lieu sous différentes formes allant, sans discontinuer, de régulations implicites, automatisées ou non, aux régulations explicites volontaires (Allal, Rouiller & Saada-Robert, 1995).

Tel que mentionné précédemment, «pour des tâches relativement complexes, exigeant la coordination de plusieurs processus de production, la régulation de certains processus se déroule de manière automatique, tandis que la régulation d’autres processus exige la gestion active et intentionnelle des ressources cognitives à disposition » (Allal &

Saada-Robert, 1992, p. 273).

Nous pouvons donc représenter les régulations des tâches complexes comme un système de régulation composé de sous-systèmes de régulations, la plupart automatisées, et demandant de temps à autres la gestion active pour reprendre le contrôle du processus de régulation le temps de remédier avant de déléguer à nouveau le contrôle de cette sous-tâche au sous-système de régulation.

Les régulations jouent ainsi un rôle majeur dans l’acquisition des connaissances, mais elles opèrent également une reconstruction contextuelle lors des transferts, c'est-à-dire de l’utilisation de connaissances automatisées dans de nouveaux contextes.

Ceci nous conduit à mettre l’accent sur l’utilisation des quatre degrés d’explicitation des régulations, à prendre en compte en raison de « leur continuité fondamentale et de leurs articulations fonctionnelles » que proposent Allal et Saada-Robert (1992, p. 277):

1. les régulations implicites, intégrées au fonctionnement cognitif, qui ne sont pas portées au niveau attentionnel du sujet 36 ;

2. les régulations accessibles au niveau attentionnel et explicitables, c’est-à-dire celles que le sujet serait capable d’expliciter si on lui demande de le faire, ou si les exigences de la tâche provoquent un effort d’explicitation ;

3. les régulations explicitées, sur lesquelles il opère avec intentionnalité et qu’il communique à autrui ;

4. les régulations instrumentées qui s’appuient sur un support externe à la pensée du sujet et qui, de ce fait, peuvent conférer en retour aux processus mentaux de régulation une puissance – durabilité temporelle, souplesse, généralité – accrue.

L’instrumentation des régulations peut se baser sur un support que le sujet a produit pour lui-même ou venant d’autrui pour autant que l’apprenant se soit approprié l’outil en question37.

Nous devons approfondir la notion de contrôle des régulations, car il s’agira à nouveau d’un élément essentiel de notre conceptualisation des médiations.

36 Nous précisons en utilisant « au niveau attentionnel » plutôt que « conscience », voir point 4.4

37 Pour l’influence de cet outil sur les régulations, voir 5.5.