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La poursuite de l’intériorisation de la médiation contrôlante 160

IV. LISTE DES FIGURES

8 LES EFFETS DÉVELOPPEMENTAUX DE LA FORME

8.1 La poursuite de l’intériorisation de la médiation contrôlante 160

Les médiations contrôlantes portent sur des aspects de réflexivité contrôlante, donc de contrôle et évaluation des régulations à l’œuvre dans l’équilibration nécessitée par l’intériorisation de nouveaux savoirs. Après la poursuite de l’intériorisation, le sujet deviendra autonome dans le contrôle de ses régulations, dans la mesure compatible avec les exigences socioculturelles de son activité. Les médiations structurantes directes ou indirectes renforcent ou non la pratique d’initiatives.

Ce qu’on qualifie d’autorégulation, est en fait un contrôle des régulations par le sujet, impliquant qu’une médiation contrôlante est intériorisée. L’apprentissage autorégulé est une préférence du sujet, mais il ne s’étend pas nécessairement à tous les systèmes de sa conscience. Que ce soit par rapport à un ensemble d’activités ou pour tout le fonctionnement du sujet, ce développement est la conséquence de l’intériorisation de médiations contrôlantes, provenant le plus souvent de la part d’un formateur. Ces médiations contrôlantes peuvent amener le sujet à se développer en tant que personne dépendante du contrôle d’autrui ou au contraire le rendre réfractaire à toute tentative d’influence externe.

C’est en tenant compte des interactions permanentes entre formateur et apprenant que Zimmerman (2005, p. 29) décrit des niveaux de développement de l’autorégulation :

1. observation, qui mène à l’induction par vicariance d’une compétence à partir d’un modèle efficace ;

2. émulation (ou imitation), qui est la performance imitative de l’organisation générale ou du style de la compétence d’un modèle avec un apport social ;

3. autocontrôle, qui est la démonstration indépendante des compétences du modèle dans des conditions structurées ;

160 Afin de respecter les auteurs ayant travaillé l’autorégulation ou les différents styles de régulation, nous avons respecté cette terminologie. Toutefois, le lecteur comprendra que dans ce vocabulaire, la plupart du temps, la régulation se réfère à la partie réflexivité contrôlante, car il s’agit bien d’examens du processus de contrôle des régulations.

4. autorégulation, qui consiste en l’utilisation adaptative des compétences dans des conditions personnelles et environnementales changeantes.

S’il ne semble pas indispensable de passer d’une étape à l’autre pour aboutir à l’autorégulation, il n’en reste pas moins que des études démontrent que les apprenants bénéficiant de modèles stratégiques et parvenant à un niveau d’émulation développent plus profondément et plus rapidement les niveaux d’autocontrôle et d’autorégulation.

Il ressort de ceci que le formateur peut faciliter le développement de l’autorégulation pour autant qu’il reste un modèle sans engendrer une dépendance de l’apprenant. D’un autre côté, Iran-Nejad (1990), attribue les faibles succès dans l’apprentissage de l’autorégulation à une formation tablant uniquement sur la régulation active. D’après lui, il convient de prendre en compte les conditions favorisant la régulation dynamique.

Par contre, Shapiro et Livingston (2000) estiment qu’afin de développer la régulation dynamique, il convient de développer également la régulation active. Ils ont évalué un cours conçu en vue d’aider les étudiants à se développer en tant qu’apprenants actifs, indépendants et penseurs critiques. Un des objectifs est de leur permettre d’avoir des feedbacks à toutes les étapes pour éviter l’illusion de savoir ce qui n’est en fait que familier. Ils apprennent à fixer à la fois des objectifs immédiats et à long terme, et à analyser les tâches indispensables afin d’atteindre ces buts. Les cours visaient aussi la création d’une culture d’apprentissage en classe encourageant la motivation à apprendre, ce qui semble jouer un rôle fondamental dans le développement de la régulation dynamique.

Il y a ainsi une complémentarité entre régulation active et dynamique. Selon Shapiro & Livingston (2000), la régulation dynamique peut être à la base du désir de l’étudiant d’apprendre mais les stratégies de régulation active permettent à l’étudiant de démarrer l’apprentissage et de maîtriser le matériel quel que soit le domaine. Il se pourrait donc que les fonctions de régulation dynamique soient, en tout cas en partie, un phénomène culturel où enthousiasme, motivation et curiosité sont valorisés. La création d’une culture d’apprentissage holistique peut être le meilleur moyen de favoriser les qualités de régulation dynamique. La forme théâtrale nous semble, à travers sa complexité et son approche créative des situations, voire sa dialectique profonde, mettre en œuvre un contexte favorable au développement de la régulation dynamique. Ceci rejoint, à un niveau plus étendu, car porteur de régulations culturelles, l’importance du contexte dans les régulations (Tardif, 2007).

Contrairement aux affirmations selon lesquelles il ne faut soumettre qu’un problème à la fois, Shapiro et Livingston suggèrent qu’il peut être plus pertinent d’initier différents projets qui permettent aux étudiants d’établir des liens. Il pourrait ainsi être important de transformer la formation en un module de découverte générant de l’intérêt. Il convient également de changer le schéma d’interaction entre les sources externes, actives et dynamiques de l’autorégulation. En effet, dès que nous insistons auprès des apprenants sur la régulation active, afin de pouvoir co-réguler leurs activités, toutes les ressources sont mobilisées par un problème unique, peut-être ennuyeux, empêchant et même stigmatisant toute délégation à un sous-système de régulation dynamique. Les consignes et les régulations du formateur, ainsi que le climat de classe qu’il établit, revêtent ainsi une importance cruciale dans le développement des régulations dynamiques.

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de transmettre au sujet les médiations contrôlantes dont il a besoin et de lui permettre de les mettre en œuvre. Si on prend en considération la régulation dynamique, le contrôle prend toutefois une autre forme : il convient de transmettre non seulement la rigueur, propre à la régulation active, mais également l’ouverture et l’audace propres à la régulation dynamique. La manière de

contrôler les régulations n’est pas la même, mais peut présenter un caractère complémentaire.

8.1.1 Le rôle du formateur

Vermunt et Verloop (1999) tentent de mettre en relation les théories de l’apprentissage et les théories de l’enseignement à travers une théorie unifiée qui donne la place centrale à l’autorégulation de l’étudiant. Il examine comment l’apprentissage peut être régulé de l’extérieur par trois stratégies d’enseignement : contrôle extérieur fort, contrôle extérieur relâché, et contrôle partagé.

Tableau 20: Exemples de substitution des fonctions de l'apprentissage par l'enseignant (d'après Vermunt et Verloop, 1999, pp. 267-268)

Activité d’enseignement dans le cadre d’un enseignement basé sur

Fonctions d’apprentissage

une régulation forte par l’enseignant une régulation partagée

Fonctions cognitives Présenter et expliquer la matière Mettre en

Analyser Expliquer en détail, étape par étape. Poser des questions détaillées.

Rendre concret/

Appliquer

Donner des exemples, des applications, des illustrations, faire les liens avec la pratique, interpréter des faits réels.

Amener les élèves à faire des liens avec leur propre expérience. Laisser les élèves résoudre un problème, leur demander les implications pratiques.

Mémoriser / Répéter Revoir la matière régulièrement, donner des unités de révision.

Faire passer des examens qui évaluent une compétence.

Traitement critique Donner les arguments contre et en faveur d’un point de vue, souligner les différentes conclusions possibles.

Amener les élèves à présenter des arguments, des points de vue opposés, organiser des discussions de groupe.

Sélectionner Dévoiler les points principaux et mineurs, mettre en valeur les concepts principaux.

Demander aux élèves quels sont les points principaux et les concepts fondamentaux.

Fonctions affectives Créer un climat favorable au point de vue affectif Motivation/Attentes Présenter les contenus d’apprentissage

d’une manière captivante, générant de l’intérêt. Faire en sorte que les élèves croient en leurs propres capacités.

Rendre les élèves responsables de leurs apprentissages. Donner des tâches que les élèves arrivent à gérer.

Se concentrer/ Faire un élèves à parler en groupe des résultats de leur réflexion réalistes, à estimer et à valoriser leurs compétences et leur efficience.

Mettre en valeur Souligner la pertinence d’un cours ou d’une tâche.

Mettre l’accent sur l’importance de la tâche en vue d’atteindre des objectifs personnels.

Gérer les émotions Rassurer les apprenants, réduire la peur et l’anxiété.

Permettre aux élèves de faire l’expérience du succès, mettre en valeur leurs réussites.

Fonctions de régulation Réguler le processus d’apprentissage Orienter (planifier) Introduire la matière, vérifier les

préconceptions. Informer les choix aux élèves quant à la matière, aux objectifs, aux activités. genre et la cause des problèmes de compréhension.

Amener les élèves à contrôler les uns les autres leur processus. Laisser les élèves inventer des questions pour les tests. Amener les élèves à analyser la cause des problèmes.

Laisser les élèves rédiger un examen et leur faire passer mutuellement des examens. Leur demander des

comparer leur approche avec celle des autres.

Ils étudient ainsi ce que nous pouvons qualifier de jeu de congruence et de friction entre la forme subjectivée du sujet et la forme subjectivée du formateur. Ils en dérivent ensuite les principes qui pourraient permettre d’adapter l’enseignement afin d’éviter les frictions destructrices entre les stratégies de régulation des étudiants et les stratégies de contrôle des enseignants (Vermunt, 1989; Vermunt & Verloop, 1999).

Nous avons particulièrement été frappé dans cette étude par la confirmation qu’un style d’enseignement avec un contrôle fort exerce une friction destructive sur les régulations de l’apprentissage par des apprenants disposant d’un haut niveau d’autorégulation, tout autant qu’un contrôle relâché engendre une friction destructive pour un apprenant disposant d’un bas niveau d’autorégulation. Vermunt et Verloop proposent aux enseignants des modèles d’attitudes pour qu’ils adaptent leur contrôle aux besoins des apprenants afin de développer des frictions constructives.

Tableau 21: Congruence et friction dans les régulations (d'après Vermunt et Verloop, 1999, p.270)

Relation entre les trois niveaux de régulations par l’enseignant et

trois niveaux de régulations par l’étudiant des processus d’apprentissage.

Niveau de régulation de l’apprentissage par l’enseignant Niveau de régulation de

l’apprentissage par l’étudiant

Fort Partagé Relâché

Élevé Friction destructive Friction destructive Congruence

Intermédiaire Friction destructive Congruence Friction constructive

Bas Congruence Friction constructive Friction destructive

Il nous semble important de tenir compte du style de l’enseignant dans l’étude du développement de l’autorégulation et de l’apprentissage autorégulé. Ce style d’intervention du formateur, conditionne à notre avis également le genre de feedback qu’il donnera à ses élèves, et l’influence de ces retours a été abondamment décrit (Crahay, 2007). Nous pensons ici notamment aux réactions aux réponses correctes, partiellement correctes, incorrectes et aux réactions lorsque l’élève ne répond pas ou quand il pose lui-même des questions ou qu’il fait des commentaires.

Il faut inclure ici les influences sur la régulation provenant des pairs. Si la forme théâtrale, par sa tradition, porte effectivement en elle une culture forte, le groupe de comédiens affine probablement sa propre culture de régulation à l’instar de ce qui se produit dans une classe (Mottier Lopez, 2007). Il est certain que nous avons là une microculture, englobant les apports du formateur, influençant les régulations de manière particulière.

Il convient donc, lors de toute approche de l’autorégulation des apprenants, de tenir compte des multiples médiations offertes, plus ou moins directement contrôlantes, et qui les influencent. Un modèle de l’autorégulation d’un apprenant ne peut dès lors se comprendre que dans la forme particulière d’interactions entre les différentes dimensions des médiations contrôlantes déjà intériorisées et à intérioriser.

8.1.2 Le développement de l’apprentissage autorégulé

En raison de « leur continuité fondamentale et de leurs articulations fonctionnelles » (Allal & Saada-Robert, 1992, p. 271), il n’y a pas de différence entre la nature du fonctionnement des mécanismes cognitifs de régulation, définis par leurs aspects structuraux et a-contextuels du développement général, et celle des mécanismes dits métacognitifs de régulation, comprenant les régulations fonctionnelles, activées à des degrés de conscience variables. Les régulations à la base des planifications stratégiques des apprentissages, servant à la gestion des procédures mobilisées par le sujet dans une situation finalisée d’apprentissage, sont de même nature.

C’est ainsi que Lafortune et Saint-Pierre (1998), se fondant sur Flavell (1976), considèrent que la métacognition se compose de connaissances quant aux processus cognitifs et d’un aspect procédural, désigné sous le terme « régulations métacognitives » par Allal et Saada-Robert (1992).

Lafortune et Saint-Pierre (1998) soulignent l’importance du caractère conscient des régulations pour le développement métacognitif. En effet, la régulation à la base des planifications stratégiques demande à la fois un accès conscient aux connaissances liées aux processus à mettre en œuvre et une conscience de l’aspect procédural de la recherche de la stratégie adaptée à la situation. En fonction des tentatives successives, cette procédure de régulation métacognitive enrichit également les connaissances métacognitives du sujet.

Nous pensons que l’autorégulation peut être entraînée dans ses aspects à la fois de régulation active – qui a fait l’objet de la plupart des recherches favorisant une formation métacognitive (Resnick, 1987) – et dans ses aspects de régulation dynamique. Une étude de Shapiro et Livingston (2000) démontre d’ailleurs que l’autorégulation dynamique peut faire l’objet d’un entraînement (voir supra). Rappelons que parmi les facteurs favorisant une régulation dynamique, cette étude montre l’importance d’une atmosphère permettant de donner le temps aux apprenants de démontrer leur capacité de persistance et mettant en valeur leur enthousiasme pour les idées et interprétations non conventionnelles ainsi que leur curiosité. Il y aurait également une forte corrélation qui existe entre l’autorégulation dynamique et la motivation intrinsèque. Shapiro et Livingston rejoignent ainsi le modèle d’apprentissage autorégulé de Boekaerts (1999, 2002) qui établit un lien, niveau par niveau, entre connaissances cognitives, stratégies cognitives, stratégies de régulation

(méta)cognitives, d’une part, et croyances motivationnelles, stratégies motivationnelles et stratégies de régulation motivationnelles, d’autre part. Les conditions favorables à l’émergence d’un style d’autorégulation comprennent entre autres une forte volonté, une motivation intrinsèque et l’absence d’un contrôle externe fort sur les régulations (Boekaerts, 1999).

Par ailleurs, la relation entre motivation et cognition est bidirectionnelle (Rozendaal, Minnaert & Boekaerts, 2005). Il a été ainsi démontré que les apprenants disposant d’une motivation intrinsèque préfèrent un style d’apprentissage autorégulé et que les apprenants qui s’engagent dans une approche autorégulée d’un apprentissage se sentent plus motivés (Boekaerts, 2002).

A travers cette pratique d’autorégulation, ils apprennent à contrôler leur motivation et leur volition, vue comme la capacité à initier une tâche, persister dans et se désengager de celle-ci (Boekaerts, 1999). Ceci proviendrait du fait que l’apprentissage autorégulé consiste en des pensées, sentiments et actions qui sont orientés vers les buts fixés (anticipation) par l’apprenant lui-même (Boekaerts, 1999). Nous voyons que non seulement le contrôle ou monitoring est aux mains de l’apprenant, comme c’est au moins partiellement le cas dans l’autorégulation, mais qu’en plus l’anticipation est gérée par l’apprenant. C’est lui qui détermine, dans la plus grande autonomie possible, les buts de son apprentissage. L’objectif final, choisi ou non par l’apprenant, conditionne bien entendu encore les différentes anticipations qu’il sélectionne.

Au niveau métacognitif, les apprenants faisant preuve d’apprentissage autorégulé sont ceux qui initient les processus de régulation de manière autonome au lieu de dépendre de leur enseignant ou de leurs pairs (Rozendaal et al., 2005). Cette stratégie d’autorégulation se développe à travers des autorégulations actives et explicites car la motivation intrinsèque liée à la satisfaction de l’autorégulation incite à préférer un style de régulation autorégulé (Boekaerts, 1999).

Dès lors, les apprentissages, s’ils se situent toujours dans le cadre d’un réseau complexe de régulations impliquant les autres apprenants et les formateurs, ne sont réellement des apprentissages que s’ils reposent sur une part d’autonomie dans la régulation de l’apprenant (Allal & Saada-Robert, 1992).

Si une part d’autorégulation a toujours lieu, l’apprentissage autorégulé, tout en dépendant des mêmes mécanismes que l’autorégulation, dépend de la participation de l’apprenant à la détermination des objectifs d’apprentissage.

Si l’autonomie de l’anticipation joue un rôle déterminant (Boekaerts, 1999), l’autonomie dans le contrôle et la vérification contribuent également pleinement à un apprentissage autorégulé. Celui-ci comprend une autorégulation, au sens de niveau supérieur du développement de celle-ci (voir supra, Zimmerman, 2005), et une motivation intrinsèque, comprise comme permettant la détermination de l’objectif, ou une volition, permettant l’intériorisation directe de l’objectif.

Un contrôle externe de l’objectif peut très bien déboucher sur un apprentissage autorégulé. Il faudrait pour cela qu’une volition suffisamment forte permette une intériorisation directe au niveau de l’objectif et que le contrôle et les ajustements nécessaires se passent sous le contrôle interne, probablement partiellement actif et partiellement dynamique, de l’apprenant.