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IV. LISTE DES FIGURES

7 CERNER LA FORME 151

7.3 Les médiations : structurant-contrôlant, direct-indirect et universel

7.4.2 Les évaluations

Au sein de la régulation, l’évaluation joue un rôle clef car elle permet au sujet de déceler s’il y a déséquilibre suite à l’atteinte de l’état désiré, donc de l’objectif. De plus, elle forme un élément clef de l’ajustement des processus (Allal & Mottier Lopez, 2007).

Très souvent, dans une forme socioculturelle donnée, l’évaluation est dans un premier temps totalement externe, la finalité de l’activité n’étant pas vraiment connue du sujet ou, en tout cas, les objectifs d’étape n’étant pas partagés, le résultat ne peut faire l’objet d’une évaluation par le sujet. Ensuite, les moyens d’y arriver sont, selon l’activité, laissé ou non au choix du sujet, mais c’est rarement le cas. Très souvent, le moyen est considéré comme une finalité en soi. La jauge de l’évaluation est donc rarement en main du sujet seul (Mottier Lopez, 2008).

Mais au-delà de cela, l’activité socioculturelle peut inclure une volonté de garder l’évaluation à différentes étapes de l’action comme devant dépendre d’un contrôle externe au sujet ou au contraire d’amener le sujet au maximum d’autoévaluation. L’évaluation est donc une dimension de la médiation contrôlante, en tant qu’outil mis à disposition du sujet et pouvant ou devant être plus ou moins intériorisé, mais dans cette intériorisation est comprise une part plus ou moins grande de dépendance à un jugement externe.

7.4.2.1 L’évaluation en fonction objectif/finalité

La solution est évaluée en fonction d’un objectif et surtout d’une finalité. Dans cette posture, toute solution est bonne dans la mesure où elle donne un sens ou si elle permet d’atteindre la finalité ou l’objectif plus précis fixé. Cette approche permet de valoriser des procédures sortant des sentiers battus ou ne correspondant pas à des consignes éloignées de l’objectif lui-même. Ce type d’évaluation autorise donc le sujet de sortir de la procédure, de la stratégie recommandée, de faire fi de certaines consignes.

7.4.2.2 L’évaluation critériée

Le jugement se base ici sur une série d’éléments prédéterminés devant figurer, soit dans le processus, soit dans la solution finale pour que la démarche soit validée. Très souvent, on trouvera des employeurs, ou des enseignants voulant recourir à des critères fixes, sans que ceux-ci aient de réels liens avec l’objectif. Certaines fois, les critères sont pratiquement indispensables afin de déterminer l’atteinte d’objectifs face à des situations complexes (Roegiers, 2010).

7.4.2.3 L’évaluation formative

L’évaluation formative vise avant tout l’ajustement du processus de régulation, tant de la part du sujet que de la part d’un éventuel formateur (Allal, Cardinet & Perrenoud, 1981) ou, encore, de l’activité dans son ensemble. Afin, dans le cadre de nos analyses, de la distinguer clairement du monitoring, on pourrait dire qu’il s’agit de toute tentative, soit indirecte consistant à amener une réflexion autonome du sujet sur sa régulation aboutie, soit directe consistant pour le formateur à examiner non seulement le résultat final mais le processus qui y a conduit. Le feedback est jugé primordial. Dans ce contexte, l’erreur est bien entendu vue comme une étape permettant de reprendre le processus de régulation en ayant éliminé une voie non pertinente.

7.4.2.4 L’évaluation sanction

L’évaluation est ainsi un jugement, où le processus ayant conduit au résultat n’est pas mentionné et où le résultat semble sans appel. Il n’y a ni critère, ni comparaison explicite avec l’objectif à atteindre, ni retour sur le processus. Souvent, stigmatisation ou sanction sont l’aboutissement d’une erreur et récompense ou valorisation sont l’aboutissement d’une réussite. Une fois intériorisée, cela peut conduire un sujet à se juger, sans raison apparente, de manière exagérément négative ou positive : perte de confiance, aveuglement, dévolution externe ou interne, sont au rendez-vous.

Tableau 4: Médiations contrôlantes, évaluation.

Dimensions de deuxième ordre, directes et indirectes, en fonction des modalités d'observation. D pour médiation directe, I pour médiation indirecte.

Lors de l’activité de formation Lors d’entretiens s/l’enseignement

Lors d’entretiens ou écrits réflexifs Description activité socioculturelle en fonction de la finalité ou de l’objectif fonction de l’objectif fixé ou de la finalité choisie qu’il a choisis, ou auxquels il se réfère de manière autonome,

Tableau 5: Médiations contrôlantes, évaluation, suite tableau 4 Lors de l’activité de formation Lors d’entretiens

s/l’enseignement

7.4.3 Le monitoring

Si nous revenons en détail sur le fonctionnement des régulations et sur la fonction de réflexivité contrôlante, nous pouvons examiner le jeu de médiations à l’œuvre sur cet aspect de toute intériorisation. Le monitoring est défini comme le contrôle du cours de l'action en observant son comportement et en comparant les résultats obtenus aux objectifs partiels fixés (voir ci-dessus 4.3.1). Si l’atteinte de l’objectif fait l’objet d’une évaluation finale quand le processus de régulation arrive à son aboutissement, nous pourrions dire que le monitoring est asservi à l’objectif de la régulation et est composé d’évaluations partielles visant des ajustements durant la progression de la régulation.

Afin d’observer son comportement, le sujet peut se doter de questions intermédiaires, de consignes à suivre afin de pouvoir situer sa progression. Soulignons qu’il s’agit ici tant de l’autoquestionnement ou des consignes que le sujet s’est donné lui-même que de questions et consignes posées par un tiers ou fondées sur un outil (Wegmuller, 2007). Nous posons que ces étapes internes à la boucle de régulation sont autant de médiations orientant clairement la focale d’attention du sujet.

La question se pose de saisir la limite entre monitoring et fixation de l’objectif ou évaluation. En effet, le monitoring est considéré en dehors de l’évaluation finale, même si le monitoring comprend bien entendu des éléments constitutifs d’un processus d’évaluation dans le sens de la comparaison à un état non-abouti. Mais là est justement la différence : s’il s’agit de la comparaison à un état intermédiaire, nous avons affaire à du monitoring et ce qui compte, c’est la définition de cette étape sous forme de consigne ou de question ; s’il s’agit de la comparaison à l’état final, nous sommes en prise avec l’évaluation proprement dite en tant que jugement de l’état d’équilibre final.

Si toutefois nous sommes dans un état « arrêté » du processus de régulation sous la forme d’un résultat tangible et donc évaluable en tant qu’état à comparer à une étape clairement définie, nous sommes en présence d’une évaluation et pas uniquement d’un monitoring. En effet, dans ce cas, l’étape à évaluer devient un objectif et pas uniquement un moyen d’atteindre l’équilibre. Il y a donc une décomposition de la procédure de régulation en sous-boucles de régulation. Par contre, s’il s’agit d’un retour fluide sur la régulation, sous la forme par exemple d’une relance, nous considérons qu’il s’agit d’une étape du monitoring.

En résumant, dans le cadre des médiations, nous considérons que nous sommes dans l’ordre du monitoring quand il s’agit de jalons du processus de régulation, et que nous sommes dans l’ordre de l’évaluation s’il s’agit d’un jugement sur un état considéré comme abouti. De cette manière, nous pouvons distinguer comme dimensions de deuxième ordre : les tabous, les procédures, les consignes, les questions de relance et la persévérance.

7.4.3.1 Les tabous

Lorsque le sujet envisage une manière de réguler une action, il se peut que certaines options soient d’office exclues. Il ne s’agit pas nécessairement d’une abduction mais bien, parfois, d’une impossibilité de procéder d’une certaine manière. Ces éléments tabous balisent des limites, qu’elles soient liées à des aspects de personnalité ou encore plus souvent à des éléments culturellement établis. Dans ce sens, nous comprendrons le terme tabou, dans l’acception de ‘semblant impossible à modifier’. Il s’agira dans le cas de nos analyses avant tout d’éléments exclus, mais il peut également s’agir d’éléments imposés.

Ils entraînent ainsi une omission ou au contraire l’inclusion d’un élément obligatoire dans le système interprétatif, par exemple d’ordre religieux. Attribuer le caractère de médiation à cet élément peut sembler abusif, mais, d’après nous, il s’agit bien d’un élément qui permet une intériorisation particulière ou au contraire empêche certaines intériorisations de savoirs. D’un point de vue interculturel, il s’agit d’un élément incontournable.

7.4.3.2 Les consignes

Il s’agit d’instructions claires amenant le sujet vers une certaine situation pouvant être problématique et donc nécessiter des régulations, ou posant des contraintes dans le processus d’équilibration. Elles posent à nouveau un problème de distinction avec les objectifs des actions. Clairement dans une perspective cognitiviste, nous considérons que la consigne vise à mettre le sujet dans une situation problématique ou lui proposer une étape de résolution afin de le mener vers l’atteinte de l’objectif vu comme ce qui doit être appris ou vu comme étant la contribution à la finalité de l’activité.

Si l’atteinte de la consigne met fin à l’action, il s’agit d’un objectif. Si la consigne n’est qu’une étape, une contrainte contribuant à une définition possible de l’objectif, nous sommes bien dans le monitoring. Les consignes sont alors autant d’injonctions, demandes, contraintes ne portant pas sur la procédure et n’étant pas l’objectif lui-même. Elles visent souvent une mise en activité ou le maintien d’un cadre de travail, voire d’un cadre de sécurité.

Nous pouvons distinguer deux types de consignes : les consignes indirectes et les consignes directes. La consigne directe se présente clairement avec un caractère d’univocité et vise à être exécutée exactement selon ce qu’elle dicte.

Les consignes indirectes sont définies par leur caractère détourné par rapport à une formulation directe : le formateur communique, ou le sujet se fixe, une consigne qui n’est pas identique à la contrainte devant être respectée (voir infra 11.5.5.4). Les consignes indirectes prennent ainsi la nature d’un prétexte ou sont imagées. Elles sont souvent partielles et ne portent que sur un détail de l’ensemble, tout en visant un ajustement plus large. La consigne indirecte vise donc de mettre en marche le sujet vers la consigne en quelque sorte cachée. C’est un moyen détourné d’obtenir ce que la consigne directe exige et ceci demande une implication, car la consigne effective est en effet donnée par le sujet lui-même.

7.4.3.3 Les procédures

Nous désignons ici des procédures à suivre pour parvenir à l’atteinte d’un objectif.

Il s’agit ici bien des étapes à suivre pour parvenir à l’équilibration. Ces procédures sous-entendent souvent un certain niveau de détail : manières de faire, déroulement à suivre pour que cela fonctionne, pour pouvoir atteindre l’objectif en tenant compte éventuellement de consignes imposées. Elles peuvent être énoncées méticuleusement et donc suivies à la lettre ou, au contraire, faire l’objet d’une découverte de la part du sujet ou être mobilisées par lui-même.

7.4.3.4 Les questions de relance

Qu’elles soient posées par le formateur, trouvées dans un mode d’emploi ou que le sujet se les pose lui-même en cours de régulation ou encore les ait posées a priori, elles visent à étayer le processus d’équilibration du sujet. Il s’agit de questions posées afin de relancer la réflexion, le processus de résolution, se distinguent de la procédure car elles ne préjugent pas de la manière de résoudre. Un sujet peut également en venir à se poser lui-même des questions de relance en cours de régulation. L’enseignant peut d’ailleurs mentionner que c’est aux élèves de se questionner, de relancer leur propre questionnement, il s’agit donc de questions de relance de type indirect155.

7.4.3.5 La persévérance

Lors d’un processus de régulation, quel qu’il soit, la persévérance est un élément fondamental. Reconnu même en créativité, pourtant baignant largement dans des

155 Enseignants ζ et η, classe V et W, entretien.

régulations hors du contrôle attentionnel, comme une composante essentielle (Lubart, 2003), elle se fonde sur des aspects motivationnels et volitionnels (Boekaerts, 1999). Nous pouvons voir que la persévérance s’intègre au monitoring, dans la mesure où il s’agit d’un moteur amenant à la complétion de l’équilibration. Nous y retrouvons donc les aspects plus ou moins externes, directes, de la motivation extrinsèque à l’aide de récompenses, la menace de punitions en cas d’abandon ; ou indirectes, tels l’appel à la motivation intrinsèque, les encouragements basés sur l’incitation à la curiosité.

Tableau 6: Médiations contrôlantes, monitoring.

Dimensions de deuxième ordre, directes et indirectes, en fonction des modalités d'observation. D pour médiation directe, I pour médiation indirecte.

Lors de l’activité de formation Lors d’entretiens s/l’enseignement

Tableau 7: Médiations contrôlantes, monitoring, suite du tableau précédent Lors de l’activité de formation Lors d’entretiens

s/l’enseignement