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Les travaux préparatoires : de la Commission du droit international à la Conférence de Rome

pénale internationale

C. Les travaux préparatoires : de la Commission du droit international à la Conférence de Rome

Les travaux préparatoires de ce qui deviendra, le 17 juillet 1998, le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, se basèrent sur le Projet de Statut remis par la Commission du droit international à l’Assemblée générale des Nations Unies en 1994. La Commission recommandait la convocation d’une conférence internationale de plénipotentiaires qui étudierait le Projet de Statut en vue de conclure une convention sur l’établissement d’une juridiction pénale internationale.

Au sein de l’Assemblée générale, la plupart des délégations exprimèrent leur soutien à l’établissement de cette nouvelle juridiction. Des références furent naturellement faites au tout récent Tribunal pénal international pour

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36 James Crawford,The Work of the International Law Commission,in Cassese, Gaeta, Jones, The Rome Statute, p. 31.

37 CDI, Rapport sur les travaux de sa quarante-sixième session, 1994 ONU Doc. A/49/10, p. 40.

38 CDI, Rapport du Groupe de travail, 1993, p. 109.

39 Voir James Crawford,The Work of the International Law Commission,in Cassese, Gaeta, Jones,The Rome Statute, pp. 23-34. Voir également, du même auteur,The ILC’s D aft Statute for an International C iminal Court etThe ILC Adopts a Statute for an International Criminal Court.

Yougoslavie, créé par le Conseil de sécurité, ainsi qu’à l’intention du Conseil de créer un second Tribunal pour le Rwanda. Ceci renforça l’argument qu’il serait préférable d’établir une juridiction pénale unique, permanente, plutôt que de multiplier les juridictionsad hoc.

L’Assemblée générale adopta donc une résolution créant un Comité ad hoc et lui confiant le mandat d’approfondir le Projet de Statut de la Commission du droit international et de préparer la tenue d’une conférence internationale 40.

1. Le Comité ad hoc de 1995

Le Comité ad hoc tint deux sessions durant l’année 1995, consacrant la première aux questions de procédure, d’établissement de la Cour, de l’étendue de sa juridiction et à la définition des crimes, la seconde au principe de complémentarité.

Les questions abordées par la première session du Comité ad hoc étaient extrêmement variées et d’importance fondamentale, comme l’établissement et la composition de la Cour, l’étendue de sa juridiction, les procédures applicables et les exigences d’un procès équitable, les relations entre la Cour et les Etats, parties ou non parties, sans parler des questions administratives et financières.

Pour nous en tenir ici à l’essentiel, relevons que l’un des principaux résultats des premières discussions fut le choix d’établir une Cour pénale internationale comme un organe indépendant, par voie de traité international multilatéral. Cette approche permettait de concilier le principe de la souveraineté des Etats, ce traité n’étant destiné à développer ses effets qu’à l’égard des Etats parties, et la volonté d’établir l’autorité légale de la Cour.

Un autre résultat important de ces premières discussions fut de dégager une tendance claire en faveur d’une limitation de la juridiction matérielle de la Cour aux crimes les plus graves qui concernent la communauté internationale en son entier, ce qui signifiait s’en tenir aux crimes de génocide et d’agression, aux violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés et aux crimes contre l’humanité, bien que l’inclusion du crime d’agression fût déjà controversée. Sur cette question, le Comité fut d’avis qu’il devait s’en tenir aux crimes établis en droit international, qu’il n’avait pas reçu mandat de développer par de nouvelles incriminations. Ceci revenait à renoncer à l’approche de la Commission du droit international basée sur les « treaty crimes », qui incluaient notamment les crimes définis dans les Conventions de Genève et leur premier Protocole additionnel, aux Conventions contre le trafic de drogue, la torture ou l’apartheid, de même que divers traités en matière de terrorisme. De manière générale, la question du terrorisme fut jugée trop complexe pour être abordée. Toutes les infractions de caractère pénal figurant dans d’autres traités furent jugées d’une gravité insuffisante pour entrer dans la juridiction matérielle de la Cour.

Une fois déterminés les crimes entrant sous la juridiction de la Cour, le Comitéad hoc se déclara en faveur de leur définition précise dans le Statut, rejetant

40 Les travaux préparatoires de la Conférence diplomatique de Rome n’ont pas fait l’objet de publication systématique. Il est dès lors difficile d’en prendre connaissance autrement que par l’intermédiaire des articles et commentaires publiés par les auteurs qui y furent présents. C’est ainsi que l’ensemble de notre exposé en la matière sera principalement guidé par les participations de Adriaan Bos, Philippe Kirsch et Darryl Robinson à Cassese, Gaeta, Jones, The Rome Statute.

l’idée de leur énumération, qui fut jugée insuffisante en regard du principe de la légalité.

Les travaux de sa seconde session amenèrent le Comité ad hoc à se pencher sur le principe de complémentarité. Ce terme de complémentarité était inconnu du droit international, bien que l’on puisse le rapprocher du principe de subsidiarité en vigueur au sein de l’Union européenne. Il fut décidé que ce principe ne devait pas signifier que la Cour pénale internationale ne jouirait que d’une compétence secondaire à celle des juridictions nationales, mais que tant la Cour internationale que les juridictions nationales devaient être guidées par les mêmes objectifs. Ceci permit de ne conclure à l’intervention de la Cour pénale internationale que dans les cas où le recours aux tribunaux nationaux s’avèrerait inaccessible ou ineffectif.

Le Comité fut d’avis, ce que confirmeront tous les travaux postérieurs, que le principe de complémentarité, qui devait encore être clairement défini, revêt une importance majeure pour l’ensemble du Statut. L’accord fut en effet, dès le début, général de ne pas percevoir la Cour pénale internationale comme remplaçant les juridictions nationales. Bien que sa juridiction se limite à un petit nombre de crimes particulièrement graves, elle ne doit jamais être exclusive41.

2. Le Comité préparatoire de 1996

Le Comité préparatoire, ou PrepCom dans l’usage anglophone, reçut mandat « to discuss further the major substantive and administrative issues arising out of the Draft Statute prepared by the ILC and, taking into account the different views expressed during the meetings, to draft texts, with a view to preparing a widely acceptable consolidated text of a convention for an international criminal court as a next step towards consideration by a conference of plenipotentiaries » 42. Le Comité préparatoire a, plus scrupuleusement que le Comité ad hoc, basé ses travaux sur le projet issu de la Commission du droit international, en présence d’experts tant du droit international que du droit pénal.

Le Comité préparatoire se pencha sur la détermination et l’établissement des principes généraux de droit pénal ainsi que sur quelques questions générales, notamment celles de savoir quel devait être le degré de détail de la réglementation du Statut de la Cour pénale internationale, dans quelle mesure la Cour pourrait-elle être appelée à se référer au droit national d’un Etat et dans quelle mesure les travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda devaient-ils être utilisés comme des précédents.

Les discussions sur l’étendue de la juridiction de la Cour et la définition des crimes continuèrent au sein du Comité préparatoire. Plus particulièrement, des discussions approfondirent les définitions des crimes devant relever de la juridiction de la Cour. Un consensus s’établit aisément sur le fait que tant le crime de génocide que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité devaient intégrer le champ de compétence matérielle de la Cour et la discussion porta dès lors essentiellement sur les définitions à apporter à ces crimes.

La question de ce qui fut baptisé « trigger mechanism», soit la manière dont la procédure devant la Cour pouvait être initiée, en référence à une situation ou à une

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41 Voir Adriaan Bos, From the Interna ional Law Commission to the Rome Confe ence (1994-1998), in Cassese, Gaeta, Jones, The Rome Statute, pp. 38-44.

42 ONU Doc. A/51/46, du 11 décembre 1995.

affaire, fut ensuite débattue. Cette problématique est étroitement liée à celle de l’acceptation de la juridiction de la Cour par les Etats. Deux opinions s’opposèrent sur ce point : l’une reconnaissant à la Cour une juridiction inhérente sur les crimes relevant de sa compétence, par le simple fait de l’adhésion de l’Etat au Statut, l’autre soumettant l’étendue de la juridiction de la Cour à une acceptation expresse de la part de chaque Etat partie. En matière de trigger mechanism, il fut envisagé de reconnaître le pouvoir d’initier des procédures devant la Cour aux Etats parties, au Procureur et au Conseil de sécurité, dont le rôle fut analysé par rapport à la définition de l’agression et à sa capacité d’une part, de déférer une situation à Cour, d’autre part, de provoquer la suspension des procédures menées devant la Cour en référence à une situation ou à une affaire particulière.

C’est au cours des travaux du Comité préparatoire qu’un groupe d’Etats favorables à la création d’une Cour pénale internationale indépendante et effective se regroupa sous l’appellation de Like-Minded States, appelés à jouer un rôle important jusqu’à l’issue favorable de la conférence de Rome.

En matière de définition des crimes, il fut aisé de convenir d’une définition du crime de génocide qui reprit exactement celle figurant dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Le projet de définition des crimes contre l’humanité fut également relativement facilement atteint. Bien que la liste des actes constitutifs de crimes contre l’humanité variât au cours des discussions du Comité préparatoire, la principale question fut de déterminer si un lien devait ou non être exigé entre ces crimes et un conflit armé, international ou non international, et s’ils devaient être commis de manière généralisée et systématique, ou bien généralisée ou systématique.

La définition des crimes de guerre se répartit entre deux propositions, l’une limitant l’approche aux infractions graves aux Conventions de Genève, l’autre, soutenue notamment par la Nouvelle-Zélande et la Suisse mais préparée en fait par le Comité international de la Croix-Rouge, élargissant la notion des infractions graves aux Conventions à celles également au Premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève ainsi qu’à d’autres violations graves des lois et coutumes de la guerre, basées essentiellement sur le Règlement de La Haye de 1907 et, plus novateur encore, aux violations graves des normes applicables aux conflits armés de caractère non international, basées essentiellement sur l’article 3 commun aux Conventions de Genève et leur Deuxième Protocole additionnel. Les représentants du Comité international de la Croix-Rouge soulignèrent effectivement que la plupart des conflits actuels sont de caractère non international et que la Cour devait donc également exercer sa juridiction sur des crimes commis en ces occasions.

Par contre, le Comité préparatoire ne put atteindre de compromis quant à l’inclusion du crime d’agression dans la compétence matérielle de la Cour, encore moins quant à une définition généralement acceptable de ce crime, malgré une proposition de l’Allemagne, essentiellement basée sur la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies, du 14 janvier 1974. Le point d’achoppement fut une fois de plus de déterminer le rôle du Conseil de sécurité.

En matière de juridiction de la Cour, il faut relever l’apport essentiel que fut la proposition de mettre en place une Chambre préliminaire chargée de donner son accord à l’ouverture d’une procédure lorsque celle-ci sera initiée soit par un Etat partie, soit par le Procureur. Outre le fait de présenter un bon compromis entre les approches de culture anglo-saxonne et continentale, elle permit surtout de recueillir

un plus important soutien à la reconnaissance au Procureur de pouvoir saisir la Cour,proprio motu.

Le Comité préparatoire aboutit ainsi à un certain nombre de conclusions. Il n’était plus question de savoir si une Cour pénale internationale devait être créée mais de déterminer quel type de juridiction était susceptible de recevoir le plus large soutien et de servir au mieux les besoins de la communauté internationale. Les travaux du Comité préparatoire s’échelonnèrent sur un total de neuf semaines réparties en quatre sessions se terminant en avril 1998 et ne firent pas l’objet d’un rapport formel, simplement de l’enregistrement des travaux comme documents des Nations Unies. Le Comité soumit à l’Assemblée générale des Nations Unies une recommandation soutenant que la tenue d’une Conférence diplomatique dans le courant de l’année 1998 était possible, accompagnant un projet de Statut consolidé, basé sur les travaux de la Commission du droit international.

Enfin, afin de compléter et de finaliser les travaux du Comité préparatoire, relevons la réunion intersession de Zutphen, qui se tint du 19 au 30 janvier 1998, avec pour but d’identifier les problèmes nécessitant de plus amples discussions et ceux qui n’auraient pas encore été discutés. Le texte consolidé issu de cette réunion offrit pour la première fois une alternative complète et cohérente au projet de la Commission du droit international. Il contenait toutes les propositions élaborées et proposées durant les travaux du Comité ad hoc et du Comité préparatoire43.

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