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Une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile

B. Eléments psychologiques

1. Intention

1. L’auteur entend, par son comportement, participer à l’attaque généralisée ou systématique en cours contre une population civile ; et

2. L’auteur entend adopter son comportement homicide ; et

3. L’auteur entend provoquer la mort comme résultat de ce comportement.

2. Connaissance

1. L’auteur sait qu’une attaque généralisée ou systématique est en cours contre une population civile ; et

2. L’auteur sait que la mort sera le résultat de son comportement.

L’extermination

L’extermination constitue l’un des crimes contre l’humanité dans tous les instruments internationaux, de l’Accord de Londres créant le Tribunal militaire international de Nuremberg, jusqu’au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Toutefois, le Statut de Rome est le premier instrument international à préciser quelque peu le champ de ce crime, par lequel il faut entendre, notamment, le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population 1. Par sa formulation, plus qu’une définition de l’extermination, cette disposition n’est toutefois qu’un exemple de ce qu’elle peut être et ne mentionne pas les éléments essentiels que l’on peut tirer du sens courant du mot et de la jurisprudence internationale.

Il est intéressant de relever que le sens premier de l’extermination signifie bannir, chasser, exiler, du latin exterminare, de « ex », signifiant « hors de », et

«terminus », borne, limite ou frontière (Gaffiot). Ainsi, Cicéron l’employait dans le sens de retrancher quelqu’un de la communauté humaine, par l’exil : « Aliquem ex hominum communitate exterminare » 2. C’est encore dans ce sens que l’entend Voltaire :

«Exterminez, grands dieux, de la terre où nous sommes, Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes ». C’est bien de ceci qu’il s’agit à l’article 7 du Statut de la Cour pénale internationale, de retrancher quelqu’un de l’humanité, non par l’exil mais, de manière plus définitive, par la mort. L’extermination a donc acquis, dans le langage courant, le sens de faire disparaître ou périr entièrement (Littré).

En ce sens, comme le meurtre, elle est la négation du droit à la vie et le bien protégé est ici à nouveau la vie de la victime. Ce droit à la vie fait également l’objet d’une vision élargie incluant des dimensions sociales et économiques, parfois appelé

«right to live » 3. Selon cette approche, le droit à la vie inclut un droit à la nourriture,

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1 Voir Art. 7 §2 lit. (b) CPI.

2 Cicéron, De officiis, 3, 32.

3 Voir Bertrand G. Ramcharan, The right to Life, (1983), 30 NILR 297, cité par William A. Schabas, The Abolition of the Dea h Penalty in Interna ional Law, p. 9.

aux soins médicaux et à un environnement sain 4. Cette approche permet d’analyser l’extermination comme crime contre l’humanité dans le Statut de la Cour pénale internationale sous l’angle d’une violation du droit à la vie, tant dans sa dimension de meurtres de masse que dans celle de mise en danger de la population, par sa soumission à des conditions de vie calculées pour provoquer sa destruction d’une partie de la population, notamment par la privation d’accès à la nourriture ou aux médicaments5.

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4 C’est l’approche adoptée par le Comité des droits de l’homme, General Comment 6(16), ONU Doc.

CCPR/C/21/Add.1 et General Comment 14(23), ONU Doc. A/40/40, Annex XX, UN Doc. CCPR/C/SR.563, §1;

cette approche est partagée par certains pays, not. le Canada, voirInitial Report of Canada, ONU Doc.

CCPR/C/1/Add.43 ; voir également William A. Schabas,The Abolition of the Dea h Penalty in International Law, p. 9.

5 Voir art. 7 §1 lit. (b) et §2 lit. (b) CPI.

I. L’extermination en droit international

C’est à Nuremberg que le crime contre l’humanité d’extermination fit son apparition et acquit une autonomie, qui le distingua dès lors des meurtres commis massivement. La définition de ce crime ne semble toutefois pas avoir été abordée durant les discussions qui menèrent à l’Accord de Londres. Il a été suggéré que les auteurs de la Charte de Nuremberg y inclurent l’extermination dans le but de « bring the earlier stages in the organization of a policy of extermination under the action of law, and that steps which are too remote from an individual act of homicide to constitute complicity in that act may be punishable as complicity in the crime of extermination » 6. Il convient également de relever qu’en l’absence de toute incrimination relative au terme de génocide, inexistant avant la Convention de 1948, l’extermination fut largement comprise comme recouvrant des actes que l’on qualifierait aujourd’hui de génocide, notamment l’extermination des Juifs.

C’est au Procureur américain à Nuremberg, Robert H. Jackson, qu’il revint de clarifier la notion dans son Opening Speech : «the Nazi conspiracy (…) always contemplated not merely overcoming current opposition, but exterminating elements which could not be reconciled with its philosophy of the State. (…) The persecution policy against the Jews commenced with non-violent measures, such as disfranchisement and discriminations against their religion, and the placing of impediments in the way of success in economic life. It moved rapidly to organised mass violence against them, physical isolation in ghettos, deportation, forced labour, mass starvation, and extermination. (…) The conspiracy or common plan to exterminate the Jews was so methodically thoroughly pursued, that despite the German defeat and Nazi prostration this Nazi aim largely succeeded». Le Procureur Jackson qualifia également les expériences scientifiques auxquelles les Nazis se livrèrent comme l’extermination des indésirables7.

Le jugement du Tribunal de Nuremberg contient un certain nombre de références au crime d’extermination, couvrant en substance une large pratique du meurtre dirigée contre des groupes d’individus, essentiellement des Juifs, des Polonais, des malades mentaux et des communistes, quels que fussent les moyens utilisés pour tuer ces personnes 8.

L’interprétation de l’extermination dans le sens de meurtres commis massivement est reprise par la Commission des Nations Unies sur les Crimes de Guerre en 1948, qui précise : « The inclusion of both “extermination” and “murder” may be taken to mean that implication in the policy of extermination, without any direct connection with actual criminal acts of murder, may be punished as complicity in the crime of extermination » 9. D’autres jugements rendus à cette époque reprirent, dans le même sens, l’incrimination de l’extermination, sans toutefois jamais essayer de la définir clairement et semblant en réserver le reproche aux personnes occupant une fonction

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6 Egon Schwelb,Crimes against humani y, British Yearbook of International Law, 1946, 178, 192, citéin TPIY, Vasiljevic, §217, note 564.

7 Robert H. Jackson,Opening Speeches of the Chief Prosecutors, The Trial of German Major War Criminals by the International Military Tribunal Sitting at Nuremberg, Germany, 20 November 1945, pp. 13-18, citéin TPIY, Vasiljevic, §220, notes 565-566.

8 Voir Jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg, §§49, 51, 58, 60-61, 72-73, 76-77.

9 VoirHistory of the United Nations War Crimes Commission and the Development of the Laws of War, Compiled by the United Nations War Crimes Commission, 1948, p 194.

hiérarchique relativement élevée, les simples exécutants étant généralement poursuivis pour assassinat 10.

L’extermination apparaît également à l’article 32 de la Quatrième Convention de Genève de 1949 qui interdit expressément toute mesure de nature à causer soit des souffrances physiques, soit l’extermination des personnes protégées au pouvoir d’une Haute Partie contractante. Le Commentaire de cette disposition relève que la notion d’extermination peut être rapprochée de celle de meurtre, à ceci près que si

«l’homicide est la négation du droit à l’existence d’un individu, l’extermination refuse le même droit à des groupes humains entiers ; elle est un crime collectif, consistant en une multitude de meurtres individuels » 11.

La Cour de district de Jérusalem, dans le jugement condamnant Eichmann, fit un très large usage du terme extermination, l’employant pour décrire toute action de tuer, annihiler, détruire ou éliminer massivement des personnes humaines. Il est donc difficile de discerner l’exacte notion de l’extermination dans ce vaste étalage de synonymes, d’autant plus que la Cour ne fait pas de distinction entre l’extermination en tant que crimes contre l’humanité et en tant que génocide. Toutefois, il apparaît que les éléments constitutifs de ce crime contre l’humanité sont à rechercher dans un grand nombre de meurtres attentés contre un groupe de personnes, en connaissance de l’ampleur des meurtres commis, sans que la manière de procéder ne soit relevante12.

L’extermination, dans le Statut de la Cour pénale internationale, n’est pas propre aux crimes contre l’humanité. Faire disparaître ou périr entièrement des groupes de personnes nous rapprochera tout d’abord du meurtre mais aussi, de par son caractère massif, du génocide. Enfin, le crime de guerre d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant notamment des biens indispensables à leur survie n’est pas totalement étranger au fait de créer des conditions de vie propres à entraîner la destruction d’une partie de la population, tel que l’entend l’article 7 du Statut.

10 Voir not. Etats-Unis c. Altsötter et autres (« Justice case»), Etats-Unis c. Ohlendorf et autres Einsatzgruppen case »), Etats-Unis c. Brandt et autres (« Medical case »).

11 CICR, Commentaire à la IVème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,ad art. 32, p. 240.

12 Voir Cour de district de Jérusalemin Attorney-general v. Adolph Eichmann, not. §§ 11, 33, 35, 38, 79, 93, 110, 111, 117, 120, 122, 126, 127, 155, 162-165, 167, 169, 182, 186, 190-191, 194, 195 et 201,in ILR 36, pp. 5 et ss ; en appel, Cour Suprême d’Israël, ILR 36, pp. 277 et ss.

II. Imposer des conditions de vie propres à entraîner la

destruction de personnes comme génocide et crimes de

guerre dans le Statut de Rome

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