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Une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile

C. Les exécutions extrajudiciaires

La Commission des droits de l’homme a créé le mandat d’un Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires et arbitraires en 1982. Depuis, des rapports annuels sont présentés à la Commission sur ces questions. Le Rapporteur spécial, Madame Asma Jahangir depuis 1998, intervient notamment dans les cas de crimes contre l’humanité.

16 Arrêt de la Cour EDH dans l’affaireMcCann et autres c. Royaume-Uni, du 27 septembre 1995, A324, §213.

17 Voir respectivement art. 12 Conv. I et II, art. 13 Conv. III et art. 32 Conv. IV ; en ce qui concerne les infractions graves, voir art. commun 50 Conv. I, 51 Conv. II, 130 Conv. III et 147 Conv. IV.

Dans les cas d’exécutions sommaires, la sentence de mort est usuellement prononcée par un tribunal spécial, tribunal du peuple, cour révolutionnaire ou tribunal militaire, toutes juridictions n’appliquant pas les règles habituelles de procédure ; les procédure se tiennent souvent in camera, sans que l’accusé ne soit représenté par un conseil ni ne se voie reconnaître de droit de recourir contre la décision qui le condamne, l’exécution suivant rapidement ladite condamnation18.

Dans son rapport couvrant la période du 2 décembre 2001 au 1er décembre 200219, Madame le Rapporteur spécial déclare avoir envoyé cent quatre-vingt-huit appels urgents en faveur de plusieurs milliers de personnes et de plusieurs groupes de personnes à cinquante-cinq pays, plus l’Autorité palestinienne. Elle a par ailleurs transmis cinquante-six lettres à quarante-deux pays dénonçant des violations du droit à la vie frappant un grand nombre de particulier et de groupes20. Ceci démontre l’ampleur du problème.

Le rapport dénonce particulièrement les décès dus à l’emploi excessif de la force et les décès en détention, ceux dus à des attaques ou à des meurtres perpétrés par les forces de sécurité, des groupes paramilitaires ou des forces privées coopérant avec le gouvernement ou tolérées par celui-ci, l’imposition de la peine capitale par des tribunaux d’exception ou de toute autre manière en violation des restrictions du droit international et les menaces de mort dont sont victimes des journalistes ou des défenseurs des droits de l’homme 21.

Le rapport s’intéresse aussi aux exécutions touchant certains groupes de personnes comme les réfugiés, les femmes et les enfants, les membres de minorités nationales, ethniques, religieuses, linguistiques ou sexuelles. Il dénonce enfin l’impunité qui règne le plus souvent et souligne l’importance de la Cour pénale internationale pour y mettre un terme 22.

En 2003, le Rapporteur spécial a soumis des rapports spécifiques à certaines situations particulièrement préoccupantes, concernant l’Afghanistan, la République démocratique du Congo et le Honduras 23.

Toutes ces situations ont en commun la mort de nombreuses personnes, tuées par les forces armées ou de police d’un Etat ou des forces privées associées à l’Etat ou tolérées par lui, en dehors de tout contrôle de la loi et notamment du droit international. Par exécutions extrajudiciaires, il convient donc de comprendre tous les meurtres perpétrés au nom de l’Etat ou avec son accord, au moins tacite, en dehors des cas prévus par le droit international. La criminalité individuelle n’est pas ici prise en considération 24.

On peut citer, par exemple en Afghanistan, et pour s’en tenir aux violations actuelles, sans entrer dans l’historique du régime taliban, l’exécution sommaire de ceux qui refusent d’être incorporés dans des milices locales, dans le nord du pays, ou l’attaque par les forces américaines d’une fête de mariage à Paghman en octobre 2002 ou encore l’exécution de vingt civils à Borgh, dans le district de Chemtal en janvier 200225.

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18 Voir William A. Schabas,The Abolition of the Dea h Penalty in Interna ional Law, p. 101.

19 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3.

20 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3, pp. 11-13.

21 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3, pp. 14-19.

22 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3, pp. 19-22.

23 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3/Add. 2 (Honduras), Add. 3 (RDC), Add. 4 (Afghanistan).

24 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3, pp. 7-9.

25 Voir Nations Unies, Doc. E/CN.4/2003/3/Add. 4 (Afghanistan).

On peut précisément citer ce cas symptomatique, qui s’est déroulé en août 2002 dans la province de Kandahar : « A recent recruit of the army had allegedly fired shots at a patrol of United States troops driving by. The American forces left the area, and subsequently the local commander managed to convince the recruit to hand over his weapon.

It is reported that the commander then shot and killed the recruit on the spot. It is further reported that the following day the body of the recruit was found hanging from a lamppost in Kandahar with a sign attached to his body with an inscription in Urdu reading ‘This is what happens to those who shoot at the Americans’ » 26.

En République démocratique du Congo, les événements ayant présidé à la visite du Rapporteur spécial se sont déroulé le 14 mai 2002 et immédiatement après, à Kisangani. Le rapport établit l’exécution sommaire d’au moins quarante-huit civils et quarante et un soldats et policiers, relevant notamment l’épisode suivant :

«Pendant la nuit du 14 mai [2002], on a également vu des camions transportant des policiers et des soldats en état d’arrestation arriver au pont de Tshopo et à UNIBRA beach. Des soldats du RCD-Goma auraient bloqué tous les accès au pont avant cette opération. D’après les témoins, un grand nombre de policiers et de soldats, les mains liées, avaient reçu l’ordre de se coucher par terre et avaient ensuite été abattus, tués à coups de machette ou égorgés sur le pont de Tshopo par des soldats loyalistes du RCD-Goma » 27.

Enfin, la caractéristique essentielle du Rapport relatif aux exécutions sommaires au Honduras touche les enfants des rues. Entre 1998 et 2000, les organisations non gouvernementales ont recensé six cent six cas d’exécutions sommaires dont trois cent soixante-huit concernaient des enfants. Le rapport mentionne particulièrement deux cas : « In a letter addressed to the Minister for Public Security of 6 August 1999, the Special Rapporteur raised the case of Alexander Obando Reyes, 17 years of age, who was allegedly killed by police in April 1999. It was reported that Reyes was in a park in Tegucigalpa together with a friend when, at around 10 p.m., a police officer appeared and opened fire, injuring Reyes in his abdomen and chest. Reyes allegedly died the following day at hospital. (…) In the same letter, the Special Rapporteur also referred to the case of Edy Nahum Donaire Ortega, 17 years old, who died after having been shot by police officers on 21 January 2000. It appears that Ortega had been arrested and was being taken back to the police station after having appeared before a court, when he escaped. A police officer reportedly apprehended Ortega, who was unarmed, and shot him in the leg. He allegedly died from loss of blood, as the bullet had severed an artery » 28.

Les cas d’exécutions extrajudiciaires sont donc suffisamment nombreux et préoccupants pour justifier le mandat d’un Rapporteur spécial qui, depuis maintenant vingt-deux ans, dénonce des cas similaires de violation du droit à la vie.

Le Rapporteur spécial intervient, nous l’avons dit, particulièrement en cas de crime contre l’humanité, considérant à juste titre que ces exécutions sommaires ou arbitraires, vu leur caractère massif et systématique dans certains pays, peuvent relever du meurtre au sens de l’article 7 paragraphe 1 lettre (a) du Statut de Rome 29.

26 Voir Nations Unies, Doc. E/CN.4/2003/3/Add. 4 (Afghanistan).

27 Voir Nations Unies, Doc. E/CN.4/2003/3/Add. 3 (RDC).

28 Voir Nations Unies, Doc. E/CN.4/2003/3/Add. 2 (Honduras).

29 Voir ONU Doc. E/CN.4/2003/3, pp. 7-9.

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