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Conclusion : les éléments constitutifs de l’extermination

Une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile

D. La mort comme résultat du crime

VI. Conclusion : les éléments constitutifs de l’extermination

En conclusion, la jurisprudence internationale a déterminé comme suit les éléments constitutifs du crime contre l’humanité d’extermination : « Vu ce qui précède, la Chambre a défini comme suit les éléments constitutifs de l’extermination : Par son acte ou ses actes ou omission(s), l’auteur participe à une tuerie généralisée de personnes ou à leur soumission à des conditions d’existence devant entraîner leur mort à grande échelle ; dans l’intention de donner la mort, ou en faisant preuve d’une insouciance grave, peu lui important que la mort résulte ou non d’un tel acte ou d’une telle omission ou de tels actes ou omissions ; en étant conscient du fait que ledit acte ou ladite omission ou lesdits actes ou omissions s’inscrivent dans le cadre d’une tuerie à grande échelle ; et qu’ils font partie intégrante d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse » 67.

De manière comparable, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a retenu comme éléments constitutifs de ce crime : « 1. L’élément matériel (actus reus) de l’extermination consiste en un acte ou un ensemble d’actes contribuant au meurtre d’un grand nombre de personnes. 2. l’auteur doit avoir eu l’intention de tuer, d’infliger des sévices graves ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique des victimes, en pouvant raisonnablement prévoir que ses actes ou omissions étaient de nature à entraîner la mort, ou encore avoir eu l’intention de participer à l’élimination d’un certain nombre de personnes, sachant que ses actes s’inscrivaient dans le cadre d’une vaste entreprise meurtrière dans laquelle un grand nombre de personnes étaient systématiquement vouées à la mort ou exécutées (mens rea) » 68.

L’Assemblée des Etats parties de la Cour pénale internationale a retenu quant à elle les éléments suivants :

«1. L’auteur a tué une ou plusieurs personnes, notamment en les soumettant à des conditions d’existence propres à entraîner la destruction d’une partie d’une population.

2. Les actes constituaient un massacre de membres d’une population civile ou en faisaient partie.

3. Le comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile.

4. L’auteur savait que ce comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ou entendait qu’il en fasse partie » 69.

L’Assemblée ajoute à ces éléments trois précisions, rédigées en note de bas de page. Elle relève premièrement, par rapport au fait que l’auteur a tué une ou plusieurs personnes, que ces actes peuvent impliquer différentes méthodes de meurtre, tant directe, c’est-à-dire provoquant immédiatement la mort, qu’indirecte, c’est-à-dire créant des conditions de vie desquelles la mort résultera. Ainsi, le fait de soumettre un groupe de personnes à des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction est un « meurtre indirect » 70. Ceci n’a pas beaucoup de sens et contrevient à la nature du crime qui est, sur ce point, une infraction de mise en

67 TPIR, Kayishema et Ruzindana, §144 ; voir également TPIR, Akayesu, §6.4 ; TPIR, Musema, §§217-219 ; TPIR, Bagilishema, §§88-89.

68 TPIY, Vasiljevic, §§226-229.

69Eléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Extermination, p. 120.

70 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Extermination, note 8, p. 120.

danger. Il convient donc d’accepter la double nature de l’extermination en distinguant d’une part, le fait de soumettre un groupe de personnes à des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique totale ou partielle et, d’autre part, le meurtre massif d’un groupe de personnes.

L’Assemblée reconnaît ensuite que les conditions d’existence propres à entraîner la destruction d’une partie de la population, comme nous l’avons relevé de la jurisprudence internationale, pourraient être infligées par la privation d’accès à la nourriture ou à des médicaments. Elle ne fait ici que reprendre expressément les termes du Statut, qui dispose lui-même que les conditions de vies imposées au groupe sont « telles que la privation d’accès à la nourriture ou aux médicaments», ce qui n’apporte rien 71.

Enfin, dans l’exigence que le comportement de l’auteur fasse partie d’un massacre, l’Assemblée précise que ceci inclut «l’acte initial dans un massacre », sans préciser ce qu’il convient de comprendre par là72. En effet, il semble alors qu’un massacre commence par un « acte initial», un meurtre individuel, qui provoque les autres meurtres commis ensuite. Un massacre au sens ou l’entend l’Assemblée et le Statut en matière d’extermination, est un crime massif commis à l’encontre d’un groupe de personnes. Il n’y a donc pas d’acte initial suivi d’actes conséquents mais un comportement à apprécier dans sa globalité, comme un tout.

En conséquence, nous pouvons exposer systématiquement comme suit les éléments constitutifs de l’extermination en tant que crime contre l’humanité dans le Statut de la Cour pénale internationale.

A. Eléments matériels

1. Dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, et

2. Dans le cadre d’une tuerie généralisée d’un groupe de personnes, 3. L’auteur

a. a tué une ou plusieurs personnes, ou

b. a imposé à un groupe de personnes des conditions de vies propres à entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

B. Eléments psychologiques

1. Intention

1. L’auteur entend, par son comportement, participer à l’attaque généralisée ou systématique en cours contre une population civile ; et

2. L’auteur entend

a. provoquer la mort comme résultat de ce comportement ; ou

71 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Extermination, note 9, p. 120.

72 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Extermination, note 10, p. 120.

b. imposer des conditions de vies calculées pour entraîner la destruction physique d’une partie au moins d’un groupe de personne civiles visé.

2. Connaissance

1. L’auteur sait qu’une attaque généralisée ou systématique est en cours contre une population civile ; et

2. L’auteur sait qu’une tuerie généralisée d’un groupe de personnes est en cours ; et

3. L’auteur sait que la destruction physique d’une partie de la population visée peut être le résultat de son comportement.

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