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L’adoption des Eléments des crimes par l’Assemblée des Etats parties

La nature des Elément des crimes contre l’humanité dans le Statut de la Cour pénale

C. Conformité des Eléments des crimes au Statut

IV. L’adoption des Eléments des crimes par l’Assemblée des Etats parties

Le texte final du projet d’éléments des crimes a été adopté par la Commission préparatoire le 1ernovembre 2000, avant de l’être par l’Assemblée des Etats parties lors de sa session de septembre 2002, sans aucune modification 36. L’introduction générale à ce document souligne sa conformité au Statut dont les dispositions, y compris celle de l’article 21 consacré au droit applicable, sont applicables aux éléments des crimes.

L’Assemblée a ensuite traité de manière générale pour tous les crimes l’élément psychologique de l’article 30 du Statut, sauf éléments particuliers à tel ou tel crime, ce qui se conçoit logiquement. Toutefois, l’ASsemblée n’apporte pas d’autres éléments à ceux existants au sein de l’article 30 du Statut 37.

La structure adoptée par la Commission et adoptée par l’Assemblée des Etats parties mentionne premièrement les éléments relatifs au comportement, les conséquences ou les circonstances associées à chaque infraction, puis, en tant que nécessaire, un élément psychologique particulier, les circonstances contextuelles enfin. Le nombre important de notes explicatives subsistant dans le texte final adopté par la Commission préparatoire démontre les difficultés rencontrées, malgré les efforts de simplification du texte entrepris lors des deux dernières sessions de ses travaux. Vu l’absence de toute mention spécifique à la valeur de ces notes explicatives, nous devons les considérer, à ce stade, comme partie intégrante du texte et leur accorder la même valeur normative38.

Plus spécifiquement, la Commission a traité les éléments constitutifs de crimes contre l’humanité, en relevant premièrement : « Comme l’article 7 relève du droit pénal international, ses dispositions, conformément à l’article 22, doivent être interprétées strictement, compte tenu du fait que les crimes contre l’humanité tels qu’ils y sont définis sont parmi les crimes les plus graves qui concernent l’ensemble de la communauté internationale, qu’ils engagent la responsabilité pénale individuelle et supposent une conduite inadmissible au regard du droit international général applicable tel qu’il est reconnu par les principaux systèmes juridiques du monde»39.

Vus sous cet angle, les éléments adoptés par l’Assemblée des Etats parties se contentent, le plus souvent, d’une réécriture sous une forme systématique des éléments établis directement par le Statut de Rome. Par exemple, le Statut incrimine comme crime contre l’humanité à l’article 7 paragraphe 1 lettre (a) : le « meurtre »,

«lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque». Les éléments des crimes analysent donc le meurtre comme suit : « 1. L’auteur a tué une ou plusieurs personnes.

2. Le comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile. 3. L’auteur savait que ce comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ou entendait qu’il en fasse partie » 40, les points 2 et 3 étant systématiquement repris pour toutes les infractions énumérées à l’article 7. Il s’ensuit que les éléments spécifiques du meurtre se limitent

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36 CPI Doc. ICC-ASP/1/3, B. Eléments des crimes, pp. 119 et ss.

37 VoirEléments des crimes, Introduction générale, §2, p. 116.

38 Voir Mauro Politi,Elements of Crimes,in Cassese, Gaeta, Jones,The Rome S atute, vol. I. p. 451.

39Eléments des crimes, Introduction aux crimes contre l’humanité, §1, p. 119.

40Eléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Meurtre, art. 7 §1 lit. (a), p. 120.

au premier chiffre. Il n’y a guère que le viol, la prostitution forcée et les autres formes de violence sexuelle qui fassent l’objet de développements plus précis.

Certains des crimes contre l’humanité firent pourtant l’objet de débats fondamentaux au cours des travaux de la Commission préparatoire. L’une des questions les plus débattues porta sur la notion d’extermination et sur le point d’exiger ou non la mort d’une ou de plusieurs personnes comme résultat constitutif du crimes, alors que le Statut ne semble incriminer que le fait, notamment,

«d’imposer intentionnellement des conditions de vie (…) calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population». Finalement, les Eléments des crimes retiennent le fait que l’auteur a tué une ou plusieurs personnes, ce qui n’est pas notre conclusion41.

En matière de réduction en esclavage, une liste des pratiques esclavagistes fut proposée, mentionnant l’achat, la vente, le prêt, le troc de personnes ou d’autres formes de privation de liberté similaires, jugée par certaines délégations comme trop restrictive par rapport à la formulation du Statut. Une note explicative fut alors ajoutée, qui précise : « Il est entendu qu’une telle privation de liberté peut, dans certaines circonstances, inclure des travaux forcés ou d’autres moyens de réduire une personne à l’état de servitude, tel qu’il est défini dans la Convention supplémentaire de 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage. Il est aussi entendu que le comportement décrit dans cet élément inclut la traite d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants » 42.

En ce qui concerne la persécution, la question principale concerna la caractérisation des droits fondamentaux affectés par la conduite de l’auteur en tant qu’ «universellement reconnus» en droit international, ainsi que le lien qui devait unir la persécution aux autres actes constitutifs des crimes contre l’humanité ou des autres crimes relevant de la juridiction de la Cour43.

Dans trois autres cas, le texte de la Commission préparatoire contient une élaboration extensive des termes du Statut, relativement aux disparitions forcées, qui font l’objet de pas moins de six notes explicatives, et ne retrouvent pas leur formulation du Statut : le Statut mentionne les « disparitions forcées de personnes » au pluriel, les Eléments des crimes ne retiennent que « disparition forcée» au singulier 44, ou en ce qui concerne le « crime d’apartheid», qui ne s’y retrouve que sous l’appellation « Apartheid», qui n’est donc pas identique45. Le dernier cas est relatif aux diverses formes de violence sexuelle 46.

En ce qui concerne le crime de torture, la Commission préparatoire établit une distinction entre les éléments constitutifs de ce crime comme crime contre l’humanité et comme crime de guerre 47.

En l’état actuel, les Eléments des crimes n’apportent pas beaucoup de précisions supplémentaires par rapport au Statut, même si Mauro Politi voit en eux

41 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Extermination, art. 7 §1 lit. (b), p. 120. Voirinfra chapitre 6.

42Eléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Réduction en esclavage, art. 7 §1 lit. (c), p. 121, note 11.

43 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, persécution, art. 7 §1 lit. (h), p. 125.

44 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Disparition forcée, art. 7 §1 lit. (i), p. 126.

45 Voir art. 7 §1 lit. (k) et §2 lit. (h) CPI etEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Apartheid, p. 127.

46 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Viol, Esclavage sexuel, Prostitution forcée, Grossesse forcée, Stérilisation forcée, Autres formes de violences sexuelles, art. 7 §1 lit. (g), pp. 122-125.

47 VoirEléments des crimes, Crimes contre l’humanité, Torture, art. 7 §1 lit. (f), p. 122 et Crimes de guerre, Torture, art. 8 §2 lit. (a) ch. (ii), p. 129.

un instrument fondamental pour la Cour48. Darryl Robinson rappelle quant à lui que les crimes contre l’humanité furent les plus sensibles et les plus controversés durant les discussions de la Commission préparatoire 49.

Leur aide dans l’interprétation des crimes contre l’humanité demeure aujourd’hui assez théorique et illustre la difficulté d’établir, de manière générale et abstraite, les éléments constitutifs des crimes contre l’humanité. Ils ont au moins le mérite d’une réécriture systématique, point par point, replaçant ainsi clairement chacun des crimes contre l’humanité dans le cadre de l’attaque généralisée ou systématique.

48 Voir Mauro Politi,Elements of Crimes,in Cassese, Gaeta, Jones,The Rome S atutet , vol. I. p. 473.

49 Voir Darryl Robinson, The Elements of Crimes against Humanity,in Roy S. Lee,The International Criminal Court, Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, pp. 58-61.

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